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quant au notaire, les véritables parties contractantes, ayant un rapport direct avec lui; et les notaires s'abstiennent généralement de recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés au degré prohibé sont appelés à figurer comme mandataires.

L'opinion contraire se trouve consignée dans Loret, Éléments de la science notariale, t. 1, p. 205, et dans Duranton, t. 8, no 428, et elle est aujourd'hui pleinement confirmée par la jurisprudence, ainsi qu'on va le voir sous le nombre qui suit.

12. Un notaire peut recevoir des actes pour une société anonyme, bien qu'un de ses parents au degré prohibé soit actionnaire et même administrateur de cette société. Ni l'une ni l'autre de ces deux qualités n'a pour effet soit de faire réputer celui qui en est revêtu partie à l'acte, soit de faire considérer cet acte comme contenant une disposition en sa faveur, dans le sens de l'art. 8 de la loi du 25 ventòse an 11. Ainsi jugé par trois arrêts de la cour de Grenoble, des 8 mars, 2 et 26 juill. 1852, qui décident en même temps que les mandataires, même salariés, ne peuvent être considérés comme parties dans les actes où ils figurent à ce titre.

Un de ces arrêts ayant donné lieu à une poursuite en cassation, la cour suprême a confirmé cette doctrine par un arrêt de la chambre civile du 30 juill. 1834 (Sirey, t. 34, 1, 678). Cet arrêt est ainsi motivé :

« Attendu, sur le premier moyen, que la prohibition faite aux notaires par la loi du 25 ventose an 11, ne s'applique qu'aux actes dans lesquels certains parents ou alliés du notaire seraient parties, ou dans lesquels quelques dispositions formelles en faveur du notaire seraient contenues; attendu, en outre, que la qualité de mandataire, même salarié, ne donne pas le titre de partie au mandataire qui ne figure dans l'acte qu'en cette qualité; que par conséquent cette qualité ne donne point l'intérêt direct auquel le législateur attache la peine de nullité.... »

Il en serait autrement, s'il s'agissait d'autres sociétés que celles anonymes; c'est ce qui est établi par l'un des considérants de l'arrêt précité de la cour de Grenoble du 8 mars 1832 (Dalloz, t. 32, 2o, p. 132).

13. La dernière disposition de l'art. 8 de la loi de ventòse, en leur faveur, est diversement interprétée par les auteurs. La plupart d'entre eux soutiennent qu'elle n'a trait qu'aux parents et alliés, et ne l'appliquent au notaire que par un argument à fortiori; quelques-uns, et entre autres Grenier, prétendent qu'elle s'applique principalement au notaire lui-même, par le motif que la prohibition à l'égard des parents et alliés se trouve déjà écrite dans la phrase précédente. Nous croyons que la disposition finale de l'art. 8 frappe sur tout ce qui précède, et conséquemment qu'un notaire ne peut recevoir des actes où il serait partie, ou qui contiendraient quelque disposition en sa faveur, pas plus que ceux en faveur de ses parents ou alliés : l'opinion contraire nous paraît absurde.

D'ailleurs il a été jugé que les notaires ne peuvent recevoir d'acte dans lequel ils seraient eux-mêmes parties (C. Toulouse, 51 juillet 1850; Dalloz, t. 50, 2°, p. 124), ou dans lequel ils auraient quelque intérêt, c'est-à-dire qui contiendrait quelque disposition en leur faveur. (Toullier, t. 8, no 73.)

14. Quelques notaires ont conservé jusqu'à nos jours l'ancien usage de stipuler et d'accepter eux-mêmes l'obligation passée devant eux au profit d'un créancier absent, nonobstant que cet usage, jadis presque généralement suivi (voy, l'acte de notoriété du Châtelet de Paris en date du 8 mai 1716, p, 184 du Code du notariat,

édition belge), a été proscrit dans tous les cas, par la nouvelle organisation du notariat, comme une ordonnance du mois de février 1731 l'avait déjà défendu pour les donations. (Même Code, p. 189.)

15. Par suite il a été jugé qu'un notaire ne peut, dans l'acte qu'il reçoit, accepter pour les créanciers au profit desquels on constitue une rente. Avant que les créanciers aient accepté eux-mêmes, celui qui avait fourni les fonds peut les retirer. (C. Bruxelles, 30 juillet 1811.)

