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espèce qui forment l'avenue de l'Observatoire, dans le jardin du Luxembourg, à Paris, et les tilleuls qui composent la ligne extérieure de la terrasse des feuillants aux Tuileries, offrent de nombreux exemples de cette particularité.

Cette altération doit être attribuée, suivant nous, à l'action des rayons solaires qui, pendant l'été, frappent la tige des arbres depuis trois heures après midi jusqu'au soir. Car c'est pendant ce laps de temps que les arbres souffrent le plus de l'excès de la chaleur, et non vers le milieu du jour où la température est cependant plus élevée. En effet, d'une part, les arbres étant exposés à l'action du soleil pendant toute la durée du jour, ils éprouvent une évaporation continue tellement abondante, qu'il vient un moment où l'absorption de nouveaux fluides aqueux par les racines est insuffisante pour compenser cette déperdition. C'est surtout pendant le dernier tiers de la journée que se produit cette disproportion entre les fluides puisés dans le sol par les racines et ceux enlevés à l'arbre par l'évaporation; jusque là l'humidité fournie par les racines, ou celle qui a été absorbée par les feuilles, pendant la nuit précédente, ont pu soustraire l'arbre aux effets de cette évaporation. Mais à partir de ce moment, il ne reste plus rien des fluides aqueux accumulés dans les feuilles, et les racines, qui ont épuisé par leur succion l'humidité du sol environnant, ne fonctionnent plus qu'avec peine. Il résulte de ce premier fait que la sève renfermée. dans les tissus perd de sa fluidité, qu'elle circule plus lentement, et qu'à ce moment les parties de la tige les plus exposées à la chaleur peuvent être complétement desséchées. D'une autre part, les rayons solaires qui frappent le tronc des arbres pendant le dernier tiers du jour l'échauffent beaucoup plus que ceux du milieu de la journée; les premiers agissent, en effet, dans une direction plus pendiculaire au tronc des arbres que les seconds. Cette autre cause, se faisant sentir en même temps que la première, suffit pour produire progressivement les altérations que nous avons signalées sur le côté de la tige exposé à l'Ouest. Ainsi, après le premier été pendant lequel un arbre a été soumis à cette influence, l'écorce du tronc placée au couchant s'est durcie, a perdu une grande partie de l'élasticité qui lui permet de se distendre pour faire place à l'interposition des nouvelles couches ligneuses et corticales. Pendant l'été suivant, les vaisseaux ligneux et corticaux. qui naissent des feuilles, éprouvant de la difficulté, sur ce côté de la tige, à descendre entre l'aubier et le liber, dévient, pour la plupart, à droite ou à gauche. De sorte que, là, les vaisseaux séveux sont beaucoup moins nombreux, la circulation des fluides est très-peu active, le principe

vital y est peu développé, enfin l'accroissement en diamètre est beaucoup moindre sur ce point que sur les autres, ce que l'on reconnait à une dépression de cette partie de la tige. Les causes qui ont amené ce premier résultat, c'est-à-dire l'ardeur du soleil, se renouvelant chaque année et agissant chaque fois avec d'autant plus de force que ce côté du tronc est dans un état plus maladif, on voit bientôt se manifester l'accident dont nous avons parlé en commençant, à savoir que l'écorce se dessèche complétement vers ces points, qu'elle se fendille, se détache et laisse à découvert une grande étendue de l'aubier. Ce dernier, ainsi exposé à l'action destructive des agents extérieurs, passe rapidement à l'état inerte; il se décarbonise, se carie, et cette décomposition atteignant progressivement toutes les parties environnantes, le tronc de l'arbre devient creux, ce qui abrége sa durée et lui enlève toute sa valeur comme bois de service. Nous avons dit précédemment que cette action du soleil couchant s'observe rarement sur les espèces dont les couches externes de l'écorce se dessèchent bientôt et deviennent promptement rugueuses, comme dans l'orme. Ce fait s'explique facilement par la présence, à la surface du tronc, de ces couches désorganisées et qui, privées d'humidité, s'échauffent difficilement et deviennent un obstacle à l'action des rayons solaires sur les couches vivantes qu'elles recouvrent. Cela est si vrai que le marronnier d'Inde, le tilleul, qui sont soumis à cette influence fàcheuse pendant leur jeunesse, n'en ressentent plus les effets lorsque leur tige, abritée du soleil couchant pendant les premières années, n'est soumise à son action qu'après la dessiccation d'un certain nombre de couches corticales à sa surface.

