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§ 2. Des choses sur lesquelles on ne peut pas compro

mettre.

Quoique le compromis émane de parties capables, il ne peut cependant avoir lieu dans certains cas, à raison de la nature même des objets qui en font la matière. L'art. 1004 porte: On ne peut compromettre sur les dons et legs d'aliments, logement et vêtements. Cet article soustrait donc au compromis des droits dont le propriétaire a la pleine disposition. Dans le droit romain il était même interdit de transiger sur les legs d'aliments sans l'autorisation du préteur.

Ne peuvent non plus faire l'objet d'un compromis: les séparations d'entre mari et femme, les questions d'État et toutes les contestations qui seraient sujettes à communication au ministère public. Pour ce qui regarde la séparation de corps, la solution n'est pas douteuse; car, d'après l'art. 879, dans toute demande en séparation de corps, le ministère public doit être entendu. Il doit en être de même des séparations de biens. L'art. 1004 ne distingue pas; il dit: Toute séparation entre mari et femme; de plus, toute séparation volontaire est nulle de droit (C. Nap., art. 1443, al. 2). En admettant un pareil compromis, on arriverait à une séparation conventionnelle résultant d'un jugement arbitral. Quant aux questions d'État, les instances re

latives à elles sont soumises à la communication au ministère public (art. 83, al. 2).

Mais quelles sont les personnes qui peuvent demander la nullité du compromis? Il faut distinguer: lors

K.

que la nullité se fonde sur la nature même de l'affaire, par exemple, dans le cas où l'on aurait compromis sur une question d'État, chacune des parties peut invoquer la nullité. Mais lorsque la nullité ne se fonde que sur l'incapacité d'une des parties qui a souscrit, cette nullité ne pourra être invoquée que par la partie incapable (C. Nap., art. 1125).

La voie de procédure qu'il faudra suivre dans ces cas nous est indiquée dans l'art. 1028. Les parties se pourvoiront, par opposition à l'ordonnance d'exécution, devant le tribunal qui l'aura rendue, et demanderont la nullité de l'acte qualifié jugement arbitral.

§ 3. Du compromis, sa forme, de la manière dont il prend fin.

Les formalités exigées par l'art. 1005 sont établies pour servir de preuve du compromis. Mais faut-il conclure de là que la rédaction d'un acte est indispensable? Le compromis n'est pas un acte solennel comme le contrat de mariage, les donations entre-vifs. Tout ce que le législateur a voulu, c'est éviter l'admission de la preuve testimoniale. Il en est de même de la transaction. L'art. 2044 du Code Napoléon exige aussi un acte rédigé par écrit. Mais, par cela même qu'il n'y a pas d'acte rédigé, le contrat n'existe-t-il pas? La partie qui invoque la transaction, ne peut-elle pas déférer le serment à celle qui la nie? De même pour le compromis; si la partie contre laquelle il est invoqué le reconnaît, on ne saurait pas pourquoi il ne serait pas valable.

L'art. 1005 porte: Le compromis pourra être fait par procès-verbal devant les arbitres choisis, ou par acte devant notaire, ou sous signature privée. Si l'acte est notarié, il est soumis aux règles relatives aux actes authentiques; s'il est sous signature privée, il faut qu'il soit rédigé en autant d'originaux qu'il y a de parties en litige. Le défaut de rédaction des originaux serait couvert par l'exécution volontaire des parties (C. Nap., art. 1325). Le procès-verbal devant les arbitres n'est qu'un acte sous signature privée, les arbitres n'étant pas des officiers publics. Or, d'après l'art. 1325 du Code Napoléon, cet acte devrait être rédigé en autant d'originaux qu'il y a de parties. Mais cette rédaction en plusieurs originaux est inutile, vu que le procès-verbal est remis entre les mains des arbitres.

Quelles sont les personnes qui peuvent être arbitres? La loi n'a pas formellement résolu cette question. Il nous semble qu'un arbitre doit jouir des droits civils et politiques ainsi un étranger, une femme mariée ou non, un mineur, un interdit ne peuvent pas être arbitres. Sans doute le principe de l'arbitrage dérive de la volonté des parties: mais comme les arbitres doivent suivre les règles prescrites aux tribunaux ordinaires (art. 1009), qu'ils sont de véritables juges dont les jugements sont rendus exécutoires par l'autorité judiciaire, peut-on choisir, pour remplir de pareilles fonctions, des étrangers ou des incapables?

Le compromis désignera les objets en litige et les noms des arbitres, à peine de nullité (art. 1006). Ce ne sera pas le contrat qui sera nul, car il peut toujours

être exécuté par les parties, mais l'écrit destiné à en servir de preuve.

Il finit :

1° Par la mort d'un arbitre. Le décès, lorsque tous les héritiers sont majeurs, ne mettra pas fin au compromis le délai pour instruire et juger sera suspendu pendant celui pour faire inventaire et délibérer (art. 1013). Voilà déjà une dérogation au principe posé par l'art. 1012. La première partie de l'art. 1015 renferme implicitement que le décès de l'une des parties, laissant des héritiers mineurs, entraîne l'expiration du compromis. Une personne incapable d'aliéner ne peut consentir un compromis. Mais comment expliquer que le mineur cesse d'être lié par le compromis consenti par la personne dont on a accepté la succession pour lui? Dès que les parties ont souscrit le compromis, elle se trouvent obligées, et la mort d'une d'elles re peut porter atteinte à l'existence de ce compromis. 2o Par son refus.

3o Par le déport. On entend par déport le refus fait par l'arbitre nommé après l'acceptation des fonctions. L'art. 1014 porte: Les arbitres ne pourront se déporter quand leurs opérations seront commencées. Le mandataire, d'après l'art. 2007 du Code Napoléon, peut refuser le mandat aussi longtemps qu'il n'aura pas commencé l'exécution. Il en est de même des arbitres. Mais le compromis n'en prendra pas moins fin, car on ne peut pas contraindre l'arbitre à examiner une affaire et à rendre une décision; seulement, dans le cas où il aura violé l'art. 1014, il sera passible de dommages

intérêts, à moins qu'il ne prouve qu'il a été forcé de se déporter à cause d'un empêchement sérieux, l'empêchement, d'après l'art. 1012, étant une cause de cessation du compromis. Dans ces trois cas le compromis cesse, s'il n'y a clause qu'il sera passé outre, ou que le remplacement sera au choix des parties ou au choix de l'arbitre ou des arbitres restants.

4° Par la récusation. Dans ce cas, les formes indiquées dans les art. 378 et suiv. doivent être appliquées, si toutefois les arbitres n'ont été récusés que pour une cause survenue depuis le compromis, où une cause survenue antérieurement, mais qu'on avait ignorée lors de la signature du contrat. Quant à la disposition de l'art. 384, qui exige que la récusation soit proposée par un acte au greffe, elle ne s'applique pas aux arbitres, auxquels on pourra la signifier directement. Cette disposition, en effet, n'a été introduite que par respect pour la magistrature.

5o Par la révocation. Pendant le délai de l'arbitrage, les arbitres ne pourront être révoqués que du consentement unanime des parties (art. 1008). Le contrat une fois formé, il est évident qu'une des parties ne peut pas le rompre par sa seule volonté et se libérer ainsi de l'obligation à laquelle elle s'est soumise. De là, la disposition de l'art. 1008. Si la révocation ne porte que sur quelques-uns des arbitres, le compromis subsiste, car les parties peuvent soit remplacer les arbitres révoqués, soit abandonner l'affaire aux arbitres restants. Si, au contraire, tous ont été révoqués, le compromis est détruit.

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