Page images
PDF
EPUB

partie de sa carrière, tant comme ingénieur ordinaire (1869-1882) que comme ingénieur en chef (1882-1889). Au cours de ces vingt années consacrées aux routes, aux chemins de fer et aux ports maritimes du Calvados, on peut noter parmi les travaux qu'il exécuta ou dirigea: l'assainissement des marais de la Dives, la régularisation de l'Orne, l'approfondissement du canal de Caen à la mer, la construction des chemins de fer de Caen à Dozulé, de Dives à Deauville, de Pont-Audemer à Quetteville, de Vire à Caen, et de nombreux travaux d'amélioration dans les ports de Caen, Honfleur et Trouville, suivant le grand programme de Freycinet.

Ses hautes qualités techniques et morales, notamment sa clarté d'esprit, son ardeur infatigable, sa bienveillance et son aménité qui créaient autour de lui une atmosphère de respectueuse estime et de dévouement lui avaient valu une flatteuse réputation et l'avaient signalé à l'attention de l'éminent Directeur des Travaux de Paris; M. Alphand.

Un poste d'ingénieur en chef de division au Service de la Voie publique et des Promenades de Paris étant devenu vacant à la suite de remaniements entraînés par la mort de M. l'Ingénieur en chef Allard, en 1889, M. Boreux fut appelé à remplir cet emploi qui l'introduisait au service des Travaux de Paris où devait s'achever la seconde partie de sa carrière.

La mort de M. Alphand, en 1892, amena une transformation profonde dans l'organisation des Services de Paris et du département de la Seine. Les nombreuses attributions qui avaient été réunies entre ses mains (Travaux du département et de Paris, Beaux-Arts et Travaux historiques, Concessions, Architecture, Éclairage, Promenades et Plantations, Hygiène et Salubrité des habitations) et qui faisaient de lui le « Préfet des Travaux », furent réparties entre diverses directions départementales ou municipales. La Direction des Travaux de Paris ne devait plus comporter que deux grands services d'Ingénieurs en chef, celui de la Voie publique et celui des Eaux et Égouts. M. Boreux fut à ce moment (1er août 1892) nommé ingénieur en chef de la Voie publique. Quelques années plus tard (5 juin 1897), il réunissait.

à ces attributions celles du Service de l'Éclairage et des Plantations (1), dont il assurait déjà l'intérim depuis deux années.

Retracer l'œuvre féconde de M. Boreux pendant la période de vingt-deux ans (1889 à 1911) où il remplit ses importantes fonctions, serait refaire l'historique de la voirie de Paris et de ses transformations; le cadre restreint de la présente notice permettrait à peine une brève et sèche énumération ; bornons-nous à rappeler les grandes opérations de viabilité telles que l'Avenue de la République, les avenues Niel et Mac-Mahon, la rue Réaumur, la rue de la Convention, les rues Dante et Danton, le boulevard Raspail, l'ouverture des portes Malakoff et Pouchet, les transformations successives des tramways parisiens qui abandonnent les rails du type Loubat (voie américaine) pour adopter la voie Marsillon, puis le rail à patin, et enfin le caniveau électrique; le prolongement des chemins de fer de Sceaux jusqu'à la Sorbonne, d'Orléans jusqu'au quai d'Orsay, et des Moulineaux jusqu'aux Invalides, les transformations des abords de la gare de Lyon; le développement des secteurs électriques parisiens et leur fusion en une société unique, la généralisation de l'éclairage au gaz par l'incandescence (becs Auer), les réfections entraînées par la construction du chemin de fer métropolitain, le contrôle municipal de la construction du chemin de fer souterrain Nord-Sud; les travaux de viabilité consécutifs à l'Exposition universelle de 1900; l'extension du pavage en bois et la fabrication en régie des pavés de bois; l'application de la traction mécanique aux engins de nettoiement; l'organisation des usines de traitement des ordures ménagères; les études entraînées par les inondations de 1910, etc.

Officier de la Légion d'honneur depuis 1891, promu Inspecteur général de 2o classe le 1er mars 1899 et de 1 classe le 1er avril 1905, M. Boreux était devenu le doyen des Ingénieurs municipaux; il avait acquis sans conteste la prééminence morale à

(1) En 1897, le Service de l'Éclairage, des Promenades et des Plantations fut rattaché pour partie (Éclairage et Plantations d'alignement) à la Direction des travaux, Service de la Voie publique et pour le surplus (Promenades et Plantations) à la Direction d'architecture.

laquelle lui donnait droit l'éclat des services rendus, mais que les circonstances administratives ne permirent pas de consacrer par un titre officiel, la « Direction des Travaux » limitée à une gestion administrative n'ayant plus désormais été confiée à des Ingénieurs.

