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mobilière n'est pas suspensif, s'il n'a été interjeté qu'après le délai légal (1).

6 Un tribunal peut ordonner qu'il soit passé outre à une adjudication définitive, si on ne déclare pas à son audience qu'on a interjeté appel du jugement rendu sur les incidens auxquels la saisie a donné lieu.

(Tournan C. Laforgue.)

En 1817, adjudication au profit des époux Marseillan et des héritiers Tournan, d'un domaine dépendant de la succession d'un sieur Robert. La veuve Dupont, héritière de celui-ci, leur fait un commandement de payer, qui reste sans effet, et poursuit une revente sur folle-enchère contre eux. Les fol-enchérisseurs soulèvent des moyens de nullité contre la procédure antérieure à l'adjudication préparatoire. 18 juin 1829, jugement qui les rejette et prescrit de passer outre à l'adjudication. Le 1er juillet, on signifie ce jugement à leur avoué. 9 juillet, ils appellent; le 13, acte extrajudiciaire par huissier contenant désistement de quelques-uns des fol-enchérisseurs, mais dont un seul l'a signé, tant en son nom qu'en celui des autres appelans. 8 août 1829, autre désistement extrajudiciaire des époux Marseillan, mais signé par le mari seul, et accepté par la dame Dupont. 3 juin 1850, le sieur Laforgue, cessionnaire de celleci, obtient contre les fol-enchérisseurs un jugement par défaut qui fixe le jour de l'adjudication. Opposition à ce jugeinent. 28 juin, jugement de débouté, 1 juillet, notification à Laforgue de l'acte d'appel du jugement du 18 juin 1829, signifié le 9 juillet 1829 å la veuve Dupont, et déclaration que les fol-cnchérisseurs y persistent. Appel des jugemens des 3 et 28 juin 1830. Le 1er juillet 1830, jour fixé par ces jugemens pour l'adjudication définitive, le tribunal ordonne qu'il soit passé outré. Appel par les fol-enchérisseurs de cette nouvelle décision, fondé sur ce que l'appel des jugemens des 3 et 28 juin 1830 étant suspensif, le tribunal devait surseoir à l'adjudication définitive.

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La Cour royale a statué le même jour, mais par deux arrêts, sur les nombreux appels à elle soumis. Le premier, rendu après onze heures de délibération, a consacré les cinq premières propositions ci-dessus. Le voici :

ARRÊT.

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La Cour; Attendu que l'appel du 1 juillet 1830 ne peut être étendu au jugement du 18 juin 1829, d'une part, parce que la notification de ce jugement ayant eu lieu le 1o juillet 1829, les délais de l'appel étaient plus qu'expirés, et que, d'autre part, en signifiant, le 1" juillet 1830, au sieur Laforgue, cessionnaire de la dame Dupont, l'appel du 9 juillet 1829, relevé contre

(1) V. J. A., t. 36, г, 260, et t. 38, p. 249.

celle-ci, les parties d'Amalvy se sont bornées à déclarer qu'elles persistaient dans ledit appel, sans s'occuper en aucune manière d'en poursuivre l'utilité; -- Attendu, d'ailleurs, que l'appel du 9 juillet 1829 a été suivi d'un désistement fait par acte d'huissier, au nom de la veuve et des héritiers Tournan;

