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grandes lignes de navigation intérieure allant de l'Est à l'Ouest et placées l'une au Nord, l'autre au Centre, l'autre au Midi.

En Angleterre, une Commission Royale instituée dès 1906 fut chargée de faire une enquête sur l'état général des voies navigables et d'émettre des conclusions au sujet de leur amélioration. Elle a conclu à la construction de canaux reliant les quatre grands ports du pays, I ondres, Liverpool, Hull et Bristol, aux villes intérieures de l'intérieur, notamment aux poteries du Comté de Stafford, aux gisements houillers et aux usines métallurgiques de Birmingham et des environs.

En Italie, le Ministre des Travaux publics Bertolini a élaboré et fait voter une loi qui, établissant sur de nouvelles bases les conditions techniques et financières d'exécution des voies de navigation intérieure, va permettre à toutes les initiatives de se faire jour; c'est ainsi que les communes, les administrations provinciales et les Chambres de Commerce de Milan et de Venise projettent entre ces deux centres la construction d'une voie navigable accessible aux chalands de 600 tonnes.

En Suède, le Gouvernement procède en ce moment à la reconstruction du canal Trollhäthan qui est sa principale voie de navigation intérieure.

En Belgique, d'importants travaux d'amélioration ou de construction de voies nouvelles sont en cours, la nomenclature en est donnée par le rapport de MM. Marolle et Descans.

Aux Etats-Unis, le Gouvernement Fédéral entreprend l'exécution d'une grande voie navigable située le long du littoral et destinée à relier Boston à la côte Mexicaine.

Ce sont là des faits qu'il nous paraît intéressant de souligner au moment même où se pose en France avec une ardeur nouvelle la question de l'amélioration et de l'extension du réseau des voies navigables. Loin de nous la pensée dans un cadre aussi restreint de vouloir traiter des avantages respectifs des deux modes de transport que sont la voie ferrée et la voie d'eau, modes de transport que l'on oppose trop souvent l'un à l'autre, alors que, suivant l'expression de M. de Freycinet en 1878 « Voies navigables et Chemins de fer sont destinés non à se supplanter mais à se compléter ».

Retenons seulement de tout ce qui précède cette conclusion que si l'amélioration et l'extension des voies de navigation intérieure constituent une doctrine condamnable, l'erreur faite par ses partisans en France paraît bien être une erreur universelle, et c'est le cas alors de se demander si le vieil adage « Error communis facit jus » ne s'applique là comme en tant d'autres choses.

Mesures adoptées ou proposées pour l'amélioration et le développement des voies de navigation intérieure. - Lorsqu'on examine les mesures adoptées ou proposées par les divers auteurs pour l'amélioration et le développement des voies navigables, on voit qu'elles procèdent à la fois de l'ordre technique et de l'ordre administratif, qu'il s'agisse de la construction des ouvrages ou de leur exploitation.

A) Mesures d'ordre technique. - En ce qui concerne la technique soit des ouvrages, soit de leur exploitation, la plupart des questions susceptibles de donner lieu à des conclusions générales ne ressortent pas de la présente communication.

C'est ainsi que les méthodes techniques d'amélioration des rivières, le gabarit à donner aux canaux de grande navigation, les principes de l'exploitation, les dispositions à adopter pour combiner, faciliter et harmoniser les échanges entre la voie d'eau et la voie de fer, etc., ont fait l'objet de discussions spéciales dont le compte rendu est confié à plusieurs autres de nos collègues.

Nous retiendrons seulement ici des opinions émises soit dans les rapports, soit au cours de la discussion les idées suivantes qui ne semblent pas rentrer dans ces cadres spéciaux.

1o Lorsque l'on étudie les projets de régularisation d'un fleuve il peut être intéressant de se préoccuper en même temps de la question d'utilisation de la force motrice disponible. MM. de Hoerschelmann et Merczyng l'ont établi à l'occasion des travaux d'amélioration du Dnieper.

Dans certaines régions il est vrai, où l'on dispose déjà de ressources considérables en houille blanche, l'aménagement de la force utilisable ne présenterait pas les mêmes avantages. C'est en tous cas une

question d'espèce, mais dont nous croyons devoir signaler l'intérêt au moment même où se pose, toute d'actualité, la question d'amélioration du Rhône.

2 Ainsi que l'a fait ressortir M. l'Inspecteur général Dusuzeau, il convient essentiellement de se préoccuper de la suppression des chômages généraux qui présentent pour la bonne exploitation de si graves inconvénients. Cette préoccupation conduit à s'inspirer dans la rédaction des projets des principes suivants que nous empruntons aux conclusions de M. Dusuzeau.

) Choisir un type de défense de berges pouvant être construit et entre cu à l'ide de batardeaux volants simples et peu coûteux; b) Adopter un système de portes d'écluses très rigide, en métal, à l'exclusion de la charpente qui nécessite des réparations continuelles; préférer le mode de fermeture qui ne comporte peu ou pas d'organes délicats noyés, comme la porte à axe vertical ou surtout la porte levante équilibrée;

c) Pour les barrages des rivières canalisées, renoncer aux anciens modèles à organes couchés sur le radier que les crues et les glaces détériorent chaque année, pour recourir aux types à grandes vannes équilibrées, mues ordinairement par la vapeur ou l'électricité et pouvant être exceptionnellement manœuvrées à bras d'hommes ;

Installer dans les radiers des barrages, comme dans les têtes des écluses, des dispositifs destinés à créer rapidement des batardeaux permettant de mettre à sec partie ou totalité de ces ouvrages, sans abaissement du plan d'eau des biefs.

