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devant le Tribunal de première instance de la situation des lieux. Les juges de paix ne peuvent connaître, dans cette matière, que de l'action possessoire résultant du déplacement des bornes existantes.

SECTION III.

Du Droit de Clôture, et de celui de Passage.

On n'entend pas ici par droit de clôture, celui qu'a tout propriétaire de clore son héritage : c'est un droit commun 647. et une dépendance du droit de propriété [ pourvu toutefois que la clôture ne soit pas faite de manière à faire refluer sur le fonds supérieur, les eaux qui en découlent naturellement]; et si l'article 647 renferme, à cet égard, une disposition expresse, c'est qu'il y avait quelques endroits dans lesquels il existait sur ce point des usages prohibitifs, auxquels il a été, avec raison, dérogé, mais toutefois avec la restriction que le propriétaire qui fait clore son héritage, perd le droit qu'il peut avoir au parcours et vaine pâture, en proportion du terrain qu'il y soustrait. 648.

[Il paraît que la prohibition dont on vient de parler existait assez généralement dans la province de Champagne, au moins jusqu'à l'année 1769, qu'il intervint un Édit du Roi, portant permission à tout propriétaire de se clore. (Voyez l'ancien DENISART, au mot Parcours, no 25). Au surplus, l'abrogation de ces usages avait déjà été prononcée par la loi du 6 octobre 1791, Tit. 1er, sect. IV, art. 4.]

[Le droit de vaine pâture est celui de mener ses bestiaux paître dans certains endroits désignés par les réglemens ruraux, tels que les grands chemins, les prés après la dépouille, les guérets et les terres en friche, les bois de haute futaie, les taillis après la quatrième ou la cinquième pousse suivant l'usage des lieux, les chaumes après un temps qui est réglé par les usages locaux; et généralement tous les héritages où il n'y a ni semences, ni fruits, et qui, par la loi où l'usage du lieu, ne sont pas en défense. Mais ce droit

ne peut être exercé par les habitans d'une commune, que sur les terres faisant partie du territoire de la commune : c'est pour cela qu'on y a ajouté, dans quelques endroits, le droit de parcours ou d'entre-cours, en vertu duquel les habitans de deux communes voisines peuvent envoyer mutuellement leurs bestiaux en pâturage, d'un territoire sur un autre. (Voyez la loi du 6 octobre 1791, Tit. 1er, section IV).

Dans l'ancienne Jurisprudence, le parcours pouvait avoir lieu, soit en vertu de la coutume, soit en vertu d'un titre, soit enfin par l'effet d'une possession immémoriale. Mais aux termes de l'article 2 de la loi précitée, Tit. 1o, sect. IV, il faut actuellement que ce droit soit fondé sur un titre, ou sur une possession autorisée par les lois ou les coutumes; hors ces cas, la possession immémoriale ne serait donc plus un titre suffisant pour en légitimer l'exercice. ]

[Si le propriétaire a clos la moitié de son terrain, il ne peut envoyer à la vaine pâture que la moitié de ses bestiaux, et ainsi à proportion. Cela est très-juste en théorie; mais il faut convenir que l'application peut entraîner beaucoup de difficultés. Au surplus, cette disposition suppose, comme cela est évident, que le propriétaire qui se clôt, soustrait, par cela seul, son terrain au droit de parcours et de vaine pâture. Il est bien certain qu'il le peut, lorsque le droit de vaine pâture est appuyé seulement sur la possession, ou sur la coutume; l'on peut comparer cela à un acte de pure faculté, qui, comme nous l'avons déjà vu, ne peut fonder de prescription. Mais le pourrait-il également, s'il y avait titre? La négative a été jugée par deux arrêts de Cassation, l'un du 14 fructidor an 9, et l'autre du 13 décembre 1808; (SIREY, 1809, 1oo partie, page 72); à la vérité sous l'empire de la loi de 1791, dont l'article 11, section IV, paraissait favoriser cette distinction. En serait-il de même sous le Code? On peut dire pour la négative, que l'article 647 paraît n'admettre d'autre exception au droit de se clore, que celle qui est portée dans l'article 682, pour le cas d'enclave. Cependant une disposition qui donnerait à une partie le droit de se soustraire à l'exécution d'une convention consentie par

elle ou par ses auteurs, est tellement exorbitante du droit commun, qu'il paraît difficile de l'admettre, à moins qu'elle ne soit formellement énoncée. Cette vérité est tellement reconnue, que, toutes les fois que le législateur a voulu accorder à une partie un droit contraire à la convention qu'elle avait formée, il a eu soin d'ajouter ces mots : nonobstant toute stipulation contraire, ou autres semblables. (Voyez les articles 1268, 1674, 2220, etc.) Je pense donc que, quand il y a titre, la faculté de se clore est interdite. Voir un arrêt de Rennes, du 27 mai 1812. (SIREY, 1815, 2o partie, pag. 102).

