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vance (1), l'époque de l'ouverture et celle de la clôture de la chasse, dans chaque département (2).

D'ailleurs M. le garde des sceaux s'est expliqué formellement sur ce point.

Nous avons supprimé, a-t-il dit, la faculté accordée par la loi de 1790 à tout propriétaire ou possesseur de chasser ou faire chasser en tout temps dans ses bois et forêts, pourvu que ce ne fût pas avec des chiens courants. Il est évident que cette faculté peut compromettre essentiellement les deux intérêts que nous désirons protéger. Pour aller chasser dans ses bois en tout temps, même lorsque la terre est couverte de récoltes, il est difficile de ne pas causer du dommage dans les champs que l'on traverse; il est difficile de ne pas saisir l'occasion de tirer une pièce de gibier partie fortuitement de la propriété d'autrui. Enfin si l'on veut conserver le gibier, encore trop jeune et trop facile à détruire, on doit le protéger même dans les bois. » (Exposé des motifs.)

(1) M. Genoux avait proposé de rédiger ainsi l'art. 3: Les préfets détermineront par des arrêtés l'époque de l'ouverture et celle de la clôture de la chasse dans chaque département. Les arrêtés de clôture devront être publiés au moins dix jours à l'avance; et son amendement avait pour but, comme on le voit, de ne pas déterminer le délai dans lequel les arrêtés devront être pris relativement à l'ouverture de la chasse.

Du long délai préalable que vous prescrivez, a-t-il dit à l'appui de sa proposition, voici ce qui peut résulter le préfet, qui ne veut ouvrir la chasse qu'après l'enlèvement des récoltes principales, saura, après avoir consulté sur ce point les sous-préfets et les maires, qu'une semaine, par exemple, suffira pour cet enlèvement; il publiera son arrêté, déclarant la chasse ouverte dans les dix jours. Mais le mauvais temps, les pluies, viendront déranger ses prévisions, et empêcher d'achever les récoltes. Voudra-t-il rapporter son arrêté? Mais faites attention que vous aurez décidé que les arrêtés en cette matière ne sont obligatoires qu'au bout de dix jours; que, dès lors, le second arrêté, qui sera, par rapport au premier, un véritable arrêté de clôture, ne pouvant produire son effet qu'au bout de dix jours, il y aura un temps égal au nombre de jours qui se seront écoulés entre la publication des deux arrêtés, pendant lequel la chasse sera légalement ouverte, et cela contre l'intention, contre la volonté de l'autorité à laquelle vous aurez voulu laisser la libre et discrétionnaire réglementation de la matière dont il s'agit.»

M. le rapporteur a repoussé l'inconvénient signalé par M. Genoux. « Qu'arrivera-t-il? selon lui, c'est, a-t-il dit, que le premier arrêté qui aurait été pris serait modifié par un second, et que le second s'identifiant avec le premier, il y aurait un délai de quinze jours, au lieu d'un délai de dix jours. Il n'en peut résulter aucun inconvénient.

M. Genoux a persisté dans sa proposition, et M. le rapporteur a repris: « Je n'ai qu'un mot à dire, c'est que les arrêtés d'ouverture de chasse ne donnent droit de parcourir que les terres qui sont dépouillées de leurs fruits.

L'amendement n'a pas été adopté.

Evidemment, si, avant que le jour fixé pour l'ouverture de la chasse par un premier arrêté ne soit arrivé, le préfet, mieux informé, en prend un second par lequel il détermine un jour plus éloigné, ce second arrêté devra recevoir son exécution

immédiatement; et l'on ne serait pas autorisé à dire qu'il ne peut être obligatoire que le dixième jour à compter de sa date, sous prétexte qu'il est un arrêté de clôture. Son yéritable but est de rap porter le premier arrêté; ce qui est parfaitement légal. Si, lorsque déjà l'ouverture a eu lieu, le préfet croyait devoir la reporter à une époque plas éloignée, ce serait différent, et l'on pourrait soutenir avec avantage que c'est là un arrêté de clôture, obligatoire seulement le dixième jour.

