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Dans ces chocs dont la prudence humaine ne peut modérer les effets, les empires du premier ordre sout ébranlés dans leurs fondements; les petits états disparaissent; nous avons vu les soutiens gothiques de l'édifice européen s'écrouler d'euxmêmes, sans pouvoir être reconstruits sur le même plan; et si le génie de l'ordre n'avait marché d'un pas égal avec celui des armées, ce n'était plus la guerre, mais l'anarchie et la mort que le dix-huitième siècle léguait à ses successeurs.

Le vainqueur aperçoit-il du haut de son char les peuples unis par des habitudes anciennes, il cherche des princes fidèles, il leur crée des intérêts communs; il leur confie les destinées de ces états régénérés dont il se déclare le protecteur..

Mais là où toutes les formes de gouvernement ont éte vainement essayées, là où les agrégations sont trop petites, ou dépourvues d'assez de principes d'adhésion pour former des masses, là où les localités soumettaient inévitablement les hommes et les choses à l'action directe de la cupidité, des attaques ou des intrigues des éternels ennemis de la France, l'intérêt de l'empire commande de réunir à la nation victorieuse ces portions de ses conquêtes, pour les soustraire à une dissolution. inévitable.

Et dans la délibération qui vous occupe, la question devrait être posée ainsi: la Hollande et les villes anséatiques, ne pou◄ › vant exister par elles-mêmes, doivent-elles appartenir à l'An gleterre ou à la France?

On chercherait vainement une troisième alternative..

Cet héritage de rivalité toujours croissante par l'importance dés intérêts comme par celle des masses, notre génération, sénateurs, l'a accueilli sans qu'il nous fut possible d'en répudier une partie.

Ce ne sont plus deux armées qui combattent dans les plaines de Fontenoy, c'est l'empire des mers qui résiste encore à celui du continent; lutte mémorable, terrible, et dont la catastrophe, peut-être prochaine, occupera long-temps les races futures.

Croyons-en les publicistes de l'Angleterre, leurs alarmes déposent de cette vérité, moins encore cependant que les mesures extrêmes de son gouvernement: s'il n'était entraîné par l'imminence de son péril, aurait-il osé déchirer en présence de l'Europe civilisée, le pacte d'honneur et de justice éternelle qui liait les puissances neutres aux puissances belligérantes? On croirait, en lisant les actes du ministère anglais, que le droit des gens n'existe plus; et qui donc a substitué à ses principes immuables les excès et les violences de la barbarie ? l'Angleterre.

Déjà, en 1756, ses premiers essais contre les droits imprescriptibles des nations, avaient contraint la Suède et le Danemarck à les défendre par le développement d'une neu tralité armée. Quelques années plus tard, le 28 Février 1780,

F'Angleterre poussant plus loin ses entreprises, la Russie ne vit de salut pour l'honneur des peuples et celui des souverains, que dans un exposé public des maximes reconnues par tous les peuples civilisés; elle proclama les conditions dont elle faisait dépendre la neutralité.

"Que les vaisseaux neutres, dit-elle, puissent naviguer "librement de port en port, et sur les côtés des nations eu 66 guerre ;

"Que les effets appartenant aux sujets desdites puissances "en guerre, soient libres sur les vaisseaux neutres, à l'ex"ception des marchandises de contrebande;

"Que pour déterminer ee qui caractérise un port bloqué, "on u'accorde cette dénomination qu'à celui où il y a, par "la disposition de la puissance qui l'attaque avec les vaisseaux "arrêtés et suffisamment proches, un danger évident d'entrer."

Telles furent textuellement les déclarations par lesquelles le cabinet de Pétersbourg exposa les droits de tous les sou

verains.

L'Angleterre répond en jetant le masque, et signifie aux états-généraux de la Hollande, que le pavillen ne couvre pas la marchandise.

A dater de cette époque, elle a era pouvoir, sans dangers comme sans obstacles, donner l'essor à ses usurpations.

Il fallait attendre l'époque où de puissantes représailles · la forceraient de revenir à la justice.

Ce jour est arrivé: les décrets de Berlin et de Milan sont la réponse aux arrêts du conseil. Le cabinet britannique les a, pour ainsi dire, dictés à la France.

L'Europe les reçoit pour son code, et ce code sera le palladium de la liberté des mers.

