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tive. En effet, telle mesure, impolitique ou immorale aux yeux des uns, aura l'approbation des autres.

150. Deux conditions sont exigées pour qu'une loi soit considérée comme rétroactive: il faut qu'elle revienne sur un événement antérieur pour en changer les effets, et qu'elle les change au préjudice des personnes qu'elle a pour objet. Dalloz, n. 25.

151. Relativement aux actes antérieurs à la loi nouvelle, on distingue ceux qui avaient, au moment de la publication, toute la perfection nécessaire à leur efficacité, et ceux à qui il manquait encore, pour donner naissance à un droit, le concours de quelque circonstance ou formalité complémentaire. Ces deux sortes d'actes, Merlin les désigne sous le nom de choses passées et choses encore en suspens. Les choses en suspens entrent dans le domaine de la loi nouvelle : nul droit n'était acquis. Les choses passées sont entièrement régies par la loi ancienne. Dalloz, n. 26.

152. Ainsi, par exemple, un legs était fait, ou par une personne ou à une personne, que la loi nouvelle, à la différence de la loi ancienne, déclare incapable ou de disposer ou de recevoir. L'incapacité est-elle survenue avant le décès du testateur? le legs, comme chose en suspens, devient caduc. Après le décès? le testament était parfait, arrivé au temps de sa pleine exécution: il vaudra comme chose passée. Dalloz, n. 27.

153.- La seconde condition de la rétroactivité est que la loi change les effets d'un événement antérieur au préjudice des personnes qui sont l'objet de ses dispositions.

154. Le droit que nous pouvons aliéner, qui fait partie de notre domaine, une loi postérieure ne nous en dépouillera pas sans retroagir. Tels sont, dit Merlin, loc. cit., les droits qui dérivent immédiatement d'un contrat; ceux que nous a conférés un testament dont l'auteur est décédé; ceux qui se trouvent dans une succession ouverte, et dont nous a saisis la loi en vigueur au moment de son ou

verture. »

155. Les facultés attachées à la qualité civile des personnes sont nécessairement régies par la loi nouvelle, pour tous les actes et effets postérieurs; ces facultés appartiennent au droit public elles sont soumises aux mêmes modifications que l'organisation sociale.

156. Pour ce qui concerne l'espérance d'acquérir, la chance d'être saisi d'un droit par suite d'un événement ultérieur, plusieurs distinctions doivent être admises.-Cette espérance, on la tient ou de la volonté encore

révocable de l'homme, ou de la loi seule; on la tient ou d'un testament dont l'auteur est décédé, ou d'un contrat. Merl., loc. cit., n. 4; Chabot, Quest. trans., v° Droits acquis; Dalloz, n. 32.

157. L'expectative ne repose-t-elle que sur la volonté révocable de l'homme ou du législateur? il est évident qu'elle peut être détruite par une loi nouvelle. L'effet rétroactif ne consiste qu'en ce qui porte atteinte à un droit définitivement acquis. Ainsi, par exemple, une loi nouvelle pourra, avant le décès d'une personne, soit en neutralisant ses dispositions testamentaires, soit en intervertissant l'ordre des successions, dépouiller de l'espérance de lui succéder l'héritier auparavant appelé par le testament ou par la loi. Havard, n. 55. Merlin, Rép., vo Tiers coutumier; Chabot, vo Droits acquis.

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158. A l'égard d'une expectative fondée sur un testament, pour que le droit de l'institué ne soit pas ouvert par le décès du testateur, il faut que la disposition testamentaire ait été faite sous une condition dépendante d'un événement non accompli lors de la loi nouvelle. Si la condition n'avait fait, dans l'intention du testateur, que suspendre l'exécution, rien n'empêcherait le législateur d'avoir un droit acquis et transmissible à ses héritiers. (C. civ. 1041.) — Mais on suppose que la disposition elle-même est suspendue. L'expectative n'en constitue pas moins un droit acquis (selon deux arrêts de cassation, des 7 pluviose et 13 thermidor an XII), le droit de recueillir l'hérédité en cas que la condition s'accomplisse. Ces arrêts se fondent sur l'irrévocabilité dont le décès de son auteur a investi le testament. Merlin, Rep., v° Choix, 1er; Chabot, vo Testament.

