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rieux peut avoir une pareille élection? Elle pouvait se concevoir dans l'ancien droit, parce qu'il y avait des sièges où il n'était pas nécessaire de coter procureur, ainsi qu'on le disait alors, et qu'en ce cas les parties devaient, pour faciliter les significations, élire domicile dans le ressort du siége (Pothier, Procédure civile, chap. I, art. IV). Mais aujourd'hui les actes courants de la procédure sont toujours nécessairement signifiés à l'avoué du demandeur, qu'il y ait ou non élection de domicile en son étude; et quant aux significations qui doivent se faire à la partie même (art. 147), comme on veut précisément qu'elle en soit personnellement avertie, il faut toujours les faire au domicile réel. Aussi l'élection chez une autre personne que l'avoué constitué ne nous parait-elle avoir aucune utilité.

3o Mentions relatives à l'huissier.

96. Après avoir clairement désigné la partie à la requête de laquelle il instrumente, l'officier ministériel doit se poser pour ainsi dire lui-même. L'ajournement doit donc énoncer (art. 61, 2o): Les noms, demeure et immatricule de l'huissier (1).

97. En ce qui concerne les noms et la demeure de l'huissier, on admet facilement les équipollents, l'officier étant généralement assez connu dans le ressort où il exerce ses fonctions pour qu'on ne puisse guère se méprendre sur sa personne. En tout cas, la signature lisible équivaut adæquatè à la mention du nom en tête de l'exploit. Cette signature, tant sur l'original que sur la copie, est d'ailleurs prescrite à peine de nullité. On doit voir là effectivement une formalité substantielle, sans laquelle l'acte serait dénué de toute authenticité : point constant en jurisprudence, bien que le Code eût mieux fait de s'expliquer formellement à ce sujet, comme l'ordonnance de 1667 (tit. II, art. 2). Le corps de l'exploit peut être écrit par un autre que l'huissier.

98. Il ne suffit point de justifier de la qualité d'huissier, il faut encore établir que l'officier se trouve dans les limites de la circonscription qui lui est assignée. La loi veut donc qu'il énonce son immatricule, c'est-à-dire son inscription au tableau de la corporation des huissiers admis à exercer près de tel tribunal. Mais ce qu'il est essentiel d'indiquer, ce n'est pas précisément l'immatricule de l'huissier, c'est, suivant les expressions de l'ordonnance (ib.), la juridiction où il est immatriculé. Aussi voyons-nous employer le plus souvent dans les exploits, au lieu de la formule huissier immatriculé auprès du tribunal de la Seine, par exemple, la formule plus simple: huissier près le tribunal de la Seine.

:

(1) La loi du 18 mai 1850 a soumis les huissiers à la patente, dont ils avaient été dispensés en 1844; mais elle a supprimé (art. 22) la nécessité de mentionner dans les exploits la patente, soit de l'huissier, soit du client, s'il est lui-même patentable.

40 Mentions relatives au défendeur.

99. Le législateur a dû se montrer plus facile pour la désignation du défendeur que pour celle du demandeur, qui doit toujours connaître lui-même ses qualités. Il veut seulement que l'on mentionne (art. 61, 2o):

Les noms et demeure du défendeur.

Ainsi, il n'est plus question ni de la profession, ni même du domicile, auquel on substitue la demeure. Quant aux noms, il était impossible d'exiger la reproduction exacte de prénoms qu'il peut être impossible de savoir. Il convient d'appliquer ici, par identité de motif, la disposition de l'article 2148 du Code civil, qui se contente, pour l'inscription hypothécaire, quant au débiteur, d'une désignation individuelle et spéciale, telle qu'on puisse dans tous les cas reconnaître et distinguer la personne qui en est l'objet.

100. Quant à la mention de la personne à laquelle copie de l'exploit sera laissée, nous en parlerons en nous occupant de la pose de l'exploit.

101. Le projet de Code, conforme en ce point à l'ordonnance, voulait que l'on mentionnât également, s'il y avait lieu, les réponses du défendeur. Mais la crainte que l'huissier ne supposât des réponses de nature à compromettre la partie assignée, a porté le conseil d'Etat à supprimer cette disposition.

5o Libellé de l'exploit.

