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comme demandeur, prouver que cet accomplissement a eu lieu; sinon, l'héritier du testateur doit être renvoyé de sa demande, d'après la règle, actore non probante, reus absolvitur, et conformément à l'article 155, auquel cet auteur paraît n'avoir pas pensé. Que l'on soutienne que l'héritier du légataire peut, pour prouver le prédécès du testateur, faire valoir les présomptions résultant des articles 721 et 722, c'est une opinion qui n'est pas la nôtre, comme on vient de le voir, mais qui peut néanmoins être défendue. Mais que l'on aille jusqu'à dire que c'est à l'héritier du testateur à prouver le prédécès du légataire, c'est choquer toutes les règles du droit. Quant à l'arrêt cité par l'auteur, et qui est rapporté par LEBRUN, dans son Traité des Successions, Liv. I, chap. I, sect. I, no 19, comment n'a-t-il pas pris garde que cet arrêt détruit son opinion, bien loin de la confirmer? Qu'a-t-il jugé, en effet? Que le mari donateur et la femme donataire étant morts dans le même naufrage, la donation devait avoir son effet, et n'était pas censée révoquée par le prédécès de la femme. Je dis que cet arrêt détruit l'opinion que je combats en ce moment : en effet, il confirme la règle, actoris est probare; car, par la donation, la femme était saisie. Les héritiers du mari revendiquaient les objets, attendu, disaient-ils, que la femme, comme plus faible, devait être présumée périe la première; mais comme ils étaient demandeurs, on jugea que c'était à eux à prouver le prédécès de la femme; et, faute par eux de faire cette preuve, ils furent déboutés de leur demande. C'est absolument l'espèce de la loi 8, de Rebus dubiis, citée ci-dessus. Donc cet arrêt a jugé qu'en matière de donations pour cause de mort, qui ont la plus grande analogie avec les dispositions testamentaires, les présomptions de survie ne devaient pas avoir lieu, et que c'était au demandeur à prouver le prédécès.

Par la même raison, s'il s'agissait d'une donation entrevifs, dans laquelle le droit de retour ait été stipulé, les héritiers du donateur ne pourraient réclamer les objets compris dans la donation, qu'à la charge par eux de prouver la survie de leur auteur.

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Il n'y aurait, dans le droit actuel, qu'un cas qui pourrait donner lieu à une difficulté sérieuse : ce serait celui d'un légataire universel, institué par un individu qui n'aurait point d'héritiers à réserve. Ce légataire est, aux termes de l'article 1006, saisi de la succession, au préjudice des héritiers légitimes. On ne peut donc lui appliquer le même raisonnement qu'aux légataires particuliers, puisque tant qu'il n'est pas décidé à qui la saisine doit apparte¬ nir, on ne peut dire, quis sit actor, quis sit reus.

Je pense néanmoins que, même dans ce cas, les héritiers du légataire ne peuvent réclamer la succession, qu'en prouvant le prédécès du testateur; et je me fonde sur ce que,

1o. Comme je l'ai déjà fait observer, nos lois et nos mœurs favorisent toujours les héritiers du sang; et que, par conséquent, dans le doute, la présomption doit être en leur faveur;

2o. Si la présomption de survie n'a pas lieu en faveur des légataires, soit particuliers, soit à titre universel, il n'y a pas de raison d'accorder plus davantage au légataire universel, quoique saisi. Il serait, en effet, singulier que, si un homme, n'ayant pas d'héritiers à réserve, a institué deux légataires à titre universel, chacun pour moitié, ses héritiers ab intestat pussent retenir sa succession jusqu'à ce que la survie des légataires fût prouvée; tandis que, s'il n'avait institué qu'un seul légataire pour la totalité, la même preuve ne pourrait pas être exigée;

5o. La saisine légale du légataire universel n'appartient de droit qu'à lui. Ses héritiers ne peuvent la réclamer qu'en prouvant qu'il a survécu au testateur. (Art. 135); ce qui suppose qu'il y a une autre personne qui prend la succession de droit, si la preuve n'est pas faite; et cette personne ne peut être autre que l'héritier légitime. Donc, dans ce cas, l'héritier du légataire devient demandeur, et tenu, en conséquence, de prouver le fait qui sert de fondement à sa demande, c'est-à-dire le prédécès du testateur.

4o. Enfin, il ne s'agit point ici de l'intérêt du légataire lui-même, puisque nous le supposons décédé en même

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temps que le testateur; il s'agit uniquement de l'intérêt de ses héritiers, peut-être même de ses légataires, donataires, ou même de ses créanciers, c'est-à-dire de gens entièrement inconnus au testateur, qu'il n'est pas censé avoir embrassés dans sa libéralité; tellement que, s'il était prouvé qu'il a survécu un quart-d'heure à son légataire, ils seraient exclus. Or, il me semble que, toutes choses égales, les héritiers du testateur doivent être préférés à ceux du légataire.

Tels sont les motifs qui me déterminent à penser que les présomptions de survie établies par les articles 720,721 et 722, ne doivent jamais avoir lieu dans les dispositions à cause de mort, dont l'exécution ne peut être réclamée qu'à la charge de prouver le prédécès du disposant.