(2) M. Barrillon avait proposé de remplacer les mots dans chaque département, par ceux-ci: dans les communes ou les cantons de leur département. Il entendait par là, a-t-il dit, « réserver formellement au préfet ce que le gouvernement et la commis sion lui réservaient tacitement, la faculté d'ouvrir divisément la chasse dans certaines parties du dé partement et même des arrondissements.

Puis, il demandait qu'on ajoutât : . En aucun cas, ils ne pourront déléguer aux maires l'autorité qui leur est déférée par le présent article. »

M. le garde des sceaux a répondu que c'était « une disposition inutile; qu'il n'y avait pas besoin de e

dire. »

M. Barrillon a insisté en ces termes : Si je l'ai dit, c'est que je connais un département, celui de l'Oise, où cela est nécessaire. C'est seulement depuis deux ans que le préfet ne peut pas déléguer aux maires le droit d'ouvrir la chasse jusqu'alors, c'était un usage constant, le préfet fixait l'ouver ture générale de la chasse; mais il accordait aux maires le droit de la retarder. Ainsi, les préfets dé léguaient aux maires l'autorité que la loi donne aux préfets seuls. »

M. le garde des sceaux a persisté dans l'opinion que l'article était tout à fait inutile. Il est bien clair, a-ti dit, qu'un préfet ne peut déléguer le droit que la loi lui attribue que quand la faculté de déléguer est accordée par là loi; or, cette facule n'étant pas donnée, le préfet doit exercer luimême le droit qu'il a d'ouvrir et de clore la chasse; c'est là la législation..

M. Barrillon a fait observer qu'il répondait par un fait.

Mais M. le garde des sceaux a répondu avec raison que si un préfet a mal exécuté la loi, ce n'est pas un motif pour venir insérer dans la loi une disposition qui serait en opposition formelle avec toute la législation.»

M. Barrillon a déclaré que l'explication donnée par M. le garde des sceaux lui suffisait, et l'enga geait à retirer la phrase de sa rédaction relative à la délégation du pouvoir des préfets; mais il a soutenu qu'il fallait maintenir la disposition por tant qu'on pourra ouvrir la chasse à des époques différentes dans divers arrondissements.

c'est

M. le garde des sceaux a encore répondu que dans de droit. Il est bien certain, a-t-il dit, que, un grand nombre de départements, il y a des ar rondissements qui sont beaucoup plus avancés que d'autres; aussi, il arrive qu'il y a des époques diffé rentes pour différents arrondissements, et même pour différentes communes. »

Ces explications, données par M. le garde des sceaux, ont satisfait M. Barrillon, et lui out paru un commentaire suffisant de la loi; en conse quence, il a retiré son amendement.

Ainsi, le maire ne pourra jamais, même au

4. Dans chaque département (1), il est interdit de mettre en vente, de vendre (2)', d'acheter (5),

moyen d'une délégation formelle, exercer les pouvoirs qui sont confiés au préfet seul, ni apporter aucune modification aux arrêtés pris par ce dernier. (Voy. arrêt de la Cour de cassation, du 23 avril 1835, Journal du Palais, t. 27, p. 98.)

Mais rien ne s'oppose à ce qu'il fasse dans sa commune des règlements de police rurale ou de police municipale, sur des objets expressément confiés à sa vigilance, alors même que l'exercice du droit de chasse devrait se trouver modifié par leur application.

C'est en partant de ces principes, que la Cour de cassation a jugé que le règlement qui défend de chasser, pendant le temps des vendanges, à une, certaine distance des vignes, afin de prévenir les accidents est obligatoire. (3 mai 1834, Dalloz, 34.1. 312.)

Au surplus, les arrêtés du préfet sont des règlements de police et de sûreté, qui ne peuvent être modifiés par des conventions privées; en conséquence, l'adjudication qui concède à des individus la faculté de chasser pendant six mois, du 1 octobre au 1 avril de chaque année, dans les prés appartenant à une commune, n'est qu'un acte privé, destiné à régler les intérêts particuliers des babitants, et ne peut, dès lors, créer, au profit des ayants-cause de cette commune, une exception aux

prohibitions portées par des réglements généraux d'ordre public sur la police de la chasse; et l'approbation donnée par le préfet au cahier des charges d'une telle adjudication ne peut avoir pour effet d'attribuer aux adjudicataires plus de droits que la commune n'en a elle-même. En conséquence, les adjudicataires trouvés chassant en temps prohibé ne peuvent être renvoyés de la prévention, sous prétexte qu'il y a eu dérogation à leur profit à un reglement qui fixe le jour de l'ouverture de la chasse. (Cassation, 7 octobre 1842, Journal du Palais, 1843, p. 57; Sirey-Devill., 43. 1. 147.)

