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la France gémissait depuis plusieurs siècles sous une foule d'institutions incompatibles avec une constitution pure et généreuse, et que le chapitre civique des abolitions qui ont dû précéder l'implantation de la liberté et de l'égalité devait être consacré constitutionnellement.

pour

>> Les comités ont aussi reconnu que les hommes s'unissant en société ont des droits individuels dont ils ne veulent et ne peuvent point faire le sacrifice ; que c'est au contraire s'en assurer la jouissance qu'ils s'associent et se donnent une constitution, et qu'à la simple reconnaissance de ces droits, qui se trouve dans la Déclaration qui en a été faite, il était indispensable d'ajouter la garantie formelle des mêmes droits par la Constitution: ils y ont trouvé de plus l'avantage de perfectionner quelques dispositions de la Déclaration qui pouvaient paraître les unes insuffisantes, les autres équivoques, et dont on a déjà cherché à abuser.

» Telles sont les considérations qui ont déterminé à faire le titre Ier et son préambule.

» Le titre II ne traite pas encore des pouvoirs publics; les dispositions qu'il contient sont antécédentes par leur nature; il fixe la division du territoire de l'Empire à quatrevingt-trois départemens; et cette fixation est constitutionnelle, car la multiplicité des départemens est la plus sûre garantie de leur subordination, et le plus fort obstacle aux entreprises fédératives.

» Les articles qui suivent, sur l'état des citoyens, manquaient au complément de votre travail : toute société doit fixer les caractères auxquels elle peut reconnaître ses membres; vous avez d'ailleurs décrété que pour être citoyen actif il faut être Français ou devenu Français; il est donc nécessaire de déterminer comment on est Français, comment on le devient, et comment on cesse de l'être.

» Dans ce même titre les citoyens ne sont pas considérés seulement comme individus, mais encore sous le rapport qui se forme entre eux par leur cohabitation dans les villes et dans les villages. Les agrégations que nous appelons communes sont placées ici en dehors des pouvoirs publics, parce que, formées naturellement par les besoins et les commodités de la vie privée, elles n'ont ni objet ni caractère politique;

elles ne sont pas même les élémens de la représentation nationale, que la Constitution a placés dans les assemblées primaires; comme les individus, elles sont sujettes et gouvernées, et elles n'entrent point comme parties intégrantes dans l'organisation du gouvernement; seulement les officiers qu'elles élisent pour gérer leurs affaires particulières peuvent recevoir des agens de l'administration publique la délégation de quelques fonctions relatives à l'intérêt général de l'Etat; mais la loi qui autorise ces délégations peut aussi en restreindre ou en révoquer entièrement la faculté si l'intérêt général l'exige. » Le titre III traite des pouvoirs publics. L'étendue de la matière qu'il embrasse a forcé de le diviser en chapitres, dont quelques-uns sont subdivisés en sections. Nous avons consacré d'abord le principe primordial de la souveraineté nationale, la nécessité de la délégation des pouvoirs, et exprimé la triple délégation du pouvoir législatif à l'Assemblée nationale, du pouvoir exécutif au roi, et du pouvoir judiciaire à des juges temporaires. Il se présentait là une division naturelle du titre en trois chapitres, dont chacun aurait embrassé tout ce qui est relatif à chaque pouvoir; mais ce plan avait cet inconvénient qu'étant impossible de dire tout ce qui concerne le corps législatif, la nature et le mode de ses fonctions, sans parler plusieurs fois du roi, des ministres et de leurs fonctions corrélatives, on aurait trouvé la royauté et le ministère en action avant de les avoir vus constitués et organisés.

» Nous avons renfermé dans un premier chapitre tout ce qui concerne la formation du corps législatif, en expliquant par des sections séparées, 1° les bases de la représentation; 2o les assemblées primaires, nommant les électeurs ; 3° les assembles électorales, nommant les représentans ; 4° la tenue et le régime des assemblées primaires et électorales; 5° la réunion des représentans en assemblée législative; en sorte que ce premier chapitre établit un corps législatif formé, organisé, et prêt à délibérer.

» Le second chapitre constitue la royauté et le roi, le régent qui supplée à l'incapacité du roi mineur ou en démence, l'état politique et civil des membres de la famille du

roi, et le ministère, instrument constitutionnellement necessaire du pouvoir exécutif. Les dispositions de ces deux chapitres créent, organisent et mettent en place les agens des deux grands pouvoirs ; il a été question ensuite de régler leur activité.

» Dans le chapitre III nous avons traité d'abord de l'exercice du pouvoir législatif. Les pouvoirs et les fonctions délégués au corps législatif, la forme de ses délibérations, les règles de la sanction du roi, les relations indispensables du corps législatif avec le roi, font les matières des quatre sections dont ce chapitre est composé; il n'expose pas seulement les droits et l'action propre du corps législatif, mais encore l'action et les droits correspondans du roi dans les points de contact établis par la Constitution.

>> Le chapitre IV traite de l'exercice du pouvoir exécutif. Les fonctions déléguées au roi comme chef suprême du pouvoir exécutif sont d'abord énumérées; ensuite les dispositions relatives à la promulgation des lois, à l'administration intérieure, à l'institution des administrateurs électifs que la Constitution établit agens du pouvoir exécutif, et aux relations extérieures de l'État, sont distribuées dans trois sections.

