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CODE DE COMMERCE.

LIVRE IV.

DE LA JURIDICTION COMMERCIALE.

Décrété le 14 septembre 1807; - Promulgué le 24 du même mois.

TITRES I A IV.

[ARTICLES G15 à 648.]

EXPOSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'Etat MARET. Séance du 4 septembre 1807.

MESSIEURS,

SA MAJESTÉ nous a chargés de présenter à votre sanction le livre IV du Code de commerce...... de la Juridiction commerciale.

Ce livre traite de l'organisation des tribunaux de commerce, de leur compétence, de la forme de procéder devant eux, de celle de procéder devant les cours d'appel.

L'organisation des tribunaux de commerce diffère peu de ce qu'elle est depuis plusieurs années. Ils auront des présidents, des juges et des suppléants. La fixation du nombre des juges, ainsi que celui des tribunaux, celle des lieux où ils siégeront, n'ont pas paru du domaine de la loi; et en effet, SA MAJESTÉ peut seule bien juger des besoins des localités. 11 n'est pas à craindre qu'elle diminue le nombre actuel de ces tribunaux, dont, pour la presque totalité, une existence ancienne justifie le besoin elle connaît d'ailleurs les services qu'ils ont rendus au commerce; elle compte sur ceux qu'ils lui rendront encore.

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ART. 618. Tout Français faisant le commerce, est actuellement appelé à l'élection des juges; elle sera confiée seulement à des commerçants, chefs des maisons les plus anciennes et les plus recommandables par la probité, l'esprit d'ordre et d'économie. (Art. 619.)

Leurs noms seront placés sur une liste de notabilité, rédigée par les préfets, et approuvée par le ministre de l'intérieur. Ce mode doit garantir la continuation des bons choix.

ART. 623. La question de savoir si les présidents et les juges pouvaient être réélus indéfiniment, a été résolue négativement. La loi dispose qu'ils ne pourront être réélus qu'après un an d'intervalle. On ne s'est pas dissimulé qu'en prononçant ainsi, la loi pourrait quelquefois priver, pendant un an, un tribunal d'un ou plusieurs de ses membres les plus dis tingués; on ne s'est pas dissimulé qu'un tribunal fort rapproché de nous, où président depuis long-temps la probité et les lumières pourrait sentir plus vivement cette privation; mais fallait-il mettre tels autres juges égale ment probes et éclairés, dans la position de souffrir d'une non réélection. Car, on ne peut se le taire, si la réélection sans intervalle était permise, tout juge qui ne l'obtiendrait pas, se croirait blessé dans son honneur. Or, la loi doit-elle placer dans cette situation des hommes qui abandonnent leurs affaires personnelles pour se livrer à un service pénible et gratuit? Il a paru d'ailleurs que, si la perpétuité des fonctions, dans les tribunaux civils et crimi

nels était un bienfait pour les justiciables, il était plus dans l'intérêt du commerce, que des commerçants fussent successivement appelés à juger leurs pairs. C'est donc dans l'intérêt du commerce et dans celui des commerçants, appelés par l'estime publique à la fonction de juges, que la loi a prononcé.

ART. 642, 645. Ce même intérêt réclame des décisions promptes, une exécution rapide; la forme de procéder, tant en première instance qu'en appel, doit être simple: le fait doit être rapporté avec une sorte de naïveté, et, autant que possible, par les parties ellesmêmes, afin que le juge soit plus à portée d'apprécier leur bonne foi. C'est dans cet esprit que les titres III et IV du livre que nous examinons sont rédigés ; que l'art. 33 (647) du titre IV défend aux cours d'appel d'accorder des défenses, ni de surseoir à l'exécution des jugements des tribunaux de commerce, quand même ils seraient attaqués d'incompétence; c'est dans cet esprit, que l'art. 13 (627) de la loi que nous vous présentons interdit le ministère des avoués; disposition que vous avez déjà sanctionnée dans le Code de procédure civile, article 414, mais dont l'art. 13 (627) précité organise l'exécution. C'est dans cet esprit, que l'art. 11 (625) établit, pour la ville de Paris seulement, des gardes du commerce pour l'exécution des jugements emportant la contrainte par corps. La loi ne fait que redonner la vie à un établissement regretté par le commerce de Paris, parce que les gardes procuraient sûreté dans l'exécution, sans employer des formes trop dures.

ART. 631. L'organisation des tribunaux de commerce, la forme de procéder devant eux, était la partie facile de la loi dont nous vous exposons les motifs. Le titre II, de la Compétence, a présenté des questions plus importantes.

ART. 632.- Depuis la publication de l'ordonnance de 1673, mais surtout depuis 1789, le commerce est devenu la profession d'un bien grand nombre de Français; la volonté seule donne le droit de faire le commerce. Tel se livre babituellement au négoce, tel autre ne fait qu'accidentellement des actes qui, sous certains rapports, sont de véritables actes de De là, on avait conclu que la compétence des tribunaux de commerce se déterminait par le fait qui donnait lieu à la contestation ; que si ce fait était un acte de com

commerce.