16. Et un arrêt de la cour royale de Toulouse, du 7 déc. 1832, a décidé qu'un acte notarié dont l'authenticité aurait pu être querellée, en ce que le notaire y avait stipulé pour l'une des parties contractantes, peut être considéré comme ayant acquis définitivement un caractère d'authenticité par l'effet d'un jugement par défaut, passé en force de chose jugée, qui aurait validé des poursuites, présupposant nécessairement la validité de l'acte. (Art. 57 du Journ. belge.)

17. Ce qui précède doit engager les notaires à faire intervenir dans les actes d'obligation qu'ils passent et où le créancier est absent, un tiers qui se porte fort de ce dernier, d'après l'art. 1120 du Code civil, bien qu'un arrêt de la cour de cassation de France du 5 août 1839 (art. 1974 du Journ. belge) ait jugé que l'acceptation du créancier n'est pas indispensable dans une obligation contenant constitution d'hypothèque.

18. Augan prescrit l'acceptation même dans les actes unilatéraux contenant mainlevée ou quittance, et si on y fait attention, cette formalité n'y est pas tout à fait inutile; car une mainlevée non acceptée, on pourrait la révoquer, et lorsqu'il s'agit d'une quittance donnée à un débiteur de plusieurs dettes, celui-ci doit intervenir pour déclarer quelle dette il entend acquitter. (Art. 1253, C. civ.)

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19. Par exception à l'art. 8 qui nous occupe, un avis du conseil d'État du 21 oct. 1809 a permis aux notaires de rédiger eux-mêmes, dans la forme authentique les quittances et décharges de prix de ventes mobilières faites par leur ministère, et ce même sans l'assistance d'un second notaire ou de témoins, lorsque la partie sait signer.

Si c'est là un acte authentique, il est entouré de bien peu de garanties.

Selon nous, ce n'est toujours qu'un acte sous seing privé, et les notaires agiront prudemment en se faisant remplacer, pour ces sortes d'actes, par un confrère, conformément à une décision ministérielle française du 11 nov. 1819. (V. Ledru, p. 40, édition Tarlier, et le Formulaire joint au Nouveau Dictionnaire des notaires, p. 174, 187 et 581, en note.)

20. Les actes pourraient-ils valablement contenir des dispositions en faveur des témoins? Évidemment non; dans ce cas les témoins deviendraient parties dans les actes auxquels ils assisteraient, et ne pourraient plus y figurer valablement comme. témoins, quoique cette prohibition ne se trouve point écrite dans la loi pour les actes ordinaires : l'art. 975 du Code civil défend seulement de prendre pour témoins du testament par acte public les légataires, à quelque titre qu'ils soient, leurs parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement.

21. Ainsi la prohibition de l'art. 975 du Code civil s'applique au cas d'une reconnaissance de dette contenue dans un testament authentique, au profit de l'un des témoins instrumentaires, lorsque cette reconnaissance forme titre, ou est une libéralité déguisée, et qu'il n'est rapporté aucune preuve de la créance du témoin

instrumentaire autre que la déclaration faite par le testateur. (C. Bordeaux, 3 avril 1841; art. 2109 du Cons. des not.)

Cependant la cour de cass. de France, par son arrêt du 8 mai 1845 (art. 2673 du journ. le Conseil des not.), a validé un acte de vente notarié dans lequel un témoin instrumentaire figurait comme devant recevoir une portion du prix.

22. Un notaire peut recevoir un compromis où il est nommé arbitre. Ainsi jugé par la cour de Toulouse, le 17 juill. 1826 (Dalloz, t. 27, 2o, p. 20), et par la cour de Lyon, le 9 fév. 1856 (art. 760, J. B.).

23. Il pourrait même être nommé exécuteur testamentaire du testament qu'il reçoit, en observant toutefois que, dans ce cas, le mandat doit être purement gratuit, et que le testateur ne peut rien donner à son exécuteur en témoignage de sa reconnaissance. (C. Gand, 12 avril 1839; art. 1950, J. B.)

24. Car alors il y aurait une disposition en faveur du notaire, et le testament serait nul, lors même que le notaire, au décès du testateur, renoncerait aux fonctions d'exécuteur testamentaire. (C. Douai, 15 janv. 1834; art. 192, J. B.)

25. Cette règle ne s'applique pas aux testaments mystiques dont le notaire peut recevoir l'acte de suscription, quoiqu'ils contiennent des dispositions en sa faveur ou en faveur de ses parents. (C. Montpellier, 9 fév. 1836; art. 1323, J. B.)

