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elle vent que le domaine privé, dont nous vous entretiendrons bientôt, se dessaississe et fasse à la couronne l'hommage nécessaire de toute statue, médaille, manuscrit antique, de tout tableau dont l'auteur aura subi, depuis un siècle, le jugement impartial de la postérité.

Pour que le sénatus-consulte qui vous est présenté ne laissát rien à chercher dans vos actes précédens, S. M. a jugé convenable d'y rappeler les dispositions qui concernent ses palais au-delà des Alpes, et de les mettre en harmonie avec celles qui concernent, la dotation générale de la couronne.

A cet égard, Messieurs, je ne vous rappelerai pas ce que les orateurs de S. M. vous ont exposé, lorsqu'ils présentèrent à votre sanction l'utile institution des gouvernemens généraux à Turin et à Florence, mais je vous dirai que déjà toutes les espérances que S. M. en avait conçues, ne sont réalisées.

Les capitales de ces anciens royaumes, à présent réunis au grand empire, ont va leurs regrets se changer en reconnaissance, leurs pertes réparées par des avantages plus qu'équivalens. Toujours présent au milieu de ses nouveaux sujets par les augustes représentans qu'il s'est choisis, l'empereur y verse les bienfaits, par la même main qui exerce sa puissance. Le bien s'opère sans effort, le mal est prévenu sans violence, et l'unité d'intérêts, l'unité d'affections se prépare par l'unité dans la législation, le gouvernement et l'administration.

Si done ces institutions exigent une affectation spéciale de revenus, c'est le sacrifice le plus juste à la fois et le plus utile: tous les avantages en reviennent à l'état qui a une garantie de sa tranquillité, aux sujets qui s'affectionnent à leur nouvelle patrie. Et S. M. ne recevant rien pour son trésor, consacrant la dotation entière au traitement des princes qu'elle a investis de sa confiance, aux gages des officiers, au mobilier, à l'entretien de ses palais, n'intervient que comme une Providence qui dispense les biens confiés à sa sagesse.

Ces dotations sont prises sur les biens domaniaux des pays même où elles sont fondées; elles pourront augmenter de prix lorsque les propriétés se seront relevées à leur valeur effective par le classement graduel qui doit s'opérer: alors S. M., pourra, avec les formalités garantes de la perpétuité des institutions, changer, si les circonstances le conseillent, les domaines contre des rentes sur l'état: remettre ainsi de nouvelles propriétés dans le commerce, attacher les peuples plus étroitement à la fortune publique, et accroître les revenus assignés pour tenir les cours de Turin et de Florence.

J'ai dit avec les formalités garantes de la perpetuité des institutions: ear la dotation de la couronne est un domaine inaliénable, qui doit suivre à jamais sa destination, qui ne peut en aucun tems être diminué, dont la conservation nous est confiée, Messieurs, comme celle des autres droits du trône et de la na

tion, et qui ne peut changer de nature, ni s'accroître, même des libéralités impériales, sans l'assentiment du sénat; l'impôt ne doit jamais atteindre ce domaine, nulle hypothèque, nulle creance ne peut le gréver, nul échange, nul bail emphyteotique ne peut en altérer la nature ou la valeur sans votre intervention éclairée.

Enfin, c'est le gage inviolable de la grandeur de la nation, de la splendeur du trône, de l'indépendance du monarque.

Pour assurer mieux cette inalienabilité du domaine de la couronne impériale. S. M. a voulu ie séparer de tous les autres biens qui appartiennent, à d'autres titres, à la couronne, ou à la personne même du monarque.

De là la distinction que nous allons établir entre le domaine extraordinaire et le domaine privé, séparés tous deux de la dotation de la couronne, dont nous venons de vous entretenir,

DEUXIÈME PARTIE.

Du domaine extraordinaire.

"Le domaine extraordinaire se compose des domaines et biens mobiliers et immobiliers que l'empereur, exerçant le droit de paix et de guerre, acquiert par des conquêtes ou des traités" (art, 20, du projet du sénatus-consulte.)

Le compte du ministre des finances pour 1809, a appelé la reconnaissance publique et la vôtre, sur cette habileté prévoyante, sur cet ordre admirable qui a fait d'une conquête, d'une victoire, l'instrument et le gage d'une autre conquête et d'une autre victoire; qui a fait du laurier un arbre fécond, dont les fruits ont nourri les braves que ses branches avaient couronnés.

