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lontaires qui obligent irrévocablement les parties contractantes, sont les notaires cette institution est le notariat.

Cette institution, telle qu'elle est connue en France, est toute moderne; elle n'offre que quelques points d'imparfaite ressemblance avec le collége des tabellions de Rome, et n'en présente aucune avec la profession de ceux qui, connus chez les Romains sous la désignation de notarii, ont donné leur nom à notre moderne institution. Ceux-ci n'étaient que de simples copistes dont pouvait se servir le tabellion; mais les notes, les actes, les engagements que dictaient, rédigeaient et conservaient les uns et les autres, n'étaient toujours que des écrits privés; leur présence et leur signature ne donnaient point à leurs actes, comme à ceux de nos notaires, le caractère de l'autorité publique.

La nécessité de l'ordre des choses actuel fut sentie par Charlemagne; et, dans ses capitulaires, en désignant sous le nom de judices chartularii les notaires qu'il voulait créer, il donnait, par cette précise et énergique dénomination, la véritable définition des fonctions du notaire actuel, de ce juge volontaire, dont la présence et la signature impriment aux actes passés devant lui le caractère, la force et les effets d'un jugement en dernier ressort.

Le régime féodal, les invasions, les guerres et l'ignorance qui affligèrent la France sous les règnes suivants, condamnèrent à l'oubli les capitulaires de Charlemagne; l'idée qu'il avait conçue du notariat ne reçut point d'exécution; et cette institution, comme presque toutes les autres conceptions de ce grand homme, furent, pour ainsi dire, ensevelies dans sa tombe, et y restèrent oubliées pendant plusieurs siècles.

Enfin Louis IX parut. Il retrouva toutes les parties du gouvernement dans la plus complète anarchie; le droit de rendre la justice s'adjugeait avec les autres parties du domaine, et le dernier enchérisseur devenait en même temps receveur du domaine et juge; il percevait, comme receveur, les amendes et les confiscations qu'il prononçait comme juge, et le greffe et le notariat faisaient partie de l'adjudication, Sous un pareil régime toutes les idées de justice, de sûreté et de propriété étaient anéanties.

Louis IX voulut changer cet état de choses; et pour arriver à un meilleur ordre, il fallut bien que le droit de juger cessât d'être mis à l'enchère : il nomma le prévôt, ne lui laissa d'autre soin que celui de rendre justice; un receveur fut chargé de l'administration du domaine; et, pour compléter cette grande réforme, il créa soixante notaires chargés de recevoir les actes de la juridiction volontaire et de donner à ces actes le caractère de l'autorité publique.

Et tous les historiens s'accordent à reconnaître que ce fut à l'époque de ces salutaires établissements que l'on connut à Paris ce que c'était que justice, propriété et liberté civile.

La prévôté de Paris fut la seule qui éprouva alors ces heureuses réformes. C'était la seule où ce grand homme pût mettre à exécution ses projets de réforme et d'amélioration : partout ailleurs l'intérêt de ses vassaux, conser

vateurs si jaloux des droits si évidemment usurpés, paralysait sa bonne volonté; mais cette grande expérience faite à Paris, ses résultats heureux, rapides, incontestables, firent bien plus que n'aurait pu faire une loi qui aurait étendu et généralisé la réforme.

Louis IX fit dans cette circonstance ce qu'il a constamment pratiqué; ne pouvant commander la réforme générale par une loi, il la conseilla et la détermina par l'exemple; et c'est sans doute à cette manière particulière d'administrer par des faits, par des institutions proposées pour modèles, que les actes de son administration doivent le nom qui les caractérise si bien, celui d'Établissements de saint Louis.

Les espérances que Louis IX avait conçues de l'établissement de ces soixante <notaires ne furent point déçues. Philippe IV établit dans tous ses domaines des notaires créés à l'instar de ceux de Paris, exerçant les mêmes fonctions, imprimant à leurs actes le même caractère; et dans peu d'années cette institution fut adoptée dans toute la France.

des

Bientôt après, quelques lois bursales établirent, à côté des notaires, tabellions, des gardes-notes, et autres officiers dont l'existence surabondante, momentanément utile au trésor public, portait un grand préjudice à l'institu

tion.

Enfin Henri IV, par son édit de mai 1597, fit cesser tous ces abus. Il réunit à son domaine et supprima tous ces offices dont le royaume était surchargé; il créa de nouveaux officiers: et, réunissant dans les mêmes mains des fonctions inutilement divisées, il institua ces nouveaux officiers sous le titre de notaires, tabellions, gardes-notes. C'est sous ce nom, c'est avec les attributions dont les avait investis Louis IX, que ces officiers existaient au moment où la constituante s'occupa du notariat.

