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texte de l'ordonnance royale du 9 juillet 1815; et la création d'un président du conseil irresponsable, comme ayant été faite uniquement pour M. le duc de Richelieu, non pas dans des vues d'intérêt public, mais « par des motifs bien connus, quoique bien étrangers. »

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Ce discours, mêlé de réflexions épigrammatiques sur la situation des députés ministres sans portefeuille, qui n'avaient pas encore cru devoir prendre le costume ministériel » et « sur ce qu'on n'osait plus faire l'éloge de la charte depuis qu'on savait qu'elle était mal à la cour» (allusion à une brochure du temps), avait excité quelques murmures. La chambre en refusa l'impression, comme de celui de M. Demarçay, qui attaqua ensuite les dépenses de l'administration générale, « moins en tant qu'elles aggravaient le poids de l'impôt, disait-il, que parce que l'argent que répand un mauvais gouvernement a presque pour but de séduire et de payer ceux qu'il emploie à priver un peuple de l'exercice de ses droits et à le rendre indigne de la liberté ; » idée que M. Étienne développa bientôt après dans la critique des dépenses de la justice. A propos de la dépense de 40,000 fr. allouée pour le traitement d'un sous-sécretaire d'État au département de la justice, place dont il demandait la suppression, comme abusive et peu en rapport avec nos institutions constitutionnelles, il s'éleva contre les abus de l'olygarchie salariée », contre la différence qui existe entre le traitement affecté aux fonctions inamovibles (de juges), et celui des places amovibles (de sous-sécretaire d'État, de procureurs généraux, etc., etc.) « — On ne paye pas assez, dit-il, celui auquel il est impossible d'ôter sa place pour qu'il en désire sans cesse une meilleure, ct on paye beaucoup trop celui qui peut perdre la sienne pour qu'il ne soit pas tenté de mettre en balance l'argent qu'il reçoit du trésor, quand il sert le pouvoir en aveugle, et l'estime de ses concitoyens, quand il pense que les inspirations de la conscience peuvent s'allier avec les devoirs de l'homme public... Il en résulte que moins un gouvernement protége les intérêts du pays, plus l'administration est coûteuse. »

M. le garde des sceaux fit à ce discours une réplique vive, d'a

bord quant à l'utilité de la place de sous-sécretaire d'État, puis quant à la nécessité de maintenir la hiérarchie dans l'ordre judiciaire.« Je ne ferai pas de grands efforts, dit-il, pour repous« ser plusieurs attaques téméraires hasardées contre la magistra

ture.

Des orateurs qui professent des principes anarchiques, et qui * cherchent continuellement à les mettre en action, sont consé<quens avec eux-mêmes quand ils attaquent la magistrature... » A ces mots, échappés dans la chaleur de l'improvisation, tout le côté gauche se soulève; on crie à la calomnie! on demande le rappel à l'ordre du garde des sceaux, qui déclare « ne répondre aux injures que par le mépris. » On n'entreprendra pas de représenter cette scène tumultueuse, où les explications données de part et d'autre sont des injures nouvelles. La lassitude de l'assemblée la suspendit; on rejeta les amendemens proposés, autres que celui de la commission (reduction de 16,000 fr.).

(7 juin). Ici se reproduisit, comme tous les ans, la question de l'existence du conseil d'État, dont M. Labbey de Pompières demandait la suppression, et que M. Manuel attaque de nouveau comme une institution vicieuse et une conséquence funeste du système conçu de ramener tout à l'arbitraire. M. Cuvier la défendit de ces reproches.-M. de Lameth se bornait à demander positivement que le ministre présentât dans la session prochaine une loi qui statuât sur l'organisation et la composition du conseil d'État, dont M. le garde des sceaux démontra l'existence légale confirmée depuis la charte, et l'utilité pour éviter le despotisme le plus insupportable, celui des administrations départementales el municipales. Plus d'une fois à ce sujet, et surtout à l'occasion des frais de justice en matière criminelle, la querelle faillit se rallumer entre M. le garde des sceaux et des orateurs de la gauche, mais l'adoption du chapitre de la justice y mit tout-àfait fin.

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Le budget des affaires étrangères fournissait ample matière aux digressions politiques. On en a largement profité.

M. Bignon (ancien ministre à Dresde, à Varsovie, etc.), pas

sant en revue les articles de la dépensé, arrive à celui des traitemens d'inactivité, et, s'excusant de prendre la défense des intérêts qu'il a dans cette cause, il expose que les lois antérieures ont affecté à ce département une somme de 200,000 fr. destinée à faire des traitemens d'inactivité en faveur de ceux des agens consulaires et politiques qui, par force majeure ou par des circonstances fortuites, se trouvaient alors et se trouveraient plus tard déplacés des fonctions qu'ils avaient remplies.

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« Ces deux cent mille francs, dit M. Bignon, sont en grande partie distribués en pension, de dix, douze, quinze mille francs et plus entre des hommes fort estimables sans doute, mais auxquels ils n'étaient point destinés par la loi.