26. Un testament contenant : « J'institue ma légataire universelle Anne Dion, » ma nièce, à la charge de payer au notaire soussigné une somme de 200 francs, et » les intérêts, que je lui dois par billet depuis bien des années,» a été déclaré valable par un arrêt du 4 mai 1840, de la cour cass. Fr., motivé comme suit :

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« La cour; Considérant que la cour royale a décidé en fait que le notaire rédacteur n'a puisé aucun droit nouveau dans le testament d'Anne Tixier, et qu'il tient sa créance d'un titre préexistant auquel le testament n'a rien ajouté; qu'il résulte de là, par une conséquence nécessaire, qu'il n'a été relevé d'aucune déchéance ou prescription, et que le billet par lui représenté n'était attaquable sous aucun rapport; que, dans ces circonstances, la cour royale a justement décidé que le testament d'Anne Tixier ne contenait pas disposition en faveur du notaire qui n'a rien reçu, et que le rappel de la créance n'avait pour objet que de faire connaître à la légataire universelle le passif de la succession; — Rejette, etc. » (Art. 1782 du Cons. des not.)

27. Les arrêts que nous venons de citer, feront sentir à messieurs les notaires toute l'imprudence qu'il y a de leur part à se constituer exécuteurs des testaments qu'ils reçoivent, et plus encore à y faire reconnaître une dette en leur fa

veur.

28. Un notaire ne peut se rendre directement ni indirectement acquéreur des biens dont il reçoit le contrat, ou que la justice l'a chargé de vendre, à peine de nullité (C. Colmar, 9 fév. 1855; art. 795, J. B.), ni même recevoir une procuration par laquelle on autoriserait un mandataire à lui vendre des biens: il serait en quelque sorte partie intéressée.

29. Il ne pourrait pas, non plus, recevoir une procuration qui le constitue mandataire, le mandataire devenant partie dans l'acte lorsqu'il accepte le mandat. Pour l'opinion contraire on pourrait s'appuyer sur les arrêts cités à la note 22 ci-dessus, et sur ce qu'il n'est pas, dans ce cas, partie intéressée à l'acte. Mais le notaire agira toutefois prudemment, en ne se chargeant pas d'une procuration passée devant lui. Il devrait même se l'interdire lorsque la procuration a été faite en blanc, bien qu'une

acceptation postérieure ne nous paraisse pas devoir influer sur la validité de la procuration.

30. Le notaire auquel l'enfant a donné pouvoir de le représenter aux actes respectueux, peut les signifier lui-même; il n'y a pas incompatibilité, en ce cas, entre les qualités de mandataire et d'officier instrumentaire. Ainsi jugé par la cour royale de Douai, le 27 mai 1835 (art. 625 du J. B.), contrairement à un arrêt rendu par la même cour, le 8 janv. 1828 (Sirey, t. 28, 2o, p. 185).

31. Et d'après une dissertation insérée au journal le Conseil des notaires, sous le no 14 (année 1843, p. 60), l'art. 8 de la loi de ventôse ne serait pas applicable au cas où un parent ou allié du notaire instrumentaire se rendrait adjudicataire dans une vente publique tenue par ce dernier.

32. Il résulte enfin d'une délibération du conseil supérieur du même journal (année 1836, p. 86), et d'une décision du 11 fév., même année, qu'un notaire membre d'un conseil de fabrique, syndic d'une faillite, bourgmestre d'une commune, ou administrateur d'un hospice, peut recevoir des actes pour ou dans l'intérêt de ces corps moraux, pourvu qu'un autre administrateur figure dans les actes qui se font à leur requête, et que le notaire n'y ait pas d'intérêt personnel. (V. dans le mème sens une déc. min. fin. du 11 avril 1809 et un avis du conseil d'État Fr. du 7 avril 1843; art. 2738, Conseil des not.) Mais pour éviter tout soupçon, les notaires feront bien de ne pas recevoir de pareils actes.

3o Les actes qui ne seraient pas reçus par deux notaires, ou par » un notaire assisté de deux témoins, citoyens belges, sachant signer, > et domiciliés dans l'arrondissement communal où les actes ont été » passés. » (Art. 9 et 68.)

APPLICATIONS.

1. C'est une question fort controversée que celle de savoir si l'omission de la qualité de notaire pourrait entraîner la nullité de l'acte. Suivant Merlin (Rép., t. 17, p. 688), l'indication de cette qualité est une formalité substantielle que le législateur n'a pas plus besoin de prescrire expressément qu'il n'a besoin, en réglant les fonctions des juges, de leur prescrire d'énoncer dans leurs jugements ou arrêts qu'ils sont rendus par tel tribunal ou telle cour.

