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du front en particulier d'Arras, de Soissons, de Reims - où l'autorité civile, en raison des bombardements incessants et de la réduction considérable de la population, ne pouvait et ne voulait plus l'assurer.

Dans ces villes, l'autorité militaire a procédé à l'entretien constant du réseau et des réservoirs et à la réparation immédiate des avaries y survenant; à Arras et Soissons, elle a doublé les usines existantes, fréquemment atteintes par les obus, par des groupes de secours sous abris blindés. Grâce à ces mesures, grâce au dévouement et au courage du personnel, le Service des eaux n'a jamais cessé de fonctionner parfaitement dans ces villes (sauf à Reims, où, pour raisons militaires, il a été volontairement arrêté depuis le 15 juin 1918 jusqu'au dégagement complet de la ville), même après les plus violents bombardements, et d'assurer largement (à Arras jusqu'à raison de 6.000 mc. par jour), non seulement l'alimentation de la population civile et des troupes, mais encore l'eau nécessaire à l'extinction des nombreux incendies.

2o GUERRE DE MOUVEMENT

Au cours de la guerre de mouvement, c'est-à-dire lors du premier repli allemand en mars 1917, et surtout à partir du 18 juillet 1918, le rôle du Service des eaux fut évidemment tout différent.

Pendant cette période, le problème que ce service avait à résoudre variait considérablement d'un jour à l'autre et d'une armée à l'autre.

Lorsque la progression était lente et coupée de temps d'arrêts, on pouvait, presque comme dans la guerre de position, entreprendre des travaux d'une certaine importance, créer à chaque bond en avant des points d'eau, des abreuvoirs, à proximité du front nouveau ; si elle devenait plus rapide, on s'efforçait encore de la suivre, mais en réalisant des installations plus sommaires, en renonçant à abriter les moteurs, à améliorer les captages; s; elle s'accélérait encore, il fallait combiner avec l'exécution des travaux l'organisation de transports d'eau par convois automo

biles, qui devaient parfois se charger très loin à l'arrière et effectuer de longs parcours.

En même temps que s'effectuaient ces travaux et ces transports, des équipes détachées dans les corps d'armée, progressant avec eux et munies chacune du matériel nécessaire, procédaient dans le moindre délai au curage et éventuellement à l'aménagement de quelques puits ou sources rencontrés dans les villages successivement libérés.

De plus, dès qu'une localité pourvue d'une distribution d'eau se trouvait délivrée, le Service des eaux prenait immédiatement les mesures nécessaires pour y rétablir le service, en attendant le retour des autorités civiles ou pour aider celles-ci à le rétablir. C'est ainsi que, pour parler seulement des villes les plus importantes, il a successivement réparé et remis en service les distributions d'eau de Château-Thierry, Soissons, Laon, Noyon, Reims, Douai, Mézières, etc. (1).

TRANSPORTS D'EAU

Quelque nombreux que fussent les points d'eau créés, il fallait, pour amener cette eau jusqu'au consommateur, en organiser et en réglementer le transport et cela aussi bien pour la période de stationnement que pendant le combat et la progression.

A cet effet, il convenait d'abord de doter toutes les unités, jusqu'aux plus petites, de voitures ad hoc; ce fut l'objet d'une décision prise sur la proposition de l'Inspecteur général du Service des Eaux, dès le 24 juin 1915, et qui prescrivit la création

chaque

(1) Le Service des eaux s'est toujours préoccupé de réaliser fois qu'il l'a pu des travaux présentant, en plus de leur utilité militaire immédiate, un intérêt pour l'après-guerre.

Pour une grande partie, ceux-ci auront donc pour résultat, si on les met à la disposition des communes, d'améliorer sensiblement leurs conditions d'alimentation en eau, et par suite, l'hygiène des populations.

Aussi venons-nous de faire émettre successivement par le Congrès international d'hygiène, puis par l'Association générale des Hygiénistes et Techniciens municipaux le vœu que «ces installations soient laissées gratuitement à toutes les communes qui en feront la demande ».

« d'un convoi d'eau comprenant pour chaque bataillon d'infan terie ou unité équivalente deux voitures aménagées pour porter chacune 500 à 600 litres d'eau ». C'est à l'aide de ces voitures. que s'opérait le transport depuis le poste de chargement jusqu'à un point aussi voisin que possible de la troupe.