Que l'Angleterre abjure ses fureurs; qu'elle réintégre les neutres dans leurs droits: la justice n'a jamais cessé de le lui demander. Si elle n'eût pas repoussé les conseils et les offres de la modération, que de conséquences funestes elle eût évitées! et pour nous renfermer dans le cercle de la délibération présente, elle n'aurait pas forcé la France à s'enrichir des ports, des arsenaux de la Hollande; l'Ems, le Weser, l'Elbe ne couleraient pas sous notre domination, et nous ne verrions point la première patrie des Gaulois baignée par des eaux réunies par une navigation intérieure, à des mers qui leur étaient inconnues.

Où sont encore les bornes du possible? C'est à l'Angleterre à répondre. Qu'elle médite le passé, elle apprendra l'avenir. La France et Napoléon ne changeront point.

Votre commission propose à l'unanimité, l'adoption du sénatus-consulte.

M. le sénateur comte de Bougainville, au nom d'une commission spéciale composée, outre le rapporteur, de LL. EEx. M. le comte de Lacépede, M. le maréchal duc de Dautzick, et

des sénateurs comtes Laplace et Cornet, est entendu sur le projet de sénatus consulté relatif à la conscription maritime.

Monseigneur, Sénateurs,

Votre commission spéciale a lu avec la plus grande attention le projet de sénatus-consulte relatif à la conscription maritime, et que vous lui avez envoyé.

Ce projet ne renferme que deux dispositions, l'une par laquelle les cantons littoraux de trente départements désignés. dans le sénatus-consulte, cesseront de concourrir à la conscrip tion du service de mer; et l'autre par lequelle dix mille conscrits de chacune des classes de 1813, de 1814, de 1815 et 1816, seront dès à présent mis à la disposition du ministre de la marine.

Mais en rapprochant ce projet de sénatus-consulte des motifs exposés dans le discours des orateurs du conseil d'état, votre commission a vu se développer, pour ainsi dire, sous ses yeux, un vaste plan création et d'organisation de forces maritimes.

L'empereur veut faire pour la mer ce qu'il a fait pour la terre, conquérir la paix sur l'ocean, comme il l'a conquise sur le continent européen, et s'assurer l'indépendance des pavillons. Son génie a embrassé l'ensemble de ce système de perfectionnement et de création, et pour les choses et pour les hommes.

Depuis long-temps, la France égale au moins les autres nations dans l'art des constructions navales. L'empereur a parlé, et cet art a créé dans nos ports de nombreux vaisseaux. De nouveaux chantiers ont été établis dans les endroits les plus favorables à ses vues profondes, tout ce qui tient aux approvisionnements, tout ce qui est nécessaire et pour construire et pour gréer, et pour armer les bâtiments destinés à faire triompher le pavillon français, a été prévu et calcule dans ce plan immense et si digne de son auteur.

Les mesures prises pour remplir les arsenaux et les magasins; plusieurs moyens d'y parvenir, plus nombreux et plus faciles, assurés pour l'avenir; un système de navigation intérieure faisant arriver par des canaux et des rivières tous les produits du Nord jusque dans nos ports de l'Ouest et dans ceux du Midi, montrent que rien n'a été oublié pour que le matériel de la marine présente tout ce qui peut être nécessaire à l'accomplissement des projets de S. M. et an développement de toute la force qu'elle veut déployer contre les ennemis de la liberté des mers.

En réunissant à toutes ces mesures celles qui peuvent concourir avec le plus de sûreté et de promptitude, à perfectionner les talents et augmenter l'expérience des officiers de marine, S, M. a voulu se hater de fornier des matelots; et c'est pour ce dernier objet qu'un projet de sénatus-consulte vous a été pré

senté.

Les jeunes marins que ce sénatus-consulte met à la disposition

du ministre de la marine, ont l'âge où l'on contracte le pins aisément les habitudes nécessaires au service maritime; ils ont tous reçu le jour sur des rivages où, dès leur première enfance, tout a fait naitie en eux le désir de suivre leurs pères sur les mers; et, par une disposition particulière que vous avez dû remarquer dans le discours des orateurs du conseil d'état, ces jeunes conscrits, attachés à des équipages de flottilles, auront déjà acquis dans nos rades et près de nos côtes l'experience et l'industrie nécessaires pour braver les tempètes et surmonter tous les obstacles, lorsqu'ils verront s'ouvrir devant eux cette carrière de gloire où se sont immortalisés les Jean Bart, les Duguay Trouin, les Duquesne et les Tourville.

Votre commission vous propose, sénateurs, à l'unanimité, d'adopter le projet de sénatus-consulte relatif à la conscription maritime.