Lorsqu'un arrêté suspend l'exercice de la chasse, à compter d'un jour fixé, ce jour est compris dans la prohibition. On ne peut invoquer, en pareil cas, les règles d'après lesquelles les jours termes ne sont pas comptés dans les délais. (Cass., 7 sept. 1833, Dalloz, 33. 1. 362.)

Au surplus, et pour éviter toute équivoque, MM. les préfets feraient bien d'expliquer, en termes formels, que la chasse cessera d'être permise à la fin de tel jour.

ly avait dans le projet de loi un paragraphe

additionnel ainsi conçu:

(1) Ces mots ont été employés dans une intention qu'il est facile de saisir. On a voulu que la défense de mettre en vente, de vendre, d'acheter, de transporter et de colporter du gibier commençât et finit dans chaque département en même temps que la défense de chasser. Sans cela, la frande cût été trop facile; il eût suffi que la chasse fût permise dans un seul département de la France pour que dans tous les autres on eût vendu, acheté, transporté et colporté le gibier. Au moyen de la rédaction de l'article, la prohibition de vendre, d'acheter, etc., ne peut être éludée. Vainement, pour se justifier, on dirait que le gibier vendu on transporté provient d'un département où la chasse est permise, ou même qu'il arrive de l'étranger. Cette justification ne serait point accueillie; le délit existerait par cela seul que la chasse serait prohibée dans le département où le fait de vente, d'achat, de transport ou de colportage aurait eu lieu.

Ces arrêtés seront pris par le préfet de police, pour la circonscription de la préfecture de police.» M. Boudet a demandé la suppression de cette phrase, qui, selon lui, est inutile; car il est bien ce sera le préfet de police qui, dans

certain que

la circonscription de la préfecture de police, devra prendre les arrêtés qui fixeront l'ouverture ou la clôture de la chasse. Il y aurait même un inconvénient à la maintenir, a-t-il ajouté, car si plus tard nous faisions une loi où il s'agit des attributions du préfet de police, et que nous eussions oublié d'y placer une phrase analogue à celle-là, on pourrait lui contester l'attribution nouvelle résultant de cette loi, qui ne la déterminerait pas spé

cialement.

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(2) L'interdiction de la vente du gibier, hors le temps où la chasse est autorisée est une des innovations les plus importantes de la loi nouvelle. M. le garde des sceaux a indiqué avec soin, dans son exposé des motifs, la portée de cette prohi bition et les raisons qui l'ont fait admettre.

Au surplus, le mot vendre n'était pas dans le projet; il a été ajouté par la commission de la Chambre des Pairs.

(3) Le mot acheter a été ajouté par un amendement de M. de la Plesse. Les développements que cet oraleur a donnés sur sa proposition en feront connaître l'esprit et la portée. Il importe de les rapporter.

Au milieu des objections assez vives qu'a soulevées le projet de loi, a-t-il dit, un sentiment général a prédominé sur tous les bancs de cette Chambre, c'est le désir de réprimer autant que possible le braconnage. Pour atteindre ce but, le gouvernement a proposé un moyen qui est nouveau dans la loi, mais qui n'est pas nouveau dans la pratique, c'est celui de défendre la mise en vente du gibier dans le temps où la chasse est prohibée. Je dis que le moyen est nouveau dans la loi, mais qu'il ne l'est pas dans la pratique, M. le garde des sceaux l'a reconnu lui-même dans son exposé des motifs, en rappelant que, dans plusieurs villes, des maires avaient pris des mesures analogues, c'est-à-dire des mesures interdisant la mise en vente du gibier, sur les marchés publics, hors le temps où la chasse est autorisée.

