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Membre de la Commission du freinage continu des trains de marchandises, Goupil a présenté des rapports très documentés sur les réactions auxquelles ce mode de freinage donne lieu dans les trains de grande longueur.

Hier encore, il était rapporteur de la Commission chargée d'assurer enfin la répétition des signaux sur les machines et il consacrait ses derniers efforts à la rédaction d'un lumineux rapport dont il faisait adopter les conclusions.

Dans toutes ses études, Goupil a su déployer ses éminentes qualités scientifiques et techniques, une érudition et une puissance de travail hors de pair.

Toutes ces belles qualités, ce n'est pas dans votre seul Comité que j'ai eu à les apprécier. Goupil était depuis de longues années la cheville ouvrière de la Commission des Annales des Ponts et Chaussées, où j'ai pu, comme Président, admirer son inlassable labeur. Il passait la majeure partie de son temps à notre riche bibliothèque de l'École nationale des Ponts et Chaussées, et là, il lisait tout, il étudiait tout, dans les ordres les plus divers et dans toutes les langues. Pas un numéro de nos Annales qui ne contînt de nombreuses notes-souvent très développées et du plus grand intérêt. Là aussi, sa disparition sera douloureusement ressentie.

Messieurs, Goupil a été un grand praticien, un grand savant, un admirable érudit, c'était un puissant cerveau et un noble cœur. Je ne lui savais qu'un défaut : une modestie exagérée.

Que sa veuve désolée, que la belle famille qu'il a su fonder, veuillent bien recevoir l'assurance de la part que nous prenons à leur grande douleur ! Je puis leur certifier que dans notre Assemblée, Goupil avait l'estime et l'amitié de tous.

N° 20

NOTICE NÉCROLOGIQUE

SUR

M. LÉON BOREUX

INSPECTEUR GÉNÉRAL DES PONTS ET CHAUSSÉES

Par MM. PETSCHE et MAZEROLLE,

Ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées.

Le corps des Ponts et Chaussées vient de perdre en M. Léon Boreux l'un de ses chefs les plus éminents et les plus respectés. Né à Vienne (Isère) le 11 avril 1843, reçu à l'École polytech

LEON BOREUX (1813-1918)

nique à 17 ans, en 1860, élève
ingénieur des Ponts et Chaus-
sées le 28 août 1862, M. Bo-
reux, après une mission en
Angleterre, débuta en 1866
comme ingénieur ordinaire à
Saint-Lô où il fut chargé de
l'arrondissement de l'est du
département de la Manche;
il ne resta d'ailleurs que trois
années dans ce premier poste
où il avait pu se familiariser
avec les travaux de la pra-
tique courante des divers ser-
vices ordinaire, hydrauli-
que, navigation et ports mari-
times
qui lui étaient
confiés. En 1869, il était dé-

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signé pour un poste à Caen, ville où devait s'écouler la première

partie de sa carrière, tant comme ingénieur ordinaire (1869-1882) que comme ingénieur en chef (1882-1889). Au cours de ces vingt années consacrées aux routes, aux chemins de fer et aux ports maritimes du Calvados, on peut noter parmi les travaux qu'il exécuta ou dirigea: l'assainissement des marais de la Dives, la régularisation de l'Orne, l'approfondissement du canal de Caen à la mer, la construction des chemins de fer de Caen à Dozulé, de Dives à Deauville, de Pont-Audemer à Quetteville, de Vire à Caen, et de nombreux travaux d'amélioration dans les ports de Caen, Honfleur et Trouville, suivant le grand programme de Freycinet.

Ses hautes qualités techniques et morales, notamment sa clarté d'esprit, son ardeur infatigable, sa bienveillance et son aménité qui créaient autour de lui une atmosphère de respectueuse estime et de dévouement lui avaient valu une flatteuse réputation et l'avaient signalé à l'attention de l'éminent Directeur des Travaux de Paris, M. Alphand.

Un poste d'ingénieur en chef de division au Service de la Voie publique et des Promenades de Paris étant devenu vacant à la suite de remaniements entraînés par la mort de M. l'Ingénieur en chef Allard, en 1889, M. Boreux fut appelé à remplir cet emploi qui l'introduisait au service des Travaux de Paris où devait s'achever la seconde partie de sa carrière.

