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toriques si connues

un coloris de temps et de lieux si fidèle, qu'elle a fini par triompher de la sévérité du goût des spectateurs. La dernière scène, absolument neuve au théâtre, a enlevé tous les suffrages.....

On avait reproché, non sans raison, à M. Lemercier, de n'avoir mis dans cette pièce que des caracteres odieux ou avilis, et d'avoir manqué le but moral et dramatique. Quelques mois après (le 4 août), il nous a présenté un tableau dont l'orgueil national est plus flatté, c'est Louis IX dans sa captivité. D'abord le saint roi y parait sous le costume d'un simple chevalier, confondu dans la foule de ceux qui ont été faits prisonniers à la bataille de la Massoure. Le soudan, qui vient à le soupçonner, fait publier que tous les prisonniers seront mis à mort s'ils ne le font connaitre ; alors Louis se dévoue pour les sauver à une mort certaine. On ne sait trop ce qui en arriverait, s'il n'avait en même temps occasion de sauver le soudan du fer d'un assassin. Cependant la conspiration ourdie par une Roxane nouvelle contre le soudan n'en est point déconcertée. Octaïr, soldat de fortune qu'elle aime et dont elle a soulevé l'ambition, détrône son souverain; et à la suite de cette révolution, Louis recouvre sa liberté, au moyen d'une rançon telle qu'elle est stipulée dans l'histoire.

Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit sur la difficulté de mettre un personnage tel que saint Louis sur la scène, où l'on veut des caractères passionnés, du mouvement et des émotions fortes. M. Ancelot avait trouvé dans ce sujet quelques scènes touchantes, embellies des charmes d'un style correct, élégant, harmonieux; M. Lemercier, peu fait au genre admiratif, a voulu fortifier son action par un épisode mélodramatique. Il en a tire quelques effets de théâtre et de hautes pensées exprimées en beaux vers, mais aux dépens de l'unité des convenances et de la vérité dramatique, sans laquelle il n'y a point d'intérêt.....

Depuis qu'un écrivain distingué (M. de Marchangy) a déroulé sous nos yeux les richesses poétiques de l'histoire de France, nos auteurs s'y

sont jetés et l'exploitent avec une ardeur infatigable, mais quelquefois inconsidérée. Peut-être était-il temps d'abandonner les traces battues des Grecs, comme Horace en félicitait quelques tragiques de son temps. M. Liadières l'a encore fait avec succés dans son Jean-sans-Peur (15 sep→ tembre).

Je félicite les auteurs modernes d'avoir fait sortir la tragédie nationale des langueurs du genre admiratif où Dubelloy Pavait réduite, et je me hâte d'arriver à la pièce qui termine par un coup d'éclat l'année théâtrale de l'Odéon, c'est-à-dire au Paria de M. Casimir Delavigne (1er octobre).

sophique a nspiré la composition de Le Paria. Une haute pensée philocette tragédie: la Chaumière Indienne de Bernardin-de-Saint-Pierre a fourni les couleurs du tableau; mais ce serait qu'il a voulu par-là fonder l'égalité faire injure à l'auteur que de supposer fes classifications sociales. Il y a trop politique sur la destruction de toutes loin des castes indiennes aux institutions de l'Europe pour en tirer absolument cette conclusion.

Qu'est-ce qu'un Paria? M. Delavigne le dit en fort beaux vers. Mais les Parias ou Pareyas ne forment même point une caste, ils sont hors des quatre reconnues, les braminse, les guerriers, les agriculteurs et commercans, les artisans. Ils sont obligés de fuir à l'aspect d'un Hindou des trois premières: ils se livrent aux travaux les plus abjects. Mais comme ils ne participent point aux avantages des castes, ils ne sont point non plus soumis à leurs règlemens.