Ainsi, la mesure a déjà été exécutée. et nous pouvons en connaître les effets. Or, qu'est-il arrivé? Le gibier n'a plus été présenté sur les marchés, mais les braconniers l'ont porté là où ils avaient la certitude de trouver des acheteurs, dans les auberges, dans les restaurants, ou sur les grandes routes où les conducteurs le prenaient pour l'amener à Paris.

«La défense de la mise en vente sur les marchés n'a donc pas eu l'effet qu'on pouvait attendre de cette mesure; mais les administrations municipales ne pouvaient aller au-delà. Dans la Chambre des Pairs, on a proposé d'ajouter les mots de vendre; c'est une amélioration, mais je ne la crois pas suffisante. En effet, pour que la prohibition eût son effet, il faudrait qu'à l'instant où la vente s'effectue, des officiers de police judiciaire se trou vassent sur les lieux, c'est-à-dire dans les auberges

chez les restaurateurs ou sur les grandes routes, au moment où le braconnier vient y apporter le produit de sa chasse; évidemment, cela ne se pourra pas.

«Que faut-il donc? Il faut que l'acte qualifié délit entre les mains du vendeur, soit aussi quali fié delit entre les mains de l'acheteur; il faut qu'il ne soit pas plus permis d'acheter qu'il n'est permis de vendre; en un mot, il faut que les officiers de police puissent entrer chez l'acheteur et frapper de la même prohibition et l'acheteur et le vendeur. Je l'avoue, je ne vois pas quelle objection sérieuse on pourrait faire à cette mesure, complétement indispensable. Dira-t-on que c'est une espèce d'inquisition? Non, ce n'est pas une mesure d'inquisition, mais une mesure de perquisition, que la loi donne alors qu'il s'agit de constater un délit de droit commun.

Sans doute, le gouvernement ne viendra pas dire que ce serait donner à des officiers de police le droit de tracasser injustement les citoyens. Nous lui répondrions que sa confiance dans ses agents allait bien au-delà, lorsque, les élevant au-dessus des Cours royales même réduites à enregistrer leurs procès-verbaux, il proposait de donner' à ces procès-verbaux force jusqu'à inscription de faux.

Et d'ailleurs n'est-il pas évident que les officiers de police judiciaire ne pourront faire des perquisitions sans avoir des indices suffisants, comme en matière ordinaire? Et vous voudriez, quand ils s'apercevront du délit, les priver du droit de le constater? Vous ne le pouvez pas, Messieurs, il faut que le commissaire de police puisse, à l'arrivée de la voiture publique, faire pour le gibier vendu en contravention de la loi, ce qu'on fait pour le tabac pour la poudre de guerre achetés en fraude; il faut qu'il puisse vérifier entre les mains de l'acheteur, et à son domicile, le délit qui a été commis. »

Cet amendement a fait naître de vives discussions dans la Chambre des Députés. Il est bien à craindre qu'il ne donne aussi lieu à plus d'une difficulté dans la pratique.

Par quel moyen, en quel temps et en quel lieu l'achat du gibier pourra-t-il être recherché et constaté? L'acheteur ne sera-t-il punissable qu'autant qu'il aura été pris en flagrant délit? Le ministère public ne pourra-t-il pas au contraire le poursuivre sur des indices, sur de fortes présomptions comme en malière criminelle ordinaire?

C'est dans ce dernier sens que l'entendait l'auteur de l'amendement, comme nous venons de le voir.

Mais, objectaient les orateurs qui ont combattu sa proposition, vous allez violer le domicile des citoyens; vous allez les soumettre à une inquisition odieuse.

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Non, Messieurs, a-t-il répondu, il s'agit de con. slater un délit comme dans toute autre matière criminelle; or, les autorités judiciaires ne se permettent jamais d'envahir le domicile, à moins qu'il n'y ait des présomptions graves et des indices suffisants pour faire croire à l'existence de ce délit. »

M. le garde des sceaux a combattu ce système : Il faut, a-t-il dit, que les lois arrivent à leur but sans mesures vexatoires. Je conçois bien qu'on punisse l'individu qui vient exposer en vente tel gibier, mais du moment que, pour punir l'acheteur, vous seriez obligé de faire des perquisitions au domicile de ce dernier, d'aller examiner dans la cuisine d'un citoyen quelle est la nature des provisions des

tinées à sa consommation, le but que voulez allein. dre sera évidemment dépassé.