La mort de M. Alphand, en 1892, amena une transformation profonde dans l'organisation des Services de Paris et du département de la Seine. Les nombreuses attributions qui avaient été réunies entre ses mains (Travaux du département et de Paris, Beaux-Arts et Travaux historiques, Concessions, Architecture, Éclairage, Promenades et Plantations, Hygiène et Salubrité des habitations) et qui faisaient de lui le « Préfet des Travaux », furent réparties entre diverses directions départementales ou municipales. La Direction des Travaux de Paris ne devait plus comporter que deux grands services d'Ingénieurs en chef, celui de la Voie publique et celui des Eaux et Égouts. M. Boreux fut à ce moment (1er août 1892) nommé ingénieur en chef de la Voie publique. Quelques années plus tard (5 juin 1897), il réunissait

à ces attributions elles du Service de l'Éclairage et des Plantations (1), dont' as urait déjà l'intérim depuis deux années.

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Retracer l'uva feconde de M. Boreux pendant la période de vingt-deux as 1839 à 1911) où il remplit ses importantes fonctions, stare l'historique de la voirie de Paris et de ses transformas; le cadre restreint de la présente notice permettrait à pome une brève et sèche énumération; bornons-nous à rappeler les grandes opérations de viabilité telles que l'Avenue de in République, les avenues Niel et Mac-Mahon, la rue Réaur, la rue de la Convention, les rues Dante et Danton, le bouevard Raspail, l'ouverture des portes Malakoff et Pouchet, les transformations successives des tramways parisiens qui abandonnent les rails du type Loubat (voie américaine) pour adopter la voie Marsillon, puis le rail à patin, et enfin le caniveau électrique; le prolongement des chemins de fer de Sceaux jusqu'à la Sorbonne, d'Orléans jusqu'au quai d'Orsay, et des Moulineaux jusqu'aux Invalides, les transformations des abords de la gare de Lyon; le développement des secteurs électriques parisiens et leur fusion en une société unique, la généralisation de l'éclairage au gaz par l'incandescence (becs Auer), les réfections entraînées par la construction du chemin de fer métropolitain, le contrôle municipal de la construction du chemin de fer souterrain Nord-Sud; les travaux de viabilité consécutifs à l'Exposition universelle de 1900; l'extension du pavage en bois et la fabrication en régie des pavés de bois; l'application de la traction mécanique aux engins de nettoiement; l'organisation des usines de traitement des ordures ménagères; les études entraînées par les inondations de 1910, etc.

Officier de la Légion d'honneur depuis 1891, promu Inspecteur général de 2o classe le 1er mars 1899 et de 1re classe le 1er avril 1905, M. Boreux était devenu le doyen des Ingénieurs municipaux; il avait acquis sans conteste la prééminence morale à

(1) En 1897, le Service de l'Éclairage, des Promenades et des Plantations fut rattaché pour partie (Éclairage et Plantations d'alignement) à la Direction des travaux, Service de la Voie publique et pour le surplus (Promenades et Plantations) à la Direction d'architecture.

laquelle lui donnait droit l'éclat des services rendus, mais que les circonstances administratives ne permirent pas de consacrer pa▾ un titre officiel, la « Direction des Travaux » limitée à un tion administrative n'ayant plus désormais été confiée Ingénieurs.

La tâche écrasante à laquelle M. Boreux devait faire peut être caractérisée par le montant annuel des dépenses de. service qui ne s'élevait pas à moins de 47 millions en 1911 époque de son départ (1 novembre 1911) dont-en chiffres ronds 18 millions pour l'entretien et les travaux neufs de chaussées, 18 millions pour le nettoiement et 11 millions pour l'éclairage et les plantations. Mais ces chiffres, si élevés qu'ils soient, ne donnent encore qu'une faible idée de la somme de travail considérable exigée d'un chef de service appelé par le contrôle incessant de l'Assemblée municipale à connaître tous les détails et à suivre toutes les affaires par le menu. Ce rôle qui, au travers des difficultés budgétaires et politiques, était parfois ingrat et où les efforts les plus dignes de respect risquaient de ne pas être toujours appréciés à leur valeur réelle, M. Boreux le remplissait avec une inlassable patience et une égalité de caractère qui raffermissaient le courage de ses collaborateurs et forçaient l'estime de tous.

Atteint par la retraite le 1er février 1912, les dernières années de sa vie s'écoulèrent au milieu de l'affection des siens; il s'éteignit doucement à Châteaurenault, le 28 octobre 1918.

Sa belle vie, toute d'honneur et de devoir, exclusivement consacrée au bien de l'État, a été un exemple fécond et laissera des souvenirs durables et reconnaissants; elle méritait cet hommage posthume dans les Annales de notre Corps.

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