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l'évacuation de la Prusse comme une condition sur laquelle la France n'avait pas même à délibérer; condition telle que S. M. n'en avait jamais proposé de semblables, après la plus grande victoire; lorsqu'enfin, en réclamant indépendance de la Prusse, on viole son indépendance, puisqu'on exige la destruction des engagemens politiques qu'elle a contractés, en usant du droit qui appartient à tous les souverains. Vous ferez sentir, M. le comte, combien les notes du prince Kourakin sont opposées, par leur forme et par leur contenu, aux dispositions pacifiques dont cet ambassadeur donnait l'assurance; par quel esprit de conciliation S. M. est portée à penser qu'en les présentant et qu'en y joi gnant la demande réitérée de ses passeports, il est allé au-delà de ce qui lui était prescrit, et avec quel regret, si elles étaient véritablement l'expression des intentions, et le résultat des ordres de la cour de Pétersbourg, S. M. verrait s'évanouir tout espoir de parvenir, par une négociation qu'elle a constamment provoquée depuis près de deux ans, à arranger enfin les différends qui divisent les deux pays.

Vous insisterez, M. le comte, pour obtenir des explicatious qui puissent laisser encore la voie ouverte à un accommode

ment.

J'ai l'honneur etc.

Certifié conforme,

Le ministre des relations extérieures,
Le Duc de BASSANO.

No. XI.

Copie d'une lettre de M. le comte Romanzow à M. le comte de.

M. l'ambassadeur,

Lauriston.

Wilna, 27 Mai au soir, 1812 (8 Juin.)

que

S. M. I. vient d'être informée par le Comte de Soltykoff, V. E. avait demandé à pouvoir se rendre près d'elle, afin de pouvoir s'acquitter en personne des ordres qu'elle venoit de recevoir de la part de l'empereur son maître.

Quoiqu'au milieu de ses troupes, S. M. eût trouvé plaisir à se détacher un moment de ses occupations présentes pour rece voir près d'elle l'ambassadeur d'un souverain son allié; mais une circonstance tout-à-fait étrangère à toutes les pensées de S. M. l'en empêche.

Elle vient d'apprendre ce matin que le cours des postes aux lettres entre son empire et les pays étrangers a été suspendu à Memel, et à ce qu'il paraît, toute communication avec sou empire est interdite.

Depuis, elle a été avertie qu'un de ses couriers, se rendant de l'une de ses missions près d'elle, n'a pas obtenu la permission de

passer la frontière pour se rendre en ses états, et qu'il a été nécessité de rebrousser chemin.

Des faits aussi extraordinaires ont besoin d'être éclaircis. S. M. n'étant pas prévenue non plus de la nature des communications dont V. E. est chargée, fidèle à son propre systême, qui est de suivre le cours des choses ordinaires dans les relations des deux cabinets, vous invite M. l'ambassadeur, à préférer de ne point quitter Pétersbourg, et vouloir bien me faire l'honneur de m'adresser par écrit les communications dont vous devez vous acquitter, ou bien d'en écrire directement à S. M. I. à votre choix, et afin de vous en procurer le moyen. S. M. m'a prescrit de mettre à cet effet à votre disposition le sieur de Baerens, offi cier dans les corps des Felde Jagers, qui aura l'honneur de vous remettre cette lettre.

Je prie V. E. etc.
(Sigué)

Pour copie conforme,

Le Comte de ROMANZOW.

Le ministre des relations extérieures,

Le Duc de BASSANO.

No. XII.

Copie de la lettre de M. le comte de Lauriston à M. le comte

de Romanzow.

Saint Pétersbourg, le 31 Mai, (12 Juin) 1812.

