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lieu que par le fait d'un tiers, on tomberait dans le cercle vicieux que nous avons signalé en traitant une question semblable en matière d'enquêtes (n° 586). L'exécution d'un jugement par défaut sera donc suspendue vis-à-vis de tous pendant la huitaine de la signification, mais point au delà.

1316. Quant aux jugements en premier ressort, nous pensons qu'il faut attendre l'expiration du délai de trois mois à partir de la signification du jugement, pour que les tiers puissent faire les actes d'exécution qui peuvent entraîner un préjudice irréparable. C'est ce que la loi décide formellement quant à la radiation des inscriptions hypothécaires (Cod. Nap., art. 2157); pourquoi se montrer moins sévère, s'il s'agit d'un payement, et surtout d'un mariage? Autrement, on ne comprendrait pas pourquoi l'article 548 prescrit de mentionner la date de la signification, le registre tenu au greffe suffisant parfaitement pour constater s'il existe ou non un appel; tandis que la mention de la signification est fort utile, s'il s'agit, comme nous le pensons, de constater l'expiration du délai pour interjeter appel.

III. COMPÉTENCE EN MATIÈRE D'EXÉCUTION FORCÉE.

1317. Les questions de compétence en cette matière peuvent se présenter sous deux points de vue: 1o A quelles juridictions appartient-il de connaître des questions de cette nature? 2° Parmi les tribunaux compétents à raison de leur institution pour connaître de l'exécution forcée, lequel faut-il saisir?

1318. En ce qui concerne la compétence absolue, le législateur reproduit (art. 553) la règle qui attribue aux tribunaux civils la connaissance de l'exécution des jugements rendus par les tribunaux de commerce. Il en est évidemment de même pour les jugements des juges de paix, des prud'hommes, etc. Cette réserve n'est applicable, du reste, qu'à l'exécution forcée.

1319. Quant à la compétence relative, nous lisons dans l'article 554:

Si les difficultés élevées sur l'exécution des jugements ou actes requièrent célérité, le tribunal du lieu y statuera provisoirement, et renverra la connaissance du fond au tribunal d'exécution.

Il faut observer à cet égard qu'en matière d'exécution forcée, par exemple de saisie immobilière ou de contrainte par corps, la loi, suivant les expressions de l'article 472, attribue juridiction au tribunal du lieu (voy. n° 965). Ce tribunal est donc compétent, proprio jure, et s'il y a lieu de revenir à celui qui a rendu le jugement, c'est seulement lorsqu'il s'élève des difficultés d'interprétation, ou que la décision judiciaire elle-même n'est pas complète, notamment lorsque la liquidation de la créance n'a pas encore été effectuée (art. 551, 552). Quant à la validité intrinsèque des poursuites, le tribunal compétent est nécessairement le tribunal du lieu

de l'exécution, seul bien placé pour pouvoir suivre la marche des opérations. Cette distinction est consacrée par l'article 794 en matière de contrainte par corps, et elle doit être appliquée à toutes les questions d'exécution forcée.

1320. Enfin, si la partie contre laquelle ont lieu les poursuites, ne se borne point à une résistance légale, mais se porte à des voies de fait ou à des injures contre l'officier ministériel qui les dirige, c'est la juridiction criminelle qui devient compétente (art. 555).

DIVISION DE LA MATIÈRE.

1321. La classification la plus naturelle des divers modes d'exécution forcée consiste à rechercher sur quoi porte l'exécution.

Les biens, auxquels s'attaquent ordinairement les poursuites du créancier, sont meubles ou immeubles. Les saisies peuvent être dès lors mobilières ou immobilières. Toutefois les règles sur les saisies mobilières ne sont point toujours applicables en ce qui concerne les meubles incorporels. Le Code établit pour la saisie des rentes des formes spéciales, fort analogues à celles qui sont établies pour la saisie immobilière. Enfin, dans des cas exceptionnels, la personne même du débiteur devient le gage de ses créanciers la contrainte par corps est autorisée. Nous allons traiter de ces diverses voies d'exécution.

:

PREMIÈRE SUBDIVISION.

SAISIE MOBILIÈRE.

(Cod. de proc., Ire part., liv. V, tit. VII, VIII, IX et XI; Ile part., liv. I, tit. II et III.)

