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entre associés la demande en dissolution faite par l'un des sociétaires, et par suite la soumettre à lạ décision des arbitres? Ne s'agit-il pas plutôt de statuer sur une formalité essentielle de l'acte de société, et par conséquent la demande en dissolution ne comporte-t-elle pas plutôt la juridiction du tribunal de commerce?

Pour l'intelligence de la question, il faut distinguer entre les sociétés illimitées et les sociétés à terme.

Les sociétés illimitées peuvent être dissoutes par la volonté de l'une des parties; et la dissolution s'opère par un renonciation notifiée à tous les associés, pourvu que cette renonciation soit de bonne foi, et non faite à contre-temps. (Article 1869).

La renonciation, aux termes de l'article 1870, n'est pas de bonne foi, si l'associé renonce pour s'approprier à lui seul le profit que les associés s'étaient proposé de retirer en commun.

Elle est faite à contre-temps quand les choses ne sont plus entières ; et il importe à la société que sa dissolution soit différée.

La dissolution des sociétés à terme ne peut être demandée par l'un des associés avant le terme convenu, qu'autant qu'il y en a de justes motifs, comme lorsqu'un autre associé manque à ses engagemens, ou qu'une infirmité habituelle le rend inhabile aux affaires de la société, ou autres

cas semblables, dont la légitimité et la gravité sont laissées à l'arbitrage des juges. (Art. 1871.)

Dans les sociétés illimitées, ou dans les sociétés à terme, toutes les fois que l'un des sociétaires demande la dissolution de la société, et que les co-associés constatent la possibilité de la dissolution, soit parce que le sociétaire pousuivant est dans l'exception prévue par l'article 1869, soit parce qu'il se trouve compris dans la généralité de l'article 1871, on rentre dans le cas de l'article 51. Il y a contestation entre associés pour raison de la société, pour un fait qui n'est que la conséquence de l'association il y a donc lieu à l'arbitrage forcé, c'est ainsi que l'a décidé la Cour de Lyon par arrêt du 11 avril 1823.

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« Attendu, dit l'arrêt, que si l'un des associés » s'oppose à la dissolution, il y a dès lors néces» sité d'examiner et d'apprécier la légitimité des » motifs allégués à l'appui de la demande ;

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>> Attendu que cet examen et cette appréciation » ne peuvent, en matière commerciale, apparte, »nir aux tribunaux de commerce, puisque l'ar »ticle 51 du Code de commerce prescrit en » termes formels que toute contestation entre associés, et pour raison de la société, sera » jugée par des arbitres;

Que cette disposition impérative est absolue » et n'admet aucune distinction; d'où il suit que >> toutes les fois que l'existence d'une société est

» certaine, et qu'il ne s'agit point de statuer sur » la validité ou l'invalidité de l'acte qui la consstitue, les tribunaux de commerce sont incom

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pétens pour connaître des contestations qui » peuvent s'élever entre les associés, et qu'aux >> arbitres seuls il appartient de statuer ;

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» Attendu que, dès l'instant où une demande »en dissolution de société est constatée, cette » demande prend dès lors le caractère de contes»tation entre associés pour raison de la société, » et tombe par là dans les attributions des ar>> bitres, etc., etc. » ( Voir M. Horson. Questions sur le Code de commerce, t. 1, p. 78.)

ART. 52. Il y aura lieu à l'appel du jugement arbitral ou au pourvoi en cassation, si la renonciation n'a pas été stipulée. L'appel sera porté devant la Cour royale.

11. Cet article est une des grandes différences qui existent entre l'arbitrage volontaire et l'arbitrage forcé. Il permet le pourvoi en cassation contre les jugemens arbitraux, rendus en matière de sociétés commerciales, tandis que l'article 1028 du Code de procédure civile le prohibe dans les arbitrages volontaires. En effet, ne dit-il pas qu'il ne pourra y avoir recours en cassation que contre les jugemens des tribunaux, rendus soit sur requéte civile, soit sur appel d'un jugement arbitral?

La raison de cette distinction entre les dispositions des deux Codes est que, dans les contestations civiles, personne n'est obligé de confier ses intérêts à des arbitres, tandis que, pour les contestations entre associés, l'arbitrage est forcé. Si les contestans dans les affaires civiles ont à se plaindre de leurs arbitres, ils ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes de leur mauvais choix; ils n'avaient qu'à se présenter devant les tribunaux ordinaires, ils avaient en effet des juges expérimentés et tous les recours légaux contre leurs décisions. D'ailleurs leur position n'est pas déjà si défavorable, attendu qu'indirectement la voie de cassation leur est toujours ouverte. Ils n'ont qu'à appeler de la sentence arbitrale, et se pourvoir devant la Cour souveraine contre le jugement ou l'arrêt confirmatif de l'opinion des arbitres. (Art. 1028, Code de procédure.)

Dans les arbitrages forcés, le recours en cassation était de rigueur; car, ainsi que le remarque M. Locré, « il ne fallait pas faire acheter aux » commerçans, par le sacrifice de l'intérêt du » fond de la contestation, l'intérêt qu'ils peuvent » avoir à être promptement jugés : en excluant » indéfiniment le pourvoi, en défendant aux » parties de se le réserver, on les abandonnerait à >> la discrétion des arbitres. Rien ne serait plus dan» gereux, surtout quand ces arbitres ignorent les » principes du droit. Il serait bien étrange que des

>> hommes sans caractère public, constitués juges » par un mouvement de confiance dont on se re»pent ensuite, pussent rendre des décisions plus » irréformables que celles des juges établis par la » loi! si le recours en cassation devait être fermé, » il valait mieux ne pas obliger à l'arbitrage,» (M. Locré, Esprit du Code de commerce, t. 1, p. 203.)

2. Le Code donne la faculté de l'appel et du recours en cassation; mais il ne force pas d'en faire usage. Il permet de renoncer à ce droit, cuique licet juri in favorem suum introducto renunciare. Une fois que la renonciation a été stipulée, soit avant l'instruction, soit pendant le cours des débats, la convention lie les parties... et la décision des arbitres est irrévocable (1).

3. Cependant le changement survenu dans l'état détruit le principe, « Les conventions tien» nent lieu de loi aux parties.» Par exemple, si une des parties décède antérieurement à la sentence arbitrale, laissant des héritiers mineurs, alors, la clause du compromis qui autorisait les arbitres à prononcer en dernier ressort est anéantie. L'article 1013 du Code de procédure s'applique à cet égard d'une manière formelle. «Le décès, lorsque » tous les héritiers sont majeurs, ne mettra pas

(1) Art. 1010, Cod. Procéd. civ.

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