Page images
PDF
EPUB

commencé leurs travaux aussitôt que la connaissance de leur nomination leur sera parvenue : 'une fois que cette mention est insérée dans le jugement arbitral, elle fait foi de la date de la

remise.

5. L'article 54 veut que, si les parties ne sont pas d'accord sur le délai, il soit réglé par le tribunal de commerce.

Cette disposition est pleine de sagesse. Si elle 'n'existait pas, pas, il dépendrait d'une partie de mauvaise foi d'éterniser la contestation par des retards sans fin, par des refus de nominations des arbitres, refus déguisés sous la difficulté de trouver des hommes auxquels on pût confier des intérêts.

Ici s'élève une question d'une haute impor

tance.

On a déjà vu que, si les arbitres ne jugeaient pas dans le délai fixé, le tribunal de commerce n'était pas saisi de la contestation, qui nécessairement devait être décidée par des arbitres ; que seulement il y avait lieu à nomination de nouveaux arbitres ou à confirmation de ceux précédement nommés.

On demande maintenant si, les arbitres n'ayant point rendu leur sentence dans le délai fixé par le tribunal de commerce, ce tribunal peut proroger leur juridiction, sur la demande de l'une des parties, sans le consentement de l'autre ?

1

Cette question, d'un si grand intérêt pour les arbitrages forcés, divise les jurisconsultes et les

cours.

MM. Pardesus et Locré, consultés dans la cause qui a donné naissance à cette difficulté, furent, partagés d'opinion.

Je vais donner un extrait de leurs consultations telles qu'elles se trouvent au journal du Palais (année 1823, t. 2).

M. Pardessus, qui se prononce pour l'affirma tive, établit ainsi son opinion.

<< Il commence d'abord par prouver ce que moi» même j'ai dit plus haut, à savoir que la dispo>>sition de l'article 1012, qui veut que le com

[ocr errors]

promis finisse par l'expiration du délai stipulé, » est applicable à l'arbitrage forcé. Il s'appuie sur » l'article 54 du Code de commerce, qui, selon

lui, deviendrait tout-à-fait inutile, sans l'adop» tion de la règle portée par l'article 1012 du >> Code de procédure civile: car on ne verrait pas » à quoi servirait la fixation d'un délai.

» La loi veut que les associés soient jugés par » des arbitres; eh bien ! la loi ne sera jamais exé» cutée, si, dès qu'on a laissé écouler le délai sans » que les arbitres aient prononcé, une partie peut s'opposer à ce que le tribunal fixe un nouveau, » délai.

[ocr errors]

D

>> Cette objection est susceptible de plusieurs

» réponses:

1o La loi exige bien qu'on soit jugé par des >> arbitres, mais non par tels arbitres : ainsi l'in» térêt de la loi n'est aucunement compromis;

» 2° L'expiration des pouvoirs des arbitres ne » sera pas une raison pour qu'on porte la cause » devant les tribunaux. Les individus qui avaient » été nommés n'auront plus de caractère et de pouvoir; mais la nécessité d'un arbitrage sub»sistera et les parties nommeront ou feront nom» mer d'autres arbitres;

3o Les parties pourront laisser aux arbitres le » pouvoir de les juger, et si aucune d'elles n'a mani» festé l'intention de les remplacer, laprorogation » tacite de leurs pouvoirs s'induira de leur silence, » souvent même de leurs défenses respectives de>> vant les arbitres, après les délais écoulés;

[ocr errors]

1

» 4° Si quelques inconvéniens naissent de ce qu'un long travail des arbitres sera en pure » perte, et qu'une instruction nouvelle sera né>> cessaire devant les arbitres nouveaux, ils sont la >> suite de toutes les institutions humaines; mais » le désir de les prévenir ne doit pas porter à mé>> connaître les principes.

» Le tribunal de commerce ne peut pas, à la de» mande de l'une des parties, proroger le délai, » parce que le législateur n'a pas voulu, parce qu'il >a pensé qu'une partie ne refuserait pas sans de >> graves considérations, à consentir une proroga» tion devenue nécessaire par la force des choses et

» non par la faute des arbitres; parce que, si le » tribunal était appelé à prononcer sur cette prorogation demandée par l'une, refusée par l'autre, » il faudrait entrer dans des détails, des explications qui ne seraient pas sans inconvéniens.

[ocr errors]

A ces importantes considérations se joint une » raison plus décisive. En instituant l'arbitrage » forcé pour juger les contestations, le législateur » a créé une juridiction parallèle au tribunal de » commerce, n'ayant comme lui, d'après l'article » 52 du Code, de supérieur que la Cour royale et la Cour de cassation.

» En matière de société, les arbitres remplis»sent, non pas un acte de pure confiance, mais » une attribution légale, et les fonctions mêmes » des tribunaux de commerce. Ce tribunal con» court à les organiser, à résoudre les difficultés › préliminaires à leur constitution ; mais une fois »ses opérations commencées, le tribunal a son » individualité, son indépendance. Les juges de » commerce n'ont ni supériorité, ni surveillance » à exercer sur les arbitres : le président est pu»rement passif dans l'ordonnance d'exécution qu'il est tenu d'accorder, et si des nullités sont

>>

D

reprochées au jugement arbitral, ce n'est pas » au tribunal de commerce qu'il appartient d'en > connaître comme le pourrait, d'après l'article » 1028 du Code de procédure, le tribunal civil, å >> l'occasion d'un arbitrage volontaire. Ainsi l'ont

jugé in terminis plusieurs arrêts de la Cour de ⚫ cassation (1).

» En un mot, dès que les arbitres sont consti» tués, le tribunal de commerce leur devient étranger jugent-ils dans le délai fixé, jugentils après, c'est à la Cour royale ou à la Cour de >> Cassation que les griefs, dans la forme ou au » fond, pourront être portés. Ne rendent-ils aucun

jugement, la partie la plus diligente, après > l'expiration du délai convenu ou fixé, agit comme » s'il n'existait pas de tribunal arbitral, puisque, » dans le fait, il n'en existe plus, et provoque la

› nouvelle nomination.

[ocr errors]

>> Sans doute, les parties peuvent convenir que » les arbitres dont les pouvoirs sont expirés con»tinueront de les juger: c'est la conséquence du droit qu'elles ont eu de les choisir. Sans doute, » on peut supposer qu'elles l'ont voulu, tant qu'elles ont laissé leurs pièces, titres et mé» moires entre leurs mains, sans manifester l'in>>tention de former un nouvel arbitrage; on s'en›gage par des faits qui supposent un consente>>inent en termes exprès. Sans doute, si les par»ties veulent manifester cette volonté de conti

[ocr errors]

(1) Plus haut j'ai émis une opinion contraire. J'ai prouvé, en m'appuyant aussi sur des arrêts de Cour royale et de cassation, que l'article 1028 du Code de procédure s'appliquait aussi bien aux arbitrages forcés qu'aux arbitrages volontaires.

« PreviousContinue »