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placé au bas de cet ordre: vous pourrez prendre avec eux les mesures que les circonstances exigeraient pendant mon absence.

Je m'en rapporte pour tout ce qui ne serait pas prévu dans cette instruction, à votre sagesse, à votre expérience, et à votre patriotisme, dont on m'a donné le meilleur témoignage. C'est d'après ces raisons que je mets une entière confiance dans vos dispositions.

En exécutant ponctuellement cet ordre, M. le commandant, vous serez sûr de servir utilement notre patrie, qui en sera reconnaissante.

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(Ici se trouve l'empreinte d'un timbre rond, portant la léttre L.)

P. S. M. le général Lamotte vous remettra un bon de 100,000fr. destiné à payer la haute solde accordée aux soldats et les doubles appointemens des officiers. Vous prendrez aussi des arrangemens pour faire vivre votre troupe qui ne rentrera à la caserne que lorsque la garde nationale de Paris sera assez organisée pour prendre le service. Cette somme est indépendante de la gratification qui vous est destinée,

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Copie de la lettre de M. le conseiller d'état préfet du département de la Seine, à S. Ex. le ministre de la police générale, en date du 30 Octobre 1812.

Monseigneur,

Il faut enfin céder au besoin que j'ai de vous confier les inquiétudes qui m'ont été données depuis deux jours.

Mercredi matin, c'est-à-dire avant bier, je me rendis auprès de V. Exc., sur ce que mon collègue Réal in'avait dit la veille au conseil des subsistances, que vous désiriez entendre de moi le détail de ce qu s'était passé à l'hôtel de ville, dans la matinée du 23 Octobre.

Je donnai ces détails à votre excellence: elle me les demanda par écrit; je les lui promis, et je ne sais même si je n'ajoutai pas que dès dimanche je les avais offerts dans cette forme à M. le comte Dejean, dans la galerie de Saint Cloud, à la suite d'une narration semblable que j'avais faite en sa présence, et

sur la demande de plusieurs personnes, parmi lesquelles étaient mon collègue Bérenger, le seul que je me rappelle.

Je ne vis rien à cela que de très-simple; et tout en rentrant chez moi, je me mis à rédiger une déclaration de ce que je

savais.

Ma rédaction, interrompue et reprise à plusieurs fois dans la journée par mon travail ordinaire d'administration, s'achevait dans la soirée, lorsque je reçus, de la part de S. Exc, le ministre de l'intérieur, l'ordre de me rendre chez lui. Je m'y rendis aussitôt.

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Son excellence me demanda, comme vous-même, Monseigneur, l'aviez fait le matin, le récit de ce qui s'était passé à 'hotel de ville: je le fis. Mais lorsque j'en fus à cet endroit de ma narration où je dis qu'en sortant de mon cabinet, et passant par la grande salle, je donnai l'ordre d'y mettre des tables, des chaises, son excellence poussa, avec un accent qui exprimait tout à la fois l'étonnement, la colère et l'intérêt, cette exclamation dont la véhémence retentit encore à mon oreille: Quoi! vous avez fait cela !-Oui, Monseigneur, je l'ai fait. Il faut que je l'entende de vous pour le croire-Mais, Monseigneur, remarquez donc pourquoi et avec quelle intention je l'ai fait.-Eh! vos intentions, reprit le ministre, qui peut savoir quelles elles étaient, et puis, ajouta S. Exc., les conspirateurs ne vous avaient-ils pas nommé l'un de ceux qu'ils conservaient ?—Je fus anéanti, écrasé par cette dernière objection; et rapprochant alors de la violence des reproches que le ministre m'adressait, la demande que vous m'aviez faite le matin, d'une déclaration par écrit, me rappelant de plus ce que j'avais su dans la journée, sans y donner autrement d'attention, parce que vous m'en aviez prévenu vousmême, que ce jour-là divers employés et gens de service de la préfecture avaient été mandés en déposition à votre ministère, je ne doutai pas du danger de ma position, et je m'attendis à

tout.

Livré aux agitations d'esprit qui naissaient naturellement de la circonstance, je cherchai cependant ce qui était à faire, et je résolus d'écrire à l'empereur.

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Puisqu'on pourrait m'attaquer pour un fait qui n'est effectivement justifiable que par l'intention en vue de laquelle il eu lieu; je ne puis, me dis je, avoir, après moi, de meilleur juge de moi-même que l'empereur.

J'ai écrit, ma lettre est partie d'hier; et il fallait bien que ce parti-là fût le bon, car c'est seulement depuis que je l'ai pris et que je me suis réfugié dans l'opinion que l'empereur doit avoir de moi, que j'ai recouvré le calme dont j'avais besoin.

