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Pourvoi en cassation contre cet arrêt: 1° pour application rétroactive des art. 398 et 399 C. P. C. à une instance régie par les lois antérieures à ce Code, et pour fausse application des mêmes articles et de l'art. 2246 C. C., en ce que la Cour royale a déclaré que la péremption ne pourrait être couverte par une citation donnée incompétemment devant la Cour royale de Pau; 2° pour violation des art. 54, 57, L. 14 décembre 1789, et des art. 4 et 15 de la loi du 28 pluviôse an 8, défendant à une commune de demander la péremption d'une instance sans autoriARRÊT.

sation.

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La Cour;-Vu l'art. 2246 C. C., et l'art. 399 C. P. C.; Attendu que la Cour royale de Toulouse, en déclarant que, dans la jurisprudence de l'ancien parlement du Languedoc, la péremption était acquise par la cessation des poursuites pendant le laps de trois ans, ne s'est pas occupée du point de savoir si, pour avoir son effet, la péremption devait ou non être demandée, avant toute interruption; -Que cette question ne paraît pas même avoir fait l'objet du litige; Que cette Cour s'est seulement occupée du mode d'interruption, et spécialement de savoir si l'assignation donnée devant un juge incompétent formait une interruption valable; - Attendu que la péremption n'est que la prescription de l'instance; que dès-lors la règle posée dans l'ar ticle 2246 C. C., qui veut que la citation en justice donnée même devant un juge incompétent interrompe la prescription, lui est applicable; que, s'il est dit dans l'art. 399 C. P. C. que la péremption n'est couverte que par des actes valables, on ne saurait en induire une dérogation, en matière de péremption, au principe posé dans l'art. 2246 C. C., puisque, aux termes du premier alinéa de l'art. 2247, le mot valable doit s'entendre de tout acte qui n'est pas nul pour vice de forme;-Qu'il suit de là qu'une assignation régulière, quoique donnée devant un tribunal incompétent, n'en est pas moins un acte valable à l'effet de couvrir la péremption; d'où il résulte qu'en jugeant que la citation donnée par la commune, de Campan devant la Cour royale de Pau, qui était incompétente, n'avait pas couvert la péremption, l'arrêt attaqué a expressément violé l'art. 2246 et faussement interprété l'art. 399 C. P. C. ;—Casse.

Du 12 nov. 1832. Ch. civ.

--

COUR DE CASSATION.

Enquête. Motifs. - Rejet. Moyen.

Arrêt.

La Cour royale, à laquelle on a demandé l'infirmation d'une condamnation pour stipulation usuraire, et qui a admis 'appelant à prouver par témoins que cette stipulation n'était pas entachée d'usure, peut confirmer la décision des premiers juges en adoptant leurs motifs, sans être tenue d'en ajouter sur le rejet des moyens d'appel tires de l'enquête qu'elle a ordonnée. (L. 20 avril 1810, art. 7.)

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Le sieur Billaudot avait consenti à vendre au sieur Breton une auberge pour 5,000 fr. comptant ou à terme, mais en donnant caution. Breton ne trouvá pas de caution; mais un sieur Roux offrit d'intervenir dans l'acte de vente et d'en faire sa propre affaire, à condition que le vendeur réduirait le prix à 4,000 fr. Celui-ci accepta la proposition. Roux lui paya 1000 fr. et fit des bons pour les 3,000 fr. restant, et la vente fut passée à son profit par un acte où le prix ne fut ostensiblement fixé qu'à cette dernière somme; mais il fit obliger Breton, par un acte séparé, à lui payer 5,304 fr. productifs d'intérêts. Breton ne paya point cette somme, en prétendant qu'elle était usuraire, et le 11 mai 1830, un jugement du tribunal d'Auxerre lui donna gain de cause en ces termes :

« Considérant que, quelles qu'aient été les négociations entre Billaudot, Breton et Roux, il est constant et avoué par Roux que ce dernier n'a définitivement ni acheté ni vendu la maison dont s'agit, mais qu'elle a été vendue directement par Billaudot à Breton, et que le rôle de Roux s'est réduit à celui d'ouvrir à Breton sur lui un crédit de 4,000 fr., à l'effet de payer à Billaudot le prix de cette maison; que sur ce crédit il n'a encore réa lisé que 1,000 fr. et fait un bon de 3,000 fr.; que cependant, pour se couvrir du crédit de 4,000 fr. seulement, il s'est fait souscrire une obligation de 5,304 fr., portant intérêt du jour même de cet acte, avec la promesse encore de lui livrer une carriole garnie, ce qui laisse à découvert une stipulation énormément usuraire.... Déclare usuraire et nulle l'obligation; ordonne son exécution seulement pour 4,000 fr. de principal, etc. »Appel par Roux; arrêt interlocutoire qui ordonne une enquête sur le point de savoir si la vente faite par Billaudot à Breton était fixée à 5,000 fr. avant l'obligation souscrite par ce dernier au profit de Roux, ou bien si elle avait été réellement arrêtée. avant cette obligation à 4,000 fr., dont 3,000 fr. seulement devaient être portés au contrat et 1,000 fr. payés comptant. L'enquête faite, les parties reviennent à l'audience, et le 21 novembre 1831 intervient l'arrêt suivant:

<< Point de droit.-La Cour devait-elle infirmer le jugement du tribunal d'Auxerre? Devait-elle, au contraire, sans avoir égard ni s'arrêter à l'enquête produite par le sieur Roux, confirmer purement et simplement ledit jugement? Adoptant les motifs des premiers juges, a mis l'appellation au néant, etc. »— Pourvoi pour violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué ne contient aucun chef ni aucun motif sur l'enquête à laquelle les parties avaient procédé.

