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l'administrateur ne voit dans le pouvoir qu'elles lui procurent que la facilité d'avancer sa propre fortune, il existe alors une cause légitime de révocation (art. 1856).

40. S'il s'approprie ou recèle ce qui fait partie de la communauté, ou s'il le tourne à son usage, il commet un larcin, et il doit des dommages. intérêts à ses co-associés.

41. Quid? si l'administrateur emploie la signature sociale pour des affaires personnelles, se rend-il coupable d'un faux? Il n'y a pas là faux caractérisé, il y a seulement escroquerie. Il donnerait aux obligations, contractées par lui, une fausse cause, et ne commettrait qu'un délit de dol, fraude et simulation, simplement justiciable du tribunal correctionnel (1).

42. L'associé administrateur peut faire, nonobstant l'opposition de ses co-associés, les actes qui dépendent de son administration (art. 1856). Comme l'observe fort bien M. Delvincourt, ce mot administration comporte une plus plus grande étendue dans les sociétés commerciales, surtout dans celles en nom collectif, que dans les sociétés civiles. Ainsi, dans la société en

(1) Mais on jugerait autrement, si un des associés se servait de la signature sociale, après la dissolution de la société. Il y aurait alors un véritable faux. (Journal du Palais, 1807 t. 1, p. 145.)

nom collectif, l'associé administrateur peut vendre toutes les marchandises, il a même pouvoir pour engager ses co-associés: tandis que dans les sociétés civiles, si la clause qui lui confère l'administration est spéciale, il doit se renfermer dans les termes de la clause; si elle est générale, il n'a que la faculté d'accomplir les simples actes d'administration; il ne peut aliéner, hypothéquer les immeubles de la société, transiger, compromettre, sans le consentement de ses co-associés.

43. Il faut que cet acte de société, donnant par une clause spéciale pouvoir à un seul individu de faire tous les actes d'administration à l'exclusion de tout autre sociétaire, reçoive la publicité. Si on le tient caché, on ne pourra l'opposer par la suite aux tiers de bonne foi, et l'intérêt de la société pourra se trouver compromis. Si les associés, auxquels l'acte constitutif défend d'administrer, traitent, malgré cette prohibition, avec des tiers, ceux-ci, si l'acte de société n'a pas été rendu public, réputés avoir agi de bonne foi dans l'ignorance complète des conventions sociales, auront droit à exiger de la société l'accomplissement de l'obligation. (Arrêt de cassation. Journal du Palais, an 1830, t. 1 p. 543.)

44. Souvent, dans une société, un seul individu n'est pas chargé de l'administration. On partage cette tâche entre plusieurs sociétaires, qui, suivant les conventions, ont ou des fonctions

spéciales ou un droit égal dans toute l'administration. Lorsque l'acte de société répartit entre tous les administrateurs les fonctions qu'ils doivent remplir, c'est à lui qu'il faut se référer, c'est lui qui est la seule loi à exécuter. La volonté des parties est si bien la loi immuable, que, s'il a été stipulé que l'un des administrateurs ne pourra agir sans le concours d'un co-associé, il ne peut, sans une nouvelle convention, agir en l'absence de l'autre, lors même que celui-ci serait dans l'imposibilité actuelle de concourir aux actes de l'administration (art 1858) (1). Mais si cet acte, nommant plusieurs administrateurs, garde un silence absolu sur la nature de leurs fonctions, alors, seulement alors, on doit consulter les sages dis. positions tracées par le législateur.

Dans le cas où plusieurs administrateurs sont nommés sans une désignation spéciale de fonctions, ou sans qu'il ait été exprimé que l'un ne pourrait agir sans l'autre, ils peuvent faire chacun séparément tous les actes de l'administration (art. 1857).

45. A défaut de stipulations spéciales sur le

(1) Néanmoins, cet article, ainsi que le remarque M. Malleville, ne doit pas être appliqué trop rigoureusement: car il peut se présenter tel cas où il y a nécessité absolue d'agir pour éviter un dommage grave. Cet article ne s'entend que des cas ordinaires, des nouvelles entreprises.

mode d'administration, l'on suit les règles sui

vantes :

1o. Les associés sont censés s'être donné réciproquement le pouvoir d'administrer l'un pour l'autre. Ce que chacun fait est valable, même pour la part de ses co-associés, sans qu'il ait pris leur consentement; sauf le droit qu'ont ces derniers, ou l'un d'eux, de s'opposer à l'opération avant qu'elle soit conclue.

2o. Chaque associé peut se servir des choses appartenant à la société, pourvu qu'il les emploie à leur destination fixée par l'usage, et qu'il ne s'en serve pas contre l'intérêt de la société, ou de manière à empêcher ses associés d'en user selon leur droit.

3o. Chaque associé a le droit d'obliger ses associés à faire avec lui les dépenses qui sont nécessaires pour la conservation des choses de la société.

4°. L'un des associés ne peut faire d'innovations sur les immeubles dépendans de la société, même quand il les soutiendrait avantageuses à cette société, si les autres associés n'y consentent (art. 1859).

46. Ajoutons de suite que l'un des associés ne peut obliger ses co-associés, si ceux-ci ne lui en ont conféré le pouvoir (art. 1862). La stipulation que l'obligation serait contractée pour le compte de la société, ne changerait rien au principe gé

néral, et ne lierait que l'associé contractant et non les autres (art. 1864). Mais si l'obligation a tourné au profit de la société, elle est tenue envers le créancier jusqu'à concurrence de ses bénéfices (art. 1864).

47. Dans ce cas, le créancier a-t-il une action contre la société, ou bien contre l'associé seulement? Le créancier a une action contre la société. Mais cette action ne lui est accordée que du chef de son débiteur, de sorte que si, dans ce dernier cas, la société ne devait rien à celui qui a contracté, le créancier n'aurait aucun recours contre elle, malgré les avantages qu'elle aurait retirés du contrat : car selon les principes du droit romain, dit Pothier, un créancier n'a d'action que contre celui avec qui il a contracté, et non contre ceux qui ont profité du contrat. (Z. 15, Cod. si certum petitur, et passim). Le créancier n'a vis-à-vis les autres associés que la voie de saisir entre leurs mains ce qu'ils doivent à son débiteur pour raison de cette affaire. (Pothier, cont. de soc., chap. vi. §. 2 et 3, n° 101... M. Delvincourt, t. 2, p. 199, n° 5.)

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Engagemens des associés à l'égard des tiers.

48. Nous venons de voir qu'un sociétaire ne peut pas engager la société, s'il n'a reçu d'elle un mandat exprès de contracter dans l'intérêt de la

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