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1322. Le type de la saisie mobilière est la saisie-exécution que pratique un créancier sur le mobilier, et le plus souvent sur le mobilier corporel de son débiteur. Une saisie qui s'en rapproche beaucoup, c'est la saisie-brandon, applicable aux fruits non détachés du fonds, lesquels sont immeubles d'après le Code civil (art. 520), mais dont l'importance n'était pas telle qu'il convint de leur appliquer les formes compliquées de la saisie immobilière. Il y a quer d'autres saisies mobilières, qui ont le caractère de mesures conservatoires la saisie-gagerie, pratiquée sur les effets du locataire, affectés au payement de ses loyers; la saisie foraine, par laquelle le créancier prend ses précautions contre la disparition frauduleuse d'un débiteur forain; la saisie-revendication, accordée non plus à un créancier, mais au propriétaire d'effets mobiliers qui se trouvent entre les mains d'un tiers. Enfin une dernière espèce

de saisie conservatoire, qui se pratique également vis-à-vis des tiers, mais qui a une bien autre importance pratique que la saisierevendication, c'est la saisie-arrêt, par laquelle j'arrète entre les mains d'une tierce personne ce qu'elle peut devoir à mon débiteur, ou les effets mobiliers à lui appartenant qu'elle peut avoir en sa possession. - Après avoir étudié les diverses espèces de saisies mobilières, nous nous occuperons de la procédure qui en est le complément, de la distribution par contribution, c'est-à-dire de la distribution entre les créanciers du prix provenant de la vente des meubles.

CHAPITRE PREMIER.

SAISIE-EXÉCUTION.

1323. Cette saisie est celle par laquelle un créancier fait saisir - et confier à un gardien les meubles que possède son débiteur, pour être ensuite vendus au profit de qui de droit. On la nomme saisieexécution, par opposition aux saisies conservatoires, qui ne peuvent entraîner l'exécution qu'autant qu'elles sont suivies d'un jugement de validité.

I. OBJETS SUSCEPTIBLES DE SAISIE-EXÉCUTION.

les

1324. Un créancier ne peut, en général, saisir-exécuter que meubles corporels de son débiteur. Il y a, soit pour les créances, soit pour les rentes, des règles particulières; mais la saisieexécution s'applique à certains effets, tels que les billets de banque, qui ne sont que du numéraire sous une autre forme.

1325. La saisie-exécution ne pouvait s'appliquer aux biens meubles par leur nature, que la loi déclare immeubles par destination (art. 592, 1o). Si on leur a donné ce caractère, c'est précisément pour qu'ils ne puissent être saisis indépendamment de l'héritage à l'exploitation duquel ils sont attachés.

On a proposé d'ajouter à ces immeubles et aux objets que le propriétaire attache au fonds à perpétuelle demeure (Cod. Nap., art. 524) ceux qui y auraient été attachés par un fermier ou par un locataire. On invoque en ce sens des considérations d'humanité, et l'on fait observer que l'ordonnance, bien que moins large que le Code en ce qui concerne les objets insaisissables, défendait expressément (tit. XXIII, art. 16) de saisir les animaux et ustensiles employés à l'agriculture, sans distinguer par qui ils avaient été placés sur le fonds. Mais, bien que fondée en équité, une pareille prohibition ne repose sur aucun texte, et il faut convenir que l'énumération faite par la loi des choses insaisissables n'aurait guère de sens si elle n'était point limitative.

1326. Mais nous n'hésitous pas à considérer comme insaisis

sables les objets dont la valeur est tout immatérielle, comme le manuscrit qui se trouve encore dans les mains de l'auteur, l'objet d'art non encore livré au public par le peintre ou par le statuaire. De tels ouvrages, tant qu'ils ne sont point encore mis dans le commerce, ne sont point réputés avoir une valeur vénale, ne sont point des biens, et il n'y a que les biens du débiteur qui soient le gage de ses créanciers (Cod. Nap., art. 2093). D'ailleurs, un intérêt supérieur aux considérations purement pécuniaires, celui du progrès intellectuel, ne permet point d'anticiper sur l'époque où l'auteur juge convenable de mettre au jour le fruit de son travail. On sent qu'il faudrait décider autrement s'il s'agissait d'un livre déjà vendu à un éditeur et tout prêt à être publié, d'un tableau ou d'une statue exécutés sur commande et complétement terminés.

1327. Supposons maintenant des objets mobiliers saisissables par leur nature. Ces objets pourront encore devenir insaisissables, lorsqu'ils seront indispensables à l'existence ou à la santé du débiteur. Ainsi, l'on épargne le coucher nécessaire du saisi et de ses enfants vivant avec lui, les habits dont il est vétu, les outils nécessaires aux occupations de l'artisan (art. 592, 2° et 6o); on lui laisse même les menues denrées nécessaires à la consommation de sa famille pendant un mois, et dans le même but une vache ou trois brebis, ou deux chèvres, à son choix, avec ce qui est nécessaire pour leur litière et leur nourriture, toujours pendant un mois (ib., 7° et 8°.) La loi tient compte en outre de besoins plus relevés, en défendant de saisir les livres relatifs à la profession du saisi, les machines et instruments servant à l'enseignement et à l'exercice des sciences et arts, le tout jusqu'à concurrence d'une valeur de 300 francs; enfin, d'une manière indéfinie, les équipements du militaire (ib., 3o, 4o et 5o).