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Qu'en vain l'on objecte que ce désistement n'aurait pas été signé par tous les individus qui y figurent; que l'art. 402 du Code de procédure n'exige la signature des parties ou de leurs mandataires que lorsque le désistement a lieu par de simples actes; mais que la faculté accordée par cet article, d'opérer le désistement dans une forme spéciale, ne prive pas l'appelant du droit de faire le désistement par des actes ordinaires; qu'il importe peu pour la validité de ces derniers actes qu'ils soient ou non revêtus de la signature des parties, puisque l'officier ministériel qui les signifie est un mandataire forcé, qui a reçu de la loi un pouvoir suffisant à cet égard; Attendu, au surplus, que le désistement dont il s'agit a été signé par Tournan fils, tant en son nom que pour ses co-intéressés; que ceux-ci ont ratifié le mandat par une exécution pleine et entière du désistement; Attendu qu'aux termes du procès-verbal d'adjudication de 1817, les poursuites faites contre l'un des adjudicataires pourraient être opposées à tous; que le désistement dont il s'agit fut accepté, et que, sur la foi de ce désistement, Laforgue continua les poursuites; Attendu que le jugement du 18 juin 1829 ayant acquis l'autorité de la chose souverainement jugée, il est inutile d'examiner les moyens de nullité proposés contre la procédure antérieure à l'adjudication préparatoire; - Attendu, en ce qui touche le jugement du 3 juin 1830, qui a fixé le jour de l'adjudication définitive, que ce jugement a été notifié le 10 du même mois, et que dès-lors l'appel en a été interjeté tardivement; — Attendu que le jugement du 3 juin 1830 ne pouvant être attaqué par la voie de l'appel, pouvait l'être bien moins par la voie de l'opposition, puisque cette voie est interdite en cette matière; que, dans tous les cas, l'opposition n'ayant pas été formée dans les délais voulus par la loi, le jugement du 28 juin 1830 l'avait écartée avec juste raison;-Déclare n'y avoir lieu de statuer, tant sur l'appel du 1er juillet 1830 que sur celui du 9 juillet 1829, envers le jugement d'adjudication préparatoire du 18 juin 1829; déclare l'appel du 1er juillet 1830 irrecevable envers le jugement du 3 juin 1830; ce faisant, a demis et démet les parties d'Amalvy (les Tournan) dudit appel envers le jugement du 28 juin 1830.

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Du 3 fév. 1832. 3e chambre civ.

Voici comment est conçu le deuxième arrêt de la Cour, rendu spécialement sur l'appel du 1er juillet 1830, qui, selon les fol-enchérisseurs, aurait dû surseoir à l'adjudication définitive, au lieu d'ordonner qu'il y fût passé outre, parce que l'appel dirigé contre

les jugemens des 3 et 28 juin 1830, fixant le jour de cette adjudication, était suspensif.

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ARRÊT.

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La Cour; Attendu qu'au moyen des désistemens des 13 juillet et 8 août 1829, aucun appel de ce jugement n'existait lẻ 1er juillet 1830; que néanmoins la demande en sursis, formée devant le tribunal de première instance, quelques instans avant l'adjudication définitive, ne fut motivée que sur l'appel du 9 juillet 1829; qu'il ne fut fait à cette audience aucune mention de l'appel des jugemens des 3 et 23 juin 1830, et qu'ainsi les pre miers juges ont été fondés à passer outre, puisque l'existence matérielle d'aucun appel n'était établie; Attendu que l'état. matériel, du visa du greffier, apposé sur l'exploit d'appel du 1er juillet, 1830, ne permet pas à la Cour de regarder comme certain que le greffier ait apposé sa signature à ce visa, ou que du moins on ait voulu la laisser subsister; Attendu, d'ailleurs, que la Cour ayant déjà reconnu que les jugemens des 18 juin 1829 et 3 juin 1830 avaient acquis l'autorité de la chose jugée avant le 1 juillet 1830, et que celui du 28 juin n'inférait aucun grief, puisqu'il ne jugeait rien, le tribunal aurait pu agir en exécution desdits jugemens et prononcer l'adjudication définitive sans porter atteinte à l'autorité de la Cour:-Démet les parties d'Amalyy de l'appel par elles relevé envers le jugement du 1 juillet 1830. Du 3 fév. 1832. - 3° ch. civ.

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OBSERVATIONS.

