Page images
PDF
EPUB

voi de marchandises, en retard depuis plusieurs heures, arrivant à pleine vapeur sur la même voie et dans la même direction, vint se heurter contre lui. Personne ne périt, mais une trentaine de voyageurs furent plus ou moins grièvement blessés ou contusionnés, plusieurs avec fractures et luxations.

Cet accident, le premier survenu sur le chemin de fer de Lyon à la Méditerranée depuis l'ouverture de la ligne, au moment où les journaux apportaient tous les jours la nouvelle de quelque sinistre de ce genre, produisit une vive impression.

L'Empereur s'émut de ces malheurs multipliés, et demanda immédiatement un rapport au ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics.

Par une circulaire en date du 25 octobre, le ministre rappela aux administrateurs de chemins de fer l'impérieuse nécessité d'assurer, par une surveillance active et soutenue, la sécurité de leurs exploitations. L'administration se montrait, de son côté, fermement résolue à user avec énergie des pouvoirs qui lui sont conférés pour réprimer toutes les infractions aux rè`glements en vigueur, comme aussi pour introduire dans ces règlements les améliorations et les compléments dont l'expérience pourrait révéler la nécessité.

L'opinion qui s'accrédita par suite de ces sinistres multipliés fut qu'on pouvait les attribuer en partie à l'insuffisance du nombre des agents d'exploitation et à l'excès de travail imposé à chacun d'eux. Le développement considérable du trafic et de la circulation avait modifié les conditions antérieures, sans que les compagnies se crussent forcées d'augmenter leur personnel. De pareilles économies sont funestes, et jusqu'à un certain point criminelles.

Paquebots transatlantiques.-La crise financière et la baisse considérable qui eut lieu pendant les derniers jours de 1855 et les premiers jours de 1856 sur les fonds publics et sur toutes les valeurs, fit malheureusement ajourner la solution de la question relative aux paquebots transatlantiques. Plusieurs compagnies sérieuses se disputaient la concession de cette importante entreprise. Les prétentions et les offres de chacune d'elles furent examinées, et tout faisait espérer que la France

n'aurait bientôt plus rien à envier aux puissances voisines. Déjà cette question de paquebots transatlantiques allait entrer dans une voie d'exécution. Une compagnie franco-américaine préparait un service par les deux lignes de New-York et du Brésil. Les départs, mensuels d'abord, seraient bientôt doublés sur la ligne de New-York. La marine marchande faisait de nombreux efforts pour élargir ses relations et donner au commerce français le rang qui lui est dû sur tous les marchés étrangers.

Les deux difficultés qui ont jusqu'à présent retardé la solution de cette affaire sont la subvention réclamée de l'État et le point de départ des steamers. La subvention ne saurait être faible, et l'exemple de l'Angleterre et des États-Unis prouve qu'il y aurait pour le gouvernement intérêt à venir puissamment en aide à de pareils services. Quant au point de départ, les rivalités du Havre, de Nantes, de Bordeaux et de Marseille n'ont réussi jusqu'à présent qu'à paralyser toute espèce de service.

[ocr errors]

La question commence, au reste, à se simplifier. Les concurrences s'accroissent en nombre et en importance.

Lorsque fut soulevée pour la première fois la question des paquebots transatlantiques, il y avait encore peu de relations commerciales établies entre la France et les pays d'outre-mer, et les compagnies qui se présentaient demandaient au gouvernement d'énormes subventions pour se charger des malles de la poste. Mais, depuis cette époque, le commerce maritime de la France a fait de si grands progrès qu'une compagnie n'a plus besoin de subventions aussi fortes pour s'engager à faire relâche partout où la poste française a des sacs de lettres à déposer. On peut donc espérer que la France ne tardera pas à être relevée, de ce côté, d'une infériorité regrettable.

Postes. La réforme postale est, on le sait, un des rares bienfaits de la république de 1848. C'est le 24 avril 1848 que l'Assemblée nationale remplaça la taxe par zones par une taxe unique à l'instar de la Grande-Bretagne. On supprimait, en même temps, le décime perçu jusqu'alors pour port de voies de mer sur les lettres de France pour l'Algérie et la Corse, et réciproquement.

Le corollaire de cette réforme fut l'introduction, en France,

des timbres-poste.

Quel résultat avait eu le système nouveau sur la circulation des correspondances? Nous extrayons les chiffres suivants de l'Annuaire publié par l'Administration des Postes:

En 1848, le nombre des lettres distribuées par la poste s'élevait à 122,140,400.

En 1849, sous l'empire de la nouvelle loi appliquée le 1er janvier de l'année, le nombre des lettres monta rapidement à 158,268,000.

