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Décrété le 23 ventôse an XI (14 mars 1803); - Promulgué le 3 germinal (24 mars 1803). [ARTICLES 102 à 111.]

EXPOSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'État EMMERY.

Séance du 13 ventóse an x1 (3 mars 1803).

LÉGISLATEURS,

Le maintien de l'ordre social exige qu'il y ait des règles d'après lesquelles on puisse juger du vrai domicile de chaque individu.

Il n'appartient qu'à la constitution de poser celles du domicile politique.

Les règles du domicile, considéré relativement à l'exercice des droits civils, sont du ressort de la loi civile. Il n'est ici question que de celles-ci.

Le citoyen cité devant un magistrat est obligé de comparaître; mais cette obligation suppose qu'il a été touché de la citation.

Il n'est pas toujours possible de la donner à la personne; on peut toujours la remettre à son domicile.

ART. 102.-On entend par-là le lieu où une personne, jouissant de ses droits, a établi sa demeure, le centre de ses affaires, le siége de sa fortune; le lieu d'où cette personne ne s'éloigne qu'avec le desir et l'espoir d'y revenir dès que la cause de son absence aura cessé.

Le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est donc au lieu où il a son principal établissement.

ART. 108. L'enfant n'a pas d'autre domicile que celui de son père; et le vieillard, après avoir vécu long-temps loin de la maison paternelle, y conserve encore son domicile, s'il n'a pas manifesté la volonté d'en prendre

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de volonté ; tandis que si l'intention est constante, elle opère avec la résidence la plus courte, celle-ci ne fût-elle que d'un jour.

Vous voyez que toute la difficulté, dans cette matière, tient à l'embarras de reconnaître avec certitude quand le fait et l'intention se trouvent réunis : tant qu'un homme n'a pas abandonné son premier domicile, on ne peut pas lui prêter une volonté contraire à celle que le fait rend sensible.

La difficulté commence lorsque, de fait, il y a changement de résidence; si les motifs de ce changement restent incertains; s'ils sont tels, qu'on ne puisse pas en conclure l'intention de quitter pour toujours l'ancien domicile et d'en prendre un nouveau.

Ces questions tombent nécessairement dans le domaine du juge; l'ancienne législation les y avait laissées, la nouvelle tenterait vainement de les en tirer; il n'y a pas moyen de prévoir tous les cas.

Ce que peut faire le législateur, c'est d'offrir à la bonne foi de ceux qui veulent changer de domicile, un moyen légal de manifester leur volonté sans équivoque, 'en sorte qu'il n'y ait plus de prétexte aux argumentations qu'on voudrait leur opposer.

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ART. 104. On propose en conséquence de faire résulter la preuve de l'intention, d'une déclaration expresse qui aurait été fite, tant à la municipalité du lieu qu'on quitte, qu'à celle du lieu où l'on transfère son domicile. Cette déclaration n'est point obligée :

raires ou révocables: il faudra donc que l'intention de renoncer à son ancienne demeure soit clairement manifestée.

l'homme qui n'aura que des motifs honnêtes, micile de l'acceptation de fonctions tempopour user de sa liberté naturelle en changeant de domicile, ne craindra pas d'annoncer hautement sa volonté, que nul n'a le droit de contrarier; le fait concourant avec elle, l'évidence se rencontrera des deux côtés, et il n'y aura plus matière à contestation.

ART. 105. Mais l'homme qui, par exemple, fuira ses créanciers, n'aura garde de signaler sa fuite par des déclarations; celui-ci ne pourra pas non plus faire admettre comme certain ce qui restera toujours en question, par rapport à lui: à défaut de déclaration expresse, la preuve de son intention dépendra des circonstances dont le juge deviendra l'arbitre.

Un citoyen appelé à des fonctions publiques, hors du lieu où il avait son domicile le perdra-t-il en acceptant des fonctions qui l'obligent de résider ailleurs? Cette question, d'un intérêt général dans la république, demandait une solution positive.

Il a paru qu'elle sortirait naturellement des principes, si l'on distinguait entre les fonctions temporaires et révocables, et celles qui sont conférées à vie.

ART. 107. Un fonctionnaire a l'intention de remplir ses devoirs dans toute leur étendue, la loi ne peut du moins admettre une autre supposition. Celui qui accepte des fonctions inamovibles, contracte, à l'instant même, l'engagement d'y consacrer sa vie, lors donc qu'il se transporte au lieu fixé pour l'exercice de ses fonctions, ses motifs ne sont pas douteux; à côté du fait constant se place une intention moralement évidente : il y a donc translation immédiate du domicile de ce fonctionnaire inamovible dans le lieu où il doit exércer ses fonctions.