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159. Si l'expectative résulte d'un contrat, elle est toujours à couvert des atteintes d'une loi postérieure. Elle doit son existence au consentement réciproque des parties; le consentement, qui l'a produite, peut seul l'anéantir. Il n'est pas jusqu'aux institutions contractuelles qu'on ne voie régir par la loi du temps de la convention, plutôt que par celle en vigueur lors du décès de l'instituant, bien que l'expectative de l'institué n'empêche pas l'autre partie d'aliéner, à titre onéreux, la totalité même des biens compris dans la disposition, et que le droit espéré ne commence à s'ouvrir qu'avec la succession du disposant. — Chabot, v Contrat, Donation, 8; Rapport à succession, SS 1, 2 et 3; Réduction.

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160. Cette doctrine s'applique également aux quasi-contrats, qui opèrent la même trans

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162. Les lois faites pour un temps limité sont virtuellement abrogées par l'expiration de ce délai.

163. De deux dispositions inconciliables, dont l'une ne peut s'exécuter en même temps que l'autre, la nouvelle emporte évidemment l'abrogation de l'ancienne.

164.-Une loi spéciale peut-elle être, sinon abrogée, au moins modifiée lacilement, encore bien que son exécution ne soit pas incompatible avec celle de la loi nouvelle? - L'affirmative résulte implicitement d'un arrêt du 1er mars 1834.

165. Mais si l'incompatibilité des deux dispositions n'est pas absolue, elles doivent être combinées, entendues l'une par l'autre. Posteriores leges ad priores pertinent, nisi contrariæ sini (L. 28, ff. de Legib.). Si les lois ne sont contraires que dans quelques points seulement, ce n'est que dans ces points que l'abrogation s'opère (Cass. 20 oct. 1809; 20 mars 1812, v Douanes et Forêts; Avis du cons. d'Etat, 4 niv. an vi. Merlin, Quest. de dr., v Délits ruraux; Douanes, 5; Haissiers des juges de paix, S 2, et Tribunal d'appel, $ 3.

166. L'abrogation ou modification tacite d'une loi par une autre ne doit-elle pas s'induire plus facilement en matière spéciale qu'en matière générale ou ordinaire? L'affirmative nous semble devoir être adop

tée.

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167. Il faut surtout restreindre, dans ses termes précis la loi qui déroge à un point de droit commun. Merlin, Rép., v° Loi, $ 22.

168.-La cessation du motif d'une loi en entraîne de plein droit l'abrogation, s'il est certain que ce motif seul était le fondement de la loi, ce qu'il est bien difficile de reconnaître. - Par exemple, la séparation de pays réunis soustrait par le fait seul le peuple conquis à l'empire des lois du conquérant, dans la plu

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170. Si tel ordre politique peut influer sur le maintien d'une loi civile, la réciproque n'est pas généralement vraie; une loi civile n'est point censée abroger une loi politique. Ainsi, l'art. 3 C. civ. n'est point applicable aux ambassadeurs et autres membres du corps diplomatique.

171. Les lois générales ne sont pas présumées déroger aux lois spéciales: In toto jure, generi per speciem derogatur, et illud potissimum habetur quod ad speciem directum est (L. 80, de Regul. jur.). Mais dans les points sur lesquels la loi spéciale est mnette, la loi générale doit suppléer à son silence.-Ces principes ont été constamment suivis par la cour de cassation.

172.-Pour que l'usage puisse abroger une loi, il faut qu'il soit uniforme, public, multiplié, observé par la généralité des habitants, réitéré pendant un long espace de temps, constamment observé par le législateur, et non contraire à l'ordre ou à l'intérêt public. La cour de cassation a reconnu plusieurs fois la force abrogatoire à un usage général.

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173.-Un usage de moins de trente années, qui n'existe même que dans les grandes villes, suffit-il aujourd'hui pour modifier ou abroger la loi ?-V. art. 2, § 7.

174. Au surplus, on ne peut prescrire contre l'exécution des lois, que le législateur signale lui-même, en les publiant, comme étant indispensables au bien de l'Etat et au maintien de la morale publique; leur abrogation ne peut résulter que d'une loi.

175.- Dans les cas où l'usage offre tous les caractères que nous avons indiqués plus haut, il a le pouvoir d'abroger la loi. — Merl., Rép., vo Usage, S2, n. 3; Toull., t. 1er n. 159; Dur., t. 1er, n. 107. Dalloz, n. 363.