La Cour;

ARRÊT.

Attendu, sur le moyen tiré du défaut de motifs dans l'arrêt attaqué, que le silence de cet arrêt ne porterait que

sur l'enquête qui avait été ordonnée par un arrêt interlocutoire; qu'il est de principe que l'interlocutoire ne lie pas le juge; qu'au surplus ce n'était là qu'un moyen, et que la loi du 20 avril 1810. n'oblige les tribunaux à motiver que les décisions sur les de-.. mandes, et non sur les moyens développés à l'appui de ces demandes; Rejette.

Du 27 nov. 1832.

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Ch. req.
OBSERVATIONS.

Il est certain que, dans cette cause, la Cour royale avait pu, sans avoir égard à l'enquête qu'elle avait ordonnée, confirmer la décision des premiers juges, ainsi que l'a dit la Cour suprême. Le demandeur en cassation le reconnaissait lui-même. Mais il lui reprochait de l'avoir fait sans donner de motifs, et réellement elle n'en avait pas donné en adoptant les motifs des premiers juges. Ces motifs ne pouvaient évidemment s'appliquer à une enquête à laquelle il avait été procédé depuis leur décision. Mais il y avait question de savoir si, après s'être demandé, dans le point de droit de son arrêt, s'il fallait ou non avoir égard à cette enquête, la Cour de Paris était tenue de déclarer pourquoi elle ne s'y était pas arrêtée. La Cour de cassation a décidé la négative, parce que les inductions tirées des dépositions recueillies n'offraient qu'un moyen d'infirmation de la décision de première instance, et non un chef de demande distinct. Effectivement, c'était en définitive la reproduction ou le développement des preuves invoquées par le demandeur. En adoptant les motifs des premiers juges, fondés sur ce que ces preuves n'étaient pas éta→ blies, la Cour royale déclarait bien impiicitement qu'elles ne ressortaient pas plus de l'enquête que des élémens produits en première instance. Sous ce rapport, l'arrêt que nous venons de rapporter est à l'abri de toute critique. Mais il ne faudrait pas l'invoquer d'une manière générale en ce sens que jamais les Cours royales ne fussent tenues de donner des motifs sur les moyens présentés à l'appui des demandes qu'on leur soumet. Ainsi il ne faudrait pas aller jusqu'à dire que lorsqu'il a été conclu au rejet d'une demande par des moyens divers, les Cours royales pourraient rejeter cette demande sans statuer sur chacun des moyens séparément ou du moins collectivement, s'il y a de l'analogie entre chacun d'eux. Cela résulte dé plusieurs arrêts de la Cour suprême, cités ou rapportés, J. A., t. 15, p. 100 et 101, vo Jugement, no 107; Voy. aussi le nota. 2063 0598.20

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kainą (206 2201 COUR DE CASSATION. 1998 (100-240799 ab Domaine. - Prescription trentenaire.

Appel. - Délaj. L'Etat ne peut pas appeler d'un jugement qui declare des individus propriétaires incommutables d'un terrain d'origine domaniale, s'il leur en a laissé la jouissance pendant plus de trente ans à partir de ce jugement, lors même qu'ils ne le lui auraient pas signifié.

(Art. 443 C. P. C. 36 L. 1 décembre 1790, 2281 C. C.) (1)

1r Espèce. (Préfet de la Meurthe C. de Praneuf.)

En 1829, l'administration des domaines somme les sieur de Praneuf et consorts de se conformer à la loi de l'an 7 pour prévenir la révocation de domaines engagés possédés par eux. Le 9 mai de la même année, ils signifient en réponse un jugement du 28 mars 1793 qui les déclare propriétaires incommutables de ces immeubles. La régie interjette appel de cette décision; arrêt de la Cour de Nancy qui la déclare non-recevable par les motifs suivans: -« Considérant que le principe que tout appel se prescrit par trente ans s'applique au Domaine comme à toute autre partie; que dès-lors le Domaine ne pouvait interjeter appel du jugement du 28 mars 1793, le 22 juillet 1829, puisqu'alors trente années étaient écoulées, et qu'il avait laissé les intimés en jouissance de terrains dont ce jugement les avait déclarés propriétaires incommutables; - Déclare le préfet non-recevable. »

Pourvoi pour violation de l'art. 36 de la loi du 1er décembre : 1790, d'après laquelle les actions domaniales ne se prescrivent que par quarante années, et de l'art. 443 C. P. C., portant que le délai pour appeler d'une décision ne court que du jour où, elle a été notifiée. ARRÊT.

