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Malheureusement, le réseau des voies navigables et des canaux n'est pas assez dense pour desservir toutes les routes, et certains canaux étaient rendus inutilisables par l'ennemi. Des transbordements sur wagons furent donc nécessaires. A cet effet, des ports de raccordement ont été créés de toutes pièces à Rieux, près Creil, sur l'Oise; à Pontl'Évêque et Abbécourt, sur le canal latéral à l'Oise; à Vauxrot, près Soissons, sur l'Aisne; à Vitry-le-François, sur le canal de la Marne au Rhin; à Nomexy, sur le canal de l'Est. Les ports existant à Toul, Girancourt, Bar-le-Duc, Montreux, etc..., furent mis à profit, et l'outillage de certains d'entre eux développé pour être mis en rapport avec l'importance nouvelle de leur trafic.

Il est juste de rendre ici hommage au concours empressé que le service de l'exploitation militaire des voies navigables et les compagnies de mariniers militaires placées sous ses ordres n'ont cessé de prodiguer au service des routes; une étroite et cordiale collaboration, dans un même bureau, facilitait aux représentants des deux services au G. Q. G. le règlement des affaires communes et a contribué, dans une large mesure, aux heureux résultats obtenus.

Le tornage des matériaux d'empierrement dont le transport a été effectué dans la zone des armées par les compagnies de mariniers militaires a suivi une progression constante :

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Le rôle joué par les voies navigables a été particulièrement important dans le Nord, pendant toute la durée de la guerre, et sur la Somme, pendant les opérations de 1916. Dans cette dernière circonstance, l'unique antenne dont disposaient les chemins de fer vers Braye-sur-Somme et Maricourt était incapable de débiter tout le trafic correspondant aux divisions massées sur un front de quelques kilomètres. La rivière de Somme, qui n'était guère navigable que de nom avant la guerre, vit du jour au lendemain ses écluses soumises à un travail ininterrompu. Elle rendit notamment des services inappréciables pour les transports de cailloux qui, contrairement à ce qui se passait en général, étaient transbordés de wagon sur bateau, dans un port créé à la Motte-Brebière près d'Amiens, pour être poussés le plus en avant possible, d'abord jusqu'à Frise, puis à Cappy et à Feuillères.

Comme pour les chemins de fer, nous signalerons l'intérêt qu'il y Ann. des P. et Ch., MEMOIRES, 1919-V.

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aurait eu à disposer de péniches spécialisées et aménagées pour ce genre de transport.

Au début de la guerre, un tonnage appréciable de cailloux put être transporté par mer des ports de Bretagne et de Normandie à destination de Boulogne, de Calais et surtout de Dunkerque. Nous eûmes le malheur de perdre plusieurs navires, victimes de la guerre sous

marine.

Dix-sept bateaux, représentant un tonnage total de 16.600 tonnes, ont été torpillés ou coulés par des mines sous-marines. Parmi les principaux on peut citer: Lakmé (4.200 tonnes), Ville-de-Lille (1.100 tonnes), Général-Archinard (1.880 tonnes), Dunkerquois (3.000 tonnes), Henri-Elisa (1.150 tonnes).

Bientôt la crise du fret obligea à restreindre et à supprimer intégralement ces apports, qui étaient cependant bien utiles à la région du Nord, complètement déshéritée au point de vue des matériaux d'empierrement.

M. Lorieux décrit les principales exploitations créées en France pour l'approvisionnement des matériaux nécessaires.

Des carrières ont été ouvertes dans la région voisine du front, d'autres ont été organisées dans la plupart des régions de l'intérieur, notamment dans le Plateau Central, en Bretagne et dans le département de la Manche. Les canaux ont rendu de grands services pour les transports à longue distance, notamment le canal de la Marne à la Saône ; des ports d'embarquement ont été créés à cet effet. M. Lorieux donne dans une annexe l'énumération des différentes carrières exploitées pendant la guerre.

Bataille de l'Yser.

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Nos premiers souvenirs de routes défoncées et combien défoncées - remontent à l'automne 1914, époque de la fameuse course à la mer et des sanglantes batailles de l'Yser. Pour arrêter l'ennemi, Français, Anglais et Belges avaient concentré tout ce qui pouvait tenir de divisions dans l'étroit secteur de Dixmude à Nieuport. Le temps était exceptionnellement pluvieux, et, dans ce pays du Nord, absolument plat, sillonné de fossés et de canaux, le niveau des eaux atteignait sensiblement celui des chaussées.

Constituées par une bande centrale pavée, de 3 mètres à 3 m. 50 de largeur, sans bordures, et par deux accotements en terre, les routes

belges se prêtaient mal à une circulation exigeant plusieurs courants; en quelques jours, les accotements furent réduits à l'état de fondrières, et malheur à l'automobile dont une roue quittait le pavage. Bientôt,, d'ailleurs, les rangées extérieures de pavés se déversèrent dans la boue et la piste pavée devint de plus en plus étroite.

