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302. N'est pas de dernier ressort la demande dans laquelle, après avoir conclu au paiement d'une somme moindre de 1,000 fr. pour prix d'une récolte, on ajoute : si mieux n'aime le défendeur à dire d'experts. Dans ce cas, la demande est indéterminée. (Art. 5, tit. 4, de la loi dụ 24 août 1790.)

C'est ce qui a été jugé le 15 décembre 1821, dans l'affaire des sieurs Derancourt frères C. Gourre et Papillon, par arrêt de la Cour de Bourges ainsi conçu : — « La Cour... Considérant que les tribunaux de première instance ne peuvent prononcer en dernier ressort que lorsqu'il s'agit d'un objet déterminé dont la valeur n'excède pas 1,000 fr. que, dans une sommation du 6 juillet 1820, les intimés faisaient défense à la dame veuve Foucher de s'approprier la moitié de la récolte, alors existante dans les terres qu'ils avaient fumées et ensemencées ; que dans la citation qu'ils lui ont fait donner le 11 du même mois de juillet, ils ont conclu à ce qu'elle fût tenue de consentir qu'ils fissent moissonner, à frais communs, ces mêmes terres, à ce que les grains fussent partagés, etc.; que lors du jugement du 20 mars dernier, dont est appel, ils ont conclu à ce que la dame Foucher ou ses enfans à sa place fussent condamnés à leur restituer moitié de la récolte à eux revenant, sinon à leur payer, à l'un 1,000 fr,, et à l'autre 500 fr., si mieux n'aimaient à dire d'experts, avec intérêts (1), que s'agissant d'une partie de récolte, ou d'une estimation à dire d'experts, ce n'est plus une valeur fixe et déterminée; d'où il suit que le premier tribunal n'a pu prononcer qu'à la charge de l'appel; Sans avoir égard à la fin de non recevoir, reçoit l'appel des sieurs Derancourt, etc. »

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Nota. M. CARRÉ n'est pas de l'avis de la Cour de Bourges, car il décide que lorsque le demandeur réclame une indemnité de moins de 1,000 fr., si mieux n'aime le défendeur à dire d'experts, le jugement qui intervient est en dernier ressort. Dans cette hypothèse, la compétence est fixée par l'évaluation qu'a faite le demandeur de l'objet du litige. Il est vrai que le défendeur a l'option de payer suivant l'estimation à donner par des experts; mais d'une part, la compétence. ne peut dépendre du résultat incertain d'une opération de cette nature; et, d'un autre côté, on peut dire que cette faculté laissée au défendeur est à son avantage, de telle sorte qu'il n'optera pour l'expertise, que dans le cas où elle lui laissera la chance de donner moins que son adversaire n'a demandé. Ainsi, suivant M. CARRÉ, dans le cas dont il s'agit, la demande est déterminée, et l'option qu'elle renferme n'en

(1) Les deux demandes avaient été intentées par exploits séparés et dans des intérêts distincts.

change pas le caractère. (Voy. M. CARR. COMP., t. 2, p. 52, no 311;. et suprà, no 157. Cependant voyez aussi infrà, n° 305.)

303. Quand la somme réclamée excède l'attribution du dernier ressort par l'effet d'une erreur matérielle et évidente, d'après l'addition des sommes objet de la demande, mais que, dans la réalité, elle est inférieure à 1,000 fr., on ne doit pas s'arrêter aux causes réelles de l'ac tion, mais s'attacher uniquement au quantum de l'exploit introductif. d'instance et rejeter ainsi la fin de non recevoir.

C'est ce qui a été jugé par arrêt de la Cour d'Orléans du 6 février 1822, dans l'affaire Vaast C. les héritiers Moreau. (CoL. Del.)

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Nota. Nous croyons que cet arrêt est allé trop loin. Il est évident que le demandeur ne pouvait exiger, et le tribunal accorder, que le total réel des diverses sommes qui se trouvaient détaillées dans l'exploit. L'erreur évidente et matérielle qui s'était glissée dans l'addition, ne dénaturant pas l'objet du litige, ne devait pas changer la compétence. D'ailleurs erreur ne fait pas compte: supposons que par inadvertance la Cour d'Orléans eût adjugé au demandeur ses conclusions; certainement celui-ci n'aurait pu se prévaloir de l'erreur d'addition commise dans l'exploit, pour réclamer plus qu'il ne lui était du, d'après l'exploit lui-même. Il aurait bien fallu, dans ce cas, s'arrêter plutôt aux causes réelles de l'action qu'au quantum de la demande : pourquoi en serait-il autrement lorsqu'il s'agit de fixer la compétence? La Cour ne le dit pas. Remarquons, en terminant, que si la doctrine que nous combattons était admise, le demandeur pourrait toujours, quand il le voudrait, rendre l'affaire la plus minime susceptible d'appel : il lui suffirait, pour se ménager les deux degrés de juridiction, de commettre une erreur de calcul, de mal totaliser, et les juges seraient liés par ce grossier moyen! Cela ne saurait être. Quand le montant de la demande diffère de la valeur du litige, c'est à celle-ci seulement qu'il faut avoir égard. (Voy. suprà, nos 57 et 156.)

