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d'elles renferme dans son sein un tribunal d'appel et l'autre ville ne contient aucun établissement : le notaire résidant dans la première ville fournira un cautionnement plus élevé que le notaire qui se sera fixé dans la seconde ;

4o Enfin, la loi de 1791, ne prenant d'autre base que la population, n’admettait ni maximum ni minimum. Le projet soumis à votre sanction est plus conforme à la nature des choses. Plusieurs accidents peuvent, entre deux villes de population égale, établir une différence considérable : le commerce, la situation, l'industrie, le plus ou moins d'éloignement de la capitale, et mille autres faits, peuvent produire des inégalités évidentes auxquelles le projet permet d'avoir égard, en établissant, par chaque degré de l'échelle, un maximum et un minimum, et tout a été calculé pour que le fonctionnaire ne fût point inutilement surchargé, et que cependant la garantie ne fût pas rendue

illusoire.

C'est surtout dans la sect. 2 du même titre, dans les conditions qu'il exige pour être admis au notariat, et dans le mode de nomination, que le projet qui vous est soumis s'est écarté et des dispositions relatives aux mêmes objets, adoptées par la loi de 1791, et de celles renfermées dans les projets présentés soit aux deux législatures de l'an 6 et de l'an 7, soit aux commissions législatives créées en brumaire an 8.

Il faut l'avouer, quelques établissements de la constituante se ressentent de la situation pénible et souvent fausse dans laquelle elle se trouvait vis-à-vis du pouvoir exécutif. C'était un ennemi contre les entreprises duquel elle était toujours en garde. Il était impossible que les choses fussent autrement. La révolution opérée, loin d'être l'ouvrage ou le vœu du pouvoir exécutif, était pour lui un objet de haine; et, malgré les modifications importantes faites à la constitution par la révision, la constituante ne pouvait se dissimuler que le monarque n'avait qu'un désir, celui de reconquérir tous les priviléges, toute la puissance qu'il avait perdus.

Dans cette situation, la constituante ne donnait au monarque que ce qu'elle ne pouvait pas absolument lui refuser, et le choix des fonctionnaires publics était trop important pour qu'elle pût l'abandonner à l'homme qui, remplissant toutes les places de ses créatures, aurait pu préparer avec facilité la destruction de toutes ces institutions nouvelles qui entravaient, qui anéantissaient sa puissance.

Le rapporteur s'explique à cet égard sans aucune précaution.

Et lorsqu'il développe la théorie de la partie de la loi relative à l'élection des notaires, il ne se présente, dit-il, que trois modes divers pour le choix de ces officiers :

« La nomination du roi, l'élection du peuple, la forme du concours.

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› Vous pressentez, ajoute-t-il, que vos comités ne se sont pas fort appesantis sur le premier moyen. »

Il prouve ensuite que l'élection populaire, considérée comme moyen d'obtenir un bon choix, pouvant être bonne pour d'autres élections, est inadmissible lorsqu'il s'agit de l'élection du notaire.

Et en conséquence il adopte le concours.

L'expérience prouva bientôt l'inefficacité de cette mesure, telle que la loi de 1791 l'avait organisée.

D'après cette loi, chaque année, au 1er septembre, il s'ouvre un concours auquel sont admis, sous certaines conditions, et en concurrence, des clercs de notaires et des hommes de lois.

Ce concours consiste dans un interrogatoire, fait à chacun séparément, sur les principes de la constitution, les fonctions et les devoirs du notaire public, et dans la rédaction d'un acte dont le programme est donné par les juges, et rempli sans désemparer par les aspirants.

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Ceux qui sont reconnus capables sont déclarés habiles à remplir les fonctions de notaire public, et inscrits aussitôt sur un tableau, suivant le nombre de voix.

Ce tableau est continué d'année en année.

Et lorsqu'une place de notaire devient vacante, le directoire de département doit la conférer au premier par rang et date d'inscription.

Ainsi, indépendamment des inconvénients attachés, dans cette circonstance el pour cette sorte d'élection, aux concours en général, celui-ci présentait plusieurs inconvénients particuliers qui étaient très-graves.

Il créait à l'avance et sans besoin une armée d'aspirants, dont le nombre s'accroissait tous les ans sans aucune proportion avec les besoins et les places.

Il résultait de cet ordre de choses que le dernier nommé du concours de l'an 6 par exemple, ou même qu'un des premiers nommés, mais qui n'aurait obtenu cette priorité qu'à la faiblesse des concurrents de cette année, primait de droit celui qui, l'année d'après, dans un concours composé d'aspirants beaucoup plus instruits, aurait été placé en tête de la liste.

Enfin, une fois placé sur cette liste, l'aspirant n'avait plus aucun motif d'émulation. Il pouvait attendre dans l'insouciance que ceux qui le précédaient fussent placés, bien sûr d'obtenir alors la première étude qui viendrait à vaquer.