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- Au lieu de développer les moyens que les parties ont invo qués dans cette cause, nous avons cru devoir nous borner à indiquer les faits nécessaires pour l'intelligence des arrêts auxquels elle a donné lieu, et rapporter ici une consultation de MM. Décamps, Romiguières et Carles, en faveur des intimés Cette consultation contient tout ce qui a été dit tant pour ceuxci que pour les appelans, et elle a servi de base aux deux décisions de la Cour royale, sur lesquelles elle nous dispense de toute observation. La voici en entier :

Pour apprécier, disent ces jurisconsultes, la difficulté soulevée par les appelans, il faut examiner d'abord quelle décision doit être portée sur ces appels divers. A l'égard de l'appel envers le jugement du 18 juin 1829, deux moyens péremptoires sont proposés par le sieur Laforgue devant la Cour. En premier lieu, les appelans s'en sont désistés. En second lieu, l'assignation notifiée le 1er juillet 1830, en supposant qu'on pût› la considérer comme un appel, était tardivement donnée. Cette première proposition n'a pas besoin de développement. Le première demande quelques observations; car on prétend que le désistement est nul vis-à-vis des parties qui n'ont pas signé l'acte; de l'autre, que le désistement du 13 juillet n'a pas été accepté.

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Il suffit de faire observer, sur la première de ces objections, que l'art. 402 C.P.C. ne reçoit son application qu'à l'égard du désistement signifié d'avoué à avoué. Le texte en doit être rappelé :- Le désistement peut être fait et accepté par de simples actes signés des parties ou de leurs manda » taires, et signifiés d'avoué avoué. » Quelle est la disposition principale de cet article? il accorde la faculté de faire un désistement par un simple acte signifié d'avoué à avoué. Voilà la disposition. A l'exercice de cette faculté, il impose certaines formalités : la signature des parties ou de leurs mandataires. Mais la loi n'enlève point le droit de faire des désistemens par des actes ordinaires; on peut dire, au contraire, qu'elle confirme ce droit, en disposant pour le désistement par simple acte, à titre de faculté. — Or, pour les actes non simples, qu'on nous passe l'expression, l'art. 402 ne dispose rien ; il les laisse donc dans le droit commun. Cela posé, la difficulté n'en est plus une pas de disposition, en effet, qui ordonne que la signature des parties sera apposée à l'acte extrajudiciaire portant désistement. Cette différence s'explique parfaitement par l'inapplicabilité aux actes extrajudiciaires des motifs qui font exiger la signature des parties pour le désistement par sintple acte, signifié d'avoué à avoué.

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Qu'est-ce, en effet, qu'un avoué constitué dans une instance? c'est le mandataire de sa partie pour agir conséquemment à l'instance dans laquelle il la représente, procurator ad litem. — En faisant un désistement, il agit contradictoirement à son mandat; il ne pent donc représenter alors ses parties qu'en vertu d'un mandat ad hoc, attesté par leur signature, ou un pouvoir qui l'autorise à signer comme leur mandataire. L'huissier, au con-. traire, est, pour chaque acte qu'il notifie, mandataire spécial, procurator ad rem. Il y a bien des actes sans doute pour lesquels il a besoin d'un pouvoir spécial; mais l'acte n'est pas nul pour ne pas porter avec lui la preuve du pouvoir; et si ce pouvoir n'existe pas, le droit de le désavouer est ouvert à celui qui souffrirait de l'acte qui a été notifié en leur nom : c'est l'objet de l'art. 352 C.P.C. qui déclare « qu'aucunes offres, aveux ou consentemens ne » pourront être faits, donnés ou acceptés, sans un pouvoir spécial, à peine » de désaveu. » — Mais si on ne désavoue pas l'huissier, l'acte reste dans toute sa force, en vertu de la présomption légale du pouvoir donné à l'officier ministériel, mandataire forcé pour de pareils actes.

Quant au moyen pris de la non-acceptation du désistement, il est puéril. L'acceptation résulterait des actes échangés et de la procédure contradictoire qui a eu lieu avant le 1er juillet, jour auquel on a voulů faire reviser l'appel. - Mais le désistement d'un appel, fait surtout alors que l'instance n'était pas encore devenue contradictoire, n'a pas besoin d'acceptation. Comme le désistement d'appel n'est que le consentement à l'exécution du jugement, il est considéré comme un acquiescement, et l'acquiescement n'a pas besoin d'être accepté. — Enfin, celui qui poursuit l'exécution des jugemens, a évidemment accepté à l'avance le conser tement de son adversaire à ce que le jugement soit exécuté. On peut consulter à cet égard M. Merlin (Voy. Désistement).

