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prématie exercée par les souverains du nord sur ce qui se passe au-delà des Alpes?

Tout récemment encore, nous avons lu dans les gazettes un traité en vertu duquel des troupes étrangères occuperont les Etats du roi de Sardaigne (V. l'Appendice), d'un prince notre plus proche voisin, d'un prince dont les provinces sont, pour ainsi dire, mêlées à nos départemens. Je vois dans ce traité le roi de Prusse et la signature d'un M. Fetit-Pierre son plénipotentiaire ; et le roi de France, le roi de 30 millions d'hommes, n'est pour rien dans ce qui se passe à notre porte; son nom n'est pas même prononcé dans un traité dont il eût été si glorieux pour nous de prévenir les suites fų

nestes....

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Et de ces considérations l'honorable membre conclut qu'il y a convenance respectueuse dans les expressions de l'adresse.

Quoiqu'attaqué et souvent interrompu des deux côtés de la chambre, le ministère se défendait toujours. M. Laîné s'élevait surtout contre l'expression de paix achetée..... M. le garde des sceaux, revenant sur la phrase qu'il avait signalée comme injurieuse, la repoussait encore comme équivoque. « L'esprit de parti, disait-il, l'expliquera en deux scns. Ceux-ci, comme M. de Corcelles, y verront la critique du gouvernement du roi en ce qu'il n'a pas assez favorisé les peuples dans leurs révoltes: ceuxlà, comme M. de la Bourdonnaye, en ce qu'il n'a pas assez contribué aux mesures de sévérité prises contre eux... » Enfin, après bien des explications, des récriminations, des reproches mutuels et des signes d'impatience de toute l'assemblée, on alla aux voix sur la suppression du paragraphe, qui fut conservé, et l'adresse entière, votée au scrutin secret, fut adoptée sans correction, suppression, sans amendement, telle que la commission l'avait proposée, par 176 voix contre 98, sur 274 votans:- Cette redoutable majorité était formée des deux côtés opposés de la chambre. Au centre gauche, quatre députés seulement s'étaient levés pour la suppression du paragraphe. Au côté droit, M. de Villèle, qui y avait repris sa place ordinaire, ne se leva ni pour ni contre, circonstance qui fut remarquée comme une preuve de sa rupture

avec le ministère.

sans

C'est la première fois que, dans une discussion oủ les partis avaient une occasion si naturelle de se diviser sur la question des affaires de Naples et de Piémont, et malgré les efforts que le

garde des sceaux fit pour les mettre aux prises, afin de rompre un accord si étrange, ils évitèrent scrupuleusement tout ce qui pouvait les blesser.

( 27-30 novembre, ) Il est d'usage que l'adresse en réponse au discours du trône soit présentée au roi par une grande députation le jour ou le lendemain qu'elle a été votée. Cependant trois jours se passèrent dans l'incertitude des dispositions de S. M., au bout desquels le ministre de l'intérieur fit connaître, par une lettre à la chambre, l'intention où le rọi était que cette adresse lui fût remise le 30 à huit heures du soir par le président et deux secrétaires de la chambre. On se souvient que S. M. ne voulut point en entendre la lecture, en disant qu'elle aimait à croire que ceux qui l'avaient votée n'en avaient sans doute pas pesé toutes les expressions. Nous ne répéterons point ici ses paroles, elles sont encore dans la mémoire de nos lecteurs, et nous les avons recueillies pour l'histoire (Voyez l'Appendice.)

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D'après l'improbation si solennelle de Tadresse, le triomphe du ministère paraissait assuré. On parlait plus que jamais de la dissolution de la chambre, ou du moins d'abréger cette session où l'on se bornerait à faire passer le budget de 1822 et la censure; et comme la plus grande force du ministère est dans la confiance qu'il inspire de sa durée, il se flattait de briser la coalition hétérogène des deux extrémités, et de se refaire une majorité. On ne fut pas long-temps à le désabuser.

(3 décembre.) A la première séance publique après la réception de l'adresse, M. le garde des sceaux vint présenter à la chambre deux projets de loi. Le premier coptenait des dispositions additionnelles sévères aux lois existantes relatives à la répression et à la poursuite des délits commis par la voie de la presse; nous ne nous y arrêterons point, parce que la discussion appartient à l'histoire de 1822. Le second demandait la prorogation de la censure jusqu'à la fin de la session de 1826... Cette proposition, faite au moment où fermentaient la chaleur et l'effervescence des partis, fut reçue des deux extrémités de la chambre avec la répugnance Ja plus marquée...... On n'attendait pour attaquer le ministère

qu'une occasion trop tardive au gré de l'opposition. M. Delalot la trouva. Sous prétexte qu'il n'avait pas été fait, depuis plus de huit jours, de rapport sur les pétitions; il se leva pour demander le rappel à l'art. 66 du règlement.

