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intérêts, s'il y a lieu : (Argument tirée de l'article 554 ). 1 [L'ouvrier a le droit de retenir la chose travaillée. Cette disposition est extrêmement équitable, quand l'ouvrier est de bonne foi; mais je ne crois pas qu'elle doive être appliquée quand il a employé la matière de mauvaise foi. (Argument tiré de l'art. 577).]

De même, quand le propriétaire de tout ou partie de la matière a ignoré l'emploi qui en a été fait, comme il ne serait pas juste de l'obliger à faire, contre son gré, une dépense qu'il n'a pas prévue, celle du prix de la main-d'œeuvre, il peut, même dans le cas où la loi lui donne le droit de réclamer la propriété de tout ou partie de la nouvelle espèce, exiger, à son choix, de l'ouvrier, ou la valeur de sa matière, ou la restitution en même nature, quantité, 576. poids, mesure et bonté. [Le tout avec dommages et intérêts, si l'ouvrier était de mauvaise foi. ]

§ III.

Formation d'une chose par le mélange de plusieurs matières appartenant à divers propriétaires.

[Il s'agit ici du mélange de deux matières, soit de même espèce, comme du blé, du vin; soit d'espèces différentes, mais cependant de nature à ne faire qu'un seul corps, comme des métaux fondus ensemble, mais duquel mélange il ne résulte pas de nouvelle espèce. On suppose, au surplus, dans ce paragraphe, que tous les propriétaires n'ont pas consenti au mélange; autrement la chose leur serait commune dans tous les cas, et sans aucune distinction, en proportion de la quantité et de la valeur de la matière appartenant à chacun d'eux.]

Dans cette espèce, si l'une des deux matières, à raison d'une grande disproportion dans la quantité ou le prix, peut être regardée comme la chose principale, celui qui en est propriétaire, peut réclamer le mélange entier, en rembour574. sant à l'autre la valeur de sa matière. [ C'est une faculté qu'il peut ne pas exercer; et alors, on appliquera la règle qui va être établie, pour le cas où aucune des deux ma

tières ne peut être regardée comme chose principale. ] Dans le cas contraire, il faut distinguer :

Si les matières peuvent se séparer, comme dans le cas de fusion de deux métaux ensemble, celui à l'insu duquel le mélange a eu lieu, peut demander la division. [ Quid, s'il ne la demande pas? Appliquer ce qui va être dit pour le cas où la séparation ne peut avoir lieu. ]

Si la séparation ne peut avoir lieu, ou qu'il en résulte un inconvénient notable, la chose reste commune à tous les propriétaires, en proportion des quantité, qualité et valeur de la matière appartenant à chacun d'eux.

§. IV.

Dispositions applicables aux trois cas ci-dessus.

573.

Elles sont au nombre de trois : la première, c'est que, dans tous les cas où la chose reste commune, chaque propriétaire a le droit de demander qu'elle soit licitée au pro- 575. fit commun [ c'est-à-dire, adjugée au plus offrant. ]

La seconde, que ceux qui ont employé des matières appartenant à autrui, à l'insu des propriétaires, peuvent être condamnés aux dommages-intérêts de ceux-ci, sans préjudice des poursuites extraordinaires, si le cas y échet, 577. [telle que l'accusation de vol ou d'escroquerie. ]

La troisième, que si la chose faite, en tout ou en partie, avec la matière d'autrui, a passé en mains tierces, par achat ou autrement, il faut distinguer :

Si le propriétaire de la matière l'avait perdue, ou si elle lui avait été volée, il conserverait ses droits, pendant trois ans, même à l'égard des tiers; sauf néanmoins le cas où 2279. ceux-ci auraient acheté la chose dans une foire, dans un marché, dans une vente publique, ou d'un marchand vendant des choses pareilles; auxquels cas, le propriétaire ne pourrait revendiquer sa chose, qu'à la charge de rendre au possesseur le prix qu'il aurait payé pour se la procurer.2280. Si la matière n'a été ni perdue, ni volée, alors la possession vaut titre, et le propriétaire n'a aucune action contre les tiers.

2279.

SECTION II.

De l'Accession par union ou incorporation, relativement aux choses immobilières.

Les objets qui se rapportent à cette espèce d'accession, sont :

1o. Les constructions, plantations, et autres ouvrages du même genre;

› 2o.. Les alluvions;

3o. Les îles formées dans les rivières.

SIer.

Des Constructions, Plantations, etc.

En général, la propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous [ c'est-à-dire, pour parler d'une manière figurée, que celui qui est propriétaire du sol, est ropriétaire de tout l'espace qui existe depuis la surface du sol, en dessus, jusqu'au ciel, et en dessous, jusqu'aux entrailles de la terre. De là le droit d'empêcher toute saillie sur son terrain, telle que balcons, branches d'arbres, à quelque hauteur que ce soit, etc.]

