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dans le titre actuel; et vous voyez, messieurs, que nous différons très peu des préòpinans. Je les prie, messieurs, au nom des comités, d'y venir ce soir et d'y apporter leurs réflexions, afin de prévenir des débats inutiles et prolongés dans l'Assemblée. »

L'Assemblée renvoya tout le titre Ier à l'examen des comités, en ajournant la discussion au lendemain.

M. Thouret, au nom des comités de constitution et de révision. (Séance du 9 août 1791.)

ce

« Messieurs, l'Assemblée nous a chargés de nous occuper du titre Ier. Les difficultés qui se sont élevées hier sur titre ont été aplanies aux comités, où M. Buzot et M. Pétion se sont rendus, de manière à ne pas retarder davantage la délibération de l'Assemblée. Il a été question d'abord de bien fixer l'objet de ce titre. Lorsque vous avez fait la Déclaration des Droits vous vous êtes occupés de rechercher quels étaient, antérieurement à la constitution, les droits individuels et les droits politiques que la constitution doit assurer et garantir; l'effet de cette recherche a été de vous faire reconnaître les droits de l'homme et du citoyen: votre Déclaration se borne à constater cette reconnaissance, pour servir de règle à la constitution, à la législation, à l'exercice du pouvoir exécutif. Ce qui est contenu dans cette Déclaration s'applique également à tous les hommes, de quelque condition qu'ils soient, et doit aussi servir de règle à tous les gouvernemens, quelqne différence qu'il y eût entre le mode de ces gouvernemens et le nôtre. Ensuite, faisant la constitution française, il été nécessaire d'appliquer à cette constitution même d'une manière spéciale la reconnaissance générale des droits de l'homme et du citoyen, et de les mettre sous la garantie de la constitution. Ce titre premier n'a été destiné qu'à énoncer cette garantie, qu'à constater que la constitution française remet sous sa sauvegarde et sous sa défense l'exercice de ces droits, compris dans l'acte constitutionnel. On a dit : quels sont les moyens de garantie? Il y en a d'abord un général et principal; ce moyen est la constitution; elle donne pour

a

garantie le moyen qu'elle a pour elle-même, c'est à dire l'organisation du gouvernement... Votre constitution n'a point pour elle d'autre garantie que celle-là, et elle la communique. Mais on a dit : il serait désirable que sur les droits individuels des hommes il y eût dans l'acte constitutionnel quelques dispositions spéciales et plus détaillées qui missent ces droits-là à l'abri des entreprises qui pourraient être commises par les législatures... Sur cela, messieurs, il est évident que ces moyens principaux de garantie ne sont pas nécessaires à employer dans le titre premier, dans ce titre primitif qui ne fait que garantir la constitution elle-même, qui n'est que l'objet des détails subséquens de la constitution; ainsi, pourvu que ces autres parties-là se trouvent dans les autres parties auxquelles elles correspondent, l'acte constitutionnel aura établi la garantie et les moyens de la réaliser. Sous ce rapport nous sommes convenus qu'en laissant subsister, à quelques corrections près, la rédaction du titre Ier, les moyens plus efficaces et plus spéciaux se trouveraient placés dans les titres auxquels ils pourraient appartenir davantage par la nature de leur objet.

» Vous avez décrété la garantie du droit individuel d'aller, de rester, de partir, sans pouvoir être arrêté ni détenu que selon les formes prescrites par la constitution; or dans le pouvoir judiciaire nous proposons d'établir constitutionnellement ces formes, savoir, que nul individu ne puisse être arrêté ni détenu qu'en vertu d'un mandat de justice et de police; qu'arrêté, il soit incessamment traduit devant le tribunal; que pendant le temps que durera son arrestation nécessaire il ne puisse être détenu que dans les lieux légalement établis pour servir de maisons d'arrêt.

>>

Quant à la liberté da la presse, nous avons tous été d'accord et sur les principes qui doivent la protéger, et sur la nécessité d'établir une répression contre ses abus; car comme l'abus de la presse peut aller jusqu'au délit et jusqu'au crime, le délit et le crime commis par ce moyen ne peuvent pas être plus impunis que les autres délits et les autres crimes commis par d'autres modes. Mais pour que les législatures n'abusent pas du droit qui leur est confié d'établir les

lois répressives, nous sommes également convenus de placer dans le titre judiciaire, avec les maximes fondamentales qui doivent assurer la liberté de la presse, la désignation des abus qui peuvent exiger les mesures de répression. Cette garantie consistera en ce que les moyens seront établis constitutionnellement, de même que tous les articles qui sont dans l'acte constitutionnel. Un des plus efficaces sera que les délits soient recherchés et appréciés par des jurés; car ce n'est que parce qu'on a ôté cette attribution aux jurés en Angleterre pour la reporter aux juges, qui sont officiers du roi, caractérisés serviteurs de la couronne, que les Anglais ont perdu la liberté de la presse : mais en établissant constitutionnellement que le fait articulé d'un délit commis par la presse sera toujours caractérisé par un juré, c'est un des modes les plus efficaces, auquel on peut encore ajouter quelques autres articles établis constitutionnellement, et sur lesquels nous sommes conveņus, MM. Pétion, Buzot et les comités, de faire de nouveaux efforts, de nouvelles recherches, un nouveau travail, jusqu'au moment où l'Assemblée s'occupera du titre du pouvoir judiciaire.