« Voudrait-on, dit-il, en éloignant le rapport des pétitions, en vous donnant par-là la couleur de l'indifférence pour les plaintes des opprimés, voudrait-on se ménager un prétexte pour vous calomnier devant la nation, comme on a déjà trouvé le secret de vous calomnier devant le trône? Ou bien, en évitant les discussions publiques, espérerait-on ravir à la chambre le moyen de manifester à toute la France sa profonde douleur, et de tirer devant elle une satisfaction légitime de ses téméraires calomniateurs? »>

A ce début violent, plusieurs voix, parties du centre, interrompirent l'orateur. Le président lui-même s'efforçait de le borner à s'expliquer sur l'article 66 du règlement.

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Songez, poursuit M. Delalot, que la censure donne à vos ennemis déclarés le pouvoir d'étouffer l'opinion publique, et d'empêcher le cri de la vérité de monter jusqu'au trône. Vous n'avez que cette tribune pour vous défendre ; ne souffrez pas qu'on vous en écarte sous aucun prétexte, ni qu'on ajourne des débats qui doivent éclairer la nation.

« La chambre se doit à elle-même de venger ici la cause la plus sacrée, celle de son amour inaltérable, de son inviolable respect pour le meilleur des rois.

« Elle ne saurait consentir à demeurer sous le poids de l'horrible calomnie qui vient de porter atteinte à ces liens de confiance et de piété filiale, si nécessaires à tous les cœurs français. Cette calomnie, elle la renvoie tout entière à sa source. Elle l'attribue tout entière à ces ministres frappés de vertige, qui ont osé noircir, envenimer, torturer le langage le plus innocent et les intentions les plus pures, pour en forger dans le conseil du roi la supposition la plus révoltante.

« La chambre se doit à elle-même de déclarer à la face de l'univers que les conseillers de la couronne ont surpris la religion du monarque, expression qué l'histoire a consacrée dans la bouche des plus vertueux défenseurs de nos libertés.

...... « Et à qui persuadera-t-on, chez le peuple le plus spirituel de la tèrre, que tout ce qu'il y a dans cette assemblée d'hommes éclairés, d'hommes sincèrement dévoués au roi, aient pu entendre deux fois, dans le silence le plus profond et sans avoir manifesté l'émotion la plus légère, une adresse qui aurait contenu la plus sanglante injure contre la majesté `royale? A qui persuadera-t-on que des hommes, dont toute la vie n'est qu'un long sacrifice de dévouement et de fidélité pour leur roi, aient voulu blesser son cœur paternel \ par l'endroit le plus sensible? Et si l'on vient à considérer quels sont leurs

accusateurs, des ennemis publics de la légitimité et de la charte, des partisans déclarés de l'arbitraire, qui ne peuvent souffrir aucune majorité, de quelque côté qu'elle s'établisse; des hommes qui ont osé professer ouvertement dans cette chambre leur haine pour les royalistes; des hommes qui ont eu la sacrilege audace d'accuser à la face de l'Europe la maison de Bourbon d'ètre la seule cause de tous les malheurs de la France! Qui donc voudrait alors, sur la foi de tels ministres, condamner, je ne dirai pas l'élite de la France et les modèles de l'honneur, mais même le dernier de tous les mortels?.

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« Ne voyons-nous pas s'accomplir aujourd'hui ce système persévérant de proscription et de haine contre la fidélité la plus irréprochable? N'avons-nous pas entendu, dans la dernière session, un de ces ministres proclamer hautement le manifeste de ses haines politiques? Et ne voyons-nous pas le ministére marcher à la suite d'un tel homme sous la bannière de cette haine invétérée ?

<< Ils ne manqueront pas de dire au roi : Ce sont des exagérés, sire, qui açcusent vos bons ministres; ce sont des aspirans au ministère, ce sont des ambitieux effrénés qui n'ont rien, et qui voudraient tout avoir comme nous. Mais ce n'est pas tout, sire, ce sont des ultra-libéraux, et, ce qui est plus effroyable, ce sont des ultra-royalistes!....

