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INTRODUCTION.

1.- Quelle que soit la part d'éloges ou de blame que mérite l'époque où nous vivons, elle renferme certains caractères qu'il est impossible de méconnaître. On remarque dans tous les esprits une gravité peu commune, et une tendance générale vers les études sérieuses et utiles. -Aux préoccupations politiques ont succédé, bien autrement vives, bien autrement puissantes, les préoccupations des intérêts positifs et matériels. Aujourd'hui, chacun veut s'instruire. Chacun veut connaître la mesure de ses droits et de ses devoirs.

2. Cet état de la société ne nous a point échappé, nous avons voulu y apporter notre tribut, tribut tout de zèle et de dévouement, et nous publions le Dictionnaire des dictionnaires de la Législation usuelle.

3.—La loi, dans le sens le plus étendu, est une règle de conduite imposée par une autorité à laquelle on est tenu d'obéir.

Toute loi émane ou de Dieu ou des hommes; et, selon qu'elle remonte à l'une ou à l'autre de ces deux sources, elle est immuable ou variable, universelle ou locale.-Dalloz, n. 1.

4.--Les lois, quelle que soit leur origine, ont toutes une même fin, le plus grand bonheur des hommes réunis en société, ut homines felicius degant, dit Bacon. Mais les moyens d'atteindre cette fin varient dans chaque pays. Dalloz, n. 2.

5. Créer et organiser les pouvoirs, les établissements publics, fixer les droits, les obligations et le mode de leur exécution: telle est la matière des lois. Vues sous cet aspect, elles se divisent surtout en Droit civil, Droit public, Droit des gens.-Dalloz, n. 3.

6. Considérées dans la manière dont se constate leur existence, les lois se divisent en droit écrit et droit non écrit, selon qu'elles ont eté expressément instituées par le pouvoir législatif, ou tacitement autorisées par l'usage. -Dalloz, n. 4.

LÉG. US.

7.- La loi s'adresse à tous les citoyens en masse; voit les actions en elles-mêmes, à part les individus. Égale pour tous, faite dans un intérêt commun, elle dépouillerait son vrai caractère si elle statuait sur un cas particulier, pour le seul avantage d'une ou de plusieurs personnes. Règle générale, uniforme, permanente, elle se distingue, à ces divers titres, des conventions, des actes judiciaires et administratifs, qui, quoique obligatoires comme la loi, parce qu'elle veut qu'on les exécute, ne sont pas la loi même. — Dalloz, n. 5.

8.-Il nous a paru que, pour atteindre complétement notre but, nous devions, avant de faire connaître toutes les législations spéciales du pays, exposer à nos lecteurs le mécanisme législatif (qu'on veuille bien nous passer cette expression).-Tel est le but de la présente introduction, que, pour en faciliter l'intelligence, nous diviserons en 8 articles.

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9. Avant 1789, il n'y avait pas de constitution écrite qui déterminât clairement la manière dont se formait la loi, et assignât à chaque pouvoir public son objet et ses limites. —Dalloz, n. 6.

10. La confusion des pouvoirs et de nombreux abus provoquèrent, en France, en 1789, la convocation des états-généraux.- L'assemblée nationale ou constituante, composée de 1200 membres, déclare, le 26 août 1789, que la loi est l'expression de la volonté générale, représentée par des citoyens légalement élus.-Que le refus du roi n'est que suspensif, et ce refus cesse à la seconde des législatures postérieures à celle qui a proposé la loi. La proposition des lois n'appartient qu'à l'assemblée; mais le roi peut l'inviter à prendre un objet en considération (L. 1er oct. 1789, art. 11, 12, 18).—Dalloz, n. 18.

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La constitution du 3 sept. 1791 remplace l'assemblée nationale par l'assemblée législative, réduite à 745 membres. Ses décrets furent soumis à la sanction du roi, jusqu'au 10 août 1792, où la prérogative royale s'anéantit avec le trône.-Dalloz, n. 19.

12.