B) Mesures d'ordre administratif. - Quant aux mesures d'ordre administratif de nature à assurer l'amélioration et le développement des voies de navigation intérieure, les unes ont pour objet de permettre la construction de l'outil lui-même, les autres ont pour but de tirer de l'outil construit le meilleur rendement.

1. Mesures administratives concernant la construction des ourrages Sur le premier point nous avons souligné au cours de ce compte rendu l'importance de la loi italienne dite loi Bertolini. Les questions administratives et financières sont en effet parmi les

plus essentielles à résoudre pour la réalisation d'un programme de grands travaux de navigation intérieure. On a dit, et non sans raison, que l'appel exclusif aux ressources normales du budget ne permettait pas d'exécuter, dans les conditions de rapidité et d'ampleur nécessaires, des travaux publics aussi importants que peuvent l'être l'exécution des voies d'eau artificielles et l'amélioration de voies navigables naturelles. Et, comparant à ces procédés les formules financières auxquelles on a recours pour la construction des voies ferrées, on a fait état des ouvrages considérables que la pratique de la concession et de l'emprunt a permis d'exécuter dans les moindres délais, sans qu'il ait été nécessaire de proportionner strictement l'effort de réalisation d'une année à l'effort financier dont l'exercice était susceptible. Si l'on ajoute à cela que les travaux de construction d'une voie d'eau nouvelle rentrent par leur caractère même dans les œuvres qui doivent équitablement incomber à plusieurs générations (car plusieurs générations sont appelées à en tirer bénéfice sans qu'il soit nécessaire de les renouveler), on arrive naturellement à cette conclusion qu'en pareille matière il faut, à moins de se condamner à la stagnation, faire appel à des procédés financiers nouveaux.

C'est en cela que la loi Bertolini est intéressante. Nous retiendrons spécialement de ces dispositifs :

1o Le classement des voies navigables en un certain nombre de catégories;

2o La contribution financière des intéressés (provinces, communes,...) pour tous travaux, sauf pour ceux concernant les voies de la 1re classe (voies d'un grand intérêt stratégique);

3o La fixation de la quote-part de l'État dans les dépenses suivant la classe de la voie ;

4o Le système d'avance institué tant en faveur de l'État que des. consortiums de provinces, communes, etc...;

5o Le recours possible à la concession, le concours portant tant sur la construction que sur l'exploitation;

6o L'institution de contributions grevant les propriétés tirant plusvalue des travaux et l'établissement de droits divers de navigation; 7° La possibilité d'établir des droits de péages mais à titre tout à fait exceptionnel et temporaire, les droits de péage ne pouvant être

perçus qu'au profit des consortiums de provinces et communes placés dans une situation précaire et seulement pour le remboursement de leur quote-part respective dans la dépense;

8o L'extension du droit d'expropriation aux terrains limitrophes de la voie d'eau susceptibles d'être utilisés pour l'établissement d'industries riveraines ou les raccordements avec la voie de fer.

Tous ces dispositifs que nous avons développés au cours du chapitre I constituent l'ossature utile d'une loi appelée à réglementer l'exécution des grands travaux de navigation intérieure.

Qu'une loi semblable s'impose en France, la question est discutable, car étant donné le développement de notre réseau de voies navigables, les grands travaux restant à entreprendre constituent des cas d'espèce trop peu nombreux pour qu'il semble opportun et utile d'en subordonner la formule d'exécution à la rigidité d'une réglemen tation générale. Il paraît plus simple d'examiner les divers projets au fur et à mesure qu'ils se présentent et, tout en s'inspirant de mêmes principes directeurs, de résoudre chaque cas au mieux des intérêts en présence.

Ce qu'il convient donc de retenir tout spécialement de la loi italienne c'est l'affirmation de règles générales dont certaines, tout au moins, appliquées en France seraient de nature à assurer pratiquement la réalisation des grands travaux utiles.

Parmi ces règles, il en est une toutefois sur laquelle nous croyons devoir faire toute réserve: c'est la faculté d'imposer un droit de plus-value sur les terrains limitrophes ou contigus à la voie navigable, faculté qui d'ailleurs est déjà reconnue en France à l'Administration par l'art. 30 de la loi du 16 septembre 1807 en matière de travaux publics généraux, départementaux ou communaux.

MM. Castiglione et Beretta font remarquer eux-mêmes combien cette imposition directe est un instrument dangereux; ils rappellent notamment les doléances présentées au Gouvernement Prussien par les représentants des régions agricoles traversées par le nouveau canal de Dortmund à l'Ems; canal qui a ruiné de nombreuses régions soit en tarissant les sources et en enlevant l'eau indispensable à l'irrigation, soit en inondant en d'autres points des terrains déjà trop humides. Ils font ressortir par contre que les principaux intéressés

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES, 1913-VI.

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