102. Sous ce rapport, l'ajournement doit contenir (art. 61, 3o): L'objet de la demande, l'exposé sommaire des moyens. 103. L'indication de l'objet de la demande, qui correspond à ce qu'on appelle intentio dans la formule romaine, doit être faite avec précision; car c'est là, en quelque sorte, le point central vers lequel doivent converger toutes les énonciations de l'exploit. Que prétend-on me demander? telle est évidemment la première question que se fait toute personne actionnée en justice. Les conclusions ainsi posées par le demandeur dans l'ajournement déterminent la matière du procès, et c'est à elles que l'on se réfère plus tard pour vérifier si le tribunal doit statuer en premier ou en dernier ressort. Celles qui sont prises ultérieurement à la barre du tribunal peuvent expliquer ou modifier celles que renferme l'acte introductif d'instance, mais elles ne doivent rien y ajouter d'essentiel, puisqu'elles doivent toujours y être implicitement contenues. Il n'est cependant pas nécessaire que les conclusions soient spécialement formulées, pourvu qu'elles ressortent clairement des documents fournis par le demandeur, notamment de la copie, donnée en tête de l'exploit, du procès-verbal de non-conciliation.

104. L'indication précise de l'objet de la demande présente surtout un grave intérêt, lorsque la contestation porte sur des biens immobiliers, biens dont la nature et l'étendue sont souvent sujettes

à controverse. A cet égard, le titre IX de l'ordonnance a substitué aux vues et monstrées, mode de vérification matérielle usité dans l'origine, la nécessité d'insérer dans l'exploit, en matière immobilière, certaines énonciations, que le Code de procédure reproduit en termes à peu près semblables.

En matière réelle ou mixte, dit l'article 64, les exploits énonceront la nature de l'héritage, la commune, et, autant qu'il est possible, la partie de la commune où il est situé, et deux au moins des tenants et aboutissants; s'il s'agit d'un domaine, corps de ferme ou métairie, il suffit d'en désigner le nom et la situation: le tout à peine de nullité.

105. Ces mots matière réelle ou mixte ne s'appliquent point dans la pensée du législateur aux matières mobilières, puisqu'il s'agit dans le texte d'héritages. Ici, comme dans l'article 59, la loi entend par matières réelles celles qui sont réelles immobilières; par matières mixtes, celles qui sont en même temps personnelles (1) (no 60).

106. La meilleure manière de désigner les immeubles, c'est celle indiquée en dernier lieu par la loi, et qui consiste à les faire connaître par leurs noms : le domaine des Rochers, des Sablons, etc., situé en telle commune. Il faudra donc toujours employer ce mode, lorsqu'il sera possible de le faire. Malheureusement la plupart des propriétés ne sont point ainsi dénommées, et il faut alors recourir au mode de désignation beaucoup plus vague qui consiste à mentionner la nature de l'héritage, sa situation approximative et deux au moins des tenants et aboutissants. Déjà signalé comme vicieux en 1667, ce mode de désignation est devenu plus défectueux que jamais, aujourd'hui que la propriété est bien plus divisée et les mutations bien plus fréquentes. Aussi, lors de la réforme des dispositions du Code de procédure sur la saisie immobilière (nouv. art. 675), n'a-t-on maintenu que pour les maisons, et à défaut seulement de l'indication plus précise de la rue et du numéro, celle des deux tenants et aboutissants: pour les biens ruraux, on s'est attaché exclusivement à d'autres énonciations, notamment à celles du fermier et du colon, s'il y en a, de la nature et de la contenance approximative des pièces de terre; enfin, dans tous les cas, on a exigé la copie littérale de la matrice du rôle de la contribution foncière (2).

En attendant que les règles sur les ajournements soient mises en harmonie avec celles qui régissent la saisie immobilière, la jurisprudence agit sagement, en ne prescrivant point rigoureusement

(1) Une action pourrait même être immobilière, et purement personnelle, dans l'hypothèse, assez rare chez nous, où la propriété d'un héritage n'aurait pas été transférée par l'effet de la convention. Dans ce cas encore, bien que la matière ne soit nullement réelle, comme il s'agit d'un héritage, il faut que l'exploit renferme toutes les énonciations exigées par l'article 64.

(2) Ce document pourrait devenir la base d'une désignation régulière des propriétés, surtout si les opérations cadastrales, refaites dans un meilleur système, se trouvaient plus en rapport avec l'état réel de la propriété foncière.

la mention des deux tenants et aboutissants. Ainsi, pour les maisons, il est évident que la rue et le numéro sont, non pas seulement des équipollents, mais des moyens de reconnaissance évidemment préférables. Pour les biens ruraux, on décide également volontiers qu'une indication précise, dans les termes, par exemple, de l'article 675, peut remplacer utilement celle des tenants et aboutissants.