Mais non-seulement la providence française a pourvu ainsi aux besoins de l'armée; elle a pu encore faire de riches réserves et indépendamment des contributions réalisées, conserver de vastes domaines dans les pays où les aigles impériales ont été plantées.

Il faut remouter bien haut dans l'histoire pour trouver des exemples d'aussi inmenses conquêtes; les fastes des Romains, vainqueurs du monde, pourraient seuls nous en fournir.

Leurs empereurs, et depuis les monarques auxquels les terres de leur domination ont fourni des royaumes, ont toujours réuni les conquêtes au domaine de leur couronne: toujours ils en ont disposé à des titres variés, selon que les lois romaines régnaient chez les princes conquérans, ou sur les provinces conquises.

Les monarchies d'Europe et la monarchie française en particulier, nous ont constamment offert cette législation politique, consacrée par l'assentiment des peuples et par les actes des souverains.

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A la suprême force appartient la suprême modération.

L'empereur n'a pas voulu qu'à la dotation de sa couronne, que S. M. trouve suffisante, fussent réunis les produits de ses cònquêtes.

Il ne veut être que le conservateur, l'administrateur, le dispensateur des fruits de la victoire.

Les faire tourner entièrement au profit de l'état, en enrichir exclusivement son trésor, ce serait trop faire pour la nation, prise collectivement, et trop refuser aux légions de braves qui ont marché pour elle aux combats.

Les victoires maritimes donnent à ceux qui les remportent, un droit de partage sur la conquête.

Peut-être l'étendue des sacrifices et des dangers qui prépaparent et assurent les triomphes sur mer, ont-ils consacré cet usage universellement suivi.

Nos guerres contimentales modernes n'offrent pas aujourd'hui moins de périls à affronter, moins de sacrifices à faire, que les combats les plus acharnés dont l'océan ait jamais été témoin.

Et par ce motif seul il faudrait peut-être étendre aux guerriers de nos légions, immortelles comme leur chef le droit accordé aux marins sur les dépouilles des vaincus.

D'autres considérations ne permettant pas de verser tous les produits des conquêtes au trésor public.

S'il est vrai qu'il ne soit pas dans la justice, il est certain aussi qu'il n'est pas dans la sagesse d'un souverain qui connaît, le cœur humain, de laisser ses compagnons d'armes sans intérêts dans les résultats utiles de leurs triomphes.

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En assurant la part de l'armée dans les fruits de ses victoires, on intéresse chaque soldat à la conservation du bien de

tous.

Guerriers ou administrateurs, tous s'établissent les gardiens de la fortune commune; tous s'arment de vigilance contre les abus, les dilapidations.

C'est ainsi, Messieurs, que dans ses campagnes, l'empereur, a créé pour ses armées un nouveau geure de gloire; tout ce qui a été conquis a été mis sous la sauve-garde d'une discipline sévère, rien n'a porté atteinte à la dignité des soldats français. Ils étaient sûrs de la justice du prince, ils n'out pas songé à se la faire eux-mêmes; ils ont attendu le prix de leurs services; ils l'ont reçu solennel et glorieux; ils en jouissent avec sécurité et avec orgueil.

Toutefois, de ces faits et de ces principes, S. M. n'a pas tiré cette conséquence extrême que tout le produit des conquêtes dût appartenir à l'armée,

De même que dans l'intérieur de l'empire une portion de capitaux doit appartenir à la réproduction; de même, comme je l'ai déjà dit, le général triomphant doit trouver dans une

victoire, la sémence d'une victoire nouvelle, dans une conquête le moyen d'en garantir la conservation.

C'est ainsi que le matériel et le personnel de l'armée, ont été, non-seulement maintenus, mais améliorés à l'aide des contributions et des revenus de tous genres perçus dans les pays envahis par nos armées.

Nous avons vu nos trains d'artillerie revenir plus nombreux et mieux équipés, nos escadrons et nos bataillons rentrer mieux montés, mieux vêtus qu'à l'ouverture de la campagne.

Nos nouvelles frontières ont vu d'autres Vauban élever des fortifications imposantes, boulevards inattaquables du grand empire.

Les fleuves du territoire ennemi ont vu leurs lits ou leurs rivages domptés par des travaux inouïs, ouvrir l'accès dans les camps autrichiens, fermer l'accès des camps français, et les . peuples partager leur étonnement entre l'audace, l'immensité, et la rapidité de ces constructions inconnues, même du tems des soldats de César.