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» Si le désistement est valable, il n'y a pas lieu à statuer sur l'appel. Telle doit être évidemment la décision de la Cour. Les termes sont importans ici, parce qu'ils déterminent le caractère de la décision. - Quelle décision doit être portée sur l'appel envers le jugement du 3 juin et celui du 28 juin? Le premier de ces jugemens fixe le jour de l'adjudication

définitive au fer juillet.-Le second rejette l'opposition envers le prémier. Tout incident postérieur à l'adjudication préparatoire rentre, pour les délais de l'appel, dans la disposition de l'art. 736. C'est un point qui paraft n'avoir pas été contesté.` - Le jugement du 28 juin a donc été attaqué hors des délais. Sur celui-là donc, décision qui rejettera l'appel comme fait hors des délais.

A l'égard de l'appel envers le jugement du 28 juin, qui rejette l'opposi tion, s'il est dans les délais, la Cour doit le confirmer, c'est-à-dire que l'opposition était rejetable. Il est essentiel de recueillir les résultats de ces ré ́flexions. — i Il n'y a pas lieu à statuer sur l'appel envers le jugement du 28 juin; 2o l'appel envers le jugement du 3 juin 1830 est tardif; 3o démis d'appel à l'égard du jugement du 28 juin.

Maintenant nous pouvons, avec fruit, nous livrer à l'examen de la difficulté relative à la violation de l'art. 457 C. P. C.

» Le tribunal de Saint-Gaudens a-t-il pu passer à l'adjudication définitive, malgré ces divers appels? Pour la négative, on dit que, dans les matières ordinaires, l'appel est suspensif, mais qu'il n'y a pas d'exception pour la 'procédure en saisie immobilière; qu'au contraire l'art. 2215 C. C. est plus rigoureux pour les expropriations que pour les matières ordinaires, puisqu'il veut que l'adjudication définitive ne puisse être poursuivie qu'en vertu d'un jugement passé en force de chose jugée. On ajoute que ce système trouve un appui dans un arrêt de la Cour de cassation, du 7 janvier 1818 (J. A., t. 20, p. 508, no 577), qui aurait proclamé les principes sur lesquels on se fonde précisément à l'égard de la procédure en saisie immobilière. Cette argumentation est spécieuse, mais elle n'est pas solide.

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Il faut distinguer d'abord entre les trois jugemens frappés d'appel :-Les appels envers les jugemens des 3 et 28 juin ne pouvaient, sans difficulté, arrêter l'adjudication définitive.—Le premier de ces jogemeus ne fait autre chose que fixer le jour de l'adjudication définitive. Le second rejette l'opposition envers le premier; il ne fait qu'ordonner l'exécution du premier. Or, la Cour de cassation elle-même a décidé expressément, le 14 février 1828, que « n'est pas suspensif l'appel d'un jugement qui, après divers incidens élevés sur un jugement d'adjudication prépa ratoire et irrévocablement jugés, se borne à indiquer un nouveau jour pour l'adjudication définitive. » On ne retrace ici ni l'espèce ni les motifs de l'arrêt, qu'il est trop important de connaître pour que la Cour ne le mette pas sous ses yeux.—Il ne faut pas qu'on insiste pour faire remarquer que les incidens antérieurs à l'adjudication préparatoire avaien t été irrévocablement jugés; cette circonstance ne peut être d'aucune influence particulière; il y avait appel contre le jugement qui fixait le jour de l'adjudication définitive, et cependant la Cour décidé qu'on a pu passer outre à cette adjudication.

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En est-il autrement de l'appel envers le jugement du 18 juin? Cet appel a-t-il dû avoir son effet suspensif? Qu'on y prenne garde; nous avons démontré que la Cour devait déclarer qu'il n'y avait lieu, vu le désistement, à statuer sur l'appel, — La Cour n'aura donc point à s'occuper du fond; elle n'aura point eu à apprécier le mérite de la décision des premiers juges. Une pareille décision de la part de la Cour déclare évidemment que l'appel n'existait plus légalement au moment où l'adjudi

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