Page images
PDF
EPUB

bourg de la guerre qu'il paraissait avoir résolue, et de parve nir à connaître ses véritables intentions. Il a été prouvé jus qu'à l'évidence que cette puissance se proposait à la fois de se soustraire aux conditions des traités de Tilsitt pour se mettre en état de paix avec l'Angleterre et d'attenter à l'existence du duché de Varsovie, en se servant du prétexte des indemnités réclamées par le duc d'Oldenbourg.

"Votre majesté, décidée à soutenir par le force des armes l'honneur des traités, l'existence et l'intégrité des états, ses alliés, avait senti l'importance de s'unir plus étroitement à uue puissance à laquelle elle était déjà attachée par des liens chers à son cœur, et dont les intérêts politiques généraux étaient les mêmes que ceux de V. M. A cet effet, sire, un traité a été conclu le 14 du mois de Mars dernier, entre V. M. et l'empereur d'Autriche.

6.

Tout garantit à cette alliance une longue durée. Elle assure le repos du midi de l'Europe et promet à la France qu'elle ne sera plus troublée dans ses efforts pour le rétablisse ment de la paix maritime.

"Je propose à V. M. de faire donner communication au sénat du traité d'alliance conclu entre la France et l'Autriche, et d'ordonner qu'il soit promulgué comme loi de l'état, conformément à nos constitutions.

Je suis avec le plus profond respect,

Sire,

De votre majesté impériale et royale,

Le très-humble et très-obéissant serviteur et fidèle sujet.
LE DUC DE BASSANO."

Gumbinen, 21 Juin, 1812.

Traité d'Alliance du 14 Mars, entre LL. MM. l'empereur et roi, et l'empereur d'Autriche.

S. M. L'empereur des Français, roi d'Italie, &c. &c., et S. M. l'empereur d'Autriche, &c., ayant à cœur de perpétuer l'amitié et la bonne intelligence qui existent entre elles, et de concourrir pour l'amitié et la force de leur union, soit au maintien de la paix du continent, soit au rétablissement de la paix intérieure;

Considérant que rien ne serait plus propre à produire ces heureux résultats que la conclusion d'un traité d'alliance qui aurait pour but la sûreté de leurs états et possessions, et la garantie des principaux intérêts de leur politique respective, ont à cet effet nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir:

S. M. l'empereur des Français, &c. M. Hughes Bernard, comte Maret, duc de Bassano, &c. &c.

Et S. M. l'empereur d'Autriche, &c., le prince Charles de Schwartzenberg, duc de Krumen, &c.

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs respectifs, sont convenus des articles suivans:

Art. 1er. Il y aura à perpétuité, amitié, union sincère et alliance entre S.M. l'empereur des Français, roi d'Italie, &c. et S.M. l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie, &c. En conséquence, les hautes parties contractantes apporteront la plus grande attention à mainteuir la bonne intelligence si heureusement établie entre elles, leurs états et sujets respectifs, à éviter tout ce qui pourrait l'altérer et à se procurer en toute occasion leur utilité, honneur et avantages mutuels.

2. Les deux hautes parties coutractantes se garantissent réciproquement l'intégrité de leurs territoires actuels.

3. Par une suite de cette garantie réciproque, les deux hautes parties contractantes travailleront toujours de concert aux mesures qui leur paraîtront les plus propres au maintien de la paix; et dans les cas où les états de l'une ou de l'autre seraient menacés d'une invasion, elles emploieront leurs bons offices les plus efficaces pour la prévenir.

Mais comme ces bons offices pourraient ne point avoir l'effet désiré, elles s'obligent à se secourir mutuellement dans le cas où l'autre viendrait à être attaquée ou menacée.

4. Le secours stipulé par l'article précédent sera composé de 30,000 hommes, dont 24,000 d'infanterie et 6000 de cavalerie, constamment entretenus au grand complet de guerre, et d'un attirail de 60 pièces de canon.

5. Ce secours sera fourni à la première réquisition de la partie attaquée ou menacée; il se mettra en marche dans le plus court délai possible, et au plus tard avant l'expiration des deux mois qui suivront la demande qui en aura été faite.

