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société. Les co-associés, étrangers aux obligations contractées par ce sociétaire, ne sont pas chargés des dettes qu'il a pu contracter.

49. Mais si la société, prenant en considération les talens d'un de ses membres pour le commerce, lui permet d'administrer le fonds social, de surveiller les intérêts de tous, alors elle sera tenue d'accomplir les engagemens pris par l'administrateur dans l'intérêt de l'administration. Bien plus, si la société a étendu son mandat, si elle ne borne pas son rôle à celui de simple administrateur, mais remet dans ses mains toutes ses destinées, si elle lui donne un pouvoir absolu sur tous les biens dont elle se compose, si elle lui confère le droit d'aliéner, d'hypothéquer, de transiger..., oh! alors elle sera tenue de faire honneur à tous les engagemens pris par l'homme de son choix.

50. Dans le premier cas, celui où il y a un simple administrateur, celui-ci engagera ses coassociés par toutes les obligations qu'une administration bien entendue le forcera de contracter.

Dans le second cas, celui où le gérant est armé d'une puissance absolue sur les biens de la société, les sociétaires seront tenus de satisfaire à tous les engagemens qu'il aura cru devoir prendre dans l'intérêt de la société (art. 1862 et 1864). 51. Que la société ait nommé un administra teur, qu'elle en ait nommé plusieurs, qu'elle n'en

ait

pas nommé du tout, se fiant aux lumières et à la discrétion de chacun de ses membres, peu importe: elle sera toujours contrainte de répondre aux engagemens pris, soit dans les termes du contrat, s'il y a contrat, soit conformément aux dispositions de la loi, si le pouvoir de chaque associé ne se trouve pas réglé par les clauses d'un acte constitutif.

52. Mais comment se fait entre les associés la répartition des dettes ?

En sont-ils tenus solidairement? Non, à la différence des sociétés commerciales (art. 1862). Il faut, pour qu'il y ait solidarité, qu'elle ait été expressément stipulée : elle ne se présume point (art. 1202). Le principe que les associés ne sont pas tenus solidairement, reçoit exception, lorsque la société a pour but une exploitation consistant dans un fait indivisible. Par exemple, deux individus se sont réunis pour l'exploitation d'un moulin; la nature de leur contrat les rend solidaires, parce que l'objet de leur société n'est pas susceptible d'exécution partielle. Ils se trouvent sous le coup d'une obligation indivisible, qui entraîne la solidarité quoiqu'elle n'ait pas été stipulée (art. 1222). Enfin l'article 1200 est lá pour prouver avec plus de force que souvent les associés, par la nature de leur contrat, se trouvent débiteurs solidaires, quoiqu'ils n'aient pas stipulé la solidarité. Que dit cet article 1200?

Il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le paiement fait par un seul libère les autres envers le créancier. Eh bien ! dans l'espèce, les deux associés sont tous les deux obligés pour la même chose. (Voir un arrêt de la Cour de Bruxelles, Sirey, t. 15, 2, 367.)

53. Les associés, n'étant pas soumis à la solidarité, ne sont-ils tenus que pour la part qu'ils ont dans la société, ou bien sont-ils tous tenus par égales portions à l'acquit des dettes contractées dans l'intérêt de l'association?

Ils doivent tous concourir au paiement des dettes pour une somme et part égales, encore que la part de l'un d'eux dans la société fût moindre, si l'autre n'a pas spécialement restreint l'obligation de celui-ci, sur le pied de cette dernière part (art. 1863).

La raison de cette disposition se fait facilement sentir. Le créancier est censé avoir ignoré toutes les conditions du contrat de société, toutes les formalités qui ont accompagné sa rédaction, la position des associés telle qu'elle existe dans l'acte constitutif; s'il n'a pas vu dans les associés autant de garans solidaires, il a dû présumer qu'ils devaient avoir une part égale dans les bénéfices, comme une répartition égale dans les pertes. Il faut dans ce cas appliquer les principes des obli

gations divisibles, d'après lesquels si une obligation divisible est contractée par plusieurs sans solidarité, chacun des contractans est tenu pour une part égale.

54. Si, par hasard, le créancier consentait à ne réclamer sa créance que dans la proportion des parts attribuées à chacun dans la société, je crois qu'alors la disposition de la loi pourrait ne pas être exécutée. Car elle est toute dans l'intérêt du créancier qui peut renoncer à son droit. Cuilibet licet juri in favorem suum introducto renuntiare.

55. Doit-on préférer les créanciers de la société aux créanciers particuliers des associés? En d'autres termes : les créanciers de la société doivent-ils être admis, à l'exclusion des créanciers particuliers de l'associé, à prélever le remboursement de leurs créances sur les biens de la société?

Nous avons démontré plus haut, la loi à la main, qu'un sociétaire ne pouvait sans mandat spécial obliger ses co-associés. Eh bien! cette règle expresse serait violée si les créanciers personnels de l'associé venaient en concurrence avec ceux de la société. Car l'associé est tout-à-fait étranger à la masse de la société ; celle-ci est un corps moral, intellectuel, distinct des membres qui la composent, et cette personne fictive ne participe point aux obligations individuelles des associés.

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Bien plus, le créancier n'a jamais plus de droits que son débiteur. Or, l'associé n'ayant droit de réclamer que les bénéfices résultant de la société, ne peut transmettre à son créancier que son droit à la part des bénéfices. Si on admettait le créancier personnel de l'associé à récupérer ses créances sur l'actif social, on lui accorderait plus de droits qu'on n'en accorde à l'associé son débiteur, car celui-ci n'a aucun droit à prétendre sur la masse sociale, tant que les associés n'ont pas été admis au partage. Que le créancier personnel de l'associé prenne la part de celui-ci dans les bénéfices, il en a le droit. Mais encore ne jouira-t-il de cette faculté de venir au lieu et place de son débiteur, qu'autant que tous les créanciers de la société auront reçu un paiement intégral, puisqu'il n'y a de benéfice dans une société, qu'après satisfaction complète donnée à tous ses créanciers. Lucrum non intelligitur, nisi omni damno deducto. (L. 30 ff. Pro socio.)

Conventions particulières entre un associé et un tiers.

56. Un associé peut, sans le consentement de ses co-associés, s'associer une tierce personne relativement à la part qu'il a dans la société (art. 1861).

Ce nouveau personnage est entièrement étran

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