La Cour; Sur les concl. conf. de M. Laplagne-Barris, av.gén.;-Attenda que la faculté d'appeler d'un jugement constitue un droit nouveau et distinct de l'action principale;

Que lors même que cette faculté était exercée au nom du Domaine, elle ne rentrait pas dans la classe des actions domaniales, qui ne se prescrivaient, d'après l'art. 36 de la loi du 1er décembre 1790, que par 40 ans;

Que, d'ailleurs, toute difficulté est levée à cet égard par l'ar ticle 2281 C. C.; que cet article réduit en effet à 30 ans les prescriptions commencées lors de la promulgation du titre dont il fait partie, quoiqu'elles excédassent ce laps de temps d'après les lois antérieurement en vigueur ;

D'où il suit qu'en décidant, dans l'espèce, que l'appel émis par le préfet du département de la Meurthe, au nom du Domaine, le 22 juillet 1829, du jugement du 28 mars 1793, exécuté depuis plus de 30 ans, n'était plus recevable, bien qu'il eût été rendu en matière domaniale, la Cour royale de Nancy n'a violé aucune loi: Rejette.

Du 12 novembre 1832. Ch. civ.

(1) Telle est la jurisprudence constante de la Cour de cassation et notre opinion. Foy. J. A., t. 3, p. 252, vo Appel, no 121, et t. 40, p. 98. Telle était aussi l'opinion de Jousse; telle paraît avoir été la pensée du législa teur de 1807 en présentant le titre de l'appel (Voy. LOCRE, Esprit du Code de procedure, sons l'art. 443.) Il est essentiel de remarquer que dans toutes les espèces jugées il a toujours été question d'une exécution active ou passive du jugement, sans trouble de la part de la partie qui plus tard a voulu interjeter appel. ok

2me Espèce. (Le préfet de la Meurthe C. V⚫ Salzmann.)

ARRÊT.

La Cour; - Attendu qu'il s'agissait uniquement du laps de temps pendant lequel le Domaine, partie dans une instance judiciaire, devait interjeter appel d'un jugement qui avait été rendu contradictoirement avec lui, mais qui n'avait pas été signifié;Qu'en déclarant l'appel non-recevable après plus de 30 ans, et surtout lorsque le jugement avait été suivi d'exécution, l'arrêt attaqué de la Cour royale de Nancy n'a pas encouru le reproche qui lui est fait d'avoir violé les art. 2262 et 2281 C. C.; l'art. 5 du tit. 27 de l'ordonn. de 1667; l'art. 14 du tit. 5 de la loi du 24 août 1790, et l'art. 443 C. P. C. : Du 15 novembre 1832.

Ch. req.

Rejette.

COUR DE CASSATION.

Enregistrement.

-

Séparation de biens.

Extrait.

L'extrait d'une demande en séparation de biens exigé par l'article 866 C. P. C. n'est pas soumis au droit d'enregistrement. (Article 8 de la loi du 22 frimaire an 7.)

-

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(La Régie de l'enregistrement C. Hubert-Boulangier.) — ARRÊT. La Cour; Attendu que la loi du 22 frimaire an 7, art. 8, déclare qu'il n'est dû aucun droit d'enregistrement pour les extraits, copies ou expéditions des actes qui doivent être enregistrés sur les minutes ou originaux; Attendu qu'une demande en séparation de biens, quoique soumise à des mesures préalables indiquées dans l'art. 865 C. P. C., ne peut être réellement formalisée que par exploit d'assignation; Attendu, dans l'espèce, qu'il résulte des documens du procès et des mémoires respectifs produits devant le tribunal de Vic, que c'est un extrait de l'exploit d'assignation qui a été déposé au greffe et a donné lieu à la contrainte; que cet exploit ayant été enregistré sur la minute, la copie de cet extrait n'était passible d'aucun droit d'enregistrement, aux termes de l'art. 8 sus-relaté, et qu'en le décidant ainsi, le tribunal de Vic a fait une juste application dudit article : Rejette.

Du 5 décembre 1832.

-Ch. req.

OBSERVATIONS.

Cet arrêt est basé sur les véritables principes que n'aurait pas dû méconnaître l'administration : en vain disait-elle que l'extrait affiché était l'extrait de la demande en séparation non enregistrée, et d'un acte déposé entre les mains d'un officier ministériel et enregistré, que c'était un acte de procédure distinct, rédigé suprà, signé et remis par l'avoué, qui ne pouvait être assimilé aux extraits proprement dits affranchis de l'enregistrement par l'art. 8 de la loi du 22 frimaire an7; on lui répondait avec raison que l'acte déposé au greffe était l'extrait de l'exploit d'assignation fait par suite de la demande, et non l'extrait de la demande présentée au président.

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