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une Assemblée délibérante, une loi n'est finie, n'est arrêtée définitivement que quand elle est parfaite; car comme un article d'une loi ou d'un acte peut changer tellement les autres articles qu'il soit besoin d'y faire des modifications, si un article avait été adopté qui exigeât ces modifications-là il ne serait pas raisonnable que l'Assemblée y vît une fin de non recevoir résultant d'une décision qu'elle aurait prise avant de prendre sa détermination sur l'acte même.

» Le titre que nous proposons de donner aux membres de la dynastie n'est pas un titre féodal, mais bien un titre politique; il n'est pas dangereax, car le meilleur moyen d'empêcher des distinctions anéanties de se rétablir c'est de les déplacer; il ne blesse pas plus la liberté ni l'égalité que ne les blesse le titre de président donné à un membre d'un corps délibérant. On a prétendu que ce titre était une transI action avec quelques émigrans je ne le sais pas, je ne le crois pas, mais je le voudrais; je désirerais que ce titre politique, non féodal, non dangereux, pût ramener la paix et la tranquillité publique, et qu'à ce prix on voulût finir la révolution! (Quelques applaudissemens; murmures dans les tribunes publiques.)

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» Je crois donc que la question préalable établie sur le titre de prince par un premier mouvement de l'Assemblée n'est pas une véritable fin de non recevoir, et c'est ce me semble une opinion partagée par quelques membres de l'Assemblée.

» Je dois dire encore pour terminer mon opinion que je suis cependant d'avis d'apporter une modification (ah, ah,ah!) à l'avis des comités. Je crois avoir établi d'une manière irrésistible qu'il est contre les principes et contre l'utilité sociale que les membres de la famille du roi figurent dans les assemblées politiques et soient chargés d'autres fonctions politique's que de celle à laquelle ils sont appelés; cependant ils peuvent avoir la qualité de citoyen actif. Je crois bien, et l'on pourrait appuyer ce système par beaucoup de raisons, que dans la délégation même qui leur est faite le droit de cité leur est donné, et comme ce droit de citoyen actif est un droit politique on pourrait encore, si l'avantage de la nation le

prescrivait, leur interdire les assemblées primaires; mais cependant il faut convenir qu'ils doivent avoir non seulement l'exercice du premier droit politique, mais même qu'ils en ont le devoir, et qu'ainsi ils doivent être assujétis à prêter le serment civique d'ailleurs, s'ils sont exclus des fonctions politiques, ils ne doivent cependant pas être exclus des emplois qui ne sont pas exclusivement des fonctions politiques, comme par exemple de servir dans l'armée....(Ah, ah, ah!) Ils doivent parvenir au commandement ou par leur ancienneté ou par leurs talens, et pour cela il faut qu'ils aient le titre de citoyen actif.

» Je ne vous dis pas que je n'aperçoive encore quelques inconvéniens attachés à l'accord que je fais du droit de citoyen actif aux membres de la famille du roi; je les vois encore dans une assemblée primaire faisant élire ceux qui leur sont attachés; mais je crois le danger trop peu considérable pour nous occuper beaucoup, et je pense que pour qu'ils prêtent le serment civique, afin qu'ils puissent entrer dans les armées et commander sur les vaisseaux, il faut leur accorder le droit de citoyen actif; et je prie que l'on conçoive le décret de manière que quand ils seront citoyens actifs, et quand il sera reconnu qu'ils n'ont d'autre charge que la fonction qui leur est déléguée par la Constitution, non seulement toutes les fonctions qui sont données par le peuple ne puissent pas être données aux membres de la famille royale, mais qu'aussi ils ne puissent être ni ministres ni ambassadeurs. ce qui était compris dans la privation de la qualité de citoyen actif, pour laquelle les comités avaient d'abord opiné; car comme on ne peut prendre les ambassadeurs et les ministres que parmi les citoyens actifs, du moment qu'ils n'avaient pas cette qualité ils ne pouvaient être ministres ou ambassadeurs. Hé bien, je demande qu'en leur accordant les droits de citoyen actif, et en disant qu'ils n'ont d'autre fonction politique que celle de succéder à la couronne, il leur soit également interdit d'être ambassadeurs et ministres. Voilà mon avis.

M. Voidel, qui remplaça M. Chapelier à la tribune, accusa vivement les comités d'altérer, de détruire les

décrets constitutionnels, et de favoriser les princes fugitifs..... Ils vous cherchent des ennemis, dit-il, et pour prix de leur conduite vous les récompensez de la manière qui seule peut leur plaire, en leur donnant un titre que vous méprisez et qu'ils aiment, en les privant d'une qualité qui vous est précieuse et qu'ils détestent! » M. Goupil développa sa proposition du 14, devenue celle des comités; il s'attacha en outre à prouver la nullité de la renonciation de M. d'Orléans. MM. Voidel et Goupil s'étaient beaucoup occupés des personnes; M. Robespierre revint au principe.