[ocr errors]

La tâche écrasante à laquelle M. Boreux devait faire face peut être caractérisée par le montant annuel des dépenses de son service qui ne s'élevait pas à moins de 47 millions en 1911, époque de son départ (1er novembre 1911) dont — en chiffres ronds 18 millions pour l'entretien et les travaux neufs de chaussées, 18 millions pour le nettoiement et 11 millions pour l'éclairage et les plantations. Mais ces chiffres, si élevés qu'ils soient, ne donnent encore qu'une faible idée de la somme de travail considérable exigée d'un chef de service appelé par le contrôle incessant de l'Assemblée municipale à connaître tous les détails et à suivre toutes les affaires par le menu. Ce rôle qui, au travers des difficultés budgétaires et politiques, était parfois ingrat et où les efforts les plus dignes de respect risquaient de ne pas être toujours appréciés à leur valeur réelle, M. Boreux le remplissait avec une inlassable patiencé et une égalité de caractère qui raffermissaient le courage de ses collaborateurs et forçaient l'estime de tous.

Atteint par la retraite le 1er février 1912, les dernières années de sa vie s'écoulèrent au milieu de l'affection des siens; il s'éteignit doucement à Châteaurenault, le 28 octobre 1918.

Sa belle vie, toute d'honneur et de devoir, exclusivement consacrée au bien de l'État, a été un exemple fécond et laissera des souvenirs durables et reconnaissants; elle méritait cet hommage posthume dans les Annales de notre Corps.

N° 21

LE SERVICE DES EAUX AUX ARMÉES

Par MM. COLMET-DAAGE,

Inspecteur Général des Ponts et Chaussées, Chef du Service des Eaux
et de l'Assainissement de la ville de Paris

et MERCIER,

Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, ancien Ingénieur en Chef
à la Compagnie Générale des Eaux.

Le Service des Eaux aux Armées étant, avec le Service des Routes et le Service de l'Exploitation Militaire des voies navigables, celui qui a fait, pendant la guerre, le plus large appel à la collaboration des Ingénieurs, Conducteurs et Adjoints techniques des Ponts et Chaussées, un exposé rapide de l'œuvre accomplie par ce service a sa place tout indiquée dans les Annales.

En présentant cette note ses auteurs remplissent d'ailleurs un véritable devoir d'équité et de gratitude; chargés en juin 1915 de la création du Service des eaux et y étant restés affectés jusqu'à la fin des hostilités, ils ont été chaque jour les témoins du dévouement, de l'activité, de l'énergie déployée par tous, des privations gaiement supportées, souvent du danger bravement couru. C'est grâce à ces efforts, grâce à l'impulsion vigoureuse donnée par les chefs de service, à l'intelligente initiative de leurs officiers, à la conscience professionnelle des sous-officiers et des hommes, que, malgré de petits moyens, un travail utile a pu être accompli.

En assurant, toujours et partout, dans les moindres délais, l'alimentation en eau des troupes, aussi bien en ligne qu'au repos, celle des hôpitaux, des camps, des locomotives; en

exploitant, pendant la guerre de stationnement, sous les bombardements les plus violents, les services d'Arras, de Soissons, de Verdun, de Reims que l'autorité civile avait dû abandonner; en rétablissant enfin ou aidant à rétablir, au cours de la progression, celui des grandes villes successivement libérées (Laon, Douai, Mézières, etc.), le Service des eaux aux Armées a obtenu des résultats qui ont été hautement appréciés par le commandement, comme le montrent les nombreuses promotions de grade, décorations de la Légion d'honneur et Croix de Guerre, qui ont été accordées aux officiers, sous-officiers et soldats attachés à ce service.

CRÉATION ET ORGANISATION DU SERVICE

DES EAUX

Le Service des eaux aux Armées a été créé par une décision du général en chef en date du 4 juin 1915, c'est-à-dire dix mois environ après le début des hostilités.

Personne, avant l'entrée en campagne, ni dans les premiers mois de celle-ci, n'avait pensé que la lutte prendrait la forme qu'elle a prise et que des mesures importantes s'imposeraient pour assurer, dans des conditions satisfaisantes, l'alimentation en eau du soldat.

Ce n'est que peu à peu que cette nécessité apparut et que le commandement fut amené à envisager, puis à décider la création d'un service d'eau aux armées.

Cette création s'imposait, en raison de la forme particulière que la guerre avait prise, provoquant l'accumulation d'effectifs importants dans des régions normalement peu habitées et amenant par le stationnement prolongé de ces troupes une contamination intense des nappes souterraines. Or, on ne pouvait songer à alimenter ces milliers d'hommes et de chevaux uniquement par des transports d'eau; il fallait donc exécuter toute une série de travaux très particuliers; il était rationnel de les confier à des spécialistes qualifiés.

Tel qu'il a été créé par la décision du 4 juin 1915, le Service des eaux aux Armées comprenait :

« PreviousContinue »