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ordres monastiques, c'était attaquer directement le clergé, violer de gaieté de cœur son droit de propriété, soulever inutilement des questions irritantes. C'était entreprendre sur les consciences, et cela dans un pays resté sincèrement catholique, malgré les efforts de ceux qui le gouvernent.

M. Ratazzi avait présenté la loi comme nécessaire et urgente. Nécessaire, parce qu'elle seule pouvait réparer les suites de la délibération législative qui avait écarté du budget la dotation très-modeste, presque insuffisante, des curés des campagnes. La loi proposée mettrait à la disposition du Gouvernement une somme avec laquelle il pourvoirait à leurs besoins les plus pressants. Elle était urgente, ajoutait-on, car la source des traitements et des secours allait être épuisée pour tous ces ecclésiastiques, qui s'adresseraient en vain au ministre dont le bon vouloir serait stérile.

Cette loi est nécessaire sous un autre rapport, avait dit encore M. Ratazzi; les embarras financiers sont grands, ils ne peuvent que s'accroître; on n'en sortira que par des mesures énergiques et productives: telle est la suppression des couvents et des Ordres monastiques; le Gouvernement pourra vendre, avec l'autorisation des Chambres, une masse de biens dont le prix sera converti en rentes sur l'État, au grand avantage du trésor public et du clergé lui-même, dont la dotation sera garantie et inalienable. Les biens vendus seront plus productifs; ils contribueront dans une juste proportion aux charges publiques. Telles étaient, selon M. Ratazzi, les véritables intentions du projet de loi.

D'ailleurs, ajoutait-on, cette loi introduirait une grande amélioration parmi les membres du clergé : ceux qui se sont rendu compte des éléments dont se compose la masse des biens de l'Église ont reconnu que ces richesses sont considérables, mais très-inégalement réparties, et que cette inégalité profite précisément à ceux qui méritent le moins. Il s'agit d'en faire une distribution plus équitable; on y parviendra en supprimant les couvents et les Ordres inutiles, en réduisant les parts de ceux qui ont trop et en ajoutant aux parts de ceux qui n'ont pas assez.

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Ce sont là les prétextes ordinaires dont on colore la violation de la propriété ecclésiastique; comme si une raison sérieuse. pouvait être donnée de la violation de la propriété. Des pétitions nombreuses furent signées contre le projet de loi; des protestations solennelles en signalèrent l'iniquité : mais on avait résolu de passer outre, et la discussion générale s'ouvrit le 9 janvier. Quelques membres de la Chambre des députés, entre autres MM. Genina, de Viry, Isola, de Revel, dénièrent à l'État le droit de supprimer les couvents sans l'autorisation du Souverain Pontife; ils invoquèrent l'art. 1er du statut qui déclare la religion catholique religion de l'État, et l'art. 29 de ce même statut qui, de concert avec le Code civil, consacre l'inviolabilité des propriétés collectives aussi bien que des propriétés individuelles.

M. Ratazzi répondit naturellement qu'à ses yeux l'État était le seul véritable propriétaire des biens ecelésiastiques, et prétendit avoir fait le projet dans l'intérêt même des membres du clergé qui manquaient du nécessaire. M. le comte de Cavour ne chercha à justifier le projet qu'au point de vue financier, et la loi fut votée le 2 mars par 116 voix contre 36. Le Sénat en fut saisi le 9 mars, et, après une crise ministérielle de peu de durée provoquée par les difficultés de la discussion, la haute Chambre adopta le projet à une majorité de 11 votes (22 mai), après y avoir introduit quelques modifications qui furent ratifiées par la Chambre des députés. Quelques jours avant, le 10 mai, un amendement Desambrois - Collegno, contenant le principe de la suppression des Ordres religieux non voués à la prédication, à l'éducation ou à l'assistance, n'avait été voté qu'à la majorité d'une voix, 47 contre 45.

Les protestations ne pouvaient se faire attendre. Les évêques de Savoie rappelèrent à leur clergé, dans des instructions en date du 29 mai, que le concile de Trente (Sess. 22, eap. 1x), a établi la peine de l'excommunication, encourue ipso facto, contre les usurpateurs des biens ecclésiastiques. Le Saint Père, dans un consistoire tenu le 26 juillet, porta la peine de l'excommunication majeure et les autres censures et peines ecclésiastiques contre tous ceux qui n'avaient pas craint de pro

poser, d'approuver, de sanctionner la loi. L'excommunication ne fut pas, il est vrai, notifiée officiellement.

Matières économiques. Le budget définitif de 1855 a donné aux recettes 128,472,824 fr., aux dépenses 141,374,532 fr. Le budget présumé pour 1856 a été ainsi établi : Dépenses, 139,157,335 fr.; recettes, 130,542,008 fr. Enfin, le budget pour 1857 a été calculé ainsi qu'il suit: Dépenses, 145,030,752 f.; recettes, 135,867,321 fr.

Le total de la dette inscrite au 1er janvier 1855 était de 32,344,291 fr. La dette rachetée montait à 2,405,865 fr.; la dette encore existante à 29,938,426. Le capital correspondant à la dette inscrite était de 615,993,429 fr.

Les comptes de la caisse d'épargne de Turin présentent en 1855 une augmentation de 113,900 fr. dans le solde dû aux déposants, et de 368 dans le nombre même des déposants; c'est ce que font ressortir les chiffres suivants :

Au 31 décembre 1854, pour 3,618 déposants, solde, 1,321,500 francs; au 31 décembre 1855, pour 3,986 déposants, solde, 1,435,400 francs.

