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Elle est tacite, quand l'on fait un acte qui suppose nécessairement l'intention d'accepter, ou que l'on n'a droit de 778. faire qu'en qualité d'héritier. Telle est 1°. la donation, vente ou transport que ferait un héritier, de ses droits successifs, en faveur de quelques personnes que ce fût, même de tous ses cohéritiers, ou de quelques-uns d'eux.

[Tout ce que l'on peut supposer avoir été fait par l'héritier, avec une autre intention que celle d'accepter, n'emporte point acceptation ; et voici la règle qui me paraît avoir été suivie dans ce cas. Par l'acceptation, l'héritier devient maître, propriétaire, de tous les objets qui composent la succession. Or, la propriété est le droit de jouir et de disposer d'une chose. Si donc l'héritier a joui de la chose, c'est-à-dire s'il s'en est approprié les revenus; à plus forte raison, s'il a disposé de la chose elle-même, il a fait acte de propriétaire, et par conséquent d'héritier : Pro herede gerit, qui rebus hereditariis quasi dominus utitur. ( Ulpian. fragm., Tit. 22, § 26). C'est ce que suppose l'article 796, portant que l'héritier, qui veut vendre les objets périssables ou dispendieux à conserver, faisant partie de la succession, sans qu'on puisse induire de cet acte une acceptation, doit

faire autoriser. Mais si l'acte est tel, qu'on puisse supposer que l'héritier en le faisant, a eu seulement l'intention de gérer les affaires de la succession, il n'en résultera pas acceptation. (Argument tiré de l'art. 779).

Il suit de ces principes, qu'on n'est pas réputé héritier, parce qu'on a payé les frais funéraires. On a pu le faire, pietatis causá. (L. 20, § 1, ff. de adquir. vel omitt. hered.)

Quid, si l'héritier présumé a payé d'autres dettes de la succession? Je pense qu'il faut distinguer: S'il a payé de ses deniers, il a pu le faire animo gerendi negotia hereditatis.` L'acte ne suppose donc pas nécessairement de sa part l'intention d'accepter. S'il a payé des deniers de la succession, il a disposé, puisque le paiement est un moyen de transférer la propriété. Il a donc fait acte d'héritier, quelque déclaration qu'il ait faite d'ailleurs. Telle paraît être aussi l'opinion de COQUILLE, sur l'art. 26 de la Coutume de Nivernais, Titre des Successions.

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Mais je ne pense pas que l'héritier puisse être regardé comme ayant accepté, parce qu'il a pris les clefs du défunt, et même les titres de la succession, dans le cas, toutefois, où les scellés n'ont pas été apposés; il a pu le faire dans l'intention de veiller à la conservation des biens ou des titres. Ainsi jugé par arrêt du 26 mai 1674, rapporté au journal du Palais.

L'acceptation étant un acte de l'intention, plus encore que de fait, peut résulter même de la disposition d'une chose qui n'appartenait pas au défunt, si l'héritier croyait qu'elle lui appartenait, et qu'elle faisait en conséquence partie de la succession. (LL. 21, § 1, et 88, ff. de adquir. vel omitt, hered.) Par la raison contraire celui qui dispose d'une chose de la succession, croyant que cette chose lui appartient en propre, ne fait pas acte d'héritier. (L. 87, ff. Eod.)

Mais celui qui, sachant qu'une succession lui est déférée, a disposé par testament de quelque objet qui en dépend, a fait bien certainement acte d'héritier. ( L. 86, § 2, Eod.)

Quid, si l'héritier légitime a demandé la nullité du testament? Cela emporte acceptation. S'il ne voulait pas être héritier, quel intérêt avait-il d'attaquer le testament?

Quid, s'il était fondé de pouvoir du défunt, et qu'il ait continué de faire en cette qualité, après le décès, des actes inhérens à la propriété? Il faut distinguer: s'il ne connaissait pas le décès, il n'a pu faire acte d'héritier, comme nous l'établirons ci-après. S'il le connaissait, il faut encore distinguer: s'il a fait seulement les actes pour lesquels il y avait péril en la demeure, il n'est pas censé avoir accepté, puisqu'il eût été responsable, s'il ne les eût pas faits. (Article 1991.) Mais s'il a fait tout autre acte de propriétaire, cela emportera acceptation, parce que, hors le cas d'urgence mandatum finitur morte mandantis: il n'a donc pu faire ces actes comme mandataire, mais seulement comme propriétaire, ou, ce qui est la même chose, comme héritier. Par la même raison, s'il était en société avec le défunt, et que postérieurement au décès, il ait usé des choses communes, il ne sera pas censé avoir fait acte d'héritier, puisqu'il avait ce droit, du vivant même de son co-associé (Art.

1859); Nisi, dit la loi 78, Eod., eo consilio usus esset, quod vellet se heredem esse.

Quid, si, en faisant un acte emportant évidemment acceptation, il a protesté qu'il n'entendait pas qu'on pût induire de cet acte une acceptation? Les protestations sont nulles. Elles sont, comme dit POTHIER, démenties par la nature de l'acte. Que dirait-on, en effet, d'un homme qui s'appropriant, sans nulle cause légitime, quelque chose qui ne lui appartient pas, protesterait qu'il n'entend pas qu'on impute cela à aucun dessein criminel de sa part? C'est aussi l'avis de DUMOULIN sur l'art. 425 de la Coutume du Bourbonnais, et de LEBRUN, L. 3, chap. 8, sect. 2 n° 27.

Quid, s'il a poursuivi le meurtre du défunt?

