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tant pour moi qu'en permettant les actions au porteur dans la commandite, on laisse aux commanditaires, contrairement au vœu du législateur, la possibilité de s'immiscer dans les opérations sociales. On dit que, comme dans les cas ordinaires, ce sera une preuve à faire. Je réponds qu'il sera presque impossible de la faire, puisque bien souvent on ignorera le nom du commanditaire qui, de concert avec les co-associés, pourra toujours par des subterfuges criminels, bien difficiles à déjouer, échapper aux poursuites des tiers. Je crois pouvoir persister dans mon opinion, malgré le jugement du tribunal de commerce confirmé purement et simplement par la Cour royale de Paris, jusqu'à ce qu'on m'apporte des raisons plus convaincantes, ou jusqu'au moment où je serai forcé de courber la tête devant la décision unanime des Cours royales et devant l'arrêt souverain de la Cour de Cassation.

TITRE DEUXIÈME.

FORMALITÉS DES CONTRATS DE SOCIÉTÉS

COMMERCIALES.

ART. 39. Les sociétés en nom collectif ou en commandite doivent être constatées par des actes publics ou sous signature privée, en se conformant, dans ce dernier cas, à l'article 1325 du Code civil.

1. Il faut remarquer que pour les sociétés en général l'écriture soit authentique, soit privée, n'est pas de l'essence du contrat, mais qu'elle est requise seulement pour la preuve.

Sous l'empire de l'ordonnance de 1673, le même principe s'appliquait aux sociétés commerciales; on pouvait pour celles-ci, comme on le peut aujourd'hui pour les sociétés civiles, suppléer à l'acte social, soit par la preuve testimoniale aidée d'un commencement de preuve par écrit, soit par les reconnaissances des parties, soit par toute autre espèce de preuve non prohibée. (Voir à ce sujet un réquisitoire remarquable de M. Merlin, t. 12. Répert. verb. Société.)

Aujourd'hui le Code de commerce commande des formalités plus rigoureuses pour la preuve des sociétés. Pour les associés entre eux, rien ne peut tenir lieu de l'acte social; les tiers seuls sont

admis à fournir la preuve de l'association par tous les moyens qu'il leur sera possible d'employer. Cette rigueur à l'égard des associés est la conséquence de l'article 42, qui exige implicitement la rédaction d'un acte social, puisqu'il exige, sous peine de nullité à l'égard des intéressés, qu'un extrait de l'acte de société soit remis, dans la quinzaine de sa date, au greffe du tribunal de commerce, qu'il soit transcrit sur le registre, et affiché pendant trois mois dans la salle des audiences.

2. Le principe de la constatation des sociétés commerciales par acte public ou sous signature privée est général ; il s'applique à toutes, même à celles dont l'objet est d'une valeur inférieure à 150 francs.

3. Le législateur qui commandait, pour assurer plus de sécurité aux intérêts des associés, la rédaction de l'acte social, a senti qu'il y aurait trop de gêne pour les sociétaires s'il leur prescrivait un mode de constatation. Il a préféré laisser à leur libre arbitre la rédaction; pourvu qu'elle existât, peu lui importait de savoir quelle était sa forme. Aussi a-t-il proclamé que l'acte social serait rédigé soit devant notaire, soit sous signature privée. Pourtant, au cas où l'acte serait sous seing privé, il a pris encore des dispositions pour assurer les droits de chacun, et rendre la fraude impossible: il a voulu que les sociétaires

se conformassent à l'article 1325 du Code civil qui est ainsi conçu : « Les actes sous seing privé » qui contiennent des conventions synallagmati»ques, ne sont valables qu'autant qu'ils ont été » faits en autant d'originaux qu'il y a de parties » ayant un intérêt distinct.

» Il suffit d'un original pour toutes les per» sonnes ayant le même intérêt.

Chaque original doit contenir la mention >> du nombre des originaux qui ont été faits.

» Néanmoins le défaut de mention que les » originaux ont été fait doubles, triples, etc., » ne peut être opposé par celui qui a exécuté de »sa part la convention portée dans l'acte..

ART. 40. Les sociétés anonymes ne peuvent être formées que par des actes publics.

1. On comprend facilement toute la sage prévoyance du législateur. Il n'aurait su prendre trop de précautions pour les actionnaires d'une société anonyme. Il y avait un immense danger pour ces derniers à permettre que l'acte des sociétés anonymes fût fait sous seing privé. On eût donné à ceux qui forment l'entreprise, et qui seuls apposent leurs signatures sur l'acte, la facilité de changer la conditions de tous les porteurs d'actions. En astreignant l'acte social aux formalités des actes authentiques, le législateur, gardien des intérêts publics, ne craignait plus les fraudes

pour ceux qui apporteraient leurs capitaux dans les diverses entreprises, et favorisait le commerce que les grandes associations ne manquent jamais

d'activer.

ART. 41. Aucune preuve par témoins ne peut être admise contre et outre le contenu dans les actes de société, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant l'acte, lors de l'acte ou depuis, encore qu'il s'agisse d'une somme au dessous de 150 francs.

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1. La prohibition, portée par cet article, de toute preuve testimoniale, montre clairement tout le crédit que le législateur a voulu que l'on accordât aux actes. Il a voulu assurer par cette défense la stabilité des stipulations faites entre associés et par suite les intérêts de tous les con

tractans.

2. Cependant il ne faudrait pas enchérir sur la sévérité de la loi; car on irait plus loin que n'a voulu le législateur. Toutes les fois que la preuve testimoniale aura pour but de faire déclarer la validité d'une société, elle ne doit pas être admise conformément aux dispositions de la loi. Mais si elle est demandée, non dans le but de faire déclarer la validité de la société, ni pour en tirer une action en faveur de l'héritier d'un sociétaire, mais bien pour constater le fait

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