Dans son décret du 26 septembre, sanctionné le 6 octobre 1794, la constituante, après avoir aboli la vénalité et l'hérédité des offices royaux de notaires, tabellions et autres, et supprimé les offices des notaires seigneuriaux, apostoliques, et autres du même genre, créa de nouveaux notaires publics, détermina leurs attributions, fixa leurs ressorts respectifs, régla de quelle manière ils seraient institués, conserva, par des dispositions transitoires, tous les notaires qui se trouvaient en exercice au jour de la publication de la loi, prescrivit de sages dispositions pour le dépôt et la conservation des minutes, rappela quelques règlements relatifs à la forme des actes, créa la nouvelle forme suivant laquelle on pourvoit encore aujourd'hui aux remplacements que les circonstances exigent, et enfin fixa le prix du remboursement des offices supprimés.

La majeure partie des dispositions que contient cette loi, et notamment toutes celles relatives aux attributions des notaires, à la forme des actes, au dépôt et à la conservation des minutes, sont dictées par la sagesse, méritent d'être conservées, et se retrouveront dans le projet que nous vous présen

tons.

Mais la même loi contient des dispositions nouvelles, bonnes peut-être,

même nécessaires dans les circonstances où la loi fut rendue, mais dont une expérience de plus de dix années a démontré la faiblesse, l'inconvenance ou l'inutilité de ce nombre sont toutes celles relatives à la nouvelle forme introduite pour le remplacement des notaires.

Quelques autres dispositions de cette loi n'étaient plus, depuis longtemps, d'accord avec les institutions qui l'ont suivie, et doivent disparaître de cette législation.

Ces considérations seules suffisaient sans doute pour exiger de la sollicitude du gouvernement la réforme de la loi d'octobre 1791; mais les lacunes que l'on apercevait dans cette loi, mais les abus qui ont suivi sa publication, abus plus graves et plus nombreux peut-être que ceux auxquels elle avait remédié; la nécessité de mettre un frein à l'intérêt personnel, qui foulait aux pieds toutes les dispositions relatives aux résidences, et d'arrêter cette création nouvelle et répétée sans cesse, cette surabondance de places de notaires, portée bien au delà du besoin et qui ne peut tourner qu'à l'avilissement de l'institution et au désavantage des administrés : tout faisait un devoir de présenter, non pas seulement une réforme de la loi subsistante, mais un code complet qui opposât à l'immoralité des moyens de répression plus efficaces sans être plus sévères, qui se conciliât davantage avec les idées bien appréciées du respect dû à la propriété, et qui fût enfin en harmonie parfaite avec les institutions qui nous régissent aujourd'hui.

La nécessité de cette loi complète avait été proclamée par le Directoire, par la législature de l'an 6 et de l'an 7, ainsi que par les commissions législatives créées après la journée régénératrice du 18 brumaire an 8.

Dès le 18 nivôse an 6, un message du Directoire demandait une prompte organisation du notariat.

Le 23 germinal suivant, un projet de résolution fut présenté au conseil des Cinq-Cents.

Le 12 prairial an 7, la commission des Anciens proposa l'adoption de cette résolution; quelques articles défectueux la firent rejeter.

Un nouveau projet amendé fut présenté au conseil des Cinq-Cents le 18 thermidor an 7, et converti en résolution.

Le 13 brumaire an 8, une commission spéciale en proposa l'adoption au conseil des Anciens: l'urgence fut même décrétée; l'adoption paraissait certaine, elle fut suspendue par la révolution du 18.

Le 29 du même mois, la commission législative des Cinq-Cents adopta cette résolution; mais la commission des Anciens ayant rejeté l'urgence, la résolution resta sans exécution.

Mais ces différents projets, les rapports qui les ont précédés, les discussions auxquelles ils ont donné lieu, ont été, pour le gouvernement, une source d'utiles et précieux matériaux, dans laquelle il a puisé la presque totalité des dispositions que vous retrouverez dans le projet de loi que nous avons l'honneur de vous présenter.

Dans l'exposé rapide que nous allons tracer de ses principales dispositions,

nous vous ferons remarquer les différences importantes qui se trouvent entre la loi existante, les projets présentés aux dernières législatures, et le projet soumis à votre sanction. Nous vous exposerons sommairement les motifs qui ont provoqué ces différences, ainsi que les raisons des innovations jugées

nécessaires.

Le projet que nous vous présentons est divisé en trois titres :

Le premier, qui traite des notaires et des actes notariés, est distribué en deux sections.

La première définit les fonctions, fixe le ressort, et établit les devoirs des notaires.

(Art. 1.) « Ce sont des fonctionnaires publics établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et des expédi

tions. »

Par l'art. 2, ils sont institués à vie. Cette disposition fut reconnue nécessaire par la constituante, lors même qu'elle prononçait que les juges n'auraient que des fonctions temporaires; à plus forte raison doit-on la maintenir aujourd'hui, qu'elle s'applique aux juges comme aux notaires.