M. Delavigne a supposé qu'un homme de classe abjecte, Idamore, a quitté les forêts d'Orixa et son père. Il s'est jeté dans une armée indienne pour combattre les Portugais, qui ont envahi le territoire indien, et par ses exploits, il est parvenu au commandement de l'armée. Elevé à ce rang suprême, il n'a point voulu fléchir le genou devant le grand bramine Akebar, et cependant il aime sa fille, Néala. D'abord l'orgueil du pontife s'indigne de la hauteur du guerrier; mais ensuite, en apprenant l'amour qu'Idamore a pour sa fille, il conçoit

qu'il vaut mieux en faire son gendre que son ennemi; et quoique la vierge ait été vouée au culte de Brama, le mariage des deux amans est décidé : tout est préparé pour la pompe nup. tiale. Mais tout à coup arrive du fond des forêts d'Orixa le vieux Zarès, le père d'ldamore; il vient chercher son fils, il ne peut plus long-temps supporter son absence, il veut le ramener, l'arracher au joug de la société, au rang qu'il y occupe, au bonheur qui l'attend. Idamore rède, il ne demande que du temps. Il détermine Néala elle-même à le suivre, mais, par une méprise, l'impétueux vieillard se croyant trahi, va dans son désespoir déclarer au temple qu'il est Paria. Entre le danger de se faire connaitre ou de voir périr Zarės, Idamore avoue son père, et il est condamné à mort, mais il obtient la grâce de Zarés, qui retourne dans ses chères forêts d'Orixa, où Néala le suit.

La critique, sévère en proportion du talent et du succès de l'auteur, lui a reproché des défauts que l'analyse la plus rapide a déjà fait entrevoir au lecteur. Est-il vraisemblable qu'étranger à la tribu des guerriers dans un pays ou la distinction des castes est si sévèrement maintenue, Idamore soit parvenu au commandement suprème de l'armée, sans qu'on se soit informé de sa famille et de sa patrie....? Comment le pontife Akebar Jui donne-t-il sa fille sans élever le moindre doute, sans lui faire la moindre question à cet égard........? Comment le malheureux Zares a-t-il la barbarie de vouloir arracher son fils à l'éclat du rang qu'il occupe, pour l'abaisser au dernier rang de la société ?....... Il est difficile de répondre aux deux premières objections d'une manière satisfaisante: c'était le vice radical et l'écueil naturel du sujet. Que le pontife dise un seul mot. qu'il éleve un seul doute, et il détruirait d'un souffle le frèle édifice de la fortune d'un ennemi si superbe avec si peu de droits. Son silence en pareil cas est une faute de caractère. Quant à la proposition de Zarès, bien qu'elle soit contraire à nos mœurs, hors de notre position sociale, elle est dans la nature.... Le Paria Zares a nourri pendant soixante ans dans ses forêts

la haine des supériorités sociales: fait à sa vie sauvage, il déteste les castes qui le rejettent de leur sein, il a dédaigné leurs arts, leurs plaisirs, leurs honneurs, Il craint que le ma riage de son fils ne lui enlève tout es poir de le ramener dans sa solitude. Il horreur des castes privilégiées, et dans ya dans sa misère stoique, dans son son dédain des grandeurs un sentiment vrai, une connaissance profonde du cœur humain. C'est là que M. Casimir Delavigne nous semble avoir le mieux fait sentir la pensée dominante de son ouvrage; on regrette d'ailleurs cuteurs ne disent pas toujours ce qu'ils que dans plusieurs scènes les interlodoivent se dire, et qu'il y ait moins de mouvement que de déclamations. C'est le résultat nécessaire d'une composition hâtive, d'un sujet qui n'a pas été profondément médité, dont on n'a point tire toutes les ressources. Mais talent de l'auteur, la coupe heureuse on y remarque aussi les progrès du des périodes, la richesse des rimes, le choix des expressions, un color's brillant, une poesie harmonieuse riche d'idées et d'images, et quelqué chose enfin du style de Racine.

L'année théâtrale que nous venons de parcourir n'est inférieure à celles qui l'ont précédée, ni sous le rapport port des progrès du goût qui se ré des produits de l'art, ni sous le rappand dans toutes les classes, et qui s'étend à tous les théâtres.

théâtre grec. M. Levée a entrepris une Il a paru de nouvelles éditions du traduction du théâtre complet des Latins, enrichie de dissertations critiques côté de ces monumens élevés au culte par MM. Amaury et Alex. Duval. A des muses antiques, on a vu sortir de peare, de Schiller, et cette vaste colnos presses les traductions de ShakesJection des chefs-d'œuvre des théâtres étrangers, soutenue par des noms célèbres dans les sciences et dans les lettres.... Toutes ces entreprises sent dignes d'encouragement. Ici, les intérêts du commerce sont d'accord avec ceux de la littérature, qui a partout ses passions et ses préjugés....

question du romantique et du clasQuoique l'on dispute encore sur la sique, j'observe que, comme les productions françaises dominent là on

l'on feint tant de dégoût pour elles, il se fait aussi dans notre littérature, que madame de Staël trouvait pétri fiée, une infiltration étrangère. Il ne serait pas difficile d'en trouver la preuve dans les meilleures productions nouvelles, et il n'y a pas lieu de nous en plaindre.