1328. Mais, dans l'intérêt même du débiteur, la saisie de ces mêmes objets est autorisée lorsqu'il s'agit d'aliments fournis à la partie saisie, de sommes dues aux fabricants ou vendeurs de ces objets (1), ou prêtées pour les acheter, fabriquer ou réparer; de fermages ou loyers des héritages auxquels sont attachés les objets immeubles par destination. Seulement, on comprend que le coucher et les habits du débiteur ne puissent être saisis pour aucune créance (art. 593).

1329. La prohibition de saisir les objets réputés ainsi physiquement ou moralement nécessaires au débiteur, est d'ordre public; il n'est point permis d'y renoncer à l'avance. Néanmoins, l'adjudication une fois consommée, le saisi n'aurait qu'un recours en

(1) Puisque les immeubles par destination peuvent être ainsi frappés de saisio-exécution par le vendeur, ils conservent à son égard la qualité de meubles, et dès lors nous pensons, bien que ce point soit vivement controversé, qu'il a toujours le droit d'exercer le privilége attribué au vendeur d'effets mobiliers (Cod. Nap, art. 2102, 4o).

dommages-intérêts, soit contre le saisissant, soit, dans tous les cas, contre l'huissier.

II. MARCHE DE LA SAISIE-EXÉCUTION.

1330. Le créancier, un jour franc avant la saisie, doit faire commandement au débiteur, c'est-à-dire lui notifier le titre exécutoire dont il est porteur (art. 551), en le sommant d'y satisfaire, à peine d'y être contraint par toutes voies de droit, notamment par la saisie de ses meubles (art. 583). De plus, pour que le débiteur puisse signifier sans trop de frais ses offres de payement ou ses moyens d'opposition, le commandement doit contenir élection de domicile, jusqu'à la fin de la poursuite, dans la commune du lieu de l'exécution (art. 584). Bien que la nullité ne soit pas prononcée par le texte, le commandement et l'élection de domicile nous paraissent constituer des formalités substantielles, dont l'absence vicie radicalement la procédure.

1331. L'huissier, après avoir fait itératif commandement, si la saisie est faite en la demeure du saisi, doit dresser un procèsverbal, avec l'assistance de deux témoins (1), qui doivent être Français, majeurs, et n'être ni parents ni alliés, ni domestiques des parties ou de l'huissier. Ces témoins signent l'original et la copie. Pour éviter des collisions fàcheuses, on ne permet point à la partie poursuivante d'assister à la saisie (art. 585, 586).

1332. Si l'huissier trouve les portes fermées ou qu'on lui en refuse l'ouverture, il n'est point obligé, comme autrefois, d'assigner en référé le débiteur, qui pourrait mettre à profit le temps exigé ponr cette procédure. Après avoir établi gardien aux portes pour empêcher le divertissement, l'officier se transporte auprès du juge de paix, à son défaut, devant le commissaire de police, ou enfin devant le maire. Le magistrat fait procéder à l'ouverture des portes et des meubles meublants, s'il y a lieu, et il appose les scellés sur les papiers qui seraient saisis en l'absence du débiteur. Par mesure d'économie, la loi ne veut point que le magistrat requis dresse un procès-verbal séparé; il doit se borner à signer celui de l'huissier (art. 587, 591).

1333. Outre les formalités communes à tous les exploits, ce procès-verbal doit contenir la désignation détaillée des objets saisis. Les marchandises doivent être pesées, mesurées ou jaugées, suivant leur nature, l'argenterie pesée et spécifiée par pièces et poinçons (2). S'il y a des deniers comptants, il est fait mention du nombre et de la qualité des espèces, et l'huissier les dépose à la caisse des dépôts et consignations (3), à moins que, dans les

(1) On les appelle habituellement recors, de recordari, parce qu'ils doivent attester ce qui s'est passé devant enx.

(2) Le poinçon est l'empreinte apposée sur une pièce d'argenterie pour en déterminer le titre, c'est-à-dire le rapport de la quantité de métal pur à celle de l'alliage.

(3) Voy. sur ce point, ord. du 3 juillet 1816, art. 2, 70.

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