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Constitution au milieu d'une révolution, et qu'il faut pour consolider la Constitution terminer la révolution; il est très heureux, dis-je, que les maximes constitutionnelles concourant à ce but permettent d'adopter une disposition qui détacherait non seulement les individus de la maison du roi, mais encore toutes les maisons régnantes de l'Europe, de la cause impie de ceux de nos concitoyens qui, nos égaux par la nature, nos égaux par le pacte social, s'appliquent cependant à armer l'Europe contre la France pour conserver ces distinctions!

C'est d'après cela que nous avons pensé qu'en principe indubitable comme en politique bien entendue l'exercice des droits politiques dans la ligne de la représentation nationale ne peut pas être accordé par la Constitution aux individus qui ont des droits héréditaires au trône.

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En revenant sur mon observation qu'il ne faut pas là une dégradation, qu'il faut y voir au contraire l'illustration qui résulte de l'appel à la première place de la nation, il faut consacrer cette exclusion par une distinction honorifique quelconque sous des rapports politiques; en conséquence nous croyons que la disposition que nous vous proposons ne doit être adoptée qu'en entier.

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» Nous avons cherché un titre convenable pour les individus de la famille du roi; malheureusement nous nous sommes trouvés entravés par le décret de question préalable que vous avez prononcé le 14 de ce mois contre la qualification de prince : peut-être ne vous croirez-vous pas définitivement engagés par ce décret; mais s'il termine la question nous espérons recevoir dans cette assemblée, où les lumières sont plus multipliées qu'aux comités, quelques ouvertures plus heureuses que les nôtres pour arriver à la dénomination que nous avons vainement cherché à remplacer....(Applaudissemens. s.) Voici la teneur de l'article:

« Les membres de la famille du roi, étant seuls appelés à une dignité héréditaire, forment une classe distinguée des citoyens, ne peuvent exercer aucun des droits de citoyen actif, et n'ont d'autre droit politique que celui de la succession éventuelle au tróné. Ils porteront le titre de...... »

M. le duc d'Orléans (immédiatement après le rapporteur).

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Messieurs, je n'ai qu'un mot à dire sur la seconde partie de l'article qui vous est proposé; c'est que vous l'avez rejetée directement il y a peu de jours.

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Quant à la qualité de citoyen actif, je demande si c'est ou non pour l'avantage des parens du roi qu'on vous propose de les en priver.

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Si c'est pour leur avantage un article de votre Constitution s'y oppose formellement, et cet article le voici : Il n'y a plus pour aucune partie de la nation ni pour aucun individu aucun privilége ni exception au droit commun de tous les Français..

» Si ce n'est pas pour l'avantage des parens du roi qu'on vous propose de les rayer de la liste des citoyens actifs je soutiens que vous n'avez pas le droit de prononcer cette radiation.

» Vous avez déclaré citoyens français ceux qui sont nés en France d'un père français; or c'est en France et c'est de pères français que sont nés les individus dont il s'agit dans le projet de vos comités.

» Vous avez voulu qu'au moyen de conditions faciles à remplir tout homme dans le monde pût devenir citoyen français; or je demande si les parens du roi sont des hommes.

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» Vous avez dit que la qualité de citoyen français ne pouvait se perdre que par une renonciation volontaire ou par des condamnations qui supposent un crime si donc ce n'est pas un crime pour moi d'être né parent du monarque je ne peux perdre la qualité du citoyen français que par un acte libre de ma volonté.

Et qu'on ne me dise que je serai citoyen français, mais que je ne pourrai être citoyen actif; car avant d'employer ce misérable subterfuge il faudrait expliquer comment celui-là peut être citoyen qui dans aucun cas ni à aucune condition ne peut en exercer les droits.

» Il faudrait expliquer aussi par quelle bizarrerie le suppléant le plus éloigné du monarque ne pourrait pas être membre du corps législatif, tandis que le suppléant le plus

immédiat d'un membre du corps législatif peut, sous le titre de ministre, exercer toute l'autorité du monarque.

» Au surplus je ne crois pas que vos comités entendent priver aucun parent du roi de la faculté d'opter entre la qualité de citoyen français et l'expectative, soit prochaine, soit éloignée, du trône.

>> Je conclus donc à ce que vous rejetiez purement et simplement l'article de vos comités; mais dans le cas où vous l'adopteriez je déclare que je déposerai sur le bureau ma renonciation formelle aux droits de membre de la dynastie régnante pour m'en tenir à ceux de citoyen français.

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M. d'Orléans quitte la tribune au bruit des plus vifs applaudissemens de la inajorité de l'Assemblée et des tribunes publiques; à ces marques d'approbation succèdent quelques momens d'une grande agitation dans toutes les parties de la salle, puis quelques momens de silence, puis une nouvelle explosion des mêmes applaudissemens.