De ce qui précède, nous croyons devoir conclure :

1o Qu'il faudra s'abstenir de faire de grandes plantations d'arbres à écorce lisse dans les endroits où la tige de ces arbres serait directement frappée par les rayons du soleil couchant;

2o Que si ces arbres doivent être peu nombreux, on pourra les garantir de cette décortication en abritant le tronc, du côté de l'Ouest, pendant les premières années qui suivent la plantation. Cette condition peut être remplie en couvrant cette partie de la tige, soit avec de la terre glaise à laquelle on aura ajouté un peu de chaux pour en rendre la couleur moins foncée et faire qu'elle s'échauffe moins facilement, soit avec un fragment d'écorce de tilleul ou autre que l'on maintient avec quelques fils de fer. Ce dernier moyen a été employé avec succès pour une plantation de tilleuls dans le parc de Chantilly;

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3o Quant aux arbres déjà décortiqués, il faudra, pour arrêter la

carie et faciliter la cicatrisation des plaies, enlever les parties en décomposition, recouvrir le tout d'une couche de mastic à greffer et appliquer sur tout ce côté de l'arbre une bande d'écorce maintenue comme nous venons de l'indiquer. A. DU BREUIL,

Professeur d'Agriculture et d'Arboriculture.

SUR LA VENTE DU BOIS DE CHAUFFAGE A PARIS.

Un changement d'une certaine importance a eu lieu cet hiver dans les habitudes parisiennes. Ce n'est plus à la corde, mais au poids que se livre le bois dans les chantiers de Paris. Il y a eu entente entre tous les marchands pour adopter le même mode de vente, et l'usage de peser le bois pour le livrer à la consommation est devenu général. Le consommateur s'est tellement plaint, de tous temps, de la livraison à la voie que peut-être il s'arrangera mieux du mesurage au poids, quelque défectueux qu'il puisse être. Il paraît en premier lieu assez difficile de fixer d'une manière positive et absolue le rapport exact entre le volume de bois contenu dans l'ancienne voie, ou deux stères, et un certain nombre de kilogrammes; cela dépend, on le conçoit, de l'état plus ou moins sec du bois, de la densité de ses fibres, etc. Ce ne sera donc que par des expériences et des tâtonnements qu'on arrivera à trouver un rapport constant entre le volume du stère et son poids; en attendant, il est bon de consigner les résultats des expériences déjà faites; en voici une qui a été pratiquée en grand avec beaucoup de soin. Au commencement de cet hiver, on a mesuré la fourniture du bois de chauffage d'un des cercles les plus considérables de Paris, d'abord à la corde, et ensuite au poids, et voici ce que l'on a trouvé :

La voie de gros bois a pesé 1030 kil. La voie de bois moyen ou ordinaire, 843 kil.

La voie valant 35 fr. étant représentée par un poids de 843 kil., 1,000 kil. vaudront 41 fr. 50.

C'est un calcul de proportion facile à faire; mais comme dans les chantiers on compte assez généralement la voie pour un poids de 750 k., il en résulte que la proportion est celle-ci : 750: 35: 1,000: x, soit 16 fr., 66 les 1,000 kil.

L'instrument qu'on emploie pour peser le bois dans les chantiers, est une espèce de bascule dont le principe est le même que celui des

appareils dont on se sert pour peser les diligences à l'entrée des villes; cet instrument est porté sur un chariot à quatre roues qui est facilement conduit par un homme d'une partie du chantier à l'autre. On couvre la plate-forme de bois jusqu'à ce que la balance indique le nombre des kilos qu'on a à livrer; cela fait, le bois pesé passe de la plate-forme de l'instrument sur la charrette qui doit le conduire chez le consommateur.