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107. Les conclusions de l'ajournement doivent être motivées. Pour que la partie assignée puisse préparer ses défenses, il faut qu'elle connaisse les moyens du demandeur. Bien plus, suivant le vœu d'Henri IV, s'il faut en croire Sully (Mémoires, liv. 26, année 1609) « l'exploit d'assignation devait contenir si généralement tous les moyens du demandeur, qu'il n'était plus reçu, après cela, qu'à répondre simplement aux allégations du défendeur. Cette idée nous semble une véritable utopie. Beaucoup d'assignations n'ont point de suite sérieuse, elles n'ont pour but que d'interrompre une prescription: il faut souvent, même aux praticiens les plus exercés, une étude approfondie pour découvrir tous les moyens que peut offrir une cause. En parlant d'un exposé sommaire, le Code de procédure entend exiger seulement que le demandeur fasse connaitre sur quoi il entend fonder ses prétentions, ce qui ne veut pas dire qu'il doive développer tous ses moyens.

6o Indication du tribunal et du délai,

108. C'est par la mention de la formalité intrinsèque la plus importante, de celle qu'indique le mot même d'ajournement, que le Code termine l'énumération des énonciations essentielles que doit renfermer l'exploit (art. 61, 4o) :

L'indication du tribunal qui doit connaître de la demande et du délai pour comparaitre.

109. Le demandeur, après avoir reconnu quel est le tribunal compétent, doit indiquer ce tribunal au défendeur. Malgré le silence de l'ordonnance sur ce point, Pothier disait (Procédure civile, ch. I, art. IV): « Le bon sens seul suffit pour comprendre qu'il ne peut y avoir un plus grand défaut dans un exploit que cette omission. » Aujourd'hui donc que le Code requiert formellement cette mention, il est impossible de valider une assignation donnée devant le tribunal compétent, puisqu'il est souvent extrêmement difficile de savoir quelle juridiction doit connaître de l'affaire (1). Seulement il est permis de se conformer, pour la désignation de cette juridiction, au langage usuel, et il est bien entendu qu'une assignation donnée devant le tribunal de la Seine a trait, non pas au tribunal de commerce, mais bien au tribunal civil, auquel s'applique habituellement cette dénomination.

(1) Aussi l'assignation dans un tribunal incompétent suffit-elle pour interrompre la prescription (Cod. Nap., art. 2246).

110. Il est inutile d'indiquer, en matière ordinaire, l'heure et le lieu où siége le tribunal; car il ne s'agit point encore pour le défendeur de comparaître en personne, mais seulement de constituer avoué. Il en est autrement devant les juridictions spéciales, parce qu'alors les parties doivent se présenter elles-mêmes en justice au jour indiqué.

111. Nous devons nous arrêter plus longtemps sur le délai des ajournements. Et d'abord, avant d'examiner comment il doit être mentionné dans l'exploit, nous devons nous demander quelle en est la durée.

112. On distingue le délai ordinaire, le délai d'abréviation et le délai d'augmentation.

113. L'article 62 est ainsi conçu :

Le délai ordinaire des ajournements pour ceux qui sont domiciliés en France, sera de huitaine.

Mais comment faut-il compter ce délai de huit jours? D'après le principe établi par le Code civil au titre de la prescription (art. 2260), suivant lequel les délais se comptent par jours et non par heures, on ne devait évidemment pas tenir compte de la fraction de jour qui s'écoule entre l'heure où l'exploit est signifié et la fin de la journée : c'est ce que les anciens auteurs appellent le dies à quo. Mais, en entendant dans leur sens grammatical ces expressions délai de huitaine, on eût été amené à dire que le défendeur devait avoir huit jours pleins pour comparaître. Ainsi, assigné le 1er août, il aurait eu les huit jours suivants, c'est-à-dire jusqu'au 9, pour constituer avoué. Mais une doctrine déjà consacrée par l'ordonnance de 1667 (tit. III, art. 6) va plus loin encore, et veut que le jour de l'échéance lui-même, le dies ad quem, ne soit pas compris dans la supputation de délai. Par conséquent, celui qui est assigné le premier a non pas jusqu'au 9, mais bien jusqu'au 10 pour comparaître. Il faut avouer que c'est bien là forcer le sens des termes, et que pour parler français, il faudrait dire alors que le défendeur a 9 jours, ou, en d'autres termes, qu'il doit comparaître, non dans la huitaine, mais au plus tard dans le jour qui suit l'échéance de la huitaine. Telle est pourtant la règle consacrée par l'article 1032 du Code de procédure, ainsi conçu :

Le jour de la signification et celui de l'échéance ne sont jamais comptés pour le délai général fixé pour les ajournements, les citations, sommations et autres actes faits à personne ou domicile.

L'interprétation consacrée par cet article étant contraire au sens naturel des mots, on est d'accord pour ne point l'appliquer à d'autres actes qu'aux sommations et significations faites à personne ou domicile. Ainsi, lorsque le Code déclare l'opposition à un jugement par défaut recevable pendant huitaine (art. 157), cela s'entend de huit jours pleins, mais non pas de huit jours francs.

114. Le délai d'abréviation, motivé par l'urgence de l'affaire,

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