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Le 2 sept. suivant, la convention nationale succède à l'assemblée législative. Mélange odieux de tous les pouvoirs, elle porte l'abus jusqu'à déléguer, en certaines circonstances, à quelques-uns de ses membres, la puissance de faire des lois. (Voy.plus loin, n.26.) Une constitution, conçue dans un moment d'effervescence et qui ne fut jamais exécutée, est décrétée en 1793, et acceptée partout, sous l'influence de la terreur. Le corps legislatif n'a plus que le droit de proposition et d'exécution provisoire : la décision définitive est renvoyée, quoiqu'en matière de législation ordinaire et de gouvernement, aux assemblées primaires. L'impossibilité d'organiser cette œuvre de la plus folle démocratie, lui fit substituer la constitution du 3 fructidor an III. — Dalloz, n. 20.

13. Les détails qui précèdent peuvent, de prime abord,paraître sans utilité, puisque notre réunion à la France n'a eu lieu qu'en vertu d'un décret de la convention nationale, du 9 vendémiaire an iv. Il est toutefois loin d'en être ainsi, par ce motif qu'une grande partie des lois antérieures nous ont été déclarées applicables.

14.Une constitution nouvelle, du 5 fructidor an , divise la puissance législative

entre un conseil des Anciens et un conseil des Cinq-cents. La proposition des lois n'est confiée qu'au conseil des Cinq-cents, et les chan

gements qui seraient demandés dans la constitution, à une assemblée générale de révision. Le Directoire n'a point la sanction des lois. En aucun cas, il n'est permis au corps législatif de déléguer ses pouvoirs à un ou plusieurs de ses membres, ni à quelqu'autre autorité que ce soit (art. 44, 45 et 76).-Dalloz, n. 22.

15. Les deux conseils sont dissous, avec le Directoire, par la loi du 19 brum. an viii. Le même jour, avant de se séparer, ils nomment provisoirement une commission consulaire exécutive, formée de trois consuls, qu'ils investissent de la plénitude du pouvoir directorial, et deux commissions législatives, composées chacune de vingt-cinq membres, qu'ils autorisent à statuer, avec la proposition formelle et nécessaire de la commission consulaire, sur tous les objets urgents de police, de législation et de finances. L'initiative appartiendra à la commission des Cinq-cents, et l'approbation à celle des Anciens. Les délégués subdėlėguèrent douze d'entre eux, qui, le 22 frim. an vIII, arrêtèrent la constitution mise en activité le 4 nivôse de la même année. - Dalloz, n. 22.

-

16. Un sénat, un corps législatif, un tribunat, un conseil d'Etat et trois consuls, voilà les nouveaux rouages du mécanisme politique. Le sénat, appelé conservateur, annule les actes signalés comme inconstitutionnels. Le corps législatif n'a plus l'initiative et la discussion des lois. Il vote, en silence, les projets présentés par le gouvernement, et débattus devant lui par des orateurs du tribunat et du conseil d'État (art. 31, 34). Le tribunat, élu par le peuple, discute les projets de loi, en vote l'adoption ou le rejet, exprime son vœu au corps législatif, par trois orateurs pris dans son sein (art. 27). Le conseil d'Etat, sous la direction des consuls, rédige les projets de lois, et exprime le vœu du gouvernement au corps législatif, par trois de ses orateurs (art. 52, 53). Trois consuls sont chargés du pouvoir exécutif. Mais le premier consul, Bonaparte, exerce seul toute l'autorité attachée à cette magistrature. Les deux autres n'influent dans les actes du gouvernement que par voie consultative. Le premier consul participe à la loi par l'initiative, par le droit de retirer les lois proposées et non décrétées encore par le corps législatif, surtout par l'émission de décrets, qui, s'ils ne sont pas attaqués dans le délai de dix jours pour inconstitutionnalité, acquièrent force de loi (art. 38, 40, 42, 44 j. On sait qu'il a largement use de cette dernière faculté.(V. ci-dessous, art. 2,$1.) 17. – Le 17 nivise an VII, une loi nique réduit le tribunat à 50 membres.

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sénatus-consulte du 28 floréal an xi organise le gouvernement impérial, en modifiant tous les autres pouvoirs. Le tribunat est divisé en sections, et ne peut plus se réunir en assemblée générale pour discuter les projets de loi; enfin, le 19 août 1807, le tribunat est supprimé trois commissions législatives, tirées du sein du corps législatif, remplacent les trois sections du tribunat pour la discussion des lois. Il ne restait donc plus qu'un corps légis latif, muet, réduit à l'alternative d'adopter ou de rejeter, sans aucun changement, les propositions du gouvernement, et un sénat, trop flexible instrument des volontés du monarque, et qui n'a jamais annulé un seul des décrets inconstitutionnels émanés de Napoléon.