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Mais remarquez que, pour qu'une succession puisse être acceptée, expressément ou tacitement, il faut le concours de quatre circonstances: 1o que la succession soit ouverte; 2o que l'héritier sache qu'elle est ouverte; 5o qu'elle soit déférée à l'acceptant; 4° enfin qu'il sache qu'elle lui est déférée.

Il faut 1° qu'elle soit ouverte. Si donc j'accepte une succession, croyant qu'elle est ouverte; et qu'elle ne le soit pas, l'acceptation est nulle, quand même cette succession viendrait à s'ouvrir par la suite en ma faveur. (L. 27, ff. de adquir. vel omitt. heredit.

Il faut 2° que l'héritier sache que la succession est ouverte. Si je m'immisce dans les affaires d'une personne dont je suis héritier, mais ayant des raisons probables de croire qu'elle est encore vivante, quoiqu'elle soit décédée, je ne suis pas censé accepter. (L. 52, ff. Eod.)

Il faut 3° que la succession soit déférée à l'acceptant. (L. 21, § 2. Eod.) Si donc le successible était, au moment de l'ouverture de la succession, incapable de recueillir la succession; putà, s'il était mort civilement, l'acceptation serait nulle, quand même l'incapacité viendrait à cesser par la suite. Sic jugé en Cassation le 16 mai 1815. (Bulletin, no 35.)

4°. Enfin, il faut que l'acceptant sache que la succession

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lui est déférée. Si donc, ayant des raisons probables de penser qu'une succession à laquelle je suis effectivement ap→ pelé, est dévolue à un autre, je m'immisce dans les affaires de cette succession, croyant travailler dans l'intérêt de l'héritier prétendu, je ne suis pas censé faire acte d'héritier.]

[On conçoit que la vente, ou le transport que fait un héritier de ses droits successifs, même en faveur de quelques-uns de ses héritiers, emporte acceptation. On ne' vend, on ne transporte que ce dont on est propriétaire; et l'héritier ne peut être propriétaire de sa part, qu'autant qu'il a accepté. Il en est de même de la donation de ces mêmes droits, quand elle est faite à un étranger, ou à quelquesuns des cohéritiers. Mais on ne voit pas d'abord, comment la même donation faite au profit de tous les cohéritiers, et sans aucune charge, peut emporter acceptation, puisqu'au premier coup d'œil, cela paraît être absolument la même chose qu'une renonciation pure et simple. Il est cependant très-vrai de dire qu'il y a, entre une pareille donation et une renonciation, une différence essentielle, ainsi que l'espèce suivante vå le démontrer.

Soient trois cohéritiers, Primus, Secundus, Tertius. Primus renonce; Secundus accepte; Tertius renonce. La succession appartiendra en totalité à Secundus. Si nous supposons maintenant que Tertius, au lieu de renoncer, a donné ses droits successifs à Primus et à Secundus, Primus, quoiqu'ayant renoncé, viendra prendre le quart de la succession, du chef de Tertius, qui avait droit à la moitié, par suite de la renonciation de Primus..

L'on voit par là qu'il s'en faut de beaucoup qu'une pareille donation vaille renonciation. De cette première différence, en découlent plusieurs autres :

1o. La donation serait sujette au retranchement pour la légitime des enfans du donateur. La renonciation ne le serait pas, à moins qu'il n'y eût fraude; si, par exemple, l'héritier avait renoncé à une succession évidemment avantageuse.

2o. La donation impose des obligations au donataire,

III.

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ne fût-ce que celle de fournir des alimens àu donateur, s'il se trouve dans le besoin. Il n'en est pas de même dans le cas de renonciation.

3o. La rénonciation est irrévocable, excepté pour dol, violence, ou erreur dans un seul cas. (Art. 783.) La donation est, en outre, révocable pour cause d'ingratitude de la part du donataire, et pour survenance d'enfans au donateur.]

2o. La renonciation même pure et simple à la succession, si elle n'est pas faite gratuitement.

[Autrefois cela n'était pas regardé comme une acceptation. (L. 24, ff. de adquir. vel omit. heredit.) Non vult heres esse, disait la loi 6, ff. de Regulis juris, qui ad alium transferre voluit hereditatem. Il est probable que les rédacteurs du Code ont regardé cela comme une espèce de vente des droits successifs. Cependant il y a réellement une différence. Car, dans l'espèce posée dans la note précédente, une pareille renonciation ne donnerait pas à un autre cohéritier, qui aurait renoncé auparavant, le droit de revenir à la succession. Au reste, la décision de l'article est formelle; il faut donc s'y tenir. C'était au surplus l'avis de DOMAT. Mais il se fondait, pour cela, sur la loi 2, ff., Si quis omissá causá testamenti, qui dit formellement le contraire: Pro herede gerere non videtur, dit cette loi. Elle ajoute à la vérité, qu'il est tenu des legs, mais c'était par une raison particulière; c'est que l'édit du préteur ordonnait que l'héritier légitime qui, étant en même temps institué par testament, aurait renoncé par fraude à l'hérédité testamentaire, à l'effet d'annuler par là le testament, et par suite les legs, seráit tenu des legs, comme s'il eût accepté. Mais il n'eût pas été tenu des dettes; donc il n'était pas censé héritier.]

3o. La renonciation même gratuite, si elle n'est faite qu'au 780. profit de quelques-uns des cohéritiers.

[ S'il avait renoncé purement et simplement, sa renonciation aurait profité à tous ses cohéritiers. Dès qu'il ne renonce qu'au profit de quelques-uns, c'est une disposition qu'il fait, de sa portion, en faveur de ceux-ci. Or, il ne

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