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que le danger de changer dn ror est si grand, que je voudrais qu'en prenant deux mois pour le terme nécessaire ce terme put être prolongé par le corps législatif. Alors, en laissant la fixation de cette prolongation au corps législatif, vous ne courriez aucun risque, puisque par d'autres articles constitutionnels vous avez pourvu d'une manière très sage à l'administration de l'Etat dans le cas d'absence du roi. J'adopte donc l'avis des comités en y ajoutant cet amendement. >

M. Regnault (de Saint-Jean-d'Angely). « Je demande une addition à l'article; addition qui, tenant au principe même, ne souffrira sûrement pas de difficulté. Il est bon sans doute de fixer les cas imprévus dans l'hypothèse où il n'y aurait qu'un corps législatif assemblé, parce qu'il est bon de prémunir la royauté même contre les atteintes du corps législatif; mais il me semble qu'il est une circonstance qu'il est bon de prévoir dans la position où nous nous trouvons, qui est celle où il y aurait un corps constituant rassemblé, car alors la démarche d'un roi s'écartant de ses états peut avoir une tout autre importance, peut avoir l'inconvénient d'influencer d'une manière frappante les délibérations du corps constituant pour opérer du changement dans la Constitution: je sens qu'on ne peut pas faire de loi pour le corps constituant; mais je sais qu'il est bon de déclarer ses droits.

» Je suis très éloigné de croire qu'avec la Constitution que vous allez porter au roi il puisse lui venir dans l'idée d'abandonner tous les avantages qui en résulteront pour lui pour aller chercher dans le pays étranger des secours contre la Constitution qui les lui donne; mais enfin, lorsqu'on est dans une position difficile, lorsque l'intérêt du peuple commande puissamment, je crois qu'il faut tout prévoir, et vous devez vous mettre dans une telle position que quelque chose qu'il arrive on ne puisse pas vous opposer la loi que vous auriez décrétée.

» Voilà quelle est mon intention, je le déclare. D'après cela je dis que s'il était possible que les ennemis du bien public déterminassent le roi à une démarche aussi contraire au véritable intérêt de sa personne, de sa famille et de son empire,

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que de s'éloigner pour aller au milieu des factieux qui bourdonnent sur nos frontières, je dis alors qu'il serait extrêmement fâcheux de donner un délai aussi long que celui qui est présenté. ( Applaudissemens. ) Je dis qu'en votre qualité de corps constituant il vous appartiendrait de déterminer les mesures pressantes que vous auriez à prendre, et je dis qu'il ne faut pas vous mettre en avant des entraves et vous exposer à ce qu'on vous oppose les termes du décret que vous allez rendre.

» Ce n'est donc pas pour le pouvoir constituant à venir, à la souveraineté duquel la raison portera tous les êtres pensans à rendre hommage, c'est pour une circonstance qui peut survenir, c'est pour le grand intérêt dont nous sommes dépositaires que je demande, non pas que vous fassiez une loi, mais que vous déclariez comme un droit inhérent à la qualité de pouvoir constitutionnel celui de prendre les déterminations que les circonstances paraîtront exiger, le cas arri

vant. »

M. Prieur. « Ce que vient de dire le préopinant s'applique également aux législatures suivantes, car lorsque l'Etat sera en danger et que le corps constituant ne sera pas assem-blé, et qu'il n'y aura qu'une législature, il faudra bien que cette législature prenne les mesures qui peuvent sauver l'Etat. Vous n'avez qu'un moyen de concilier ce que propose le préopinant avec ce qu'exige le salut de l'Etat; c'est d'adopter ce que je vous avais proposé, de laisser à la discrétion soit de la législature, soit du corps constituant, le délai à fixer à un roi qui sortirait du royaume. Je persiste, d'après l'avis du préopinant, à ce qu'on désigne que ce sera le corps législatif qui déterminera le délai dans lequel le roi devra rentrer dans le royaume. »

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M. Thouret. « Il y a un grand intérêt à ne point abandonner aux législatures le droit de fixer les délais; il serait possible que dans des circonstances difficiles elles fissent mal cette fixation; et c'est en faveur du roi contre le corps législatif que nous vous proposons le délai de deux mois : il faut une latitude suffisante pour qu'il ne soit pas forcé de ne

rentrer qu'à la tête d'une armée; dans le cas où il en aurait levé une, ce ne serait pas vos décrets, mais la force qui prévaudrait. On peut marier la proposition de M. Prieur avec celle des comités, et dire si le roi ne rentre pas dans le délai fixé par le corps législatif, qui ne pourra étre moindre de deux mois, etc. ( Adopté.)

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Quant au pouvoir constituant, il concentre én lui seul tout le salut de la chose publique; il ne peut être entravé en aucune manière, et il a le degré d'autorité nécessaire pour prendre telle précaution qu'il juge convenable. »

M. Ræderer. « Vous avez répondu à l'observation de M. Regnault; je ne vois plus ici qu'une vraie difficulté, c'est de savoir si pendant le temps que le roi pourra être absent il tiendra toujours les rênes du gouvernement, s'il pourra commander comme chef du pouvoir exécutif. »

M. Thouret. « Nous croyons qu'en principe le seul fait de la sortie du roi du royaume ne le suspend pas un seul instant de ses fonctions; mais nous pensons aussi que du moment que la proclamation est publiée pour l'inviter à rentrer dans le royaume le pouvoir exécutif doit étre suspendu dans sa main. Voilà l'opinion des comités. »

M. Roederer. « Il faut l'exprimer.

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M. Thouret. « Nous l'ajouterons dans la rédaction de l'article.