6. Les deux hautes parties contractantes garantissent l'inté grité du territoire de la Porte Ottomane en Europe.

7. Elles reconnaissent et garantissent également les principes de la navigation des neutres, tels qu'ils ont été reconnus et consacrés par le traité d'Utrecht.

S. M. l'empereur d'Autriche renouvelle, en tant que besoin est, l'engagement d'adhérer au système prohibitif contre l'Angleterre, pendant la présente guerre maritime.

8. Le présent traité d'alliance ne pourra être rendu public ni communiqué à aucun cabinet que de concert entre les deux hautes parties.

8. Il sera ratifié, et les ratifications en seront échangées à Vienne dans un délai de 15 jours, ou plutôt si faire se peut. Fait et signé à Paris, le 14 Mars, 1812.

(Signé)
H. B. Duc de Bassano.
Le Prince Charles de Schwartzenberg.

(Signé)
Pour copie conforme,

Le ministre des relation extérieures,
Le Duc de BASSANO.

Rapport du ministre des relations extérieures.

"Sire,

"Dès la fin de l'année 1810, la cour de Pétersbourg ayant changé de système, et résolu de se soustraire aux engagemens qu'elle avait souscrits à Tilsit!, prit le parti d'appuyer par des armemens les actes par lesquels elle violait l'alliance. Elle rașsembla des troupes dans ses provinces polonaises, et elle rappela une partie de son armée de Moldavie, qui arriva à marches forcées sur les frontières du duché de Varsovie.

"Dans le mois de Février, 1811, votre majesté demanda des explications sur ces armemens extraordinaires; elle dut en même tems conseiller au roi de Saxe de concentrer sur la Vistule les troupes du duché de Varsovie pour les mettre à l'abri d'une attaque soudaine.

"La Prusse placée dans une position intermédiaire entre la France et la Russie, s'aperçut la première des dispositions du cabinet de Pétersbourg. Elle ne pouvait en comprendre les motifs; mais elle en prévoyait les résultats; elle fit de représentations à la Russie; elle lui montra le danger qu'il y avait à appuyer des négociations par des armemens; elle la conjura de cesser des mouvemens qui pouvaient compromettre la Prusse elle-même, et qui devaient attirer sur son territoire les armées que V. M. serait forcée de faire marcher à la défense du duché de Varsovie. Cette démarche, inspirée par le désir de la paix, et dictée par la prudence, ne produisit aucun effet, et la Prusse, voyant cette fatalité qui, depuis dix ans a entraîné l'Europe, peser aussi sur la Russie, demanda franchement, dès le mois de Mai, 1811, à s'unir à V. M. par une alliance.

"V. M. hésita long-tems à prendre des engagemens qui devaient faire supposer que l'alliance de Tilsitt n'existait plus. Elle ne connaissait point encore les motifs qui pouvaient porter la Russie à rompre les traités, à se mettre en état de paix avec 'Angleterre et à menacer l'existence du duché de Varsovie; mais lorsqu'il ne resta plus aucun doute à V. M. elle m'autorisa à entrer en négociation avec la Prusse, et à conclure le traité qui a été signé le 24 Février, 1812.

"Je propose à V. M. de faire donner communication au sénat du traité d'alliance: onclu entre la France et la Prusse, et d'ordonner qu'il sera promulgué comme loi de l'état, conformé urent à nos constitutions.

Je suis avec le plus profond respect,

Sire,

De votre majesté impériale et royale

Le très-humble et très-obéissant serviteur et fidè le suject,

Le Duc de BASSANO.

Traité d'alliance du 24 Février 1812, entre S. M. l'empereur et roi, et S. M. le roi de Prusse.

Sa majesté l'empereur des Français, roi d'Italie, &c. &c.

S. M. le roi de Prusse voulant resserrer plus étroitement les liens qui les unissent, ont nommé pour leurs plénipotentaires. S. M. l'empereur des Français, M. Hughes Bernard, comte Maret, duc de Bassano, &c, &c., et

S. M. le roi de Prusse, M. Frédéric Guillaume Louis, baron de Krusemark, &c.

Lesquels, après s'être communiqué leurs pleins-pouvoirs, sont convenu des articles suivans:

Article 1er Il y aura alliance défensive entre S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, &c., et S. M. le roi de Prusse, leurs héritiers et successeurs, contre toutes puissances de l'Europe avec lesquelles l'une et l'autre des parties contractantes sont ou viendraient à entrer en état de guerre.