304. La demande en nullité d'une enquête, et celle d'une contre-enquéle, ne sont pas d'une valeur indéterminée qui empêche le dernier ressort, lorsque l'une et l'autre se rattachent à une demande principale moindre de 1,000 fr.

Pellet, après enquête, forme contre Curt la demande d'une somme moindre de 1,000 fr.; Curt demande sa mise hors d'instance, subsidiairement la nullité de l'enquête et la faculté de faire contre enquête. Jugement qui rejette la nullité et accorde la contre-enquête. Appel par Curt; Pellet le soutient non recevable. Le 2 mars 1822, arrêt de la Cour de Grenoble, ainsi conçu : – « La Cour... Considérant que la demande en nullité de l'enquête de la part de Pierre Curt n'avait

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pour but de le faire mettre hors de Cour sur les demandes des maque riés Pellet; Que la demande de la contre-enquête ne pouvait être que l'occasion de former une réclamation, mais ne peut être considérée comme une demande elle-même, et que, par conséquent, il n'y a rien dans les conclusions de la partie de Cholier, devant le tribunal de première instance, qui ait une valeur indéterminée; que les demandes des mariés Pellet étant moindres de 1,000 fr., il s'ensuit que le tribunal a prononcé en dernier ressort ; -Déclare Curt non recevable en son appel. »

305. Quand on réclame d'un héritier bénéficiaire, ou le paiement des mémoires de fournitures faites son père, ou la reddition de son compte, en vain la demande relative aux fournitures est-elle inférieure à 1,000 fr., on ne peut la prendre seule pour point de départ. Du moment qu'elle est alternative, on doit la regarder comme indéterminée, ce qui exclut la fin de non recevoir du dernier ressert (1). C'est ce qui a été jugé par arrêt de la Cour d'Orléans, du ̊ 17 mai 1822, dans l'affaire Coquelin Daudin C. Trelat. (COL. DEL.)

306. Lorsque plusieurs individus, se prétendant créanciers d'un tiers, chacun pour une somme inférieure à 1,000 fr., forment ensemble des demandes qui, réunies, excèdent cette somme, le jugement qui intervient n'est pas en dernier ressort. ( Art. 5, tit. 4, de la loi du 24 août 1790.) (2).

Ainsi jugé par arrêt de la Cour de Metz, le 26 mai 1823: :-«LA COUR... Sur la fin de non recevoir; - Attendu que lorsqu'il y a plusieurs demandeurs dans une instance contre un seul défendeur, l'on doit, à n'en pas douter, cumuler leurs conclusions pour connaître si le tribunal doit prononcer en premier ou en dernier ressort; Attendu que.l les veuves et héritiers Coues et Percheron ayant conclu cumulativement devant le tribunal de Vouziers, à une somme excédant 1,000 fr., il s'ensuit que le jugement qui a été prononcé a été rendu en premier ressort; - Au fond... sans s'arrêter à la fin de non recevoir, etc. »

307. Lorsque, accessoirement à une instance en premier ressort, il s'élève un incident relativement à la vérification d'un titre de créance inférieure à 1,000 fr., dont la signature est méconnue, le jugement qui statue sur cet incident est aussi en premier ressort. (Art. 5, tit. 4 de la loi du 24 août 1790.) (3)

308. L'art. 200 C. P. C. est limitatif en ce qui concerne les actes

(1) Voy. suprà, no 157.

(2) Voy. suprà, no 46, l'arrêt du 7 prairial an 11.

Voy, suprà, no 92,

authentiques qui peuvent servir de pièces de comparaison dans une vérification d'écritures. En conséquence, ni les procurations reçues par les conseils d'administration d'un régiment, ni les actes d'enrólement volontaire inscrits sur les registres des délibérations d'un conseil municipal, ne peuvent, quoique anthentiques, servir de pièces de comparaison.