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L'Assemblée adopta et l'addition et les deux amendemens. (Ils composent l'article 7 au titre III de la Constitution, chapitre II, section I de la royauté, où se trouvent les autres articles relatifs à l'abdication.)

Sur la garde du roi (1).

M. Thouret. (Séance du 24 août 1791.) « J'ai l'honneur de présenter à l'Assemblée les dispositions relatives à la garde

du roi.

(1) Les gardes du corps avaient été licenciés après le retour du roi de Varennes. Voyez tome III, page 134.

» Le roi aura, indépendamment de la garde d'honneur qui lui sera fournie par les citoyens gardes nationales du lieu de sa résidence, une garde payée sur les fonds de la liste civile ; elle ne pourra excéder le nombre de douze cents hommes pied et de six cents à cheval: les grades et les règles d'avancement y seront les mêmes que dans les troupes de ligne.

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Le roi ne pourra choisir les hommes de sa garde que parmi ceux qui sont en activité de service dans les troupes de ligne et les gardes nationales, et qui sont résidens dans le royaume.

» Cette garde ne pourra jamais être commandée pour aucun service public."""

» Les comités proposent aussi qu'aucun des hommes employés à ce service ne puisse cainuler les fonctions de représentant à la législature; mais ils ont trouvé inutile de placer ici cette disposition, parce qu'elle se rattache nécessairement à l'article où il est question de la nécessité d'opter pour tous les emplois de la maison du roi.

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>> Comme cette matière est une de celles sur lesquelles on a le plus cherché à influencer l'opinion publique, il me paraît utile de rendre compte brièvement à l'Assemblée des motifs qui ont déterminé les différentes parties de la disposition que les comités ont adoptée. Il n'a jamais été mis en question s'il était convenable que le roi eût une garde; l'affirmative ne nous a paru souffrir aucune difficulté, non pas dans ce sens odieux que le représentant héréditaire de la nation, son premier magistrat, ait besoin de se défendre contre la nation, mais parce qu'il est nécessaire de le prémunir contre ces individus malveillans et impies dont aucune nation ne peut se voir entièrement purgée; parce que aussi la garde du roi fait une partie de la dignité et de la majesté nationale, que le roi représente.

» La première question qui s'est présentée à examiner était celle de savoir si l'on ne pouvait pas établir que les différens corps de troupes de ligne fussent appelés par tour de rôle à faire le service de la garde du roi : ce système a d'abord quelque chose de séduisant; mais en l'examinant à fond nous

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avons pensé qu'il était contraire à l'intérêt de la Constitution et à l'intérêt de l'esprit militaire dans l'armée.

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» Sous le premier rapport il est évident que le plus grand danger que court la Constitution d'un peuple libre est l'abus qui pourrait être fait de la force armée quand la nation est obligée d'entretenir une armée permanente considérable. Ce danger vient de ce que l'esprit de l'armée tend naturellement à s'isoler de la nation, à s'écarter du véritable esprit national pour trouver un esprit particulier, et pour tendre surtout à un dévouement trop entier à son chef; or serait-ce une bonne disposition que celle d'appeler tous les corps de troupes de ligne à passer alternativement un temps de service à la cour, dans cette atmosphère de l'intrigue, dans ce lieu où, sous les yeux du chef et de tous les subalternes qui peuvent se mouvoir sous lui, chque corps de ligne serait influencé par des blandities, des alliciemens, des caresses; et peut-être aussi par des gratifications pécuniaires? Ce serait inoculer chaque corps de troupes de ligne d'un serment qu'il emporterait dans les garnisons, qui ferait des progrès plus ou moins sensibles en plus ou moins de temps, et dont l'effet indubitable serait à la longue de livrer chaque corps de troupes de ligne au chef du pouyoir exécutif. Nous avons donc rejeté cette idée sur cette première considération.

» Nous avons été déterminés encore par deux autres considérations. La première est que le séjour le plus habituel du roi sera à l'avenir dans la capitale; et le séjour de la capitale est de tous le moins propre à entretenir dans l'armée l'austé rité de mœurs, de principe et de vie qui fait la vigueur de la discipline. Enfin il serait nécessaire de donner une haute paie aux corps de troupes de ligne pendant le temps qu'ils feraient le service de la garde; et d'après les éclaircissemens qui nous ont été donnés par des hommes ayant sur cela une expérience certaine, nous avons cru qu'il y aurait une trop grande difficulté à rétablir les corps de ligne au service des garnisons avec la paie ordinaire, quand ils auraient joui longtemps d'une haute paie dans des lieux où ils auraient aussi trouvé plus de jouissances et avec plus de facilité. Tout cela nous a ramenés à penser qu'il était mieux dans

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