2. Les deux hautes parties contractantes garantissent réciproquement l'intégrité de leur territoire actuel.

3. Les cas de l'alliance survenant, et chaque fois qu'il surviendra, les dispositions à prendre en conséquence par les dites parties contractantes seront réglées par une convention spéciale.

4. Toutes les fois que l'Angleterre attentera aux droits da commerce, soit par la déclaration en état de blocus des côtes de l'une ou de l'autre des parties contractantes, soit par toute autre disposition contraire au droit maritime consacré par le traité d'Utrecht, tous les ports et côtes des dites puissances seront également interdits aux bâtimens des nations neutres qui laisseraient violer l'indépendance de leur pavillon.

5. Le présent traité sera ratifié, et les ratifications seront é changées à Berlin dans l'espace de dix jours, ou plutôt si faire se peut.

Fait et signé à Paris, le 24 Février 1812.
(Signé) H. B. duc de BASSANO.

Pour copie conforme,

Le baron de KRUSEMARK.

Le ministre des relations extérieures.

Le duc de BASSANO.

Lecture faite de ces actes, M. le comte Lacépède, président annuel, a proposé au sénat de renvoyer à une commission spaciale, composée de cinq membres, les rapports et les deux traités, dont on venait d'entendre la lecture, et de charger cette commission de soumettre à l'assemblée le projet d'une adresse, par laquelle le sénat exprimerait à sa majesté impériale et royale sa vive et respectueuse reconnoissance pour les communications importantes qu'elle a bien voulu lui faire, et lui présenterait un nouvel hommage de ses sentimens et de ceux du peuple français.

Cette proposition ayant été adoptée, on procède sur-le

champà la nomination des commissaires. MM. Les comtes Lacépède, Garnier Latour Maubourg, Monge, et le Maréchal Serrurier ont été élus membres de la commission spéciale.

Le sénat a ajourné à demain, samedi, le rapport de cette commission.

S. A. S. le prince archi-chancelier a levé la séance, et a été reconduit avec le même cérémonial qu'à son arrivée.

8 Juillet.

Pièces Officielles.

No. 1er.

Copie d'une note adressée, par le ministre des relations extérieures, à M. le comte de Romanzow, chancelier de Russie. Paris le 25 Avril 1812.

Monsieur le Cointe,

S. M. l'empereur de Russie avait reconnu à Tilsitt que la génération présente ne serait rendue au bonheur qu'autant que toutes les nations, jouissant de la plénitude de leurs droits, pourraient se livrer en toute liberté à leur industrie ; qu'autant que l'indépendance de leur pavillon serait invioJable; que l'indépendance de leur pavillon était un droit de chacune d'elles et un devoir réciproque des unes envers les autres; qu'elles n'étaient pas moins solidaires de l'inviolabilité de leur pavillon que de celle de leur territoire; qui si une puissance ne peut, sans cesser d'être neutre, laisser enlever sur son territoire, par une des puissances belligérantes, les propriétés de l'autre, elle cesse également d'être neutre en laissant enlever sous son pavillon, par une des puissances belligérantes, les propriétés que l'autre y a placées; que toutes les puissances ont en conséquence le droit d'exiger que les nations qui prétendent à la neutralité fassent respecter leur pavillon, de la même manière qu'elle doivent faire respecter leur territoire; que tant que l'Angleterre, persistant dans son systême de guerre, ne reconnaît l'indépendance d'aucun pavillon sur les mers, aucune puissance qui a des côtes, ne peut être neutre envers l'Angleterre.

Avec cette pénétration et cette élévation de sentimens qui le distinguent, l'empereur Alexandre comprit aussi qu'il ne pourrait y avoir de prospérité pour les états du continent, que dans le rétablissement de leurs droits, par la paix maritime. Ce grand intérêt de la paix maritime domina dans le traité de Tilsitt; tout le reste eu fut la conséquence immédiate.

L'empereur Alexandre offrit sa médiation au gouvernement anglais, et s'engagea, si ce gouvernement ne consentait à conclure la paix, en reconnaissant que les pavillons de toutes les puissances doivent jouir d'une égale et parfaite

« PreviousContinue »