Comme matériaux, aucune ressource locale et impossibilité d'en faire venir par les chemins de fer à voie étroite dont le matériel roulant était, pour la majeure partie, aux mains de l'ennemi.

La brique fut, dans la circonstance, le salut tout ce que les briqueteries du voisinage avaient comme réserves a été enfoui dans les accotements des chemins et, quand cela ne suffisait pas, on démolissait les murs de clôture.

Puis l'on eut recours aux vieilles traverses de chemins de fer, tantôt comme longrines contrebutant latéralement le pavage, tantôt comme fondation de la couche de briques cassées sur l'accotement. Fascines, claies, branches d'arbres, tout servit pour assurer tant bien que mal la circulation des convois.

Heureusement qu'à cette époque les transports hippomobiles formaient encore la majorité et que les pièces d'artillerie lourde à tracteur étaient encore inconnues.

Batailles de Champagne.

Quelques semaines plus tard, en février 1915, ce fut la Champagne qui fut le théâtre d'un drame routier; le chef du service des routes de la 4 armée, le lieutenant-colonel Suquet, en a certainement conservé le souvenir.

Il avait fait assez longtemps froid pour que le gel ait atteint le sous-sol des chaussées empierrées. L'attention de l'état-major avait bien été appelée sur les phénomenes qui se produisaient, dans un terrain crayeux, au moment du dégel, mais ce sont de ces choses auxquelles même les techniciens de la route ne croient que lorsqu'ils les ont vues.

Comment d'ailleurs convaincre l'armée qu'il fallait, de toute nécessité, suspendre les ravitaillements pendant plusieurs jours, sous peine d'une catastrophe ? Aussi la catastrophe se produisit; les convois de R.V.F. et beaucoup d'autres furent en quelques instants cloués sur place, étant entrés jusqu'au moyeu dans la chaussée transformée en lait de chaux.

A quelque chose malheur est bon après cet événement, le service des routes eut moins besoin d'insister auprès des états-majors pour la mise en vigueur des consignes sur les barrières de dégel et la distri

bution aux troupes des vivres dits de dégel, pendant les mois critiques, dans les secteurs où les conséquences du dégel étaient les plus redoutables.

Néanmoins, malgré ces précautions, le dégel nous joua deux vilains tours une première fois, de nouveau en Champagne, les Allemands ayant choisi à dessein peut-être ce jour-là pour faire une sérieuse attaque qui obligea le commandement à envoyer, coûte que coûte, des renforts; plus de 30 kilomètres de chaussée furent de ce fait bouleversés de fond en comble.

La seconde fois fut plus grave: c'est au moment de la concentration des troupes pour l'offensive du 16 avril 1917 sur l'Aisne.

Bataille de Verdun.

Dégel dans un cas, pluie dans l'autre, mauvais sous-sol, défaut absolu de ressources locales en matériaux, il y avait toujours quelque chose sur le théâtre des grandes opérations qui venait compliquer le problème de la route.

A Verdun, il y eut de tout: neige, dégel et pluie, pendant la dernière semaine de février 1916, tout mars et tout avril. La situation fut vraiment tragique.

La ligne de chemin de fer de Lérouville à Verdun était coupée par la poche de Saint-Mihiel; celle de Sainte-Menehould à Verdun était sous le feu et ne pouvait servir qu'au passage de quelques rares trains de nuit; il ne restait, comme voie ferrée, reliant Verdun à l'arrière, que le Meusien, chemin de fer à voie unique d'un mètre, de mauvais profil et doté d'un matériel roulant très restreint.

Saint-Dizier et Bar-le-Duc devinrent, du jour au lendemain, les gares de ravitaillement de deux formidables armées, en même temps que toutes les gares de la ligne Revigny à Sainte-Menehould servaient au débarquement des troupes. Enfin, au fur et à mesure de leurs relèves, les divisions étaient ramenées au repos dans les cantonnements de la vallée de la Saulx, au sud de la ligne Revigny - Bar-le-Duc; les évacuations de blessés se faisaient sur Bar-le-Duc.

Donc, au point de vue routier, deux courants bien distincts: celui, nord-sud, des camions de transport de personnel, de ravitaillement en vivres, munitions et matériel de génie; l'autre, ouest-est, de l'artillerie et des convois administratifs.

Comme artère nord-sud, aucune route nationale, puisque la route 64 de Commercy à Verdun était interceptée par les Allemands à SaintMihiel; de Saint-Dizier à Bar-le-Duc, un chemin de grande communication 11 bis présentant quelques passages difficiles, puis la traversée, de part en part, de la ville de Bar, et au delà une succession de che

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Schéma des voies de commnications sur le front de Verdun en 1916.

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