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biens composant la succession jusqu'à ce que le partage soit fait. En attendant la division, il entr'eux communauté, et non société. Rousseau de Lacombe appelle l'état de ces héritiers une société imparfaite; car, en ce cas, il n'y a pas lieu à l'action pro socio, mais seulement à l'action com muni dividundo.

Je crois que la communauté forcée qui s'établit entre divers héritiers jusqu'au partage, est un quasi-contrat qui donne naissance à des obligations pareilles à celles qui peuvent naître du contrat de société.

Prenant la société et la communauté à part comme elles doivent être prises, les distinguant par la désignation de contrat appliqué à la première, et de quasi-contrat appliqué à la seconde, nous disons que la société ne peut se former que par la volonté de deux ou plusieurs personnes, tandis que la communauté se forme souvent par le seul effet du hasard. Rejetons la première distinction que fait Pothier, mais adoptons la seconde qu'il a donnée, c'est-à-dire, ne distinguons la société et la communauté que par les désignations de contrat et de quasi-contrat.

3. Dans chaque contrat, il est des choses que les conventions ne peuvent changer, parce qu'el les sont de l'essence du contrat. Aussi tous les auteurs établissent-ils une grande distinction entre les choses qui sont de l'essence du contrat, celles

qui sont de sa nature, et celles qui lui sont accidentelles.

Ce qui est de l'essence du contrat ne peut être soumis à la volonté des parties. Il est impossible sans l'accomplissement préalable des formalités essentielles. Il est des choses qui sont essentielles à tout contrat, par exemple, le consentement des parties est de l'essence de tout contrat. Il est des choses essentielles à certains contrats seulement. Ainsi, dans la vente il faut, outre le consentement, un objet et un prix : ôtez une de ces choses il n'y a plus vente; il y aura peut-être un autre contrat; si, par exemple, on fait disparaître le prix, il n'y aura plus qu'une donation; ou bien, si on donne un autre objet en place de celui que l'on reçoit, il y a échange.

Ce qui est de la nature du contrat, peut subir des modifications par suite de conventions intervenues entre les parties contractantes.

Les choses qui sont de la nature du contrat sont celles qui résultent naturellement dans le droit commun du contrat, quand les parties ont gardé sur elles un silence absolu; mais, comme je viens de le dire, elles peuvent être supprimées par la volonté des parties. Ainsi, le code civil (art. 2114) déclare l'hypothèque indivisible de sa nature; mais cette indivisibilité, établie par la loi, disparaîtra (si les conventions la rejettent) sans que la validité de l'hypothèque puisse être contestée.

Les choses accidentelles au contrat sont celles auxquelles les conventions des parties donnent naissance. Ainsi, la faculté de rachat, celle de payer une somme à diverses époques, etc., sont accidentelles au contrat. (Voy. Pothier, Traité des obligations; M. Duranton, t. 10, p. 80. )

4. Après cette explication nécessaire pour bien apprécier tout ce qui constitue la validité légale d'une société, voyons les choses qui sont de l'essence du contrat de société.

Elles fixeront un moment notre attention; puisque toutes celles qui sont simplement naturelles ou accidentelles au contrat, se modifient ou prennent naissance par suite des conventions des parties, elles rentrent dans le domaine de l'arbitraire et exigent peu d'explication.

1o. Toute société doit être contractée pour l'intérêt commun des parties (art. 1833). Toute convention, qui donnerait à l'un des associés la totalité des bénéfices, est nulle (art. 1855).

<< Non-seulement, dit Rousseau de Lacombe, » les conveutions qui apportent inégalité entre les >> associés sont nulles, lorsqu'elles concernent le >> total de la société, mais aussi lorsqu'elles ne regardent que certaine chose particulière; ainsi » le pacte qu'un seul des associés pourra doter sa >> fille des deniers communs, est nul, parce que, » société, étant une espèce de fraternité, requiert » égalité. Mais le pacte, qu'il sera permis à tous

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» les associés de doter leurs filles, est valable, » quoiqu'il n'y ait que l'un d'eux qui ait des filles, » parce que les autres peuvent en avoir » (L. 81, ff. pro socio.)

2. Chaque associé doit apporter ou de l'argent, ou d'autres biens, ou son industrie (art. 1833).

Il est de toute nécessité que chaque associé apporte dans la société quelque chose d'appréciable. Si un individu ne participait qu'aux bénéfices de la société sans avoir apporté sa mise, sans être tenu de supporter une part dans les pertes, il n'y aurait pour lui qu'une pure donation d'une part dans les gains. Cette convention ne serait pas valable, parce que le Code rejette une donation de cette nature, comme n'étant pas faite avec les formalités prescrites.

Il n'est pas nécessaire que ce qui est apporté par chaque associé soit de même nature: il suffit que chacun apporte une mise, ne serait-ce que son industrie : societatem, dit la loi romaine, uno pecuniam conferente, alio operam, posse contrahi magis obtinuit. (L. 1, Cod. pro socio).

Si de deux associés l'un apporte de l'argent et l'autre son industrie, ils auront néanmoins des droits égaux. Mais si, à la fin de la société, il se trouve que les pertes absorbent tout l'actif, s'il ne reste plus que la somme d'argent que le premier associé a déposée, elle appartiendra tout

entière à celui qui l'a mise, et l'autre associé perdra son industrie qui était son capital. Chaque associé, en effet, doit courir en particulier le risque et le péril de la perte du capital qu'il a mis dans la société. Cependant ils ont pu stipuler, en commençant la société, que celui qui apportait son industrie reprendrait la moitié de la somme apportée par l'autre. Car on peut faire, par intérêt, toute espèce d'avantages à l'homme qui par son industrie sera peut-être l'âme de la société, la seule cause de sa prospérité.

5. Lorsque l'acte de société ne détermine point la part de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, la part de chacun est en proportion de la mise dans le fond de la société.

A l'égard de celui qui n'a apporté que son industrie, sa part dans les bénéfices ou dans les pertes est réglée comme si sa mise eût été égale à celle de l'associé (art. 1853, Cod. civ.).

Ici il s'agit du cas où le contrat de société garde le silence sur le partage des bénéfices ou sur le support des dettes. Le législateur, pour fixer la part de chacun, proportionne le bénéfice ou la perte à la mise sociale. Rien de plus équitable car si les parties n'ont pas parlé des avantages à retirer de la société, il est présumable qu'elles ont eu en vue un partage en rapport avec la mise de chacun. Ainsi, supposons que Pierre contracte société avec Paul: Paul apporte

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