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176.-Ce que nous venons de dire de l'autorité de l'usage pour l'abrogation des lois, s'applique par les mêmes raisons à l'erreur commune, qui n'est qu'un mode de désuétude, puisqu'elle consiste dans l'habitude générale d'une fausse interprétation ou de la non application d'une loi. Dalloz, n. 369.

177.- Si la loi déclarait, ce qui est arrivé parfois (Ord. 1629, art. 1), qu'elle prohibe tout usage contraire, elle l'empêcherait de se former. Dunod, de la Prescrip., part. 1o,

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178.— On distingue deux sortes d'interprétations des lois, l'une d'autorité ou de législation, l'autre de doctrine.

179. — La première consiste à résoudre les doutes par forme de règlement et de disposition générale, obligatoire pour tous les citoyens et pour tous les tribunaux; elle appartient naturellement au législateur.-La seconde consiste à saisir le véritable sens d'une loi dans son application aux cas particuliers, ou même à la suppléer si elle ne les a pas compris dans ses dispositions; elle est confiée surtout aux juges, aux administrateurs aux arbitres, aux jurisconsultes.-Dalloz, n. 375.

180.-De l'interprétation par voie d'autorité. - Ce n'est qu'au législateur qu'appartient le droit d'expliquer sa pensée et d'assujettir tous les citoyens à l'explication qu'il en donne : ejus est leges interpretari cujus est condere.

181. L'art. 91 de la loi du 1er déc. 1790 ordonne que lorsqu'un jugement aura été cassé deux fois, et qu'un troisième tribunal aura jugé en dernier ressort, de la même manière que les deux premiers, la question ne pourra plus être agitée au tribunal de cassation, qu'elle n'ait été soumise au corps législatif qui, en ce cas, portera un décret déclaratoire de la loi, et le tribunal de cassation s'y conformera dans son jugement. »

182. La constitution de l'an 1, art. 256, celle de l'an vii, et la loi du 27 vent. an vii, renferment des dispositions particulières sur ce sujet.

183. Selon la loi du 16 sept. 1807, il y a — lieu à interprétation après deux arrêts de cassation (art. 1er). Elle peut être demandée par la cour avant de prononcer le second arrêt (art. 3): sinon ce second arrêt est rendu, sections réunies, sous la présidence du grand juge (art. 4). L'interprétation est donnée dans la forme des règlements d'administration publique (art. 2).

184.-La loi du 4 août 1832 a abrogé par ses art. 23, 24 et 25 les dispositions antérieures. Si deux arrêts sont cassés entre les mêmes parties et par les mêmes moyens, il y a lieu à interprétation. Jusqu'à ce que la loi ait été rendue, il est sursis au jugement de l'affaire. Les cours et tribunaux sont tenus de se conformer a la loi interprétative dans toutes les affaires non définitivement jugées.

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186. L'art. 5, C. civ., ne permet pas aux juges de statuer par voie réglementaire.

187. D'après un principe universellement reconnu en matière d'interprétation, les lois pénales doivent s'interpréter dans le sens le plus favorable au prévenu, ou plutôt les juges ne doivent jamais faire l'application que d'un texte précis. (Merl., Rep. v° Juge, art. 6.)

188.- Les lois fiscales doivent s'interpréter dans un sens restreint aux intérêts du fisc, et il faut se garder de faire profiter les particuliers d'exceptions ou priviléges introduits dans un but tout fiscal.-Dalloz, n. 404.

189. Les lois prohibitives, même en matière fiscale, doivent être exactement renfermées dans leurs limites et ne sauraient être étendues d'un cas à un autre.-Dalloz, n. 405.

190. Les lois de compétence doivent recevoir, dans le doute, un sens favorable à la juridiction ordinaire.-Carré, des Jurid. civ.. Intr. génér., n. 9.

191. Les lois civiles doivent fléchir devant celles introduites par des vues politiques. Tel est le texte d'un motif d'un arrêt de rejet, du 11 juillet 1824.

192. Les lois spéciales doivent s'entendre d'après le système qui leur est propre. Elles sont censées ne se référer aux lois générales que dans les points qu'elle ne règlent ni expressément, ni implicitement (Merlin, Rép., vo Loi, § 11, n. 4). Elles ne doivent point servir à décider par analogie les cas non prévus. Ibid., Quest. de dr., vo Notaire; Bacon, aph. 14. 193. Les lois formellement rétroactives doivent se restreindre le plus possible. - Merlin, Rep., vo Triage, 1er.