En écrivant à l'empereur, je n'ai parlé que la langue du sentiment; j'étais trop agité pour pouvoir en employer une autre. Mais aujourd'hui, Monseigneur, aujourd'hui, que je vois plus froidement, il me semble que je suis en état de raisonner; et

que c'est avec vous surtout que je dois le faire, parce que c'est vous qui êtes dépositaire de la seule déclaration écrite qui m'ait été demandée, parce que c'est à votre ministère que des dépo sitions relatives aux faits rapportés dans cette déclaration ont été reçues; enfin, parce que si le ministre de l'intérieur luimême, qui, par les relations plus anciennes de subordination que j'ai avec lui, serait la première caution que j'invoquerais de mes sentimens, a pu s'étonner, s'inquiéter même de la conduite que j'aie tenue dans cette circonstance, je dois crain dre à bien plus forte raison que vous, Monseigueur, de qui je suis moins ancienuement connu, vous n'ayez senti les mèmes doutes s'élever dans votre esprit.

A la vérité, vous ne m'en avez rien fait paraître lorsque je rou raconiais si tranquillement ce que vous m'avez demandé de vous donner par écrit; mais que sais-je ? et dans le doute où je suis moi-même, ce qui est le plus raisonnable à faire, n'est-il pas de vous offrir les moyens d'éclaircir ceux que vous auriez pu concevoir.

Vous avez sous les yeux la déclaration écrite que vous m'aviez demandée ; j'ai eu l'honneur de vous l'adresser hier dès huit heures du matin. Elle est conforme à tout ce que j'avais en l'honneur de vous dire la veille, à tout ce que j'avais dit auparavant à plusieurs personnes, et notamment dimanche dernier, à mon collègue Réal, en nous chauffant à nous deux au salon de Mars à Saint Cloud, après la messe.

De cette déclaration il résulte, quant au fait dont il s'agit; Qu'après avoir donné l'ordre de mettre des tables, je me suis retiré précipitamment chez moi; que tout en y entrant, j'ai donné l'ordre de mettre mes chevaux pour aller chez le prince archi-chancelier; qu'un instant après, on est venu me prévenit de l'arrivée de l'adjudant Laborde, qui apportait des ordres du ministre de la guerre, qu'alors je suis revenu en hâte à la grande salle; que là, tout s'étant éclairci, je suis retourné chez moi; en trouvant ines chevaux prêts, j'ai fait avancer aussitôt ma voiture au pied du grand escalier de l'hôtel de ville.

Si tous ces faits sont vrais, c'est à vous que j'en appelle, monseigneur; est-il possible de mettre en doute mon assertion que l'ordre donné pour placer des tables, n'a été qu'un moyen de mettre en confiance les gens à qui j'avais affaire, un moye de leur échapper; en un mot, de recouvrer la liberté d'agir, et et de me rendre auprès du prince, pour lui eudre compte, m'éclairer et prendre ses ordres ?

Eh bien! veuillez, monseigneur, prendre des information sur ces faits; demandez à M. Saulnier, il vous dira que je n'étais pas dans la graude salle quand il y est arrivé, et qu'on lui a dit que je venais de me retirer chez moi. Etais-ce le cas, cependant de quitter cette salle, si j'avais à y protéger la opérations qui devaient s'y faire? Qu'on interroge les per

sonnes de ma maison, elles apprendront, et même avec une particularité dont le souvenir ne m'était pas resté, qu'en rentrant chez moi la première fois, j'ai demandé les chevaux avec une telle impatience, que ne trouvant personne sous ma main, j'ai ouvert la fenêtre de ma chambre à coucher pour crier à mon cocher qui sortait d'une remise, mes chevaux ! ines chevaux! qu'averti par là, mon domestique de suite est venu me demander si l'on devait s'habiller et mettre là livrée; sur quoi j'ai répondu; eh! f.............., il s'agit bien de livrée; venez en chemise si vous voulez, et dépêchons-nous. Demandez encore à M. Saulnier, et il vous dira qu'en effet, après son arrivée et celle de l'adjudant Laborde, on a été obligé de venir me chercher chez moi; que je suis revenu à la grande salle; que les choses s'y sont passées comme je le rapporte; et qu'il s'est retiré avec l'adjudant Laborde, et à leur suite tous ceux qui étaient dans la grande salle. Enfin, demandez, je ne sais plus à qui, au public, à tel de vos agens qui devait nécessairement se trouver dans la foule dont la place de l'hôtel de ville était couverte; demandez si ma voiture n'est pas arrivée au pied du grand escalier, aussitôt après la sortie de l'adjudant Laborde et de M. Saulnier, chose qui n'aurait pu avoir lieu, si cette voiture n'avait pas éte préparée d'avance, d'après l'ordre que j'en avais donné avant l'arrivée de l'adjudant Laborde & de M. Saulnier.