« Il faudrait même aller plus loin; il faudrait aussi punir quiconque aurait sur sa table tel ou tel gibier. Cela n'est pas possible; il faut renfermer la prohibition de la loi dans de certaines limites...

M. Maurat-Ballange a insisté en ces termes: Mais on dit : Si vous appliquez ce principe dans la loi que nous discutons, vous arrivez à des conse quences extrêmement fâcheuses, à la violation du domicile des citoyens que la loi ne peut environner de trop de garanties; c'est dans cet intérêt qu'a été rédigé l'art. 4. »

Mais depuis quand, parce qu'on trouve plus ou moins de difficulté à constater un délit, recule-t-on devant l'application des principes qu'on a posés?

«Croyez-le bien, si vous admettez l'amendement de M. de la Plesse, dans une foule de circonstances, et tout en respectant le domicile des citoyens, la loi recevra son application. On ne peut raisonnablement soutenir le contraire, car toutes les ventes ne se font pas seulement dans l'intérieur du domicile, il s'en fait souvent dans les lieux publics; il y a donc des délits de complicité, qui peuvent être constatés facilement, sans pénétrer dans le domicile. »

M. Gillon a pensé qu'il était impossible d'autoriser des recherches plus qu'indiscrètes dans les par ties les plus reculées de la maison des citoyens, et que personne ne pouvait songer à permettre des investigations persécutrices; il a demandé en con séquence que l'article fût de nouveau renvoyé à l'examen de la commission, qui verrait s'il ne serait pas possible, par exemple, de ne punir l'acheteur que quand il serait surpris en flagrant délit d'achat...

M. Crémieux a parlé à peu près dans le même sens: « Vous avez à décider, a-t-il dit, si parce que vous ne pouvez pas atteindre celui qui aura venda, il faut arriver à la punition de celui qui aura achete du gibier pour arriver à la constatation du délit, le suivre en quelque sorte jusque sur la table de l'in dividu qui a du gibier (Non! non!); rechercher jusque-là l'origine de ce gibier, car si vous voulez des complices, il faut les atteindre tous; et prenezy garde, ce n'est pas seulement celui qui achète sur la place publique, qui est complice, mais celui qui l'a sur sa table; vous viendrez donc à la table d'un individu pour constater un délit. »

M. de la Plesse a répondu : « Messieurs, si la me sure proposée était encore inexpérimentée, je con cevrais des inquiétudes, quoique peu fondées; mais je l'ai déjà dit à la Chambre, des arrêtés analogues ont été pris dans plusieurs villes; quel a été leur effet? La vente a-t-elle cessé ? Eh! mon dieu non; le braconnier n'est plus allé au marché e poser publiquement la preuve de son délit ; il s'est adressé à l'aubergiste, au conducteur des voitures publiques, et, après avoir vendu clandestinement le gibier qu'il avait apporté bien caché, bien soustrait à l'oeil de la police, il a disparu aussitôt.

«Eh bien, sera ce faire une inquisition odieuse d'entrer chez l'aubergiste qui étalera derrière les carreaux de sa fenêtre le perdreau qu'il viendra

que

d'acheter?

Sera-ce faire une visite domiciliaire que d'in specter, à son arrivée dans la capitale, la voiture publique qui y aura transporté le gibier acheté sur

Ja route?

«Sera-ce enfin violer les lois protectrices du domicile des citoyens que d'entrer dans ces liens de

de transporter (1) et de colporter du gibier pendant le temps où la chasse n'y est pas permise.

dépôt où ce même gibier attend des acheteurs, et de les prendre pour complices d'un acte qualifié délit par une loi formelle ?

⚫Non, Messieurs, rassurez-vous, et croyez bien que nos officiers de police sauront concilier les droits justement chers aux habitants avec l'exécu tion de leurs devoirs, avec la recherche des délits, que vous voulez justement punir dans un intérêt d'ordre et de bien public.

Je persiste dans mon amendement, et je supplie la Chambre de l'adopter comme le complément nécessaire, indispensable d'une sanction sans laquelle votre loi serait morte, et sans force aucune des son origine.