Si l'on a un reproche à faire à cet instrument de pesage, c'est d'être trop parfait et trop sensible; ainsi un poids de 10 kilogrammes, mis dans le plateau de la balance, suffit pour enlever mille kilogrammes de bois, c'est-à-dire qu'une différence d'17100 de kilogrammes dans les poids, peut produire une différence de 1 kilogramme dans la livraison du combustible, le poids double d'une lettre, par exemple, qui est de 15 grammes, mis en plus ou en moins dans le plateau de la balance, fera une différence de 1 kilo 1/2 ou 3 livres en plus ou en moins.

On comprend qu'il peut y avoir de nombreuses chances d'erreurs de ce genre avec un instrument de précision qui n'est pas toujours manœuvré par des mains habiles et délicates, qui se rouille étant continuellement exposé à l'air, et que la poussière du chantier recouvre dans toutes les parties de son mécanisme.

Si la livraison du bois pouvait se faire en mettant dans le plateau d'une balance pour chaque kilogramme de bois à peser, un poids de 1 kilogramme, les erreurs alors ne sauraient être qu'insignifiantes, mais en songeant aux masses de poids qu'il faudrait remuer à chaque pesée, on comprend que ce moyen est tout-à-fait impraticable, si ce n'est pour des livraisons de détail peu importantes, telles que celles faites par l'Administration militaire, chaque jour d'hiver, aux différents corps de garde de Paris.

Ce mode de vente de bois au poids l'emportera-t-il sur l'ancien mode de mesurage à la corde? voilà ce qu'il est impossible de prévoir; la confiance du consommateur ne lui est pas encore complétement acquise, ce n'est qu'à titre d'essai qu'il l'accepte jusqu'à présent.

Ce qui le maintiendra peut-être, c'est que le mesurage à la voie avait des inconvénients nombreux que tout le monde a éprouvés. Si le mesurage à la voie pouvait, dans une grande ville comme Paris, ètre régularisé comme il l'est dans certaines villes de province, où des jurés-compteurs assermentés mesurent le bois livré à chaque consommateur, et lui délivrent un bulletin qui fixe la quantité à payer par l'acheteur au vendeur, ce mode serait assurément préférable; mais

à Paris, où les espaces manquent pour faire de grandes provisions de combustibles, et où tout le monde va au chantier à peu près aux mêmes époques, ce moyen, le seul qui rende la vente au stère ou à la voie régulière, est impraticable.

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Les premiers mois de 1851 s'écoulent sans apporter de modifications sensibles à l'état dans lequel se trouvaient les affaires en 1850. Il y a stagnation complète, et de là grande incertitude pour les exploitants sur l'emploi de leurs produits des coupes en usance.

Quelques gelées, quelques neiges qui avaient fait défaut depuis le commencement de l'hiver, nous viennent aux approches du printemps et font faire une consommation de bois sur laquelle on ne comptait plus guère. Peut-être cela suffira-t-il à arrêter dans les chantiers une baisse qui serait désastreuse, eu égard aux prix auxquels les approvision nements ont été faits; mais on ne peut se dissimuler que le défaut de consomination aura une influence fâcheuse sur la vente des produits de l'année.

La perte, immédiate pour le commerce des villes qui livre au consommateur, va rejaillir sur le commerce qui exploite et façonne dans les coupes pour retomber en définitive sur le propriétaire qui vendra ses coupes à la fin de l'année, lorsque les produits de l'année précédente seront restés sans emploi et disponibles, en partie, pour les besoins à venir.

Håâtons-nous de dire cependant, que parmi les bois à brûler, ceuxlà seuls ont souffert, qui sont destinés aux foyers; les usines ont beaucoup marché et beaucoup consommé aussi les bois blancs se maintiennent-ils toujours et peut-être n'auraient-ils pas suffi, si des abatages extraordinaires de peupliers ne fussent venus remplacer tout ce qui reste sur pied dans les coupes invendues des derniers exercices.

C'est un fait acquis maintenant, que le partage de la consommation des usines, entre les forêts et les plantations en lignes. Le peuplier est entré dans les habitudes de la boulangerie de Paris, il a conquis son droit de cité et s'y maintiendra; car s'il rend moins de chaleur, il donne plus de flamme et en outre de la braise suffisant, sinon par la qualité,

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