Monsieur le comte,

Les bontés que j'ai éprouvées de la part S. M. l'empereur Alexandre, les marques de confiance dota elle avait daigné m'honorer, m'avaient empêché de prévoir aucun obstacle au voyage que je devais faire à Wilna. Je s'y étais donc disposé, malgré les douleurs rhumatismales très-violentes que j'éprouve depuis plusieurs jours, sentant toute l'importance des communications que j'étais chargé de faire à S. M. ou à V. Ex. dans des circonstances où le moindre retard est nuisible. Quel a donc été mon étonnement en recevant la lettre de V. Ex. J'ai vu mon espoir déçu, j'ai vu que je n'étais abusé sur l'idée de la confiance que je supposais que S. M. voulait bien m'accorder, puisqu'elle me refuse toute communication directe, soit avec elle, soit avec V. Exc. dans un moment où cette confiance, que je croyais avoir mérité par ma conduite, par mon zèle constant pour le maintien de l'alliance, pouvait être, je n'hésite pas à le dire, de la plus grande utilité pour les deux empires. Les raisons même que V. Exc.met en avant pour arrêter mon départ, ine sembleraient au contraire devoir le rendre plus nécessaire.

Dans des circonstances aussi pressantes, Mousieur le comte que peuvent produire des communications par écrit, auxquelles huit jours suffisent à peine pour avoir une réponse, et qui, far

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leur nature même, n'offrent aucun moyen de relever assez à tems, pour en éviter les funestes conséquences, toutes les erreurs, tous les mésentendus, qu'on peut commettre de part et d'autre, et qui même sont presque inévitables.

Le but principal, le maintien de la paix, ne serait jamais atteint. C'est parce que l'empereur, mou maître, avait senti combien les lenteurs sont préjudiciables dans des momens aussi critiques, qu'il m'avait ordonné de me rendre auprès de l'empereur Alexandre et de V. Exc. afin d'éclaircir tous les doutes, de lever toutes les difficultés sur des points importans au sujet desquels on ne peut s'expliquer que par cette voie, si l'on veut conserver l'esprit d'un arrangement, qui est constamment l'objet de ses vœux. Dans la position nouvelle où me place la lettre de V. Exc. il ne me reste plus qu'à prendre les ordres de ma cour sur ma conduite ultérieure. J'expédie un courrier pour les solliciter.

Quant à moi en particulier, M. le comte, je ne puis cacher à V. Exc. que je suis profondément affecté d'un refus que je puis regarder comme m'étant tout-à-fait personnel, puisque tout autre, que moi, envoyé directement par mon maître, soit général, soit aide de camp, eût sans doute obtenu une faveur qui m'est refusée.

N'ayant aucune nouvelle directe au sujet des communications que V. Exc. m'assure être suspendues entre la Russie et les pays étrangers, je ne puis répondre à cet article de sa lettre.

J'ai l'honneur, etc.

(Signé)

Pour copie conforme.

Le Comte de LAURISTON.

Le ministre des relations extérieures.

Le Duc de BASSANO.

No. XIII.

Copie d'une lettre du ministre des relations extérieures à M. le Comte de Lauriston.

Monsieur le comte,

Thorn, le 12 Juin 1812.

Vous avez vu par la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire le 20 du mois dernier, que la déclaration faite par le prince Kourakin, le 30 Avril, et la demande réitérée de ses passeports avaient paru à S. M. des démarches tellement fortes, tellement décisivés dans la circonstance, tellement opposées au langage que cet ambassadeur avait tenu jusqu'alors, qu'elle avait de la peine à croire qu'il n'eût pas pris beaucoup sur lui. Nous avons ap pris depuis que le gouvernement russe avait fait connaître aux divers cabinets la condition imposée à S. M. de l'évacuation du territoire prussien comme un préalable indispensable de toute Bégociation.

La lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 22 Mai, m'annonce que cette déclaration est connue à Saint Pétersbourg,

et je la trouve en même tems indiquée dans les papiers anglais, comme vous pouvez vous en assurer en lisant la feuille cijointe.

On ne peut donc plus douter, Monsieur le comte, que le prince Kourakin n'ait parfaitement compris ses instructions, et ne s'y soit conformé dans sa déclaration du 30 Avrii, et lorsqu'il a fait et renouvelé la démande de ses passeports.

Les démarches du prince Kourakin avaient déterminé S. M. à partir de Paris. La publicité qui leur a été donnée lui a fait sentir la nécessité de quitter Dresde, et de se rapprocher de

son armée.