» Enfin le chapitre V, traitant du pouvoir judiciaire, termine et complète ce titre III, qui embrasse la matière de la division des pouvoirs publics, de leur organisation et de la délégation des fonctions attribuées à chacun.

>> Vient ensuite dans le titre IV la force publique, ressort nécessaire de tout gouvernement pour défendre l'État contre les ennemis du dehors, pour assurer au dedans le maintien de l'ordre, pour garantir l'exécution de tous les actes légitimes émanés des pouvoirs constitués; au dans le titre V les contributions publiques, qui sont la mise que la raison et l'intérêt personnel obligent tout actionnaire d'une société politique de mettre en masse commune, s'il veut que l'association soit en état de produire les avantages qu'il en entend

retirer.

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Le titre VI et dernier établit d'une manière noble, géné~ reuse et digne d'n grand peuple, les rapports de la nation française avec les étrangers.

» En terminant cette exposition du plan de notre travail je dirai seulement qu'après de sérieuses méditations, et deux essais faits séparément, sans communication, et rapprochés ensuite, cette ordonnance, cette distribution des matières a paru à vos comités présenter la combinaison la plus favorable pour former de toutes les parties de la Constitution un ensemble imposant, et en classer méthodiquement les détails.

Quant au triage des décrets et à la distinction de ceux qui doivent entrer dans l'acte constitutionnel ou qui doivent en être écartés, il est indubitable que si l'on ne portait pas dans ce travail une grande sévérité de jugement, on tomberait dans un arbitraire aussi étendu que les différens esprits ont de manières diverses d'envisager la Constitution, et d'être affectés de chacun des accessoires qui s'y rapportent plus ou moins directement.

» Les comités se sont trouvés pressés en sens contraire d'une part par ceux qui, ne voulant admettre dans l'acte constitutionnel que ce qui forme la substance la plus essentielle de la Constitution, croient qu'elle pouvait être pleinement rédigée en quarante ou cinquante articles; d'autre part par ceux qui, voyant la Constitution jusque dans les moyens les plus variables d'en remplir l'esprit et d'en réaliser les données, voudraient rendre permanentes des dispositions dont la modification pourra être commandée par le temps, et exécutée sans altérer l'essence de la Constitution.

» Nous ne nous sommes pas dissimulé tout ce que la premiere opinion a de réel et d'avantageux : il est très vrai qu'une constitution se compose d'un petit nombre de règles fondamentales; l'exemple de toutes celles qui ont été écrites jusqu'ici le démontre, et il y a un grand intérêt public à prévenir le retour trop prompt ou trop fréquent du pouvoir constituant, en abandonnant à la sagesse des législatures tout ce qui peut varier sans changer la nature du gouvernement : sous ces rapports le défaut du projet que nous vous présentons serait celui d'une trop grande prolixité.

>> Nous avons considéré que, l'Assemblée ne s'étant pas bornée à poser les bases de la Constitution, il se trouve dans le travail qu'elle a fait des développemens et quelques con

séquences déjà déduites des principes qui méritent par leur importance d'être incorporés à la Constitution. Nous avons encore recueilli celles de ces conséquences immédiates qui sont tellement saines en principe, tellement bonnes dans la pratique, et si clairement susceptibles d'une exécution facile et durable, qu'on ne doit pas craindre que le besoin de les changer se fasse sentir prochainement.

» Mais si, après avoir bien défini, bien divisé les pouvoirs, bien assigné à chacun l'étendue et les limites de son activité; constitué électif tout ce qu'il appartient au peuple de nommer, et temporaire tout ce qui ne doit pas être délégué à vie, nous voulions rendre permanentes d'autres modifications moins essentielles, que nous croyons bonnes, mais qui pourraient ne pas soutenir l'épreuve de l'expérience, ou qui, bonnes momentanément, peuvent cesser de l'être avec le temps, nous passerions le but que la sagesse nous prescrit; nous mettrions la nation dans la nécessité ou de rappeler fréquemment le pouvoir constituant, dont la présence produit inévitablement un état de crise politique, ou d'approuver que les législatures tentées de toucher à la Constitution consommassent cette entreprise subversive.

>> Cette considération, la plus impérieuse de toutes, doit dominer sans cesse dans tout le cours de la discussion qui va s'ouvrir. »

Déjà plusieurs membres s'étaient fait inscrire pour parler les uns sur l'ensemble du projet, les autres sur ses différens titres : le rapporteur des comités proposa de délibérer d'abord sur l'ordre et la distribution des matières. M. Malouet paraît à la tribune; le président l'invite à se renfermer dans cette question, et fait en même temps observer à l'Assemblée que jamais délibération n'avait exigé une plus grande attention, un silence plus profond; cependant M. Malouet, abordant presque aussitôt la censure des décrets constitutionnels au lieu d'en examiner la classification, provoque des murmures qui ne lui permettent pas d'achever son discours nous le transcrirons en entier avant de mentionner la vive interruption qu'il subit.

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