· Quid, dans l'espèce suivante? Un propriétaire, sujet à la vaine pâture, et dont le fonds se trouve intermédiaire entre deux fonds sujets au même droit, veut se clore. Doitil laisser sur son terrain le passage libre aux bestiaux qui vont se rendre du fonds supérieur, sur les fonds inférieurs, ou vice versa, pour jouir de la vaine pâture? L'affirmative ne me paraît pas douteuse, s'il n'existe pas d'autre moyen convenable de communication. (Art. 682). Mais une seconde question est de savoir s'il lui est dû, ou non, indemnité. On peut dire, pour la négative, que les proprié– taires des fonds supérieurs, que l'on suppose avoir passé de temps immémorial sur le fonds actuellement clos, paraissent avoir prescrit l'indemnité, conformément à l'article 685. Mais l'on peut répondre que ce fonds étant lui-même alors sujet à la vaine pâture, les bestiaux le parcouraient, moins pour y passer, que pour y paître, comme partout ailleurs. Le propriétaire n'avait donc aucune action pour réclamer une indemnité. La prescription ne pouvait donc courir contre lui, d'après la règle : contrà non valentem agere, non currit præscriptio. Il pourra donc la réclamer maintenant. Mais s'il laisse passer trente ans, à compter du moment où il s'est clos, son action sera prescrite. (Art. 685 ).

Nota. 1o. Une ordonnance du Roi, du 22 juillet 1818, rapportée dans SIREY, 1818, 2o partie, pag. 303, a décidé que les contestations existantes entre des communes sur un droit de parcours, étaient de la compétence des tribunaux,

s'il s'agissait seulement de l'exécution des titres existans;
mais que,
s'il s'agissait de modifications ou change-
mens à faire au droit, en raison de l'utilité commune ou
respective des parties, la matière était administrative
et devait être réglée dans les formes prescrites par le décret
du 9 brumaire an 11, et par l'avis du Conseil-d'État du 9

mai 1808.

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2o. Par suite du même principe, il a été jugé en Cassation le 11 octobre 1821, SIREY, 1821, 1re partie, pag. 25), qu'il entre dans les attributions de l'autorité municipale, de régler l'exercice du droit de parcours entre particuliers.

Le droit qu'a tout propriétaire de se clore, souffre néanmoins encore aujourd'hui une exception, dans le cas où celui qui veut se clore, se trouve placé entre la voie publique, et un héritage qui est enclavé de manière à n'avoir aucune issue sur cette voie. Le propriétaire de ce dernier fonds peut alors réclamer le passage dont il a besoin pour son exploitation, à la charge d'une indemnité proportionnée au dommage qui doit en résulter. C'est ce qui constitue 682. la servitude légale, dite droit de passage.

[ Il faut qu'il n'ait aucune issue. S'il en avait une qui fût suffisante pour l'exploitation de son héritage, quelqu'incommode qu'elle lui fût, il ne pourrait user du bénéfice de l'article 682. Cependant il a été jugé à Rouen le 15 février 1821 (SIREY, 1821, 2o partie, pag. 153), qu'un fonds qui n'avait d'issue que par une rivière, sur laquelle · il n'y avait ni pont ni bac, devait être regardé comme enclavé. ]

[Le propriétaire du fonds par lequel il faut passer pourrait-il réclamer le passage pour un temps seulement, si le chemin, de son héritage à la voie publique, se trouvait momentanément obstrué? Oui, sans doute; mais ce ne serait pas alors, à proprement parler, une servitude. ]

[Quid, si le fonds enclavé a été vendu par un des propriétaires intermédiaires entre ce fonds et la voie publique; et ce, sans mention du droit de passage? Je pense que, dans ce cas, le passage est dû par le vendeur, et sans indemnité. (Argument tiré de la loi 23, § 3, ff. de Servit. Præd. rus

C

tic., qui n'est faite, à la vérité, que pour le cas de partage, mais dont la disposition est applicable à la vente, qui est un contrat de bonne foi, comme le partage, et avec laquelle, d'ailleurs, le partage avait, chez les Romains, une grande ressemblance). L'on pourrait en outre fonder cette décision par analogie, 1o sur l'article 696: si celui qui concède une servitude, est obligé d'accorder tout ce qui est nécessaire pour en user, quoique le titre n'en dise rien ; à pari, celui qui vend un fonds, doit être tenu d'accorder tous les droits sans lesquels ce fonds serait absolument inutile dans la main de l'acquéreur; 2° sur l'article 1018, portant que la chose léguée doit être livrée avec tous les accessoires nécessaires. Donc, si le fond enclavé avait été légué, et qu'il n'y eût d'autre issue pour aller sur la voie publique, que de passer sur un des fonds de la succession, l'héritier serait tenu de livrer gratuitement le passage, quand même il n'en aurait été fait aucune mention dans le testament; 3° enfin, l'article 1615, qui décide dans les mêmes termes que la chose vendue doit être livrée avec tous ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel. Or, comment ne pas comprendre dans les choses destinées à l'usage perpétuel d'un fonds, le passage sans lequel l'exploitation de ce fonds serait absolument inutile? Telle paraît avoir été également l'opinion de CoqUILLE, question 74. ]

sur

Si les parties ne conviennent pas à l'amiable, soit du montant de l'indemnité, soit du mode d'exercice de la servitude, le tout est réglé à dire d'experts, en observant que le passage doit, en général, être pris du côté où le trajet est le plus court, du fonds enclavé à la voie publique [ ou jusqu'à un autre héritage appartenant au propriétaire de l'enclave, et donnant sur la voie publique ], mais en même 685. temps dans l'endroit le moins dommageable au fonds sur lequel il est accordé. 683 L'article 83 du Code dit régulièrement. Nous avons

substitué ces mots, en général, qui supposent qu'il peut y avoir quelque exception; et en effet, ce n'est pas ici une disposition absolue dont les juges ne puissent s'écarter dans aucune circonstance: putà, si le trajet plus court exigeait

68i.

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