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M. Maurat-Ballange a ajouté: C'est une grande erreur de croire, qu'il est nécessaire pour constater les délits, de faire des procès-verbaux dans tous les cas; il y a une foule de cas où le délit peut être constate autrement que par un procès-verbal; il peut l'être par la preuve testimoniale. Si le minis. tere public acquiert la certitude de l'existence d'un délit, et s'il peut prouver l'existence de ce délit autrement que par une perquisition, je le demande à ceux qui s'opposent à l'amendement de M. de la Plesse, dans ce cas même ne pourra-t-il pas poursaivre, tout en respectant le domicile? C'est précisé ment le cas qui se présente le plus ordinairement. » Sur ces observations, l'amendement, mis aux voix, a été adopté.

Les dernières explications données par M. Maurat-Ballange déterminent clairement quelle est la portée de la prohibition de la loi; elles dictent au ministère public les règles de conduite qu'il devra suivre; il poursuivra l'achat dans tous les cas, et de moyen preuve; mais il devra respecter le domicile, et s'abstenir de toute inquisition persécutrice.

par lout

Au surplus, et par surcroft de précautions, M. de Golbéry a proposé et fait admettre le paragraphe additionnel qui est le troisième de l'article, et qui

porte:

La recherche du gibier ne pourra être faite à domicile que chez les aubergistes, chez les marchands de comestibles, et dans les lieux ouverts au public. »

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M. de la Plesse a vivement combattu cette disposition; il a prétendu qu'elle avait pour objet de faire tomber complétement celle qu'il avait proposée.

En effet, a-t-il dit, les individus chez lesquels on veut permettre de faire des perquisitions n'auront jamais le gibier chez eux; ils auront des maisons tierces dans lesquelles ils le déposeront, et où T'on ne pourra pas exercer. Ainsi, c'est un moyen indirect de revenir sur ce que la Chambre a voté hier, et il n'est pas de la dignité de la Chambre de discuter on tel amendement.

Les prévisions de M. de la Plesse pourront bien se réaliser; mais il allait évidemment trop loin en disant que l'amendement de M. de Golbéry faisait complétement tomber le sien, il ne fait que l'expliquer; il était à craindre que les perquisitions à domicile entrainassent des abus, et c'est pour ce motif que ce moyen de preuve a été interdit ; mais la probibition de l'achat reste entière du reste; et comme le disait M. Maurat-Ballange, si le ministere public acquiert la certitude de l'existence d'an déiit, et s'il pent en prouver l'existence au

En cas d'infraction à cette disposition, le gibier sera saisi, et immédiatement livré à l'établissement de bienfaisance le plus

trement que par une perquisition, par la preuve testimoniale par exemple, il pourra le poursuivre, tout en respectant le domicile.

C'est ce qu'a exprimé M. le garde des sceaux, en disant dans son second exposé des motifs à la Chambre des Pairs :

«Les nouvelles mesures qui ont été adoptées auraient pu servir de prétexte à des visites domiciliaires, et donner lieu à des inquisitions vexatoires. Pour prévenir cet inconvénient, l'art. 4 a reçu un paragraphe additionnel, portant que la recherche du gibier ne pourra être faite à domicile que chez les aubergistes, chez les marchands de comestibles, et dans les lieux ouverts au public.

Toutefois si le fait indiqué par M. de la Plesse se réalisait, si l'aubergiste, le marchand de comestibles avait un dépôt dans une maison particuliere, je crois que la perquisition dans cette maison serait licite. Ce qu'on n'a pas voulu permettre, c'est que le domicile de celui qui aurait acheté du gibier pour sa consommation personnelle, fût soumis à des recherches toujours fâcheuses. Mais le marchand qui achete dans l'intention de revendre, dans un but de spéculation, n'est pas protégé par la disposition de la loi; les perquisitions dans son domicile sont autorisées, et l'on doit considérer comme faisant partie de son domicile tout local qu'on lui loue ou qu'on lui prête pour exercer l'industrie réprouvée par la loi.