Elle avait espéré que, jusqu'au dernier moment, des pourparlers pourraient encore avoir lieu; mais cet espoir cesse d'exister, lorsqu'elle voit que les propositions qu'on aurait réellement à lui faire sont incompatibles avec son honneur. A Austerlitz, lorsque l'armée russe avait été détruite, lorsque l'empereur Alexandre voyait la sûreté même de sa personne exposée, à Tilsitt, lorsqu'il ne lui restait plus aucun moyen de soutenir la lutte dans laquelle toutes les forces de son empire avaient succombé, sa majesté ne lui a proposé aucune condition dont son honneur put s'offenser.

Il est aujourd'hui, trop certain, Monsieur le comte, que le gouvernement est résolu à la guerre, pour qu'il convienne que vous restiez plus long tems à St, Pétersbourg. Sa Majesté vous ordonne de demander vos passeports, et de repasser la frontière. Vous en ferez la demande, en adressant à M. le comte Soltykoff la note dont la minute est ci-jointe.

J'ai l'honneur etc.

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Copie d'une note de M. le comte de Lauriston à M. le comte

Soltykoff.

Le prince Kourakin après avoir fait les communications qui lui ont été apportées par le dernier courrier qu'il a reçu de Russie, ayant demandé ses passeports, et ayant réitéré trois fois sa demandé, S. M. les lui a fait remettre. Elle m'ordonne de demander les miens, na mission se trouvant finie, puisque la demande que le prince Kourakin a faite de ses passeports a décidé la rupture, et que S. M. l'empereur et roi se considère, dès cette époque, comme en état de guerre avec la Russie.

Pour copie conforme,

Le ministre des rélations extérieures,

Le Duc de BASSANO.

No. XV.

Copie d'une lettre du ministre des relatious extérieures, à M. le prince Kourakin

Thorn, le 12 Juin 1812. ?

Monsieur l'ambassadeur,

Par votre note du 30 Avril, vous avez déclaré qu'un arrangement entre nos deux cours était impossible, si S. M. l'empereur et roi n'adhérait pas préalablement à la demande péremptoire de l'entière évacution des états prussiens.

Lorsque V. Exc. m'annonça verbalement cette démarche, je ne lui en dissimulai pas toutes les conséquences. Après la bataille d'Austerlitz où l'armée russe était cernée; après la bataille de Friedland, où elle avait été défaite, S. M. montra son estime pour la valeur de cette armée, pour la grandeur de la nation russé, et pour le caractère de l'empereur Alexandre, en n'exigeant rien de contraire à l'honneur. Il n'était pas possible de penser que dans les circonstances actuelles de l'Europe, votre souverain qui ne méconnaît sant doute ni le caractère de l'empereur Napoléon, ni celui de la nation française, si fidèle à l'honneur, voulût déshonorer la France. S. M. l'empereur et roi ne pouvait donc voir dans la condition de l'évacuation de la Prusse, comme préalable de toute négociation, qu'un réfus positif de négocier.

Vous avez confirmé cette opinion, M. l'ambassadeur, par la demande que vous avez faite de vos passeports, le 7 Mai et que Vous avez réitérée le 11 et le 24.

J'ai cependant différé de répondre à V. Ex. parce que S: M. aimant à se persuader encore que vous étiez allé au-delà de vos instructions, en donnant une note, en établissant comme une condition formelle ce qui pourrait être le résultat de la négociation, et en coupant court à toute discussion par la demande de vos passeports.

Mais lorsque les dépêches de M. le comte de Lauriston, les rapports qui parviennent des divers cours, les publications mêmes des papiers anglais nous ont appris que votre gouvernement a informé sa capitale et toute l'Europe de la résolution qu'il a prise de n'entrer dans aucune négociation avant que les troupes françaises aient retrogradé jusqu'à l'Elbe j'ai reconnu, M. l'ambassadeur, que je m'étais trompé, et j'ai dû rendre justice à votre expérience et à vos lumières qui vous eussent empêché de vous porter à une démarche aussi extrême, si votre gouvernement ne vous en avait pas fait un devoir absolu.

S. M. ne pouvant plus douter des intentions de votre cour, TOME IV. 00000

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