» Mais revenons à l'objet pour lequel le titre Ier a été mis dans notre projet. Il en quelque sorte le supplément de la Déclaration des Droits, ou plutôt il en est la réalisation par la constitution française, et toute sa substance se réduit à énoncer dans l'acte constitutionnel la garantie donnée par la constitution aux droits naturels et civils de tous les citoyens; de là résulte déjà le premier moyen de garantie qui assure la constitution tout entière, c'est à dire qu'aucun des pouvoirs constitués ne peut altérer les dispositions comprises dans l'acte constitutionnel. Les moyens de détail se trouveront aussi dans l'acte constitutionnel, mais placés aux titres qui correspondent aux objets dont il s'agit maintenant.

» D'après cet exposé j'ai l'honneur de rappeler à l'Assemblée la disposition du titre Ier, et de lui faire observer les petits changemens qui ont été faits dans la rédaction pour le rendre concordant avec les articles adoptés hier; il doit, je crois, convenir à l'Assemblée, parce qu'il contient tout ce que nous avons eu en vue d'établir.

» Il n'y a aucun changement au premier paragraphe, sur lequel cependant nous adoptons comme éclaircissement, quant à la troisième disposition, la demande de M. Buzot relative au droit de faire grâce ou de commuer les peines prononcées. Il nous a paru que ce ne serait pas là le lieu d'employer cette disposition, mais au titre du pouvoir judiciaire, où l'on traite du mode d'exercer la justice criminelle, après avoir dit qu'en matière criminelle on ne peut être accusé que par jurés, qu'on ne peut être jugé que par jurés, etc. Si l'Assemblée se détermine à rétablir cette proposition, ce serait là où il faudrait ajouter l'abnégation du droit de faire grâce; ainsi rien n'est préjugé, et cela n'empêche pas que l'Assemblée ne puisse décréter le titre tel qu'il est, comme ne contenant que les principes généraux.

(M. Thouret fait lecture du titre Ier amendé. )

» Dans la première disposition du second paragraphe nous avons retiré le mot accusé, parce qu'il aurait fallu aussi ajouter le mot jugé; mais comme il n'est question là que de la liberté matérielle et physique d'aller, et d'anéantir les obstacles également physiques et matériels qui pourraient nuire à cette liberté-là ; comme l'ordre des accusations et des jugemens est une autre série d'idées qui se rattache nécessairemeut au pouvoir judiciaire, c'est là que nous nous proposons d'ajouter le mode d'accusation. Ensuite, au commencement du dernier alinéa de ce paragraphe, nous vous proposons, messieurs, cette rédaction :

>>

« Le pouvoir législatif ne pourra faire aucunes lois qui portent atteinte et mettent obstacle à l'exercice des droits >> naturels et civils consignés dans le présent titre et garantis " par la constitution; mais comme la liberté ne consiste, etc. >> (La suite comme au projet; voyez plus haut, page 22.)

» Par là il est parfaitement clair que le pouvoir législatif ne peut jamais empêcher l'acte d'imprimer; par conséquent la liberté de la presse reste tout entière, en ce sens que nul ne peut être en aucun cas empêché par aucune loi de livrer son manuscrit à la presse.

» C'est sur ces paragraphes que je prie M. le président d'ouvrir la délibération. »

M. Thouret avait répondu et satisfait aux principales objections de MM. Buzot et Pétion; on remit aux voix le titre Ier, article par article. Aux amendemens présentés par les comités et accueillis par l'Assemblée la discussion en fit joindre quelques-autres non moins nécessaires, et qu'on adopta sans opposition: un de ces amendemens, très important puisqu'il avait pour objet de fortifier le crédit national, est dû à M. Liancourt. Le projet portait:

« Les biens qui ont été ci-devant destinés à des services d'utilité publique appartiennent à la nation; ceux qui étaient affectés aux dépenses du culte sont à sa disposition. »

M. Larochefoucault-Liancourt. « Il m'a paru dans la rédaction de cet article qu'on faisait entre les services d'utilité publique et les services du culte une différence qui me semble ne devoir pas exister. On dit que les biens ci-devant destinés à des services d'utilité publique appartiennent à la nation; que ceux qui avaient été destinés au culte sont à sa disposition... (1) Je ne vois aucune raison de cette différence : tous appartiennent à la nation, et tous sont également à sa disposition. (Applaudissemens.) D'ailleurs je pense que la disposition de cet article ne doit pas être circonscrite au passé; sans doute vous ne consacrerez plus à l'avenir l'usage des fondations perpétuelles; vous penserez qu'il n'appartient à aucun homme de prescrire à la société un usage perpétuel : tel établissement excellent aujourd'hui peut devenir en cent ans beaucoup moins utile ou même nuisible; ainsi, toutes les fois que des biens quelconques sont destinés à l'utilité publique, la société doit se réserver le droit d'en diriger l'usage pour la plus grande utilité publique. En conséquence voici la rédaction que je propose :

« Les biens destinés aux dépenses du culte et à tous services d'utilité publique appartiennent à la nation, et sont dans tous les temps à sa disposition.» (Applaudissemens.)

(1) Voyez, tome Ier, la discussion dont le résultat fut de mettre les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation. ( Décret du 2 novembre 1789.)

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