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flint-glass propre à l'optique, tout verre qui est d'une pesanteur spécifique de trente-trois environ (i), et l'on croit que toute la difficulté consiste à fabriquer du verre de cette densité. Beaucoup de personnes vont même jusqu'à croire que plus le verre qu'on fera sera dense, et plus on aura fait du beau et de l'excellent flint-glass. Or , comme rien n'est plus facile que de faire un verre très-pesant, on voit tous les jours des gens qui viennent offrir des morceaux de verre métallique d'une énorme densité , et ces gens-là ne sentent pas que la route qu'ils ont prise est précisément celle qui les éloigne du but où ils tendent, et que plus le verre qu'ils font sera chargé d'oxyde de plomb, et plus il sera difficile qu'il devienne du flintglass bon pour l'optique; car il sera d autant plus sujet aux stries , et il procurera une perte de lumière d'autant plus grande.

Je dis qu'il sera d'autant plus sujet aux stries: en effet, l'expérience répétée mille et mille fois, rouve que si l'oxyde de plornb qu'on met dans e verre, pour le rendre plus lourd , n'est pas la seule cause des stries, il les produit au moins trèssouvent; et comme ces stries sont le plus grand obstacle qui s'oppose à la bonté du flint-glass, tout ce qui tendra à les augmenter doit donc êtreéloigné autant que possible. De là lesefforts qu'ont faits les savans pour tâcher de substituer des liqueurs , ou toute autre substance possédant une forte qualité réfringente, aux verres métalliques dans la composition de l'objectif achromatique ; mais puisqu'on a été obligé de revenir

(i) L'eau étant 10.

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a l'emploi du verre , ne nous occupons ici que de lui seul.

L'oxyde de plomb étant la seule matière à l'aide de laquelle on puisse obtenir une différence très notable dans la densité des verres blancs et bien transparens, il faut nous arrêter un peu à considérer la manière dont cet oxyde se comporte pendant.la vitrification, et dès-lors nous reconnaîtrons presque toutes les causes qui viennent s'opposer à la coufection du bon ilint-glass.

Les matières qui composent les verres d'une grande densité sont toutes celles employées aussi dans la fabrication des beaux verres blancs ordinaires et légers; ce sont des sables siliceux et divers fondans salins , comme la potasse et la soude , un peu de salpêtre , etc. L'oxyde de plomb s'ajoute ensuite, pour donner au verre plus de fusibilité, de brillant et de densité ; mais la quantité d'oxyde de plomb qu'on peut mettre est bornée, quand on veut avoir un beau verre, bien blanc et bien transparent.

Quoique l'oxyde de plomb fasse fondre une certaine quantité de sable , ils ne feraient pas seuls ensemble un beau verre , mais un verre jaune plus ou moins opaque; et voilà pourquoi tous les verres où l'on fait entrer une trop forte proportion de plomb, dans l'intention d'obtenir une extrême densité , participent déjà, plus ou moins, à l'opacité et à la coloration des verres de plomb seulement.

Si l'on fond de l'oxyde de plomb seul, ce n'est pas du verre qui en résulte , mais de la litharge en masse , comme tout le monde le sait; si l'on y ajoute du sable , l'oxyde le fait fondre trèspromptement, mais en assez petite quantité , et le verre qu'on obtient est jaune, comme je viens de le dire : c'est une combinaison avec excès d'un des deux composans, du genre de celles que Berthollet a si ingénieusement fait apercevoir dans une infinité de cas , où ces espèces de saturations au premier degré nous expliquent des phénomènes inexpliqués jusque-là.

Ici, cette première saturation de l'oxyde de plomb nous donne aussi la clef de tout ce qui va se passer; ne perdons pas de vue cette propriété.