La grande querelle littéraire de l'Europe tient peut-être à ce que les nations ne se sont encore ni assez communiquées, ni assez entendues. Dans le premier âge, leur littérature a une physionomie sauvage, originale, pleine d'images tirées de l'état inculte et des passions d'une société naissante. A mesure qu'elles avancent dans la civilisation leur littérature prend des teintes plus douces; à mesure que les nations se communiquent, leurs mœurs, leurs costumes, leurs usages, leurs, gouts même, tendent à se confondre... Tous les arts ont subi cette heureuse influence. Y a-t-il maintenant en peinture des écoles italiennes, françaises ou flamandes? La musique a-t-elle conservé partout le caractère national?. Les allemands ne sont-ils pas devenus, mélodistes? Les Napolitains n'ont-ils pas sacrifié à l'harmonie? et les compositions qui ont eu le plus de succès en France n'offrent-elles pas une heureuse fusion des deux genres? Don Juan, le Barbier de Séville, Otello

et la Vestale sont là pour nous répondre. La mème révolution s'opérera peut-être un jour dans la littérature. Les romantiques reconnaîtront que le classique n'exclut ni les émotions du cœur, ni les inspirations du génie; et les classiques s'enrichiront de tout ce que la littérature étrangère offre de beau, de bon, c'est-à-dire de vrai ; car en littérature, comme en morale et en politique,

«Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est aimable. >>

la

Enfin une chose nous a frappés dans

comparaison de quelques chefsd'œuvre du théâtre étranger avec ceux des théâtres grec, latin et francais, c'est que les scènes dont le mérite est des beautés disputé n'offrent que locales, jugées d'après des mœurs, des préventions de nation ou de parti; tandis que celles dont le mérite jest le plus généralement avoué dans la nation qui les a produites feraient une égale impression, seraient également applaudies sur tous les théâtres et dans toutes les langues; d'où nous concluons que l'on peut parvenir à s'entendre, et qu'il y a dans les arts un bon goût comme pour l'ordre social une morale certaine, universelle.

FIN.

TABLE DES MATIÈRES.

PREFACE.

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Aperçu statistique et comparatif des principales puissances, en 1821. pag. is

PREMIÈRE PARTIE.

HISTOIRE DE FRANCE.

CHAP. Ier, OUVERTURE de la session de 1820-21.-Etat des partis.- Discours

du Roi. Nouveaux ministres.- Vérification des pouvoirs. -Composition

des bureaux. Adresses des deux chambres. Loi des six douzièmes.

Attaques contre le ministère. Explosion du 27 janvier. — Message à ce
sujet. Discussion de l'adresse en réponse au message.

CHAP. II. PÉTITIONS, et débats qu'elles excitent.-Petition du colonel Simon

Lorières sur sa radiation du contrôle de l'armée. —Pétition du sieur Chré-

tien pour un arriéré de solde, du colonel Alix pour le rapport des lois

d'exception. Questions incidentes sur les révolutions de France, d'Es-

pagne et d'Italie` . . .

CHAP. III. DISCUSSION et adoption des projets de loi sur le paiement du pre-
mier cinquième des reconnaissances de liquidation; sur la nouvelle cir-
conscription des colléges électoraux d'arrondissement; —sur le règlement
définitif des comptes de 1819 et années antérieures. Questions inciden-
tes sur les affaires d'Italie.-Mouvement séditieux à Grenoblé. (20 mars.)

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CHAP. V. LOI sur les grains.

CHAP. VI. CHANGEMENT fait à l'article 351 du code d'instruction criminelle.
- Loi sur les pensions ecclésiastiques.

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SECONDE PARTIE.

HISTOIRE ÉTRANGÈRE.