La conquête a fourni les moyens d'assurer ces grands résultats; elle a pourvu à tout. Les soldats français ont reçu de nobles et justes récompenses: les services civils ont été associés à ces honorables distinctions; les travaux littéraires ont été appelés à les partager; de nouveaux monumens s'élèvent pour fournir des palais aux monarques, des temples aux arts, des trophées à la victoire.

Et ce vaste systême conçu, exécuté par S. M., pendant sa campagne, va être consacré, éternisé par la législation politique de l'empire.

Ce que l'empereur a exécuté, vous allez l'écrire, vous allez le transmettre à ses successeurs comme la règle de leur justice, comme le gage de leurs succès, comme le garant de leur gloire. Le domaine de leur couronne constitué pour toujours, sera immortel comme elle; assigné au plus noble emploi; le domaine extraordinaire, justement distribué, entourera leur trône d'une splendeur honorable, d'un luxe glorieux; enfin un autre domaine possédé au même titre que toutes les propriétés de l'empire assurera encore au souverain les jonissances personnelles de l'homme privé; c'est la matière du troisième titre.

TROISIÈME PARTIE.

Du domaine privé de l'Empereur.

Cette couronne si brillante, si honorablement dotée de revenus inaltérables; ce domaine extraordinaire, source renaissante d'une générosité inépuisable au moyen des reversions; tous ces biens affectés aux besoins, aux jouissances, consacrés aux libéralitiés ou aux projets créateures d'un monarque puissant," doivent suffire sans doute aux désirs de la sagesse, et combler même les vœux de l'ambition,

Mais souvent le monarque est satisfait, l'homme ne l'est pas ; et le souverain peut envier quelque chose à ses sujets.

Il jouira du domaine de la couronne, mais il n'en disposera pas: il disposera du domaine extraordinaire, mais il n'en jouira

pas.

Usufruitier de ces biens à jamais substitués; dépositaire de ces trésors qu'il a le droit de distribuer, un empereur peut cependant regretter pour lui ou pour sa famille, le plaisir attaché à la possession, à la disposition d'une propriété privée.

Et si ce sentiment, ou, si l'on veut, cette faiblesse trouve accès dans le cœur du monarque, cette loi serait-elle juste, serait-elle sage, qui le placerait entre le sacrifice de ses goûts et le sacrificè de ses devoirs, qui l'obligerait à diminuer un penchant que la nature aurait mis dans son cœur, qui le forcerait de descendre à des voies cachées pour le satisfaire?

Non sans doute, Messieurs, elle ne serait pas sage, elle ne serait pas juste cette loi; elle aucuserait ceux qui l'auraient conçue d'ignorer les passions humaines, ou d'avoir cru que le cœur des rois ne peut ressembler au cœur de leurs sujets.

Et puisque les souverains aussi peuvent mettre du prix à la possession de proproiétés personnelles, disponibles, héréditaires, qu'ils ne soient donc pas déshérités de cette faculté de jouir, de donner, de transmettre des biens qui leur sembleront ainsi leur appartenir d'une manière plus spéciale, plus absolue.

Et certes, Messieurs, cet acte de prévoyance de S. M. est un monument bien désintéressé de sagesse.

Ses regards qui embrassent le monde, qui se fixent sur des intérêts si grands et si divers, ne se sont jamais arrétés sur les charmes attaché à la propriété individuelle. S. M. sans doute en a remarqué des exemples, en a conçu la possibilité, mais n'en a pas, je crois, connue le sentiment,

Mais S, M. crée pour les siècles; elle prépare des lois pour une longue succession de princes, et elle n'a pas voulu, contrariant une disposition naturelle, exposer le dépositaire du pouvoir suprême à satisfaire en secret un penchant qui peut se rattacher aux plus légitimes, aux plus nobles, aux plus doux des sentimens, à des sentimens que les peuples sont très-heureux de voir éprouver sur le trône, ceux de la nature, de la reconnaissance ou de l'amitié.

L'empereur aura done un domaine privé, auquel s'appliqueront toutes les règles du droit civil, qui supportera toutes les charges de la propriété, toutes les impositions qui frapperont les biens des citoyens.

Ce domaine se partagera entre tous les enfans ou héretiers du monarque, s'il n'en a pas disposé; et il ne pourra le donner entre vifs, avant l'âge de vingt-cinq ans, afin de prévenir les dons inconsidérés, ni le donner par testament avant sa majorité, que jusqu'à concurrence de douze millions, pour que les affec

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