Ces défauts frappèrent les auteurs des projets présentés aux deux législatures, et, pour les faire disparaître, ils imaginèrent deux concours.

Le premier, en tout semblable à celui de la constituante, mais procurant des résultats moins étendus, était appelé concours d'examen; et le candidat admis ne retirait d'autre fruit de cette première épreuve que d'être porté sur une liste de candidats. Cet examen était annuel.

Il était suivi d'un autre, que l'on appelait concours de primauté, auquel n'étaient admis que les candidats déjà portés sur la liste, et qui avait lieu toutes les fois qu'il existait une vacance.

Ce nouveau mode, s'il eût été admis, aurait, à la vérité, remédié à une partie des inconvénients que nous avons relevés dans le travail de la constituante; mais l'un et l'autre étaient viciés d'un défaut essentiel au mode du concours, lorsqu'il s'agit d'une pareille élection. Le concours était encore alors une

RECUEIL GÉNÉRAL DES LOIS, ARRÊTÉS, ETC.

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de ces idées brillantes que l'on peut caresser lorsque l'on rève une théorie, mais qui, réalisées, ont été reconnues injustes, inefficaces, et ne donnant, au lieu de l'évaluation exacte qu'elles promettaient, qu'une vague et trèsincertaine probabilité.

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En effet, c'est par les réponses plus ou moins satisfaisantes aux questions que l'on faisait au candidat; c'est par la rédaction plus ou moins heureuse, et faite sans désemparer, d'un seul acte dont le programme était dicté, que l'on était admis ou rejeté.

L'inefficacité d'une pareille mesure et son injustice sont évidentes.

Combien d'individus pleins d'instruction, mais aussi chez qui la timidité est égale à la modestie, donnent facilement, dans la solitude du cabinet, la solution des questions les plus difficiles, mais qui, transportés dans une assemblée publique et devant des juges, ne répondent qu'avec peine aux questions les plus simples! Combien d'autres, au contraire, n'ayant que des connaissances superficielles, mais armés d'une audace qui en impose, se tirent heureusement de ces sortes d'exercices, parce qu'ils n'ont pas plus de timidité que de modestie!

La rédaction, faite sans désemparer, d'un acte présenté au candidat, ne fournira pas plus de lumières. Puisque cet acte doit être rédigé sans désemparer, il ne peut être ni long ni difficile. Les liquidations et partages, dont la confection exige du temps, et qui pourraient prouver une instruction prófonde, ne peuvent faire la matière de ces programmes.

Le concours ne conduisait donc point au résultat cherché, et ne donnait que de vagues présomptions.

Le projet que nous vous offrons présente d'autres moyens beaucoup plus faciles, beaucoup plus sûrs de connaître la moralité et l'instruction des candidats, et il se concilie d'ailleurs avec des aperçus plus moraux et des idées mieux appréciées de la propriété.

Il est développé dans la section 2 du même titre.

Il faudra, pour être admis aux fonctions de notaire:

1o Jouir de l'exercice des droits de citoyen;

2o Avoir satisfait aux lois sur la conscription;

3o Être âgé de 25 ans accomplis;

4o Et justifier d'un temps de travail, d'un stage plus ou moins prolongé, selon que la place à remplir sera de première, de seconde ou de troisième classe (art. 35).

C'est surtout dans la stricte et rigoureuse exécution de cette dernière disposition, dans un nombre plus ou moins grand d'années employées sans interruption dans l'étude d'un notaire ou dans les exercices du barreau; c'est dans l'expérience longue, résultat de ce long travail, bien plus que dans un interrogatoire de quelques minutes, que la loi trouvera la garantie de l'instruction qu'elle exige à cet égard, les précautions de détail prises par les huit premiers articles de ce titre ne laisseront rien à désirer.

Sans doute qu'à la probabilité imposante que procure ce stage on ajoutera

d'autres garanties d'instruction lorsque les écoles de droit seront rétablies, et qu'on exigera surtout du candidat qui se destinera aux places de première classe quelques-unes des preuves d'études et de savoir qui seront demandées à ceux qui devront remplir les autres fonctions judiciaires.

Mais comme toutes ces probabilités, quelque fortes qu'elles soient, comme toutes ces garanties tirées d'une présomption forte, peuvent n'être pas la vérité, et comme il faut supposer qu'un individu aura pu passer inutilement bien des années dans une étude sans y acquérir le degré suffisant de connaissances nécessaires, le projet exige, art. 43, que l'aspirant se présente à la chambre de discipline du ressort dans lequel il devra exercer, pour y obtenir un certificat de capacité qui suppose un examen préalable.

Enfin, pour dernière garantie, et pour éviter toute espèce de surprise, le même article exige l'intervention de l'homme établi pour conserver dans toute leur pureté les institutions, et pour maintenir dans leurs devoirs tous les fonctionnaires; et le certificat de moralité et de capacité ne pourra être délivré qu'après que la chambre de discipline aura fait parvenir au commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance l'expédition de la dé. libération qui l'aura accordé.