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CHAP. Ier. ALLEMAGNE. DIETE GERMANIQUE.-Loi organique sur la constitution militaire de la confédération.-Difficultés entre la Russie et le duc d'AnhaltKothen. Convention de Darmstadt pour la navigation de l'Elbe.—Affaires diverses. AUTRICHE.. Affaires extérieures. Intérieur. Révolte de paysans en Moravie.-Edit de conscription. -Mesures contre les Carbonari. Emprunt.- Rapport sur l'extinction de la dette. — PRUSSE. — Conspiration. Budget de l'Etat. -Voyage du roi dans le grand-duché du BasRhin. Mesures contre les étudians. -Bulle du saint-siege pour la circonscription des siéges épiscopaux.-Commission pour la rédaction d'une constitution. BAVIÈRE. Agitations.- Cures du prince abbé de Hohenlohe. Publication du concordat de 1817.-WURTEMBERG. -Suite de la session des Etats.-Affaire de M. List. Travaux des Etats.-BADE. Réunion des communions évangéliques. - HESSE - DARMSTADT. Clôture des Etats.-HESSE-CASSEL.-Mort de l'électeur Guillaume Ier. - Changement dans l'administration. — Saxe.—Diete. - Résultat de ses travaux.-Constitution donnée dans le duché de Saxe-Cobourg-Saalfeld. HANOVRE. Différends dans l'assemblée des Etats. – Arrivée et séjour du roi d'Angleterre à Hanovre 247 CHAP. II. PAYS-BAS.-Suite de la session de 1820.-Nouveau système de finances. Discussions orageuses. Adoption du budget. - Rejet de la loi des gardes communales.-Clôture de la session.-Ouverture de celle de 1821. Adoption du budget annal. - Colonies. DANEMARCK. - Emprunt, SUÈDE et NORWEGE. Traité de limites avec la Russie. Ouverture de la session du storthing ou diete de Norwège. Lettre de l'ancien roi pour demander l'indigénat en Norwege; réponse du roi Charles-Jean et de la diete.-Abolition de la noblesse en Norwege.-Prorogation du storthing.Résolutions sur la dette norwégienne envers le Danemarck. - Projet de loi sur la liberté de la presse rejeté par le storthing. Arrivée du roi à Christiania. Propositions faites à la diete pour des changemens à faire à la constitution norwegienne. Clôture de la session. Départ du roi, Camp et revues militaires.- RUSSIE et POLOGNE.-Situation du commerce et des finances de l'empire. Retour de l'empereur. Préparatifs militaires. Ukase pour les établissemens russes sur la côte de l'Amérique occidentale. Esprit public en Russie. — Agitations en Pologne. — Ukase qui défend dans les deux Etats les sociétés secrètes. . . 258 CHAP. III. CONGRÈS DE LAYBACH.-Objet et résultat des conférences. Lettre daroi des Deux-Siciles à son fils.-Effet de ces nouvelles à Naples.-Sessions extraordinaire et ordinaire du parlement. Décrets et déclarations.- Préparatifs de défense. - Manifeste des Napolitains.-Marche des Autrichiens et des Napolitains.-Troubles dans les Etats romains.-Affaires de Riéti et d'Antroduco. Capitulations d'Aversa et de Naples.- Dissolution du parlement napolitain. - Entrée des Autrichiens à Naples. Soumission et désarmement des provinces. Mesures du gouvernement provisoire. 307 CHAP. IV. PIEMONT.-Esprit du pays. Troubles. - Insurrection de la garnison d'Alexandrie. -Revolution a Turin.-Abdication du roi Victor Emmanuel. Nomination du prince de Savoie-Carignan en qualité de régent du royaume. Publication de la constitution d'Espagne. Changemens dans l'administration. --Déclaration du duc de Génevois.-Congrès de Laybach, Retraite du prince-régent à Novarre. — Troubles à Gènes. Entrée des Autrichiens sur le territoire piémontais.-Affaire de Novarre. - Entrée des Autrichiens dans Alexandrie. Rétablissement de l'autorité royale à Gouvernement

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Turin. Seconde abdication du roi Victor Emmanuel.
du nouveau roi. Déclaration du congrès de Laybach.
Annuaire hist. pour 1821.

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