« On se récrie lorsqu'il nous arrive de prétendre qu'il y a deux nations en France. Nous pouvons dire avec vérité qu'il y en a deux dans le département des affaires étrangères. Tout dans ce département est pour les hommes qui ont compté quelques mois de service avant la révolution ou depuis 1815, tandis que les services rendus dans l'intervalle de ces deux époques sont méconnus, éconduits et privés, soit de la pension due à l'agent qui ne peut plus servir, soit du traitement d'inactivité dû à l'agent qui peut servir encore. »

En examinant la liste des nouveaux agens diplomatiques actuels, M. Bignon observe que, de tous les agens employés dans les vingt dernières années, il n'y en a qu'un très-petit nombre qui ait continué à l'être;-qu'ils ont été pris la plupart dans l'ancienne noblesse ; « quoiqu'il soit très-bien démontré à l'Europe, dit-il, qu'en fait de talent, d'habileté et d'instruction, entre un gentilhomme et un plébéien, il y a en faveur du gentilhomme vingt chances contre une... »

Ces observations, et surtout la critique amère que M. Bignon fit ensuite de nos missions diplomatiques à Rome, dans le Levant et au congrès de Laybach, avaient fort indisposé la droite. Mais quand il en vint à l'article des dépenses secrètes, qu'il signala comme un moyen de corruption et un expédient pour créer des pensions sans publicité, ou donner des gratifications rarement

avouées par la justice; quand il revint encore aux affaires d'Espagne et de Naples, où le ministère français s'était, dit-il, écarté des routes où l'intérêt de l'État aurait dû le conduire, alors les murmures devinrent si violens, les interruptions si fréquentes, qu'il fut obligé de quitter la tribune sans avoir achevé son discours. -M. le ministre des affaires étrangères y répondit, relativement au personnel, que, si les employés du ministère, les agens diplomatiques, les ambassadeurs, les ministres du roi, n'avaient pas l'assentiment du préopinant, « c'est que ses amis n'en faisaient pas partie : que la royauté n'employait pour la servir que les personnes qu'elle croit les plus habiles, les plus fidèles, les plus dévouées... Ce qui s'applique aussi à ceux qui reçoivent des traitemens de non activité.. » Ce fonds de non activité, dit S. Exc., suppose que les hommes qui en jouissent sont dans le cas d'être employés un jour... Mais pour des personnes employées à diverses époques dans les affaires étrangères, il peut s'en trouver quelquesunes que le roi ait la volonté de n'employer jamais. Ceux-là ne doivent point jouir d'un traitement de non activité... Tant que le gouvernement royal existera dans les principes qui lui servent, qui doivent lui servir de règle, jamais tel individu qui professe des maximes contraires ne sera employé par ce gouvernement... Il y aurait de sa part faiblesse et lâcheté de se livrer ainsi soi-même à ses ennemis... >>

Après cette déclaration, qu'il était important de recueillir pour l'explication des diverses destitutions qui ont eu lieu, le ministre, passant aux reproches qui ont été faits à la diplomatie française dans les affaires du Levant, d'Espagne, de Naples, etc..., donna des explications ou des refus de s'expliquer dans le sens de ce qu'il avait déjà dit, et, ramené le lendemain sur le même terrain par M. le général Foy, il s'en tira toujours par les mêmes moyens avec l'appui du centre et de la droite.

Malgré les assurances réitérées sur les efforts du gouvernement français pour maintenir la paix et l'équilibre de l'Europe, on revint encore à plusieurs fois (MM. Sébastiani, Casimir Perrier, Benjamin Constant) sur ce que la diplomatie française aurait

perdu toute influence dans le Levant, sur ce qu'elle avait souffert que le drapeau autrichien flottât à Naples, à Turin, à Milan, à Alexandrie, et que tout fût soumis, par l'insouciance du ministère français, à cette Autriche devenue maîtresse de l'Italie. A quoi, M. de Villèle répliqua que si le drapeau autrichien flottait à Naples et à Turin, ce n'était pas à la direction de la politique française qu'il fallait l'attribuer, mais aux mouvemens révolutionnaires qui avaient éclaté dans ces contrées, et qui en ont nécessité l'occupation. Enfin, après bien d'autres questions sur les rapports que la France aurait pu ouvrir avec le nouveau gouvernement d'Haïty dans les intérêts des colons et du commerce, et sur l'état des négociations avec les États-Unis d'Amérique, questions sur lesquelles le ministère refusa ou éluda des explications précises, on rentra dans le budget du département des affaires étrangères; et de toutes les réductions demandées, on n'adopta que celle de 15,000 fr. proposée par la commission sur les frais de bureau.

Budget du ministère de l'intérieur. Ici les partis se trouvèrent sur un terrain plus connu, et ils ne s'y portèrent pas avec moins de chaleur. M. Labbey de Pompières avait proposé une réduction de 300,000 fr. sur le traitement des fonctionnaires et employés, en spécifiant 40,000 fr. pour le directeur général de la police, et 20,000 pour le directeur des gardes nationales, dont les fonctions seraient supprimées.

D'abord M. le ministre de l'intérieur, combattant toutes les réductions, représenta que son département était si surchargé d'affaires, que depuis long-temps on avait jugé nécessaire de distraire de ses attributions directes l'administration départementale et communale, confiée tantôt à un conseiller d'État, tantôt à un directeur; que, quant à la création du directeur général de la police, elle n'avait nécessité aucune augmentation de dépenses, et que la police étant exercée dans toute la France par les préfets, les sous-préfets et les maires, il était naturel que la correspondance vînt aboutir à un point unique, au chef de l'administration générale du royaume, au ministre de l'intérieur; que la police,

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