« Mais laissons, messieurs, ces tristes calomnies dont la Frånce a déja fait justice. Ce qu'il importe avant tout de lui faire connaitre, c'est l'ensemble, c'est l'enchainement des desseins du ministère. Il faut que le prince et les sujets soient avertis d'avance de tout ce qu'on prépare pour la ruine de cette monarchie.

« Oui, ministres du roi, toutes vos pensées, tous vos projets sont connus. Les élections dernières ont trompé vos manœuvres et vos persécutions, votre ambition est aux abois. Furieux contre une majorité que toutes vos intrigues n'ont pu rendre servile, vous voulez la briser. Vous ne l'avez calomniée devant le trone que pour en faire sortir contre elle les mesures les plus violentes et les plus désastreuses pour l'Etat; et comme vous savez bien que la nation indignée renverrait ici de fidèles vengeurs, et non pas de lâches suppôts du despotisme ministériel, vous voulez, par un dernier attentat, changer encore la loi des élections. Vous n'oseriez nous proposer ce changement. Vous prétendez l'opérer par un acte arbitraire; vous voulez substituer le régime des ordonnances à l'ordre légal et constitutionnel; vous voulez porter sur la charte une main sacrilege, et c'est alors que, trompés dans les calculs de votre ambition, mais non pas dans les espérances de votre haine, vous amènerez, comme dernière conséquence, la chute du tròne légitime.

a Poursuivez. Il vous faut cinq années de censure: il vous faut étouffer toute opinion, toute vérité, toute conscience dans la nation. Vous avez besoin de ténèbres pour accomplir vos desseins. Vous haïssez, vous craignez, vous fuyez la lumière. Où voulez-vous fuir? La lumière est inévi table, elle vous enveloppe, elle vous investit, elle vous poursuit de toutes parts; elle trahira vos desseins criminels. Vous n'échapperez pas à la vérité, vous n'échapperez pas à la justice. Le roi et la nation sont avertis. Tout ce que vous allez entreprendre, vous en répondrez sur vos tėles. »

M. Delalot termina son discours en demandant qu'il y eût chaque semaine un rapport sur les pétitions, et par conséquent une séance publique.

Il est difficile de peindre les sensations diverses qu'excita ce discours, dont nous avons omis quelques personnalités injurieuses; le centre en parut stupéfait.

M. le baron Pasquier, particulièrement attaqué, était absent; M. le garde des sceaux prit la parole.

« Je ne prétends pas, dit 3. Ex., établir une discussion sur la harangue de l'honorable préopinant; il a prété aux ministres du roi des projets odieux, je les nie complètement; il n'a donné aucune espèce de preuves à l'appui de ses assertions, et j'ose dire qu'elles sont dénuées même de toute espèce de probabilité; il nous a prêté des calomnies, des injures, je les nie également, car également il ne nous a donné aucune espèce de preuves....

«Quant à cette haine prétendue contre les royalistes, si on la suppose chez les ministres en général, la supposition est démentie par leurs actes.... Si on nous prète individuellement cette haine, chacun de mes collègues pourra dire comme moi qu'il ne cède en royalisme à personne, si le royalisme se mesure par le dévouement, par les sacrifices, par les services rendus.

<Quant au fond du discours, qui aurait pour objet l'adresse au roi et la réponse qui y a été faite, Padresse a été discutée par vous ayant d'être portée ; je crois qu'il serait contraire au respect que je dois à la chambre de la discuter de nouveau maintenant. Il serait par la même raison contraire au respect que je dois au monarque de discuter sa réponse; je n'ai donc rien à dire à cet egard. Quant à ce qui regarde la disposition du règlement, relativement aux pétitions, ce sujet m'est complètement étranger. »

Ici M. le général Donnadieu montait à la tribune, dans Pintention, disait-il, de prouver les assertions tout à l'heure avancées par M. Delalot; mais, malgré tous ses efforts et ceux de M. de la Bourdonnaye, il ne put parvenir à se faire entendre, M. le président, rappelant que le règlement avait prévu la manière dont une accusation devait être portée contre les ministres, c'est-à-dire, dans la forme d'une proposition, le général, repoussé de la tribane, fut réduit à faire imprimer son discours, qui contenait des attaques vives sur, le système des ministres, et sur l'un d'entre eux (M. de Richelieu) des reproches relativement au traité du 20 novembre, et des personnalités que nous nous sommes fait une loi d'écarter quand elles ne sont pas nécessaires à l'éclaircissement des faits historiques.

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