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aussi d'une grande importance pour les intérêts du commanditaire gérant. Il s'agit de savoir si le commanditaire gérant solvable qui, poursuivi par les créanciers de la société, a payé toutes les dettes et satisfait à tous les engagemens, a un recours contre ses co-associés pour tout ce qui excède sa mise, ou s'il doit supporter les dettes sociales pour sa part et portion virile. L'intérêt de la question se fera mieux comprendre par une espèce. Je suppose qu'une société en commandite ait été formée entre Paul, Pierre et Jacques; que les deux premiers soient associés en nom collectif, que le troisième soit commanditaire. Jacques a géré, il devient par ce seul fait associé pur et simple. Les créanciers le poursuivent: il paie toutes les dettes qui s'élèvent à 190,000 fr. Il avait apporté 15,000 fr. dans la société. On demande s'il pourra exercer son recours contre Paul et Pierre pour 83, 85,000 fr. ou seulement pour

les deux tiers.

Pour résoudre cette difficulté, il faut voir dans quel intérêt on a défendu au commanditaire de se mêler de la gestion, et on a porté la disposition de l'article 28. Il est de toute évidence que la défense faite au commanditaire d'administrer que la peine portée contre celui qui ne tient pas compte de cette prohibition, sont dans l'intérêt des tiers. La sanction pénale existe pour punir la tentative qu'on présume avoir été faite de les tromper.

Accordés pour l'avantage des créanciers, ces dommages-intérêts doivent profiter à eux seuls. Les accorder aux co-associés qui n'ont pu être induits en erreur, qui bien souvent ont souscrit, du moins tacitement, à la gestion momentanée du commanditaire, c'est les faire jouir d'un bénéfice que, raisonnablement, le législateur n'a pas eu l'intention de leur concéder. Quand la société s'est formée, les sociétaires connaissaient l'étendue de leurs obligations respectives..., et les obligations n'ont pu changer pour un fait qui ne leur cause aucun préjudice. Au contraire, ils trouvent dans le commanditaire, obligé indéfiniment visà-vis des créanciers, une caution solidaire qui débarrasse l'association de leurs poursuites. Mais, la caution, ainsi que le remarque M. Pardessus, t. IV, p. 132, doit être subrogée aux droits des créanciers, sauf aux co-associés à faire valoir les exceptions pour les comptes que le commanditaire avait à rendre de sa gestion, ou les torts causés par lui à la société.

En résumé, je pense que le commanditaire qui a désintéressé tous les créanciers a, dans l'espèce, un recours contre ses co-sociétaires pour 85,000 fr. qu'ils ne peuvent se refuser à payer sans youloir s'arroger un bénéfice qui n'a pas été créé en leur faveur.

4. On demande si l'associé commanditaire qui, pour avoir fait un acte de gestion, est de

venu associé pur et simple, doit satisfaire à toutes les dettes et engagemens de la société depuis le principe de l'association, ou seulement depuis le moment où il s'est immiscé à la gestion.

Il faut distinguer: si les dettes antérieures à sa gestion sont payées, le commanditaire, devenu associé pur et simple, reste toujours étranger à leur paiement. Car, comme nous l'avons vu dans le S précédent, il ne devient associé pur et simple qu'à l'égard des créanciers de la société, et une fois qu'ils sont désintéressés, il conserve toujours sa qualité de commanditaire relativement aux membres de l'association.

Mais si les dettes antérieures à l'administration du commanditaire, ne sont pas acquittées, alors il devient responsable pour elles comme pour celles qui auraient suivi la contravention à l'article 27. En effet, l'article 28 ne distingue pas; il le déclare obligé solidairement, avec les associés en nom collectif, pour toutes les dettes et engagemens de la société.

5. Toutes les fois que l'acte social attribue aux associés qui se prétendent commanditaires une part, si minime qu'elle soit, dans l'administration, ils doivent être considérés comme associés purs et simples. Lorsque, par exemple, une clause de l'acte leur réserve l'administration de la caisse sociale, l'inspection des livres et de la partie commerciale, que la surveillance réciproque de toutes

les opérations réparties entre eux se trouve stipulée, et que rien ne peut être fait que de leur consentement mutuel, alors la qualité de commanditaires disparaît, et il ne reste plus que celle d'associés purs et simples.

Sociétés anonymes.

ART. 29. La société anonyme n'existe point sous un nom social: elle n'est désignée par le nom d'aucun des associés.

1. Cette société est de toutes les sociétés la plus propre à favoriser les grandes entreprises. Tous ceux qui, sous le nom d'actionnaires, ont un intérêt dans cette société, sont cachés sous le voile de l'anonyme. Ils exposent leur argent, sans jamais exposer leur réputation. Ils ont plus de facilité encore que dans la société en commandite pour dérober aux yeux curieux du public leur mise de fonds. En effet, il est très-rare que dans cette dernière société on ne connaisse le commanditaire aussi bien que le commandité. Et si la société vient à faire faillite, il s'attache à elle un mauvais renom qui suit même tous les intéressés, quoique leurs obligations n'aient jamais dépassé leurs mises.

pas

Dans la société anonyme on évite tous les désagrémens de la publicité; car elle ne constitue

pas une association de personnes, mais bien une association de capitaux. Elle peut mettre en mouvement une grande masse d'argent, parce qu'elle appéllé toutes les fortunes, et permet à tout le monde d'aspirer au partage de ses bénéfices. La société anonyme est bien moins désastreuse que la société en commandite. Dans celle-ci, le créancier trouve toujours une garantie dans la responsabilité indéfinie des associés administrateurs; et lorsque le malheur seul répond à leurs efforts, lorsque le sort, souvent injuste, récompense, par la faillite, des travaux hardis et soutenus, la misère et la honte sont le partage de ceux qui avaient livré leur nom au public et promis de répondre à toutes ses exigences. Dans la société anonyme, la garantie ne repose sur le crédit d'aucun associé, mais seulement sur les capitaux dont se compose le fonds social; aucun sociétaire, par la faillite de l'association, n'est frappé plus particulierement que les autres. La perte de chacun se borne à sa mise; tous les associés se retirent sans bruit, sans être menacés dans leur existence, et plus tard ils peuvent se livrer à de nouvelles spéculations commerciales sans qu'on puisse leur reprocher d'avoir compromis leur réputation par une faillite antérieure.

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