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Ainsi décidé par arrêt de la Cour de Metz, du 27 juin 1823, dont voici les termes : - « LA COUR... Sur la fin de non recevoir ;- Attendu que la demande incidente formée par les époux Gentil, en paiement des deux tiers du billet de 990 fr., du 15 mai 1808, enregistré le 2 octobre 1814, et d'une autre somme de 58 fr. 43 c., se cumulait avec la demande principale en partage et liquidation de la succession de François Coffart, et en paiement de loyers et règlemens de compte intentée contre eux par les héritiers Coffart; que les premiers juges n'ont pu statuer qu'à charge d'appel sur l'une ou l'autre de ces prétentions et sur toutes les difficultés qui s'y rattachaient; Attendu que les deux jugemens des 7 mars et 25 juillet 1821, qui ont rejeté les actes produits par les époux Gentil, pour pièces de comparaison à la vérification de la signature du billet de 990 fr., n'ont statue que sur un incident, un accessoire au principal, qui ne formait avec lui qu'un tout indivisible, et qui, comme lui, était susceptible d'appel; Attendu qu'il n'appert d'aucun acte d'acquiescement à ces deux jugemens, et que les époux Gentil, en comparaissant au dernier jugement du 9 août 1821, ont même fait toutes réserves de leurs droits relativement au billet dont il s'agit, d'où il suit que les fins de non recevoir proposées par les intimés contre l'appel de ces deux jugemens, ne sont nullement admissibles; Au fond, attendu, à l'égard des deux jugemens des 7 mars et 25 juillet 1821, que les dispositions de l'art. 200 du Code de procédure civile sont formelles et impératives; qu'elles ne permettent de recevoir pour pièces de comparaison que les signatures apposées aux actes par-devant notaires, ou celles apposées aux actes judiciaires, en présence du juge et du greffier; Attendu que la procuration signée du nom de François Coffart, du 17 septembre 1806, enregistrée le 14 novembre suivant, n'a point été passée devant notaire, mais reçue par le conseil d'administration du corps auquel François Coffart appartenait ; que s'il cst vrai, aux termes de l'art. 2 de la loi du 16 fructidor an 2, que les conseils d'administration ont qualité pour recevoir, dans certain cas, défaut de notaire, la procuration d'un militaire, il n'en est pas moins certain que pareille procuration, quoique authentique, n'a pas le caractère exigé par la disposition rigoureuse, mais positive, de l'art. 200, qui, par ces expressions: Actes par-devant notaires, exclut nécessairement ceux reçus par d'autres, et n'autorise sur ce point aucune assimilation ni équipollence; Attendu qu'il en est de même, et à plus forte raison

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à

de l'acte d'enrôlement volontaire du 12 mars 1793, contenu au registre des délibérations du conseil municipal de la commune de Marlemont; c'est donc avec raison que les premiers juges ont rejeté ces deux pièces comme ne rentrant dans aucun des cas prévus par l'art. 200; - Par ces motifs, sans s'arrêter aux fins de non recevoir, met, en ce qui touche les jugemens des 7 mars et 25 juillet, l'appellation au néant..... » 309. Une demande téndante à la restitution du prix du cheval attaqué de morve, et à l'annulation d'un marché pour vices redhibitoires, quoique inférieure à 1,000 fr., n'en exclut pas moins la compétence du dernier ressort, lorsque à cette action principale viennent se rattacher des dommages-intérêts résultans de l'état sanitaire du cheval et de la communication à d'autres chevaux qu'il pourrait avoir faite ́de sa maladie, pendant le temps où il a été placé dans une.écurie commune. Les dommages-intérêts ont pris naissance avec l'accion principale, et l'ont rendue indéterminée (1).

C'est ce qui a été jugé par arrêt de la Cour d'Orléans, du 1er août 1823, dans l'affaire Dair C: Beaujouan. (COL. DEL.)

310. Quand une demande en paiement de fermages est au-dessous de 1,000 fr., et qu'elle est accompagnée d'une demande en validité d'un congé donné par le fermier, cette action, quoique récursoire, vient s'identifier à la demande principale et ne peut plus s'en séparer; alors le contrat judiciaire, se formant sur des intérêts de valeur indéterminée, est hors des attributions du dernier ressort (2).

C'est ce qui a été jugé par arrêt de la Cour d'Orléans du 29 janvier 1824, dans l'affaire héritiers Boileau C. Lemoyne. (COL. DEL.) 311. Ce sont les dernières conclusions qui déterminent la compétence du premier ou dernier ressort (3).

312. Lorsqu'une condamnation dans un jugement est conçue en termes généraux, elle se réfère à la demande, et le tribunal ne peut étre censé avoir voulu accorder au-delà des prétentions du demandeur. Le sieur Franclet ayant reçu en très-manvais état des objets qui lui étaient envoyés, demanda goo fr. pour réparations des avaries, et 300 fr. de dommages-intérêts qu'il retrancha ensuite de ses conclusions. Un jugement condamna le défendeur à payer à Franclet le

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(1) Voy. suprà, no 10.

(2) Voy. suprà, no 105, l'arrêt du 5 mai 1808, voy. aussi deux autres arrêts rapportés suprà, nos 132 et 216.

(3) Sur la première question, voy. suprà, n° 57, les nombreux ar rêts qui y sont rapportés.

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