Toullier, 4 vol., no 84, exprime une opinion contraire, qu'il fonde sur ce que l'art. 12 de la loi du 25 ventôse an 11 fait mention seulement des nom et lieu de résidence du notaire, et que les mots ses qualités, compris dans la première rédaction de l'article précité, en ont été retranchés dans la rédaction définitive.

Nous pensons que ce défaut d'énonciation pourrait, dans bien des cas, se suppléer par la forme ou la contexture de l'acte; mais cette question n'étant pas résolue par la jurisprudence, nous ne saurions trop recommander à messieurs les notaires et clercs de notaires de ne pas manquer d'énoncer dans leurs actes la qualité du notaire qui les reçoit.

On doit en dire autant du défaut d'énonciation de la qualité de témoins.

2. L'omission du nom des parties ne paraît pas, non plus, à Toullier, t. 4, no 501, de nature à entraîner nécessairement la nullité de l'acte. « Cette omission, dit-il, qui

ne peut être qu'un oubli de la plume, lapsus calami, peut, presque toujours, être réparée par la signature des parties présentes; par la procuration de celles qui ne sont pas présentes, laquelle reste annexée à la minute; par la relation des prénoms, professions et domiciles, et autres circonstances tirées du contexte même de l'acte. » Dans le cas contraire l'acte serait radicalement nul comme n'étant obligatoire pour personne.

Nous avons vu au no 35 2o, p. 38, que la loi du 25 ventôse an 11 ne prononce contre les notaires qu'une amende de 100 francs pour avoir négligé d'énoncer les noms des parties.

3. Les actes ne peuvent être reçus par plus de deux notaires; cela résulte implicitement de l'art. 9. Nous ne pensons pas cependant que l'authenticité de l'acte pourrait en être énervée.

4. Cette opinion se fonde sur ce qu'il a été jugé qu'un acte n'est pas nul lorsque le nombre des témoins qui y ont assisté surpasse celui qui est prescrit par la loi. C'est ici le cas d'appliquer la règle utile per inutile non vitiatur. (C. Limoges, 7 déc. 1809.)

5. Le législateur, n'ayant pas voulu confier à un homme le droit de juger seul dans une affaire de quelque importance, n'a pas voulu, non plus, donner à un homme le droit d'en être cru sur son propre témoignage, ni de conférer seul aux actes qu'il reçoit tous les avantages attachés aux actes notariés. C'est pourquoi le notaire doit se faire assister d'un confrère, ou de deux témoins qu'on appelle instrumentaires pour les distinguer des témoins certificateurs dont il sera parlé ciaprès.

6. Les témoins instrumentaires sont les coopérateurs du notaire, ils exercent avec lui une portion de la puissance publique, puisqu'ils coopèrent à conférer aux actes l'exécution parée, c'est-à-dire le droit d'employer la force publique pour les faire exécuter. (Toullier.)

7. Il est certains actes dans lesquels le notaire procède seul et sans témoins : tels sont les partages judiciaires, les certificats de vie et de propriété.

8. Il suffit que les témoins aient la capacité requise au moment où l'acte se passe. Dès que l'acte est parfait, un fait postérieur ne peut plus lui nuire, quelque inconvénient que cela puisse présenter.

9. La capacité putative équivaut à la capacité réelle, lorsque, de bonne foi, il y a erreur commune. Par exemple : lorsqu'un étranger résidant depuis longtemps dans le pays, y participe aux droits et aux charges attachés à la qualité de citoyen regnicole et qu'il passe généralement pour tel. Mais il faut, dans tous les cas, que cette erreur s'appuie sur une série de faits et actes qui la rendent excusable.: error communis facit jus. (Toullier, t. 5, no 407; Grenier, Traité des donations, no 256; Merlin, vo Témoin testamentaire, § 1er, no 3; cass. Fr., 18 janv. 1850 et 24 juillet 1839, et C. Aix, 50 juillet 1858; art. 1813 et 2019, J. B.)

10. La prudence commande toutefois à messieurs les notaires de ne pas trop se fier à ces décisions et de ne jamais oublier d'interroger les témoins sur leur capacité.

11. Pour étre témoin dans un acte notarié ordinaire il faut :

a. ÊTRE CITOYEN BELGE: l'art. 9 de la loi du 25 ventôse an 11 requiert cette qualité à peine de nullité. (Art. 68.)

Quoique la loi du notariat ne dise point que les témoins instrumentaires doivent

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