Après avoir pris toutes ces précautions pour empêcher qu'un individu sans mœurs et sans talents puisse remplir une place aussi importante, le projet présente un moyen pour que l'intérêt personnel ou des préventions mal fondées ne puissent priver du fruit de ses travaux l'homme qui réunirait des mœurs à une grande instruction. La chambre de discipline n'est point constituée juge; et son avis, dont en cas de refus elle doit donner les motifs, sera remis par elle au commissaire, adressé par celui-ci au grand juge, apprécié, rejeté ou approuvé par le gouvernement (art. 44).

Nous avons insinué que cette mesure se conciliait avec des aperçus moraux, avec des idées bien appréciées de la propriété, que contrariait et même anéantissait tout système de concours.

C'est aussi une propriété sans doute que cette confiance méritée, que cette clientèle acquise par une vie entière consacrée à un travail opiniâtre et pénible; mais si, dans la place qu'il occupe, le fonctionnaire ne peut jamais espérer de pouvoir, en aucune manière, disposer de cette propriété; s'il ne peut avoir une influence, même indirecte, sur la disposition qui en sera faite; si, comme dans le système du concours, il est convaincu que toutes les peines qu'il se donne ne profiteront qu'à lui seul; que jamais son fils, ou l'homme dont il aura soigné l'instruction, qui aura secondé ses travaux, agrandi ses succès, ne pourront retirer le moindre profit de ses veilles, il se regardera comme un simple usufruitier, et il exploitera son emploi comme l'usufruitier exploite la terre dont un autre a la nue propriété. Le concours enlevait ainsi aux notaires un des plus grands motifs de travail et d'émulation, une des plus douces consolations de la vie, et peut-être le lien le plus fort qui puisse attacher l'homme à la probité, à la réputation. Aussi, dans le projet soumis aux commissions législatives créées après le 18 brumaire, on avait inséré un ar

ticle qui permettait les dispositions en faveur. C'était, à la vérité, une contradiction manifeste du principe sur lequel la loi reposait; c'était l'abrogation de la loi même; c'était enfin ériger dangereusement en loi ce qui, dans notre système de législation, ne doit être que de conseil et de convenance. Le projet que nous présentons ne prononce rien à ce sujet, parce qu'il ne défend rien; parce que les principes sur lesquels l'élection repose, parce que toute la théorie de cette partie de la loi, loin d'être en opposition comme le concours, est en harmonie parfaite, se concilie parfaitement avec ce que pourront exiger les convenances et les circonstances.

Cette section présente, dans l'art. 42, une disposition transitoire bien essentielle : c'est celle qui prononce que le gouvernement pourra dispenser de la justification du temps d'étude les individus qui ont exercé des fonctions administratives ou judiciaires. Cette disposition est essentiellement transitoire, et le gouvernement désire voir arriver promptement le moment où il en proposera l'abrogation; mais il faudrait ignorer qu'il s'est fait une révolution en France, pour contester la nécessité de cette mesure; il faudrait, d'un autre côté, méconnaître quelles sont les intentions, quels sont les intérêts du gouvernement; il faudrait surtout méconnaître avec quelle précaution, avec quelle prudence et avec quelle sagesse le gouvernement fait ses choix, pour craindre que cette mesure fût dans sa main la source d'aucun abus.

Enfin toute cette théorie des élections repose sur le choix libre du gouvernement, éclairé par tous les renseignements provoqués par les articles qui précèdent (art. 45).

Autrefois, le gouvernement accordait éventuellement la provision; celui qui en était pourvu subissait ensuite des examens, et, d'après les épreuves, les tribunaux admettaient ou refusaient d'admettre le pourvu au serment.

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Cet ordre de choses n'est pas dans les convenances.

Il répugne de penser qu'un gouvernement puisse conférer ainsi une institution conditionnelle; le gouvernement qui donne une commission doit savoir que celui qu'il a choisi est propre à la place qu'il lui destine, et l'examen qui précède est bien aussi efficace que celui qui suivait la nomination : c'est d'après ces principes que les art. 45, 46 et suivants, ont été rédigés.

La troisième section du deuxième titre traite des chambres de discipline. Cette institution ne se trouvait ni dans la loi de 1791, ni dans les projets dont nous avons parlé. Cependant lorsqu'il s'agit de donner à une pareille institution toute sa splendeur, il est difficile de ne pas lui rendre le moyen le plus sûr, le seul efficace peut-être, de maintenir ces fonctionnaires publics dans les règles de cette probité sévère et scrupuleuse que leur profession exige (art. 50).

Ce n'est pas assez d'avoir prévu les cas de destitution, de suspension, et d'avoir exigé un cautionnement qui garantit le public contre la malversation : la loi qui ne réprime que les délits ne suffit pas à cette institution; il faut, pour ceux qui en exercent le beau ministère, un Code pénal plus sévère, un tribunal plus austère que pour le commun des hommes. Dans le commerce

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