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De ce dernier point jusqu'à l'homme, l'eau était alors transportée soit par des corvées à l'aide de récipients spéciaux dont les corps étaient abondamment dotés avant chaque opération soit dans des tonnelets par des mulets de bàt ou des ânes dont l'emploi était particulièrement répandu dans les Vosges ou dans les zones très bombardées où ce procédé permettait de réduire sensiblement les pertes.

De plus, sur les fronts offensifs, ou pendant la guerre de mouvement, c'est-à-dire lorsque les points d'eau importants se trouvaient trop à l'arrière pour que les voitures de bataillon puissent aller s'y charger, l'on affectait aux armées un certain nombre de camions automobiles équipés pour assurer le transport depuis ces points d'eau d'arrière jusqu'aux voitures de bataillon. Ces camions étaient d'abord armés chacun de trois demi-muids, leur capacité était donc de 1.800 litres; ils furent ensuite munis de réservoirs métalliques, ce qui porta leur capacité à 3.000 litres.

Enfin, il pouvait être encore, en cas de besoin, affecté aux Armées d'autres moyens de transport d'eau plus importants, bateaux-citernes et wagons-citernes, mais il n'en a été fait emploi qu'au cours de l'offensive de juillet 1917 dans les Flandres.

STERILISATION DE L'EAU

Si le Service des eaux était chargé des travaux concernant la fourniture de l'eau, tout ce qui concerne la qualité de l'eau était au contraire dans les attributions du Service de santé.

Le Service des eaux ne pouvait cependant pas se désintéresser de ces questions et, en fait, un contact étroit existait entre les représentants des deux services.

Dans certaines armées, le Service de santé avait même affecté, à chaque secteur de Service d'eau, un pharmacien chimiste res

ponsable de la qualité des eaux dans l'étendue du secteur, comme l'officier du Service des eaux l'était de la quantité.

Aussi nous semble-t-il logique, en terminant cette notice, de donner quelques indications sur les mesures prises pour assurer l'épuration des eaux.

Et tout d'abord, il a été posé en principe, dès le début des hostilités, que toutes les eaux de boisson devaient être systématiquement stérilisées; des instructions de détail ont été, à maintes reprises, données par le Service de santé, indiquant les divers procédés permettant d'assurer cette stérilisation.

Parmi ceux-ci, celui qui a été le plus généralement utilisé et qui, toujours, a donné d'excellents résultats, lorsque les règles qui en fixaient l'emploi ont été observées, est le procédé d'épuration par l'hypochlorite de soude (javélisation) (1).

C'est ce procédé, en particulier, qui a été employé uniquement dans les villes de la zone des Armées, où la qualité des eaux était douteuse, comme Thann, Lunéville, Verdun, Clermont-enArgonne, Compiègne, Creil, etc.

C'est lui qui a été appliqué par le Service des eaux, sous forme de javélisation automatique, à tous les postes de chargement qu'il a installés et dont les eaux étaient suspectes.

C'est à lui enfin qu'on a eu recours dans la construction des voitures-filtres et des bateaux-filtres dont les Armées avaient été dotées (2) et qui permettaient l'utilisation par les troupes, après dégrossissage et épuration par le chlore, d'eaux naturellement troubles et polluées et en particulier de l'eau des canaux et rivières.

Pour assurer le contrôle de la qualité des eaux, le Service de santé disposait :

d'un Laboratoire de bactériologie et de chimie par armée,

(1) Le même procédé d'ailleurs était également en usage dans l'Armée britannique et dans l'Armée américaine, qui pourtant avaient recours l'une et l'autre plutôt qu'à l'hypochlorite de soude à l'hypochlorite de chaux ou au chlore liquide.

(2) En particulier, 120 voitures-filtres ont été offertes à l'Armée par le Touring-Club de France sur le produit de la « Journée du 75 ».

chargé de procéder, en liaison avec le Service des eaux, à l'analyse détaillée des différents points d'eau au fur et à mesure de leur création, à l'apposition de pancartes indiquant si ces eaux étaient potables, suspectes ou polluées et, éventuellement, à la détermination du taux de stérilisation à adopter,

et de Laboratoires de toxicologie de corps ou divisionnaires, chargés d'une part de procéder à la recherche des produits toxiques dans les eaux des villages repris à l'ennemi, de l'autre de s'assurer par une analyse rapide que ces eaux n'étaient pas chimiquement impropres à l'alimentation et éventuellement d'en proscrire l'emploi.

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