En 1854, après avoir constamment progressé, ce nombre est arrivé au chiffre énorme de 212,385,000 (1).

En 1855, il est de 233,517,000.

Le tableau dont nous extrayons ces chiffres n'est pas moins concluant à l'égard des sommes encaissées par la poste.

En 1848, la dernière année de l'application de la taxe par zone, les recettes s'étaient élevées à 43,941,056 francs.

En 1849, les recettes descendent à 32,186,156 francs, mais elles progressent chaque année avec le nombre des lettres, pour arriver, en 1855, au chiffre de 45,787,761 fr.

Comme on le voit, l'équilibre a été promptement rétabli dans les recettes. Quant aux dépenses, l'augmentation considérable du nombre de lettres ne les a pas affectées sensiblement.

La réduction de la taxe et la création de timbres-poste ont amené une grande simplification dans le travail de la Poste. L'affranchissement préalable, en faveur duquel la loi récente du 20 mai 1854 a créé une prime de dix centimes par lettre, a pris de grandes proportions.

En 1848, sur 122,140,400 lettres, 12,214,040 seulement étaient affranchies.

En 1855, sur 233,517,000, 198,489,450 le sont.

Quelques esprits trop prudents voyaient, outre la diminution des recettes, une autre grave conséquence dans l'affranchissement préalable: « Les agents de l'administration des postes,

(1) Sans compter 30,919,704 lettres ayant circulé en franchise pour le service de l'État et qui auraient eu à supporter une taxe totale de 59,696,408 fr. Le chiffre de 1855, encore inconnu, est au moins aussi important.

disaient-ils, n'ayant plus d'intérêt à trouver le destinataire, puisque la lettre est affranchie, se laisseront rebuter par la plus petite recherche à faire, et nous verrons s'augmenter rapidement le nombre des lettres perdues et des lettres tombées en rebut. » Ici les chiffres sont la réponse la plus éloquente.

En 1847, sur 126,480,000 lettres en circulation, 3,706,000, soit 2,93 0/0, tombaient en rebut.

En 1848, la proportion était de 3,26 0/0.

[ocr errors]

En 1855, sur 233,517,000 lettres en circulation, 3,349,498 seulement tombent en rebut. La proportion, qui n'a cessé de décroître depuis 1849, est réduite à 1,43 0/0.

Pour les lettres réclamées, soit les lettres perdues, la proportion qui, en 1847 et 1848, était de 1,29 et 1,34 par 100,000 lettres, est, en 1855, de 1,36 0/0. L'augmentation est minime 2, et cependant elle éveille toute la sollicitude de l'administration des Postes, dont les efforts tendent à diminuer le plus possible cette proportion.

L'amélioration des services a naturellement suivi le développement des moyens de circulation.

31 bureaux ambulants partent tous les jours de Paris sur presque toutes les lignes de fer et manipulent la presque totalité des lettres et imprimés confiés à la poste. En 1855, ils ont manipulé 265,905,079 objets de correspondance. C'est à M. Stourm, directeur-général depuis 1853, qu'est dû, entre autres améliorations importantes, l'établissement de cet utile service.

(1) Sur ce nombre, près de 100,000 lettres ont des adresses complétement illisibles ou n'en ont pas du tout.

(2) L'Annuaire des Postes fait observer avec raison que bien souvent des lettres dites perdues n'ont pas été mises à la poste ou ont été soustraites par des personnes étrangères au service.

CHAPITRE VI

MATIÈRES ÉCONOMIQUES.

V. Repression, Assistance, Moralisation.

Répression.

Justice criminelle; Tribunal de commerce de la Seine; Statistique et situation des établissements de répression; Translation du budget des prisons départementales au budget de l'État.

Assistance, Moralisation. Enfants abandonnés, Infanticides, Rapport de M. A. de Watteville; Crèches; Salles d'asile; l'Assistance publique à Paris; Invalides civils; Caisse des retraites pour la vieillesse; Bains et lavoirs publics.

Répression. • Justice criminelle. Nous ne pouvons donner encore, pour l'administration de la justice criminelle en France, que les résultats de l'année 1854. Les retards apportés à l'élaboration de cette statistique par les magistrats chargés d'en recueillir les éléments, ne nous permettent pas de la tenir au courant des autres, malgré son importance spéciale.

Le compte de 1854 diffère très-peu de celui de 1853 quant au nombre des infractions à la loi pénale qui ont été l'objet des investigations de la justice. Malgré la continuation de la cherté des subsistances, les cours d'assises et les tribunaux

« PreviousContinue »