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merce, celui qui y avait pris part, quelle qu'en fût la cause, quelle que fut sa qualité, était justiciable d'un tribunal de commerce; qu'en définissant les actes de commerce, on réglerait invariablement la compétence des tribunaux de commerce; que, passant ensuite à la reconnaissance des actes de commerce, on devait considérer comme tels.... tous actes de trafic et négoce de denrées et marchandises.... toutes signatures données sur des lettres de change, ou billets à ordre.... toutes entreprises de manufactures, etc., etc.... Ainsi, la compétence aurait été déterminée par le fait seul, sans exception.

L'application rigoureuse de ce principe a paru présenter de graves inconvénients, en ce que tous les Français, faisant des actes de trafic plus ou moins étendus, seraient tous, par ce seul fait, justiciables des tribunaux de com

merce.

Par exemple, un magistrat achète des denrées pour le besoin de sa maison; quelques circonstances le déterminent à en vendre une partie. D'après le principe que le fait détermine la compétence, comme dans l'espèce, il y a eu achat et vente, et conséquemment trafic de denrées : le jugement des contestations nées sur la vente faite par le magistrat, appartiendrait au tribunal de commerce; cependant, en soi, l'acte de ce magistrat n'est pas un véritable acte commercial; c'est un acte civil qui, en cas de contestation, doit conduire les contractants devant les tribunaux civils.

La loi n'a donc pu admettre le principe dans sa généralité, mais elle a dû considérer que le Français non négociant, que celui exerçant une profession civile ou militaire, que le capitaliste qui achète des marchandises ou des denrées audelà de ses véritables besoins, fait alors un acte commercial de sa nature, puisque la quantité de la chose achetée prouve l'intention de la revendre, ce qui constitue le trafic. Cependant il n'y a encore que présomption; le fait qu'il a acheté au-delà de ses véritables besoins, n'est pas reconnu; la loi a dû réputer ce marché, acte de commerce, et laisser aux juges l'examen du fait et les conséquences à en tirer.

Mais si la loi a dû dire, tel acte est réputé fait de commerce, n'en est-il pas tels autres qui le sont si évidemment, qu'il n'y a point d'examen à faire pour les qualifier?... Oui, sans doute; mais c'est en considérant, comme le fait la loi, la qualité des personnes qui ont contracté........

Et en effet, il est constant que les engagements et transactions entre négociants, marchands et banquiers, sont des actes positifs de commerce, à moins qu'il ne s'agisse de denrées et marchandises achetées pour leur usage particulier; car, dans ce dernier cas, ce n'est plus comme négociants qu'ils ont contracté, mais comme citoyens.

Il suit de ces considérations, que la compétence des tribunaux de commerce a dû être déterminée, soit par la nature de l'acte sur lequel il y aura contestation, soit par la qualité de la personne.

ART. 631.- Ainsi, les tribunaux de commerce connaîtront.... de toutes contestations relatives aux engagements et transactions entre négociants, marchands et banquiers.... Entre toutes personnes, des contestations relatives aux actes de commerce... et la loi définit ce qu'elle répute acte de commerce.

Il serait superflu de vous entretenir, avec détail, de ces définitions comprises aux art. 632 et 633 de la loi; leur clarté parait devoir nous en dispenser, et nous passons aux dispositions des articles 636 et 637, qui ont des rapports avec ce que dit l'article 18 sur la lettre de change.

Nous sommes obligés de rappeler l'article 112 du livre I.er du Code de commerce, il porte : « Sont réputées simples promesses toutes lettres ⚫ de change contenant supposition, soit de << nom, soit de qualité, soit de domicile, soit « des lieux doù elles sont tirées, ou dans lesquels elles sont payables. » Les motifs de cet article sont... que certaines circonstances changent la nature de l'engagement souscrit sous le titre de lettres de change, qu'alors il n'est qu'une obligation civile, dont l'examen appartient aux tribunaux civils; conséquemment, l'article 636 dispose que, sur la réquisition du défendeur, le tribunal de commerce sera tenu de renvoyer au tribunal civil.

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gement commercial, obligation civile de la part du signataire non négociant, et obligation commerciale de la part du signataite négociant; celui-ci a paru devoir entraîner l'autre devant les juges de commerce.

Les mêmes articles 636 et 637, dont nous venons de rapporter des obligations relatives aux lettres de change réputées simples promesses, règlent encore la compétence des tribunaux de commerce, en ce qui concerne les billets à ordre.

On demandait que le billet à ordre fût, en tout, assimilé à la lettre de change, et pour la juridiction, et pour la contrainte par corps, quels qu'en fussent les signataires....

Après de longues discussions, les raisons, en faveur de cette opinion, ont paru plus spécieuses que justes, et, conséquemment aux principes suivis pour le réglement de la compétence des tribunaux de commerce, l'on s'est arrêté aux principes suivants.

ART. 636. —Le billet a ordre portant des signatures d'individus non négociants, et n'ayant pas pour occasion des opérations de commerce; trafic, change, banque ou courtage, est une obligation civile qui ne peut être sonmise aux tribunaux de commerce.