Sans doute il serait possible que les agents chargés de la constatation des délits dont il est question, abusassent de l'interpretation que je propose de donner à la loi. Ils pourraient, sous prétexte qu'une personne est complice de l'aubergiste ou du marchand de comestibles, avoir la prétention de s'introduire dans sa maison et d'y faire des recherches. Cet inconvénient est moins grave qu'on ne pourrait le penser. Il y a dans l'exécution des lois beaucoup de choses qu'il faut nécessairement laisser à la prudence de ceux qui en sont chargés, et croire qu'ils sauront discerner ce qui est l'accomplissement de leur devoir de ce qui serait un exces de zèle ou même un abus de pouvoir.

En un mot, le simple citoyen qui aura acheté du gibier sera puni, si le fait est prouvé; mais pour l'établir, on ne pourra point faire des recherches dans son domicile.

Quant au marchand, à l'aubergiste qui achète pour revendre, il sera également puni si le fait d'achat est prouvé contre lui; et, pour arriver à la preuve, on pourra faire des perquisitions dans tous les lieux où il aura placé le gibier objet de sa spéculation.

(1) Le mot transporter a été introduit ici par la Chambre des Députés, sur la proposition de M. Leseigneur.

Suivant les orateurs qui ont soutenu cet amendement, il était à craindre que le transport ne servit à déguiser le colportage du gibier et à en favoriser la vente secrète. L'interdiction absolue du transport était le seul moyen de rendre la loi efficace.

En sens contraire, on a soutenu que l'interdiction du transport était inconciliable avec la dispo sition de l'art. 2. Si vous donnez, a-t-on dit, au propriétaire le droit de chasser dans ses possessions closes et attenant à une maison d'habitation, il

voisin, en vertu, soit d'une ordonnance du juge de paix, si la saisie a eu lieu au chef

faut qu'il puisse transporter le gibier qu'il aura tué de sa maison de campagne à sa maison de ville.

Mais on a répondu : Il est évident que ce n'est pas à la qualité de propriétaire possédant un terrain clos qu'on accorde le droit de chasse. C'est uniquement à raison de l'impossibilité de pénétrer dans son habitation que vous ne vous opposez pas à ce qu'il chasse en temps prohibé. Eh bien ! le privilége ne doit s'exercer que dans le cercle resserré dans lequel la nécessité l'a circonscrit; il ne doit pas aller au-dela.....

En dehors de ce qui est commandé par des considérations puissantes, pourquoi la loi n'obligeraitelle pas le propriétaire à rentrer dans le droit commun? Sans cela, vous faites une loi de privilége.

la

La commission de la Chambre des Pairs n'hésita pas à adopter l'innovation introduite par Chambre des Députés. M. Franck-Carré, dans son rapport, a fait très-bien ressortir les motifs de celle détermination.

Plusieurs difficultés se présentent sur l'application de la disposition qui interdit le transport du gibier en temps prohibé.

pro

Premièrement, le transport est-il un délit pre, punissable dans tous les cas, et sans que le porteur puisse être admis à prouver que le gibier dont il se trouve nanti vient d'un clos attenant à son habitation?

M. Franck-Carré a déclaré, dans son rapport, que le fait d'avoir le gibier en sa possession et de le transporter, est un délit sui generis, autre que le délit de chasse. « C'est le parc, a-t-il dit, et non le propriétaire qui est en dehors du droit commun, ou plutôt l'immunité s'applique à l'enclos, non au propriétaire de l'enclos; voilà pourquoi elle couvre le fait de chasse qui se passe dans le lieu clos, et pourquoi elle ne peut s'étendre au transport, au colportage, à la vente, qui s'accomplissent nécessairement en dehors du lieu clos, en public.

Ainsi, le porteur ne pourra se prévaloir de ce que le gibier vient de son clos, et il ne pourra jamais être admis à faire la preuve de ce fait, qui ne serait pas justificatif.