M. Dupont (de Nemours). « L'Assemblée a décidé qu'elle ne préjugeait rien sur l'effet des renonciations dans la race actuellement régnante; ainsi l'acte de patriotisme de M. d'Orléans ne doit point influer sur la délibération actuelle. Je demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour. »>

M. d'Orléans. « Une renonciation personnelle est toujours bonne. »

M. Bonneville. "La renonciation de M. d'Orléans est l'effet d'un patriotisme pur; c'est un acte de civisme dont l'histoire fournit peu d'exemples; mais avant de me livrer à son apologie, qu'il me soit permis de l'examiner dans son principe et dans ses conséquences........ » ( Non, non ; l'ordre du jour.)

M. Dandré. « J'appuie la proposition de M. Dupont, parce que M. d'Orléans n'a pas le droit de renoncer au trône ni pour lui, ni pour ses enfans, ni pour ses créanciers... » (Eclats de rire et applaudissemens dans le côté droit;

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L'Assemblée passe à l'ordre du

Discours de M. Sillery. (Méme séance.)

Messieurs, je viens combattre le projet de décret qui vous est présenté par votre comité de révision. Qu'il me soit permis avant d'entrer en matière de gémir sur l'étonnant abus que quelques orateurs ont fait de leurs talens dans l'importante discussion qui nous occupe depuis plusieurs jours.

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Quel étrange langage a-t-on tenu dans cette tribune lorsqu'on a cherché à vous faire entendre que ceux qui demandaient l'exécution littérale de vos décrets étaient des ennemis de l'ordre, des factieux qui voulaient perpétuer l'anarchie, comme si l'ordre ne pouvait exister qu'en satisfaisant l'ambition de quelques individus, et que l'anarchie pût jamais être le résultat de l'exécution de vos décrets! Ce que j'ai à vous dire n'est pas l'opinion d'une coalition factieuse; c'est la mienne, que j'ai le droit d'énoncer; et, j'ose le dire, elle est celle d'un citoyen dévoué au bonheur public.

» On vous propose d'accorder à tous les individus de la famille royale le titre de prince, et de les priver en même temps des droits de citoyen actif.

» J'avoue que je ne me serais point attendu que ce serait votre comité de constitution, qui nous a répété tnt de fois que le titre de citoyen français était le plus honorable que l'on pût obtenir, qui viendrait proposer pour la famille royale l'étrange marché de troquer ce titre contre celui de prince, que vous avez déjà proscrit par un de vos décrets! (Applaudissemens dans plusieurs parties de la salle et dans les tribunes publiques.) Comment n'a-t-il pas senti les conséquences funestes qui pouvaient résulter en formant une caste particulière d'hommes ennemis nés de la nation, puisqu'ils ne jouiraient d'aucun des avantages de la Consti- . tution, et que, se trouvant isolés au milieu d'une nation libre, seuls dans la dépendance du roi, ils ne jouiraient ni de la liberté ni de l'égalité, bases fondamentales de votre Constitution!

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Rappelez-vous, messieurs, tout ce qui vous a été dit

dans cette tribune par les mêmes orateurs qui soutiennent l'opinion que je combats lorsqu'il a été question d'abolir la noblesse. On vous a démontré l'impossibilité d'admettre des distinctions de naissance dans un état constitué comme le nôtre; et en abolissant les priviléges, en confiant au peuple la nomination de tous les fonctionnaires publics, n'avez-vous pas reconnu ce principe éternel d'égalité dont il ne vous est plus permis de vous écarter?

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Dans une question de cette importance il faut tout examiner, et avoir le courage de tout dire : je vais tâcher de vous prouver que le projet que vos comités vous proposent est injuste et impolitique. La loi ne peut dépouiller qui que ce soit d'un droit accordé à tous les autres citoyens sans démontrer rigoureusement que cette spoliation est fondée sur la raison et sur la justice, et que par conséquent elle a un grand but d'utilité publique. Les parens du roi qui sont présentement en France ont constamment montré le patriotisme le plus pur; ils ont rendu de grands services à la cause publique par leur exemple et par les sacrifices qu'ils ont faits; d'après les décrets de l'Assemblée nationale ils ont abjuré leurs titres et renoncé à leurs prérogatives; pénétrés de l'esprit qui a dicté ces décrets, ils ont regardé comme les plus beaux de tous les titres ceux de patriote et de citoyen; ils ont joui de tous les droits de citoyen actif, et l'on propose aujourd'hui de les en dépouiller !

» L'Assemblée nationale a dit à tous les parens du roi : vous n'êtes plus princes; vous êtes les égaux de tous les autres citoyens. A cette déclaration qu'est-il arrivé? Les princes fugitifs ont fait une ligue contre la patrie; les autres se sont rangés avec joie dans la classe des simples citoyens. Si l'on rétablit aujourd'hui le titre de prince on accorde aux ennemis de la liberté tout ce qu'ils ambitionnent; on prive de bons patriotes de tout ce qu'ils estiment. (Applaudissemens.) Je vois le triomphe et la récompense du côté des réfractaires; je vois la punition de tous les sacrifices du côté des patriotes. Quelles raisons peuvent motiver cet étrange renversement de toute justice! Est-ce pour donner plus de dignité au trône que l'on veut rendre' ces titres aux parens du roi? Mais,

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