Que voulez-vous que j'ajoute à tout cela, monsiegnear? S'il vous fallait encore quelque chose; si l'ensemble, si la coacordance de tous ces faits, qui se démontrent et qui s'expliquent l'un par l'autre, ne vous suffisaient pas, eh bien! je vous l'avoue, je n'ai rien de plus; je ne saurais même avoir rien de plus à vous donner. Que dis-je ! C'est même un bonheur extréme, un vrai coup du ciel, que j'aie cela à vous donner! Arrivant cinq minutes plus tard qu'ils n'ont fait, l'adjudant Laborde et M.Saulnier auraient appris, il est vrai, que j'étais en route pour me rendre chez monseigneur le prince archi-chancelier, et je sens bien que c'est là ce qui serait le plus décisif; mais quand, d'un autre côté, je frémis en songeant qu'arrivant au contraire quelques minutes plutôt qu'ils n'ont fait, ils auraient pu me trouver à l'instant même ou je disais de mettre des tables, en sorte que je n'aurais plus, anjourd'hui pour me justifier que la seule affirmation de mes intentions, sans aucun fait matériel subséquent pour les vérifier; quand, dis-je, je frémis en songeant à cette derniére fatalité, qui pouvait se réuoir à tant d'autres dont j'ai été obsédé dans cette faneste matinée du 23 Octobre, il faut bien que je me félicite de ce que les choses se sont du moins passées de manière que mes intentions se trouvent prouvées par ma retraite de la salle, et par mes préparatifs pour sortir de chez moi et te rendre chez le prince archi-chancelier,

Mais, m'a-t il été dit aussi par S. Exc. le ministre de l'inté

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rieur, l'intention étant même prouvée, ce n'était pas là le parti qu'il fallait prendre. En ce cas, c'est une chose assez singulière, ou que mon jugement, ou que mon entêtement; car je déclare, avec toute la franchise dont je suis capable, que malgré le danger auquel je viens de reconnaître moi-même que le parti que j'ai pris aurait pu m'exposer, il me semble que me retrouvant dans des circonstances semblables c'est encore celuilà que je prendrais, non par peur, je le certifie, mais par un calcul semblable à celui qui a dirigé ma conduite dans la matinée du 23 Octobre.

En de pareilles conjonctures, il n'y a guère, je erois, qu'à choisir entre ceci.

Etre le plus fort quand on le peut, se faire tuer ou se laisser prendre quand il n'y a plus moyen de faire autrement, ou enfin louvoyer pour parvenir à recouvrer la liberté d'agir.

C'est ce dernier parti qui non-seulement m'a paru être, mais qui était, j'en demeure encore tout-à-fait convaincu, le plus convenable dans la circonstance. J'étais évidemment à la discrétion du commandant et de sa troupe; et sans pénétrer la chose comme elle était, je venais d'en voir assez dans la lettre que le commandant m'avait communiquée, pour juger que dans quelque systême que ce fût, il allait y avoir un mouvement anarchique dont ceci était le début, et assurément il n'était pas en mon pouvoir, de moi, préfet de la Seine, d'arrêter ce mouve ment du milieu de mon cabinet.

Il était d'ailleurs assez naturel de supposer qu'au moindre mot d'humeur ou de reproche, les ordres qu'on devait avoir contre moi s'exécuteraient; au moyen de quoi, je ne verrais plus rien, ne serais bon à rien; et, au contraire, qu'en affectant autant de calme qu'il était possible d'en montrer, en ne brusquant rien, en feignant de ne rien voir que de très-simple dans ce qui m'était demandé, je mettrais en confiance les hommes qui m'observaient, je pourrais parvenir à les quitter sans leur laisser d'inquiétude, dans le moment même, sur la cause de mon absence, et cependant profiter de cette absence pour aller rendre compte, prendre des ordres, demander des moyens, et agir.

Toutefois le succès n'était pas absolument certain; mais le pis aller était que mon moyen ne me réussit pas; et c'était assez qu'il pût réussir, pour que je dusse le tenter, mais surtout le tenter tout-de-suite et avant l'arrivée de la commission qui semblait attendue; car alors les chances de succès devaient devenir bien autrement incertaines.

Voilà mes calculs, mes combinaisons, la cause de ma détermination à sortir de mon cabinet, à dire de mettre des tables, et à me retirer chez moi dès que je crus le pouvoir faire sans éveiller le soupçon des officiers; et plus j'y pense, plus je trouve qu'il était raisonnable à moi de m'attacher à ce parti.

Eh! sans doute, si j'avais su ce qui se passait en ce moment

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