Il en doit être de même à l'égard de l'institué contractuel. Cette institution est vraiment un legs, irrévocable à la vérité, mais qui, sous tous les autres rapports, doit être comparée aux dispositions testamentaires. Il faut donc lui appliquer ce que nous disons des légataires, soit universels, soit particuliers.]

CHAPITRE II.

Des divers Ordres de Succéder.

Les successions sont irrégulières ou régulières. Les successions régulières sont celles qui sont dévolues dans l'ordre de la parenté civile ou mixte.

Les successions irrégulières sont celles qui sont dévolues à des personnes qui n'étaient unies au défunt par aucun lien de parenté civile ou mixte, ou, à défaut de ces person723. nes, au domaine public. [Je n'ai pas dit que les successions

irrégulières étaient celles qui avaient lieu à défaut de successions régulières, parce que la succession de l'enfant naturel est une succession irrégulière; et cependant, il n'est pas exclu par les successeurs réguliers.]

Ces deux espèces de successions diffèrent, en ce que dans les successions régulières, l'héritier est saisi de plein droit,

du moment de la mort, des biens, droits et actions du défunt, sous la condition d'en acquitter les charges; tandis que ceux à qui les successions irrégulières sont dévolues, sont tenus de se faire envoyer en possession par justice, dans les formes qui seront ci-après déterminées.

[Cela est toujours vrai, quand il n'y a pas de légataire universel. Lorsqu'il en existe un, l'héritier n'est saisi que quand il est du nombre des légitimes (Art. 1004); sinon, la saisine appartient au légataire universel. (Art. 1006.) L'enfant naturel ne doit recourir à la justice, que lorsqu'il prend la totalité de la succession. Dans le cas contraire, il doit seulement demander la délivrance aux successeurs réguliers avec lesquels il concourt: mais, dans aucun cas, il n'est saisi de plein droit, comme l'héritier régulier : il n'a pas même l'avantage qu'a le légataire universel, qui est, dans certains cas, saisi de plein droit de la totalité de la succession (Art. 1006.).

Les successeurs irréguliers sont-ils obligés de prendre le bénéfice d'inventaire, pour n'être pas tenus des charges au delà des forces de la succession? Je ne le pense pas, pour deux raisons:

La première, c'est qu'ils ne sont pas saisis, puisqu'ils sont obligés de se faire envoyer en possession. Ils ne représentent donc pas le défunt; ils ne sont donc pas la continuation de sa personne.

La seconde, c'est qu'ils ne peuvent appréhender la succession, qu'après avoir rempli, non-seulement toutes les formalités imposées à l'héritier bénéficiaire, mais encore d'autres, qui tendent à une plus grande publicité, et à une conservation plus exacte des biens de la succession. (Article 769, 770 et 773.)]

724.

Comme la représentation a lieu dans plusieurs espèces 740. de successions, tant régulières qu'irrégulières, nous ferons 742. connaître dans une première section, ce qu'on entend en

droit par cette expression, quels en sont les effets, et dans 759. quelles successions elle a lieu; et dans les sections suivantes, nous exposerons l'ordre dans lequel sont déférées les successions, tant régulières qu'irrégulières.

SECTION Ire.

De la Représentation.

[Il y a, dans les oeuvres de RICARD, un petit Traité De la Représentation en matière de succession.]

La représentation est une fiction de la loi, dont l'effet est de faire monter les enfans ou descendans d'une personne prédécédée, au degré de cette même personne, et, par suite, de leur donner les droits qu'elle aurait eus, si elle eût sur739. vécu à l'ouverture de la succession.

[La définition donnée par le Code, dans l'art. 739, pouvait être bonne pour le Législateur et pour le juge : mais je n'ai pas cru devoir la conserver dans un ouvrage classique, pour plusieurs raisons.

D'abord, cette définition contient les mots de représen– tant et de représenté.Or, en général, il faut, d'après les règles de la bonne logique, éviter de faire entrer dans une définition le mot qu'on veut définir.

En second lieu, elle ne détermine en aucune manière le rapport qui doit exister entre le représentant et le représenté; il me semble qu'il est nécessaire que la définition de la représentation fasse connaître qu'on ne peut être représenté que par ses descendans.

3o. Enfin, la définition du Code dit, que la représentation fait entrer le représentant dans les droits du représenté. Cependant l'article 744 dit qu'il n'y a lieu à la représentation, qu'autant que la personne qu'on veut représenter, est morte avant l'ouverture de la succession; et d'un autre côté, l'article 725 décide que, pour avoir des droits à une succession, il faut exister au moment de son ouverture. Il résulte donc de la combinaison de ces deux articles, que le représenté n'a jamais eu de droit à la succession, et que, par conséquent, l'on ne peut dire que le représentant succède à un droit qui n'a point existé. Il m'a donc paru plus exact de dire, que la représentation donne au représentant les droits qu'aurait eus le représenté, s'il eût survécu à l'ouverture de la succession.]

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