D'après l'aperçu statistique donné par la caisse d'épargne de Turin, les clients les plus nombreux de la caisse sont, parmi les hommes, les artisans et ouvriers, et parmi les femmes, les domestiques.

La moyenne des livrets est de 360 fr. par livret, et de 9 fr. par habitant; il y a un livret par 37 habitants.

Il faut reconnaître l'intelligence et l'énergie du Gouvernement sarde dans l'exécution de son réseau de voies ferrées dont le complément ne lui coûtera pas moins de 300 millions.

A part la principale ligne de Gênes à Turin et au lac Majeur, remarquable par toute sorte d'œuvres d'art que l'état acci-. denté du sol a forcé d'exécuter, le Piémont possède les lignes en parcours de Turin à Coni, de Turin à Novare, de Turin à Suse, de Turin à Pignerol, et les voies en exécution de CavallerMaggiore à Bra, de Mortara à Vigevano, de Santhia à Bielle, et achève le chemin de fer Victor-Emmanuel entre Saint-Jeande-Maurienne et Aix. Ces divers chemins opéreront leur jonction, dans un temps peu éloigné, avec ceux de la France, de la

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Lombardie et de la Suisse, au grand avantage des rapports industriels et commerciaux de l'Italie septentrionale. Déjà l'exploitation par une société de la ligne de Verceil à Casale, et de là à un pont sur le Pô, a été approuvée, et une compagnie française s'occupe d'un projet de chemin de fer entre Grenoble et la capitale du Piémont, à travers les Alpes.

ÉTATS DU SAINT-SIEGE.

Nous avons dit ailleurs les progrès faits dans le monde par l'esprit catholique, et l'histoire d'Autriche, en particulier, a constaté une victoire nouvelle de la paisible et bienfaisante influence du Saint-Siége. Deux pays seulement, le Piémont et l'Espagne, ont été, pour le Saint-Siége, l'objet de sollicitudes et de douleurs profondes. On vient de voir dans l'histoire des États-Sardes quel était le caractère de la législation nouvelle contre laquelle le chef de l'Église catholique dut élever des protestations. L'histoire d'Espagne montrera quelle fut la nature du désaccord survenu au sujet de l'exécution du concordat de 1851.

Dans deux allocutions prononcées dans le consistoire secret du 26 juillet, le Saint Père déclara abrogées, nulles et de nul effet, les lois sur l'Église votées en Espagne et en Sardaigne. L'excommunication majeure fut prononcée par S. S. Pie IX contre le gouvernement piémontais, et le gouvernement espagnol fut, jusqu'à nouvel ordre, réprimandé et adjuré de revenir

sur ses erreurs.

Dans ces mêmes allocutions, il était parlé de la Suisse et du déplorable état où la religion catholique se trouvait réduite dans ce pays. (Voyez à l'Appendice le texte des allocutions papales.)

Une consolation immense devait être donnée à l'Église par la proclamation si désirée du dogme nouveau de l'Immaculée Conception. Pour perpétuer le souvenir de cet important événement, le Saint Père ordonna l'érection d'une colonne surmontée d'une statue de Marie sur la place d'Espagne, devant le collége de la Propagation de la Foi. On consacra à ce monument commémoratif la magnifique colonne de marbre

qui depuis longtemps était déposée derrière le palais de la cour d'Innocent. L'érection de la statue et du monument fut confiée au sculpteur Obici.

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Matières économiques. L'administration si calomniée des États-Romains a donné, cette année, des preuves d'intelligence qu'on oserait à peine attendre d'États entrés depuis longtemps dans la voie des réformes et des progrès matériels. Les ports d'Ancône et de Civita-Vecchia ont été déclarés francs à partir du 1er mai. Une réforme des douanes dans un sens très-libéral a été décrétée. Pour un grand nombre d'articles, les droits ont été diminués de moitié et plus encore. Cette mesure, dans laquelle l'industrie française trouvera largement son compte, et qui doit accroître le revenu des douanes en encourageant la consommation et en rendant la contrebande presque impossible, peut être comptée parmi les améliorations les plus louables qu'ait encore entreprises le gouvernement pontifical. Plus d'un Gouvernement, chez les nations qui se placent à la tête de la civilisation moderne, pourrait être fier d'une semblable initiative.

On a pu admirer au Palais de l'Industrie les soies romaines, supérieures à toutes celles de l'Italie; les chanvres magnifiques du Ferrarais qui donnent lieu à un commerce de près de 20 millions de francs; les sels de la Marta et de la Cervia qui, d'après M. Escourron-Milliago, fournissent au fisc un revenu de 7 millions; les albâtres, les gypses, les marbres, l'alun, le soufre, la pouzzolane.

Voilà pour les matières premières. Quant aux produits manufacturés, l'industrie romaine a fait remarquer ses draps et ses tapisseries de l'établissement de Saint-Michel; ses papiers, ses produits chimiques, sa parfumerie, ses mosaïques, ses pierres dures, ses camées, sa bijouterie d'art.

En somme, l'exposition des États pontificaux a étonné ceux qui, sur la foi de publicistes toujours prêts à nier l'association possible de la foi et du progrès, s'étaient imaginé que l'industrie était encore à l'état d'enfance sur les terres du Saint-Siége. Dans dix-sept classes sur les vingt-sept établies pour les produits exposés, l'industrie des États pontificaux était représentée

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