18. Mil huit cent quatorze arrive, l'armée et les autorités françaises doivent abandonner la Belgique et se replier sur l'ancien territoire de la France; le 1er février, Napoléon a cessé d'être notre souverain. Tous les actes qui se succedent depuis cette époque jusqu'au 24 août 1815, soit qu'ils émanent de vainqueurs qui rançonnent leur conquête, soit qu'ils émanent du prince souverain des Pays-Bas unis, destiné par les puissances à régner sur la Belgique, sont tous actes de pouvoir absolu auxquels il est, par conséquent, impossible de méconnaitre l'autorité de la loi. Havard, no 9.

19. Une loi fondamentale du 24 août 1815 réunit la Belgique et la Hollande et établit dans le nouveau royaume des Pays-Bas un simulacre de régime constitutionnel. Le roi propose la loi. Il l'adresse à la seconde chambre des états-généraux, soit par un message qui en contient les motifs, soit par des commissaires. Cette chambre, après l'avoir examinée en sections, la discute en séance publique et l'adopte ou la rejette sans changement.

La 1 chambre des états-généraux suit le même mode dans ses délibérations, mais ses séances ne sont pas publiques : elle adopte ou rejette aussi sans changement.

Le roi sanctionne et promulgue la loi. Ainsi, le roi participe à la formation de la loi de deux manières : l'initiative et la sanction.

Enfin le droit de provoquer une délibération des états-généraux sur une propostition à faire au roi appartient exclusivement à la seconde chambre. Elle l'examine dans la forme prescrite pour les projets de loi; l'adresse, après son adoption, à la première chambre, qui, si elle donne son contentement, la transmet au roi pour obtenir la sanction royale.

Ce droit a été nul pendant les quinze années qu'a duré le royaume des Pays-Bas.-Hav.,u.10.

20. Les abus qu'on avait tant reprochés

au gouvernement de Napoléon, abus qu'on s'efforçait de rétablir, amènent une insurrection. La Belgique se sépare violemment de la Hollande, et le 23 septembre 1830, les hommes que l'énergie révolutionnaire avait jetés au pouvoir, constituent un gouvernement provisoire. L'imminence du danger et les graves nécessités du moment l'investissent de tous les pouvoirs : il exerce la dictature. Le 10 novembre 1830, un Congrès national s'assemble: il réunit les pouvoirs législatif et constituant; le gouvernement provisoire dépose ses pouvoirs extraordinaires et n'a plus que la mission de faire exécuter les lois. Le 7 février 1831, une constitution est solennellement promulguée; un décret du 24 février de la même année nomme un régent pour remplacer le gouvernement provisoire, et ordonne la mise à exécution de la constitution dans presque toutes ses parties. Enfin le prince Léopold de Saxe-Cobourg, élu, par le congrès, roi des Belges, prête serment le 21 juillet, et le même jour, un décret proclame la mise en vigueur de la monarchie constitutionnelle.-Havard,no 11. 21. Tous les pouvoirs émanent de la nation. Le pouvoir legislatif est exercé par le roi, la chambre des représentants et le sénat. L'initiative appartient à chacune des trois branches du pouvoir législatif. Chaque branche a le droit d'amender les propositions. L'interprétation par voie d'autorité appartient au pouvoir législatif. Le pouvoir exécutif est exercé par le roi; il fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois, mais sans pouvoir suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution; enfin le roi sanctionne et promulgue les lois. Tel est le régime sous lequel nous vivons aujourd'hui. (Constit. du 7 février 1831, art. 25, 26, 27, 28, 29, 67 et 69.)- Havard, no 12.

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25. Quelle est l'autorité des arrêtés rendus par les comités de la convention nationale? Ou les comités faisaient exécuter les lois, tous les règlements qui ont cet objet n'ont pas moins d'empire que la loi même; ou ils statuaient par voie contentieuse entre particuliers, et de tels arrêtés ne sont devenus irrévocables qu'après le laps de temps fixé par la loi du 8 germ. an iv, pour en demander la réformation au corps législatif. Dalloz, n. 81.