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M. Robespierre. ( Méme séance. )

Je remarque que l'on s'occupe trop des intérêts particuliers, et non pas assez de l'intérêt national : je crois que pour donner une base certaine à cette délibération il faut bien saisir l'esprit de la loi qui vous est proposée. Il n'est pas vrai qu'on veuille dégrader les parens du roi; mais l'effet de la loi par rapport aux parens du roi doit être nécessairement différent suivant leurs principes et leur manière de voir : il est évident que ceux qui estiment exclusivement les titres dont l'orgueil des grands se nourrissait jusqu'ici ne peuvent voir une dégradation dans une loi qui les dispense de se ranger dans la classe commune des citoyens, qui les élève au-dessus de la qualité de citoyen; la privation de la qualité de citoyen ne peut être considérée comme une peine que par celui qui sait en sentir la dignité et en apprécier les droits. Je ne crois pas non plus, messieurs, que l'intention de l'article soit d'écarter l'influence dangereuse des parens du roi : la preuve en est que l'article tout entier est évidemment fait pour eux; la preuve en est qu'on n'appuie point les motifs pour lesquels on les prive du droit de citoyen actif sur les dangers dont ils pourraient menacer la chose publique, mais sur la distance honorifique qui sépare la famille du roi de toutes les autres familles; la preuve en est qu'on veut pour les parens du roi un titre extraordinairement distingué, qui les sépare de tous les citoyens. L'article ainsi conçu, il est question de le rapprocher de l'intérêt publie et de la Constitution.

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Messieurs, dans tout état il n'y a qu'un seul prince; c'est le chef du gouvernement: en France il n'y a qu'un prince,

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M. Robespierre. : « Je dis que le mot prince dans ce sens n'a qu'une signification raisonnable et analogue avec le principe général, très compatible par conséquent avec les principes de la liberté et de l'égalité : au contraire, si vous l'appliquez dans un autre sens ce n'est plus l'expression d'une fonction publique; ce n'est plus un titre national; c'est un titre de distinction particulière; et parmi vous ce titre rappellerait l'esprit féodal, puisque jusqu'ici parmi nous le titre de prince et autres appartenant aux ci-devant nobles avaient la même origine et étaient fondés sur le même préjugé.

>> Pour moi, messieurs, je ne puis m'étonner assez de l'embarras que trouvent les comités à nommer les parens du roi; je ne puis concevoir qu'ils attachent assez d'importance à cet objet pour vous engager à révoquer vous-mêmes un décret que vous avez rendu à une grande majorité; pour moi il me semble qu'il n'y a rien de si aisé, et que les parens du roi sont tout simplement les parens du roi. (On rit.) Je ne conçois pas non plus comment les comités dans leurs principes ont pu croire qu'il existât un nom au dessus de celui-là, car d'après les hautes idées qu'ils ont pu se former de tout ce qui touche à la royauté et au roi il est évident qu'ils ne peuvent reconnaître de titre plus éminent que celui de parent du roi. Je crois donc que l'Assemblée peut se dispenser de délibérer longtemps sur cet objet; je crois même que l'Europe sera étonnée d'apprendre que dans cette époque de sa carrière l'une des délibérations de l'Assemblée à laquelle on ait attache le plus d'importance a eu pour objet de donner aux parens du roi le titre de prince..

» Les comités vous proposent d'élever les parens du roi au dessus des autres citoyens en leur ôtant l'exercice des droits de citoyens... Messieurs, dès qu'un homme est retranché de la

classe des citoyens actifs précisément parce qu'il fait partie d'une caste distinguée, alors il y a dans l'Etat des hommes au dessus des citoyens, alors le titre de citoyen est avili, et il n'est plus vrai pour un tel peuple que la plus précieuse de toutes les qualités soit celle de citoyen; alors tout principe d'énergie, tout principe de respect pour les droits de l'homme et du citoyen est anéanti chez un pareil peuple, et les idées dominantes sont celles de supériorité, de distinction, de vanité et d'orgueil. Ainsi sous ce rapport la proposition des comités avilit la nation, et il n'est pas vrai qu'elle honore le trône; il ne peut pas avoir une gloire, un éclat fondé sur les préjugés mais sur la nature même des choses; l'éclat du trône c'est la puissance légale et constitutionnelle dont il est investi; c'est le devoir imposé au monarque de faire respecter les lois ; c'est ensuite et secondairement les vertus et les talens du monarque : toute autre illustration est fondée sur les préjugés; elle est indigne d'occuper l'Assemblée nationale, ou plutôt elle ne peut s'en occuper que pour la proscrire avec dédain. ( Applaudissemens à l'extrémité gauche.)

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Si j'examine la base sur laquelle les comités appuient cette distinction à la fois immorale et impolitique, il n'est pas difficile d'apercevoir qu'elle ne porte absolument sur rien. Les comités vous ont dit: les parens du roi ont des droits qui n'appartiennent à aucune autre famille; donc il faut déclarer que la famille du roi forme une classe distincte de citoyens ; donc il faut l'élever au dessus des autres citoyens par un titre particulier qui exprime leur distinction et leur grandeur. Je dis, messieurs, que le motif de la loi ne peut entraîner de pareilles conséquences.

» La famille du roi est distinguée des autres, mais sous le seul rapport de l'intérêt général, qui vous a paru exiger que la loi désignât une seule famille dont les membres succéderaient à leur tour au trône pour prévenir le danger des élections. Voilà où se trouve la distinction de la famille royale; elle n'est pas dans une loi particulière, qui n'est point un privilége pour elle, mais dans une loi établie pour l'intérêt général, et c'est violer à la fois et l'objet et l'esprit de la loi que de vouloir fonder sur cette distinction particulière une

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