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ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi, est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend (art. 1172).

Ce principe a été tiré du droit romain, où l'on considérait de plus comme entachées de nullité les donations entre-vifs soumises à des conditions impossibles ou illicites. La loi du 12 septembre 1792 assimila les donations entre-vifs aux testaments, et les dispositions de cette loi furent maintenues dans le Code.

La distinction que la loi établit entre les testaments et les conventions, pour ce qui concerne les conditions impossibles ou illicites, est très-difficile à expliquer. En effet, si, lors de la confection du testament, le testateur était sain d'esprit, il savait qu'il soumettait sa disposition à une condition impossible, par conséquent il n'avait pas l'intention de faire une libéralité. D'un autre côté, s'il n'était pas sain d'esprit, sa disposition est entachée de nullité, car un insensé ne peut pas disposer par donation entre-vifs ou par testament. On comprend mieux que, si la condition n'est devenue impossible que depuis la mort du testateur, elle soit réputée non écrite, car, dans ce cas, il est évident que le testateur a réellement voulu faire une libéralité. La difficulté consiste dans la question de savoir si la condition apposée au legs est ou non le motif déterminant.

Les conditions sont impossibles lorsque, par la nature des choses, leur accomplissement est matériellement impossible, comme par exemple, si vous touchez le ciel du doigt; elles sont illicites, lorsqu'elles sont contraires aux lois, à l'ordre public, ou aux bonnes

mœurs. Il ne faut pas considérer comme impossible une condition qui ne serait telle que pour le légataire, mais qui pourrait être réalisée par d'autres personnes. Une condition dont l'accomplissement ne peut être que partiel, ne doit pas être réputée non écrite; le légataire est tenu de la réaliser autant qu'il est en son pouvoir.

La loi du 12 septembre 1791 donne une sorte d'énumération des conditions illicites: «Toute clause impérative ou prohibitive qui porterait atteinte à la liberté religieuse du donataire, héritier ou légataire, qui gênerait la liberté qu'il a, soit de se marier avec telle personne, soit d'embrasser tel état, emploi ou profession, est réputée non écrite. » Les lois des 5 brumaire et 17 nivôse an II y ajoutèrent la condition de ne point se remarier. Mais ces lois ne furent pas confirmées par le Code qui règle, dans l'art. 900, la matière de conditions apposées aux dispositions entre-vifs ou testamentaires.

Le droit romain considérait comme illicite la condition de ne pas se marier; mais cette condition devait être absolue. Ainsi je lègue mille sesterces à Primus s'il ne se marie pas avant cinq ans. Ce legs sera valable; car la condition n'est ni impossible ni illicite. Notre jurisprudence en a jugé de même (Cass., 20 janvier 1806).

On considère aussi comme illicites les conditions portant atteinte à la liberté de conscience du légataire, à sa liberté civile, celles qui lui enjoindraient de ne pas exercer ses droits politiques, de ne jamais accepter de fonctions publiques, de demeurer toujours dans le même lieu, de ne se marier qu'avec le consentement

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d'un tiers. Car toutes ces conditions restreindraient trop la liberté du légataire et seraient nuisibles à l'intérêt public.

Sont licites les conditions suivantes :

La condition d'épouser une personne avec laquelle le mariage est prohibé, pourvu toutefois qu'au moyen de démarches ou de dispenses le légataire puisse épouser la personne désignée; celle de ne pas épouser une ou plusieurs personnes désignées, de ne pas épouser une personne d'une certaine ville ou d'un certain lieu ; la condition de se marier, ou d'épouser une personne déterminée, à moins que la personne ne soit de mauvaise vie, ou que le légataire se trouve dans une impossibilité absolue de se marier ou d'épouser la personne désignée; celle de ne pas habiter un lieu déterminé ; de ne pas se remarier; d'embrasser ou de ne pas embrasser telle ou telle profession, à moins que le testateur n'ait eu l'intention de gêner la liberté de conscience du légataire, de le détourner de remplir certaines fonctions dans l'intérêt public. Ces deux dernières conditions étaient considérées comme non écrites par les lois des 5 brumaire et 7 nivôse an II. Mais ces lois ne produisent plus aucun effet; du reste de pareilles conditions ne sont pas contraires aux mœurs ou à l'ordre public.

L'art. 900 n'a pas seulement rapport aux conditions proprement dites: il doit encore être étendu aux dispositions qui sont faites sous la forme de charges, car une charge impossible, contraire à la loi ou aux mœurs, doit être réputée non écrite aussi bien qu'une convention.

La charge imposée au légataire de renoncer à un droit acquis, par exemple à une succession, est licite. Le légataire est libre de choisir entre la succession et le legs; et s'il préfère la succession comme plus lucrative, ou pour tout autre motif, le legs sera révoqué, la charge n'ayant pas été accomplie. Il en serait autrement dans le cas d'une donation entre-vifs que le donataire aurait acceptée. On violerait, en effet, les art. 791 et 1130.

Le testateur peut aussi grever d'une charge, au profit d'un tiers, le légataire pour le cas où il ferait ou ne ferait pas telle chose. Ainsi, que Primus, à moins qu'il n'aille à Rome, donne 1000 fr. à Secundus. Le disposant peut imposer au légataire telle charge qu'il juge convenable: il peut même soumettre à révocation le legs grevé d'une charge que le légataire n'accomplirait pas.

Cependant la défense enjointe au légataire d'aliéner les biens compris dans le legs devrait être réputée non écrite, à moins que son but ne soit de garantir un avantagé conféré par le testateur à un tiers.

CHAPITRE IV.

DE L'INTERPRÉTATION DES TESTAMENTS.

La loi n'ayant point établi de règles spéciales pour l'interprétation des dispositions à titre gratuit, il faut avoir recours à celles qui se rapportent aux conventions et qui font l'objet des art. 1156 et suivants. Un

testament conçu en termes clairs et précis, et dont les clauses ne sont pas en contradiction, n'a pas besoin d'interprétation. Mais dans un grand nombre de testaments, les dispositions sont obscures ou contradictoires. Pour les expliquer, il faut donc avoir recours à des règles spéciales, fondées tant sur la loi que sur la logique.

Pour interpréter un testament, il faut rechercher la seule intention du testateur, s'attacher à sa volonté plutôt qu'au sens des termes dont il s'est servi, combiner ensemble les différentes clauses, interpréter ces dernières les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier (art. 1161). Quand les expressions sont douteuses, il faut les prendre dans le sens que le testateur leur a vraisemblablement voulu donner, d'après ses habitudes, son éducation, son langage usuel; il faut même avoir recours aux usages du pays (art. 1159). Si les expressions ne peuvent avoir aucun sens par aucun moyen d'interprétation, elles doivent être considérées comme non écrites.

Quand plusieurs dispositions sont faites dans le même acte ou dans des actes séparés, et que ces dispositions sont obscures, faute d'explications nécessaires, il faut rechercher si le testateur a voulu faire plusieurs legs ou répéter seulement celui qu'il a fait. On peut employer, pour prouver ces faits, tous les moyens propres à établir quelle a été la volonté du disposant, même la preuve par témoins.

Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on

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