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26.-Les arrêtés des représentants du peuple en mission ont-ils force de loi? Avant le 4 brum. an iv, ces arrêtés étaient considérés comme des lois provisoires (L. 17 juill. 1793, 25 vent. an iv, 3 brum. an ш). Dalloz, n. 81. 27. Après le 4 brum. an iv, la convention nationale n'existait plus. Les deux conseils des Anciens et des Cinq-cents l'avaient remplacée. Dès lors, les représentants du peuple ne continuèrent plus leur mission qu'en qualité de commissaires du gouvernement, soit qu'ils aient été réélus au corps législatif ou non (Déc. du 20 vendém. an iv). Devenus donc fonctionnaires subalternes, dans l'ordre administratif, leurs actes furent soumis à la censure du Directoire exécutif, qui en a annulé et modifié plusieurs, sans que les arrêtés infirmatifs, quoique publiés par la voie du Bulletin, aient excité la moindre réclamation. C'est ce que remarque Merlin (Quest. de dr., v° Loi, § 2), qui rétracte l'opinion émise, v° Quart de raisin, et accueillie, le 9 flor. an xin, par la cour suprême, à l'égard d'un arrêté du 18 mess. an x, pris par des commissaires du gouvernement dans les quatre départements de la rive gauche du Rhin, administrés comme pays conquis.- Dalloz, n. 82.

28. Devant quelle autorité devrait être porté aujourd'hui le recours contre un arrêté de représentants du peuple, antérieur au 4 brum. an iv, et qui aurait statué sur un intérêt purement individuel, si la convention nationale avait cessé d'exister à l'époque où le recours a pu être exercé? Au roi, évidemment, un tel acte étant émané d'un délégué du gouvernement et relatif à des intérêts purement individuels.—

La difficulté vient de ce que ces arrêtés ayant le caractère de lois provisoires, et ne pouvant, sous la loi du 25 vent. an Iv, être réformés que par le corps législatif, leur réformation semblerait encore dans les attributions législatives.

29.-Quelle est l'autorité des décrets inconstitutionnels du gouvernement impérial, non contraires à la constitution, mais postérieurs à la suppression du tribunat? Ils ont force de loi: le pouvoir législatif était seul compétent pour prononcer l'inconstitutionnalité, et, à défaut d'opposition par ce pouvoir, le juge était sans mission pour refuser de les appliquer. Leur autorité a été reconnue par de Serre, Villèle, Pasquier, Chauvelin, Manuel (Monit. 26 janv. 1819); par la commission chargée de la révision des anciennes lois (V. Rapport au Roi, 25 déc. 1825, Moniteur) et par de nombreux arrêts de la cour de cassation. Corm., Quest. de dr. admin., v° Appel comme d'abus; Proudh., t. 4, n. 1986; Guichard, Droits civ., no 307; Rey, Tr. de législ., p. 296.

Contrà,

30.-Les décrets qui ont force de loi peuvent-ils être abrogés ou modifiés par arrêté royal?-V. n. 40.

31.-Les avis du conseil d'État, interprétatifs des lois, et rendus conformément au règlement du 5 nivôse an vIII, sont assimilés aux décrets, lorsque, par son approbation, le chef de l'Etat se les est appropriés (Merl., Rép., vo Divorce, sect. 4, § 10).

De nombreux arrêts de la cour de cassation ont appliqué ces avis comme de véritables lois, parce qu'ils n'avaient pas été déclarés inconstitutionnels par le pouvoir compétent.

32.

Quelle est l'autorité des actes du roi des Pays-Bas, pris sous l'empire de la loi fondamentale, en dehors de la prérogative consacrée par cette loi? Ces actes, nous devons le dire, étaient radicalement nuls, et la nécessité seule les a fait maintenir (const., art. 138), pour éviter au pays la plus déplorable cause d'anarchie, l'absence de lois. Quand la voix de la nécessité se fait entendre, la seule loi qui doive dominer alors, n'a pas besoin d'être écrite, c'est la loi de la conservation. Salus populi suprema lex esto!

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33.. Nous avons à voir maintenant les actes postérieurs à la constitution. Quelle est l'autorité des arrêtés royaux? La constitution porte, art. 67: « Le roi fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois. En effet, quelque détaillées que soient les précautions stipulées expressément par le législateur pour l'exécution de ses volontés, il reste toujours une multitude de cas imprévus, de mesures différentes à prendre, surtout dans

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