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194. On doit adopter l'interprétation qui fait produire aux lois un effet qui les met en harmonie entre elles, plutôt que celle qui les paralyserait en les neutralisant l'une par l'au

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Lorsque, dans le concours de la législation générale avec la législation spéciale, cette dernière contient une disposition expresse qui n'est ni obscure, ni insuffisante, les juges ne peuvent s'écarter de ce qu'elle prescrit littéralement, sous le prétexte d'en rechercher le sens ou l'esprit, ou de la rendre plus parfaite. Arr. 7 juill. 1828.

201.

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209. La distinction des lois odieuses et des lois favorables, faite dans la vue d'étendre ou de restreindre leurs dispositions est abusive.

De plus, lorsqu'une disposition lit--Dalloz, n. 482. térale d'une loi ou d'un arrêté est expresse, générale, et ne renferme aucune modification, il n'est pas permis aux tribunaux d'en res

210.Telles sont, en abrégé, les règles à méditer pour quiconque veut étudier avec fruit l'ensemble notre législation.

EXPLICATION DES ABRÉVIATIONS ET RENVOIS.

Arr., signifie ou arrêt ou arrêté.

Art., signifie article.

Balt., signifie Battur.

Bed., signifie Bedel, Traité de l'adultère. Ber. ou Bern., signifie Bernard, Traité des assurances maritimes.

Berr., signifie Berryat, Cours de procédure.
Bon., signifie Boncenne, Théorie de la procé-
dure civile.

Boud., signifie Boudousquié.
Boul., signifie Boulay-Paty.
Bourg., signifie Bourguignou.

C. ou C. c. ou C. civ., signifie code civil.
C. com. ou comm., signifie code de commerce.
C. inst. cr., signifie code d'instruction crimi-
nelle.

C. pėn., signifie code pénal.

C. pr., signifie code de procédure civile.
Ch., signifie Chauveau.

Civ. c., signifie arrêt de la chambre civile de la cour de cassation, qui casse.

Civ. r., signifie arrêt de la chambre civile de la cour de cassation, qui rejette. Civ. c. D., signifie arrêt de la chambre civile, qui casse un arrêt de la cour de Douai. Cr. c., signifie arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation, qui casse. Cr. r. signifie arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation, qui rejette. Carn. Instr. cr. ou Cod. pén. signifie Carnot, de l'Instruction criminelle ou Commentaire du Code pénal.

Car., Carr., ou lois de pr., ou organ., signifie Carré, Lois de la procédure ou Commentaire de l'organisation et de la compétence. Corm., signifie Cormenin, Questions de droit administratif.

Dagev. ou Dag., signifie Dageville.

Deg., signifie Degerando, Cours de droit administratif.

Dem., signifie Demiau-Crousillac.

Delv. ou Delvin., signifie Delvincourt.
Dal., signifie Dalloz, Dictionnaire général.
Dict. du not., signifie Dictionnaire du notarial.
Dict. de proc., signifie Dictionnaire de procédure
de Bioche et Goujet.

Dur., 12, n. 10, signifie Duranton (Cours de
droit civil), t. 12, no 10.
Edit. ou Ed., signifie les éditeurs.

Emér. ou Emėrig., signifie Emérigon.

E. P., signifie Persil, fils.

Fav., Rép., vo, etc., signifie Favard, Répertoire verbo, etc.

Fouc., signifie Foucart, Éléments de droit public et administratif.

Gren., signifie Grenier, Traité des donations ou des hypothèques.

Gr. et Jol., signifie Grün et Joliat, Traité des assurances terrestres.

Int. de la loi, signifie intérêt de la loi.
Henr., signifie Henrion de Pansey, de la Com-

pétence des juges de paix ou de l'Autorité ju-
diciaire.

L. ou l. 15 pluv. an iv, signifie loi du 15 pluviôse an IV.

Leg. ou Legrav., signifie Legraverend, Législation criminelle.

Lev., signifie Levasseur.
Loc., signifie Locrė.

Longch. signifie Longchampt, Code rural ou Dictionnaire des juges de paix.

Merl., Rép., Quest., ou Q. D., signifie Merlin,
Répertoire ou Questions de droit.
Moll., signifie Mollot.

Pard., Pardess., signifie Pardessus, Droit commercial.

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