Une fois l'oxyde de plomb suffisamment combiné avec du sable , et la proportion ne va pas à la moitié de son poids , il n'agit plus que fort lentement sur d'autre sable qui se trouverait en présence : il agit cependant encore; mais alors , si l'on pouvait séparer par la pensée les nouvelles molécules de silice qui sont dissoutes, on verrait qu'elles forment un nouveau verre plus siliceux et plus dur, par conséquent moins dense; et comme la première masse vitreuse est saturée au premier degré , les nouvelles quantités qui se forment à un degré de saturation plus avancé se mêlent aux premières sans s'y combiner. Cela est si vrai, que plusieurs fois, en faisant des verres très-pesans , et que j'avais laissé refroidir dans le creuset, j'ai trouvé deux couches très-distinctes et superposées; souvent même elles avaient éclaté en se refroidissant , et s'étaient séparées juste à l'endroit où on les voyait changer de coloration et de densité. Pesées toutes deux , ces couches offraient une énorme différence dans leurs poids, comme 35 et 42, l'eau étant 10.

V

La formation des sels, en chimie, nous offre une foule d'exemples qui rendraient ceci trèspalpable; et pour en choisir le premier qui se présente à ma pensée , si vous mêlez de l'acide carbonique à de la potasse caustique, et qu'à 1 aide de certaines circonstances vous aidiez la combinaison, il se formera deux sels très-distincts; il y aura dans la même liqueur un souscarbonate et un carbonate saturé , sans que le mélange des deux ensemble donne la moyenne de saturation. De même, nous trouvons que l'oxyde de plomb saturé au premier degré, par la silice du sable , bien que susceptible d'en dissoudre encore, ne fait plus qu'un mélange sans combinaison , avec la quantité plus saturée qui va se former. Au reste, la nouvelle combinaison au maximum de saturation de sable, n'est point encore elle-même un verre parfait; ainsi que je l'ai dit, c'est un verre jaune de topaze plus ou moins foncé.

Il n'y a donc que parle mélange avec d'autres substances vitriiiables , que ce verre peut être amené à l'état d'incoloration et de netteté dont on a besoin. Ainsi nous composons nos verres métalliques, appelés cristal, avec de l'oxyde de plomb, du sable, de la potasse ou de la soude, et diverses autres substances qui n'entrent plus que pour corriger les mauvaises qualités qu'on.' rencontre dans les premières. Le salpêtre sert, outre la potasse Çii'il fournit comme fondant, à donner aussi de l'oxygène pour brûler lès! parties charbonneuses qui pourraient exister dans la potasse, ou pour achever l'oxydation imparfaite du plomb. Le manganèse^; l'arsenic',, l'antimoine, etc. jouent des rôles conformes

à leurs propriétés, mais ne sont jamais que des correctifs qui masquent plus souvent des défauts qu'ils ne les détruisent, et qui souvent en ajoutent. Aussi le produit est d'autan t plus beau, qu'on a moins été obligé de recourir à ces correctifs.

Considérons donc la vitrification d'oxyde de plomb , de potasse et de sable , et faisons la composition, pour obtenir, comme les Anglais, une densité de 33 à peu près (nous verrons plus tard pourquoi je dis à peu près) : le mélange sera cinq parties d'oxyde de plomb , deux parties de potasse, et six parties de sab!e. Le tout bien mêlé, mis dans un creuset de verrerie avec une température suffisante , à l'instant l'oxyde de plomb se fond , se sature à différens degrés du sable qui lui est mêlé , et forme ainsi des verres de plomb de diverses densités; et, de son côté, la potasse agissant sur les molécules de silice qui la touchent, donne naissance à un verre d'un autre ordre, d'une autre densité aussi , et d'une force réfringente beaucoup moindre. Ce n'est que par la violence du feu. et par la continuité d'une haute température, que ces verres si diffèrens entre eux se mêlent et finissent par se combiner; mais cette combinaison n'est que rarement absolue; et même, lorsqu'elle est absolue , il suffit de quelques circonstances qui se rencontrent fréquemment, pour rappeler chaque élément<à suivre des lois particulières et à commencer une espèce de dévitrification , ainsi que je l'ai fait voir dans un Mémoire que j'ai eu l'honneur de lire à la. Classe, il y a cinq ans , sur la dé vitrification en général.

Pour

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