De là il résulte :

1°. Que le propriétaire du sol peut faire au dessus toutes les plantations et constructions qu'il juge à propos, en se conformant aux réglemens de police, et sauf les droits des tiers à raison des servitudes qu'ils peuvent avoir [ relativement à la hauteur des bâtimens, aux précautions exigées dans certaines constructions (Art. 674), au chemin à laisser le long des rivières navigables, etc.]

2o. Qu'il peut faire au dessous toutes constructions et fouilles, et tirer de ces fouilles tous les produits qu'elles peuvent fournir, sauf l'exécution des lois de police [concernant l'exploitation des carrières ], et des lois relatives à 552. l'exploitation des mines [Voyez la loi du 21 avril 1810, Bulletin n° 5401 ].

3°. Que toutes constructions, plantations, et ouvrages

faits sur un terrain ou dans l'intérieur, sont présumés faits aux frais et avec les matériaux du propriétaire du terrain, sauf la preuve contraire, et sans préjudice du droit de propriété qu'un tiers pourrait acquérir ou avoir acquis par prescription, soit d'un souterrain sous le bâtiment, soit de toute autre partie du bâtiment même.

[ Remarquez, 1°. qu'il faut supposer que la possession de ce souterrain a pu être connue du propriétaire du bâtiment, putà, par des soupiraux donnant à l'extérieur. Autrement, la propriété ne pourrait en être acquise par la prescription; puisque, pour pouvoir prescrire, il faut posséder publiquement. (Art. 2229.)

2o. Qu'il faut bien distinguer le droit de propriété d'un souterrain sous le bâtiment d'autrui, du droit de passage qu'on pourrait avoir, à titre de servitude, sous le même bâtiment. Cette distinction est importante pour l'acquisition et la conservation du droit. On peut acquérir la propriété par la prescription: secùs, du droit de passage. On perd le droit de passage, par le simple non-usage pendant trente ans; secùs, du droit de propriété, à moins que, pendant ce temps, la chose n'ait été possédée par un autre. C'est, au surplus, aux juges à arbitrer si la jouissance qui sert de base à la prescription, doit être regardée comme le résultat d'un droit prétendu de servitude, ou de propriété; en un mot, si celui qui réclame la prescription, a possédé animo domini, ou seulement, animo dominantis. Exemple:

J'ai habité à Paris une maison située au fond d'une cour. Pour y arriver, il fallait passer sous un bâtiment appartenant à un autre propriétaire, mais qui avait son entrée par une autre porte à côté. S'il n'y eût pas eu de titre, et qu'il eût fallu décider s'il s'agissait, dans l'espèce, d'un droit de propriété ou d'un droit de servitude, j'aurais pensé que le passage appartenait en propriété au bâtiment que j'habitais; attendu que le propriétaire du bâtiment sous lequel on passait, n'avait aucune issue sur le passage, qui était possédé exclusivement par le propriétaire du bâtiment du fond. Or, on ne peut concevoir un droit de servitude qui donne au propriétaire dominant le droit d'interdire au

553.

propriétaire servant tout usage de la chose assujétie. Il peut bien gêner cet usage, il peut bien le restreindre sous certains rapports, comme dans la servitude altiùs non tollendi; mais il ne peut l'exclure entièrement. (Voir un Arrêt de Cassation, du 22 octobre 1811; SIREY, 1811, 1re part., pag. 569.)]

[Dans les pays où les divers étages d'une maison appartiennent à différens propriétaires; il est évident que la propropriété d'un étage peut être acquise par prescription].

Nous disons sauf la preuve contraire, parce qu'il peut être prouvé que les ouvrages ont été faits, ou par le propriétaire du sol, avec les matériaux d'autrui, ou par un tiers avec ses propres matériaux.

Dans le premier cas, le propriétaire du fonds n'est pas tenu de restituer les matériaux en espèce; mais il doit en payer la valeur, sans préjudice des dommages et intérêts, 554. s'il y a lieu.

[Le mot matériaux doit s'entendre lato sensu, pour tous les objets employés aux constructions, plantations, etc.: par conséquent, cette disposition s'appliquerait même à des arbres plantés; à moins cependant que le peu de temps écoulé depuis la plantation, ne fût tellement modique que l'on dût présumer que l'arbre n'a pas encore pris racine. Car je pense que, dans ce cas, il pourrait être revendiqué. La disposition de la Loi des XII tables ne s'appliquait qu'aux constructions; et, effectivement, il n'y a pas les mêmes raisons pour les plantations; mais la Loi française est précise sur ce point: le propriétaire du sol, dit l'article 554, qui a fait des constructions, plantations, et ouvrages avec des matériaux qui ne lui appartiennent pas, etc. Certainement, il est impossible de ne pas appliquer le mot matériaux à tout ce qui a été dit auparavant, et par conséquent aux plantations.]

[Il y a lieu à payer la valeur des matériaux par le propriétaire du fonds, s'il est de mauvaise foi, et sans préjudice des poursuites extraordinaires, si le cas y échet (Article 577), et sauf l'application des règles posées dans les articles 2279 et 2280.

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