Et s'il est une circonstance où l'institution à vie ne présente aucun inconvénient, c'est sans doute lorsqu'elle s'applique au notaire. Quoiqu'il soit nommé à vie, il est à chaque instant soumis à un choix, à une véritable élection, dans laquelle l'électeur, parfaitement libre, ne peut être déterminé dans son choix que par une probité et des talents dont il aura fait l'expérience, ou qui lui auront été attestés par la voix publique.

L'art. 4 prononce que chaque notaire devra résider dans le lieu qui lui sera fixé par le gouvernement. En cas de contravention, le notaire sera considéré comme démissionnaire; en conséquence, le grand juge, ministre de la justice, après avoir pris l'avis du tribunal, pourra proposer au gouvernement le remplacement. »

Le fond de cette disposition se trouve dans toutes les lois anciennes; on la revoit dans la loi d'octobre 1791, et dans les projets soumis aux deux conseils. L'abus que cette disposition veut réprimer est, pour ainsi dire, aussi ancien que l'institution. Sous l'ancien régime, il fut la source d'une foule de procès : les troubles de la révolution permirent à cet abus de se développer avec une nouvelle énergie; tous les points de la république, et même la capitale, offrent des preuves d'atteintes multipliées portées par cet abus à la propriété. Toutes les lois dont nous avons parlé ont porté des peines contre leur infraction; mais, ou ces peines n'étaient point assez fortes pour les arrêter, ou ces lois étaient facilement éludées : la disposition de l'art. 4 du projet offrant une peine puisée dans la nature même du délit, ne pouvant être facilement éludée, offrant un moyen facile et rapide d'exécution, écartant cependant toute idée d'arbitraire par l'intervention du tribunal, fera disparaître cet abus et l'empêchera de renaître.

L'art. 5 détermine les divers ressorts dans lesquels les notaires peuvent

exercer.

D'après cet article, les notaires des villes où est établi le tribunal d'appel exerceront dans l'étendue du ressort de ce tribunal.

Ceux des villes où il n'y a qu'un tribunal de première instance exerceront dans le ressort de ce tribunal.

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Enfin, ceux des autres communes exerceront dans l'étendue du ressort du tribunal de paix.

Cette disposition; qui se rapproche un peu des anciens usages, contrarie les dispositions analogues qui se trouvent dans la loi d'octobre 1791, et dans les projets soumis aux deux législatures.

L'art. 11 de la section seconde du titre premier de la loi d'octobre 1791, l'art. 26 du dernier projet adopté par les Cinq-Cents, et l'art. 24 du projet présenté à la commission législative des Anciens, « défendent aux notaires établis dans un département d'exercer leurs fonctions hors des limites des départements dans lesquels ils se trouveront placés, mais permet à tous les notaires du même département d'exercer; concurremment entre eux, dans toute son étendue. »

D'après ce système, le notaire de la plus petite commune, pourvu qu'il conservât l'apparence de la résidence dans le lieu de son établissement, pouvait venir dans les grandes villes exercer ses fonctions en concurrence avec les notaires qui y étaient fixés, et, d'un autre côté, le notaire de Paris, par exemple, ne peut recevoir un acte à trois lieues de cette capitale.

L'effet presqué nécessaire de la seconde partie de cette disposition était d'inviter les notaires à violer ou à éluder la loi relative à la fixation des résidences d'autres abus graves y prenaient naissance.

Sans doute il fallait anéantir les priviléges et circonscrire les ressorts exagérés, accordés sous l'ancien régime aux notaires trop favorisés de Paris, d'Orléans, de Montpellier, et quelques autres, qui pouvaient instrumenter par toute la France, et qui, par l'attribution du scel, attiraient à la juridictión dont ils dépendaient toutes les contestations qui pouvaient naître relativement à l'exécution des actes qu'ils avaient reçus : mais on pouvait faire disparaître cet abus sans tomber dans l'abus contraire.

Il faut reconnaître d'abord que si l'étude des lois, si la lecture des bons auteurs, sont des éléments nécessaires à l'instruction de l'homme qui se destine au notariat, la perfection de cettè instruction, le seul moyen de l'utiliser par l'application, dépend essentiellement, je dirai presque uniquement de l'expérience; et par conséquent l'instruction sera incontestablement plus grande, et le talent sera plus parfait là où les affaires seront plus avantageuses, plus variées, et où le commerce et une population forte, compliquant les intérêts, présenteront, dans les transactions, des questions plus délicates à traiter, plus difficiles à résoudre.

Il faut reconnaître une seconde vérité, qui n'est que le corollaire et la conséquence nécessaire de la première, c'est que le notaire d'une campagne

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