S. Exc. M. le sénateur comte de Lacépede, au nom d'une commission spéciale composée, outre le rapporteur, du sénateur comte Bougainville, de. S. Exc. M. le maréchal duc de Dantzic, et des sénateurs comte Laplace et Cornuet, présente le rapport suivant sur le projet de sénatus-consulte, qui met à la disposition du ministre de la guerre 120,000 hommes de la conscription de 1811.

Monseigneur, Sénateurs,

Vous avez renvoyé à votre commission spéciale le projet de sénatus-consulte qui vous a été présenté par les orateurs de conseil d'état, relativement à la conscription de 1811, ainsi que le rapport fait à ce sujet à S. M. I et R. par le ministre de la guerre, et que S. M. a bien voulu communiquer an sénat.

D'après ce sénatus-consuite, 120,000 hommes de la conscription de 1811 seront mis à la disposition du ministre de la guerre pour le recrutement de l'armée; et les appels successifs, de ces cent vingt mille hommes ainsi que les époques de ces appels, seront déterminés par des réglements d'administration publique.

Votre commission, sénateurs, n'a vu dans les dispositions de ce sénatus-consulte, que l'exécution ordinaire des dispositions plus générales qui forment la constitution militaire de l'empire.

Il ne prescrit que le payement habituel de cette deite sacrée que les Français contractent en naissant envers la patrie et envers leur souverain.

Il règle pour 1811 l'application de cette loi générale, qui donné à la force publique de la France une composition si redoutable à ses enucmis et si utile à la tranquilité de l'intérieur de l'empire. L'execution de ce sénatus-consulte ne demandera ancune contribution nouvelle.

Il maintient d'ailleurs, cette circulation nécessaire à l'existence du corps politique, et par laquelle, chaque année, de jeunes

soldats vont remplacer ceux qui ont trouvé dans les camps ou dans les batailles une mort glorieuse, ceux auxquels des infirmités ou des blessures n'ont laissé que leur courage, et ceux que l'ancienneté de leurs services doit faire rappeler au sein de leur famille et des travaux paisibles.

Sans doute le nombre de ces derniers serait peu considérable, si leur volonté était seule consultée.

Combien de braves, en effet, qui ne rentraient sous le toit paternel que pour y jouir des bienfaits du plus grand des monarques, pour y porter l'honorable décoration décernée à leurs faits d'armes, pour être dans leurs communes l'objet touchant et respecté de l'émulation des jeunes français, de la reconnaissance des pères, de l'attention bienveillante de tous ? N'ont-ils pas eu besoin qu'on les consolât par le souvenir du sang qu'ils avaient versé pour le premier des héros, du malheur de cesser de vaincre sous ses aigles? Et combien de fois, celui qui a l'honneur de parler devant vous n'a-t-il pas eu le bonheur d'être le dépositaire de leurs nobles regrets!

Mais l'état écoute moins le dévouement et le zèle des vétérans de la gloire, que l'intérêt de l'agriculture et celui du commerce, qui les réclament pour les travaux des champs, et pour les ateliers des villes.

Depuis les derniers sénatus-consultes rendus au sujet de la conscription, les bornes de l'empire ont été reculées à de grandes distances. De nouveaux départements ont acquis le droit de fournir un contingent à l'armée. La répartition générale des cent vingt mille couscrits de 1811 donnera donc à chacun des anciens départements de la France un contingent moins considérable qu'il ne l'aurait été il y a quelques

années.

Mais qu'il nous soit permis de présenter au sénat une considération qui, dans les circonstances actuelles, paraît mériter une attention particulière.

L'empire renferme, maintenant, plusieurs peuples qui pendant un grand nombre des siècles, ont été bien éloignés de la pensée qu'un jour ils porteraient le nom de français. Leur intérêt et celui de la France entière demandent que toutes les lignes de séparation soient détruites entre les nouvelles portions de l'empire et les anciennes parties de son territoire.

Une autre prévoyance a créé un grand moyen politique de resserrer les liens de tous les peuples devenus français, en coordonnant le territoire général de l'empire, d'une telle manière qu'il est dans le système de l'Europe, comme une grande base vers laquelle les états voisins gravitent, pour ainsi dire, afin d'assurer leur repos présent et leur sécurité future.

Elle a couçu, d'ailleurs, un vaste ensemble de canaux, de fleuves et de rivières, qui distribués sur toute la surface de Pempire, feront communiquer les uns avec les autres, l'Océan,

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