ART. 637.-Le billet a ordre portant, en même temps, des signatures d'individus négociants et d'individus non négociants, est, tout à la fois, une obligation civile pour les uns, et une obligation commerciale pour les autres ; l'intérêt du commerce veut, dans ce cas, que les tribunaux de commerce en connaissent. Mais il ne faut pas qu'ils puissent prononcer la contrainte par corps contre les individus non négociants, à moins qu'ils ne se soient engagés à l'occasion d'opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage.

L'application de ces principes accorde au commerce tout ce que son intérêt, bien entendu, exigeait de la loi.... Aller au-delà Mais il peut arriver que la lettre de change, c'était mettre les individus non négociants dans réputée simple promesse aux termes de l'ar- le cas de ne pouvoir plus se servir d'un papier ticle 112, porte, en même temps, des signatures qui, avec un usage modéré, peut leur être d'individus négociants et d'individus non négo- utile dans leurs transactions sociales.... Aller ciants; l'article 637 veut alors que le tribunal au-delà, c'était étendre la faculté de se soude commerce en connaisse, mais qu'il ne puisse mettre à la contrainte par corps, quand il est prononcer la contrainte par corps contre les dans l'intérêt de l'état et dans nos mœurs qu'elle individus non négociants, à moins qu'ils ne se soit limitée.... Enfin, cette faculté eût fait soient engagés à l'occasion d'opérations de comprendre une autre direction aux emprunts pour merce, trafic, change, banque ou courtage. affaires civiles, direction contraire à l'intérêt Dans ce second cas, il y a, sauf celui d'enga- des familles, en ce qu'elle eût offert plus de

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C'est donc par des considérations d'ordre public que la loi a refusé d'assimiler, en tout, le billet à ordre à la lettre de change; mais, en même temps, elle a su ménager l'intérêt particulier du commerce; il a toujours été le but que nous avons tâché d'atteindre.

Aussi, c'est dans cet intérêt que la loi dispose, art. 639, que les tribunaux de commerce jugeront, en dernier ressort, toutes les demandes dont le principal n'excédera pas la valeur de mille francs, ainsi que toutes celles où les parties justiciables de ces tribunaux auront déclaré vouloir être jugées définitivement et sans appel.

ART. 635. C'est dans cet intérêt, que la loi accorde aux tribunaux de commerce une action fort étendue dans les faillites, le jugement des oppositions au concordat lorsque les moyens de l'opposant seront fondés sur des actes ou opérations dont la connaissance leur est attribuée, l'homologation du traité entre le failli et ses créanciers.

ART. 634. C'est dans cet intérêt, que les tribunaux de commerce connaîtront des actions contre les facteurs, commis des marchands ou leurs serviteurs, pour le fait seulement du trafic du marchand auquel ils sont attachés; qu'ils connaîtront des billets faits par les receveurs, payeurs, percepteurs et autres comptables des deniers publics.

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ART. 638. C'est enfin dans cet intérêt, que les billets souscrits par un commerçant sont censés faits pour son commerce, et que ceux des receveurs , payeurs, percepteurs et autres comptables de deniers publics, sont censés faits pour leur gestion, lorsqu'une autre cause n'y est point énoncée.

Il nous reste à vous entretenir, messieurs, de la disposition de la loi qui excepte de la compétence des tribunaux de commerce les actions intentées contre un propriétaire, cultivateur ou vigneron, pour vente de denrées provenant de son crû; elle se justifie d'ellemême, car il est évident que ces ventes ne sont point assimilables à celles que fait un commerçant.

EXPOSÉ DES MOTIFS DE LA LOI portant fixation de l'époque à laquelle le Code de Commerce sera exécuté, présenté au Corps Législatif, par M. le Conseiller-d'Etat CORVETTO.

Séance du 8 septembre 1807.

MESSIEURS,

sensible. Les transactions commerciales reposeront sous l'égide de la bonne foi et sous la

Le Code de Commerce s'élève à côté du Code Napoléon : de nouveaux bienfaits vont se répandre sur la France. Pendant que la vic-garantie des tribunaux éclairés, qui honoretoire marchait sous les aigles françaises aux bords de la Vistule étonnée, la législation commerciale recevait en silence des améliorations que l'expérience avait indiquées.

Le commerce va prendre une nouvelle direction: les lois seront en harmonie avec ses besoins, avec ses habitudes, avec ses véritables intérêts: ces lois seront simples et faciles; elles ne déploieront de sévérité que contre la fraude; elles préviendront l'imprudence, elles corrigeront l'inconduite, elles soulageront le malheur. Le scandale insultant des faillites ne révoltera plus l'homme juste et Tome II.

ront eux-mêmes le commerce. L'artisan industrieux dans son atelier, l'honnête commerçant au milieu de ses sages combinaisons, le navigateur intrépide, du sein même des tempêtes, béniront le nom auguste et chéri du grand homme qui, après avoir recomposé et vengé la patrie, lui prépare toutes les sources d'une prospérité permanente, qui ne connaît de repos que dans un changement de travail, et dont le bonheur ne se compose que de la félicité de son peuple!

Mais il est temps, messieurs, d'accélérer ces bienfaits. SA MAJESTÉ a pensé que le 55

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