Cependant, M. Gillon a émis l'opinion contraire:

On rencontre, a-t-il dit, un homme porteur de gibier, au temps où la chasse est défendue, cet homme, , par cela seul, est punissable; c'est l'époque de l'interdiction de la chasse qui rend rẻ. préhensible l'action de transporter le gibier. Le rapprochement de ces deux circonstances fait et constitue sa culpabilité : il n'y a rien autre à examiner que ces deux circonstances. La logique la plus déliée, la parole la plus ingénieuse sont impuissantes contre cette conséquence, qu'il y a délit dans la coïncidence des deux faits. Cependant on résiste, on se récrie. Mais, dit-on, comment donc le propriétaire de l'enclos, qui aura chassé légitimement, échappera-t-il à une poursuite? Si on le rencontre transportant de sa maison des champs à son habitation de ville le gibier qu'il a tué, comment se soustraira-t-il à la punition? En prouvant que ce gibier n'a pas été acheté par lui, mais qu'il l'a abattu sur sa propriété enclose. D'abord ce cas est rare, en comparaison des cas nombreux de transport de gibier faits par des braconniers, des maraudeurs, des traficants de gibier.

. Or, pour un cas exceptionnel, pourrionsnous consentir à renoncer à une règle sage et

lieu de canton, soit d'une autorisation du maire, si le juge de paix est absent, ou si

ferme, qui est réclamée pour des circonstances très-fréquentes? J'ajoute que le propriétaire pour lequel on fait un appel si instant à ma sollicitude, a un moyen fort simple de se mettre à convert de toute recherche inquisitoriale et à l'abri de toute poursuite judiciaire. C'est de prendre de l'autorité locale une attestation qui constate la vérité. Si notre désir de punir ceux qui transportent le gi bier passe dans la loi, il est évident qu'une telle attestation sera le moyen le plus simple comme le plus sûr, pour le propriétaire de l'enclos, de n'être pas poursuivi au sujet du gibier trouvé en sa possession par l'employé de l'octroi, par exemple, qui, à l'entrée de la ville, visite sa voiture. (C'est vrai!) Cette précaution vaudra mieux que d'assigner des témoins, qui déposeront du fait heureux de chasse dans son enclos, lorsqu'il sera traduit devant le tribunal au sujet de ce gibier trouvé en sa possession au temps défendu. Ainsi, le propriétaire n'est pas exposé à la persécution par cela qu'on punira le transport.

Ainsi M. Gillon était d'avis que le propriétaire peut être admis à prouver que le gibier qu'il transporte vient de sa propriété close, mais la Chambre n'a pas adopté cette opinion, et l'on voit sans cesse la discussion s'appuyer sur le principe opposé. En effet, le plus grand reproche adressé à l'amendement de M. Leseigneur par ses adver saires a été qu'il ôtait au propriétaire tout moyen d'apporter à la ville le gibier qu'il aurait légalement tué dans sa maison de campagne.

Un propriétaire, disait M. Vatout, va le dimanche chasser dans son parc à quatre lieues de Paris; il chasse selon la faculté que vous lui avez accordée par votre art. 2; il tue quelques piéces de gibier; qu'en fera-t-il? Voilà ce que je demande. (Exclamations!) Il est seul dans sa maison de cam

pagne.

« Il ne peut pas manger son gibier. S'il le donne & son voisin, M. Gillon dira : ll y a la un vendeur et un acheteur; il faut verbaliser contre ces deux braconniers.

S'il l'envoie à Paris, à ses amis, M. de Morny dira Ses amis s'appellent Chevet ou Corcelet! Il ne le donne pas, il le vend! Enfin, s'il veut le rapporter chez lui, on l'arrête à la barrière !..... En vérité, c'est entendre d'une manière singulière la liberté ! .

M. Glais-Bizoin a répondu : . Il mangera son gibier sur son domaine; il le consommera sur place; il invitera ses amis de campagne ! »

Ainsi, on doit tenir pour certain que le proprié taire, porteur du gibier tué dans son clos, ne pourra s'excuser sur ce que ce gibier lui vient d'une cause légitime. Le rapport supplémentaire de M. Lenoble à la Chambre des Députés confirme cette interprétation de la manière la plus expresse.

« Le projet de loi que vous avez voté, y est-il dit, ne prononçait dans aucun cas la saisie du gibier. Le motif avait été celui-ci c'est que le résultat d'une poursuite, entrevu d'une manière générale, peut être un acquittement, et que la res titution du gibier est impossible.

A l'égard du chasseur, cette considération subsistera toujours; car, en supposant que la saisie du gibier soit praticable sur sa personne, sans qu'il en résulte une lutte, ce qui est contestable, il est certain que les circonstances d'un fait complexe

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