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ART. 108. L'ancien droit, fondé sur la natare même des choses, doit subsister, et subsistera par rapport aux femmes mariées, aux mineurs non émancipés, et aux majeurs interdits. Le domicile des premières est chez leurs maris; celui des autres, chez leurs pères, mères, tuteurs ou curateurs.

ART. 109. Les majeurs qui servent ou qui travaillent habituellement chez autrui. ont le mème domicile que la personne qu'ils servent, ou chez laquelle ils travaillent, pourvu qu'ils demeurent avec cette personne • et dans la même maison. Cette condition suffit pour restreindre le principe général dans ses justes bornes, et prévenir toute incertitude dans l'application.

ART. 110. On rappelle, pour la confirmer, la règle en vertu de laquelle le lieu d'ouverture de la succession est déterminé par le domicile du défunt. Il importe à tous les intéressés de savoir précisément à quel tribunal ils doivent porter leurs demandes. Un homme peut mourir loin de chez lui lui, ses héritiers peuvent être dispersés, ces circonstances feraient naître de grands embarras, s'il n'y était pourvu par le moyen qui est en usage, et qu'il a paru sage de maintenir.

ART. 111. Enfin, législateurs, on a cru devoir autoriser la convention par laquelle des parties contractantes, ou l'une d'elles, éliraient un domicile spécial et différent du domicile réel, pour l'exécution de tel ou tel acte. La loi ne fait en cela que prêter sa force à la volonté des parties, qui n'a rien que de licite et de raisonnable; seulement on exige que l'élection de domicile soit faite dans l'acte même auquel elle se réfère, et pour qu'on ne puisse pas en abuser, on a soin de restreindre l'effet d'une semblable stipulation aux significations, demandes et poursuites relatives à ce même acte: elles seules pourront être faites au domicile convenu, et devant le juge de ce domicile.

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Décrété le 24 ventôse an x1 (15 mars 1803); - Promulgué le 4 germinal (25 mars 1803); [ARTICLES 112 à 143.]

EXPOSÉ DES MOTIFS par M. le Conseiller-d'Etat BIGOT DE PRÉAMENEU. Séance du 14 ventose an x1 (5 mars 1803),

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Elle peut venir aussi de ce que l'individu absent n'est plus à portée de veiller à ses intérêts.

Ici la loi et les juges ont besoin de toute leur sagesse.

Leur but est de protéger l'absent; mais lors même qu'ils ne veulent que le garantir des inconvénients de son absence, ils sont le plus souvent exposés aux risques de le troubler dans le libre exercice que chacun doit avoir de ses droits.

L'absence, dans l'acception commune de cette expression, peut s'appliquer à ceux qui sont hors de leur domicile, mais dont on connaît le séjour ou l'existence; il ne s'agit ici que des personnes qui se sont éloignées du lieu de leur résidence ordinaire, et dont on n'a point de nouvelles.

Depuis long-temps le vœu des jurisconsultes était qu'il y eût enfin à cet égard des règles fixes. Tome II.

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ART. 115. Lorsque l'absence, sans nouvelles, s'est prolongée pendant un certain temps, on en a tiré, dans les usages des différents pays, diverses conséquences.

Dans les uns, et c'est le plus grand nombre, on a pris pour règle, que toute personne absente et dont la mort n'est pas constatée, doit être présumée vivre jusqu'à cent ans; c'est-à-dire, jusqu'au terme le plus reculé de la vie ordinaire, mais qu'alors même un autre mariage ne peut être contracté.

Dans d'autres pays on a pensé que, relativement à la possession et même à la propriété des biens de l'absent; il devait être présumé mort avant l'âge de cent ans, et que le mariage était le seul lien qui dût être regardé comme indissoluble avant l'expiration d'un siècle écoulé depuis la naissance de l'époux absent.

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D'autres enfin ont distingué entre les absents qui étaient en voyage et ceux qui avaient disparu subitement : dans ce dernier cas on

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Les années qui s'écoulent ensuite rendent plus forte la présomption de la mort, mais il n'est pas moins vrai qu'elle est toujours plus ou moins balancée par la présomption de la vie; et si, à l'expiration de certaines périodes, il est nécessaire de prendre des mesures nouvelles, elles doivent être calculées d'après les différents degrés d'incertitude, et non pas exclusivement sur l'une ou l'autre des présomptions de vie ou de mort, ce qui conduit à des résultats très-différents.

Nous avons à parcourir les différentes, périodes de l'absence, à examiner sur quel nombre d'années il a été convenable de les fixer, et quelles ont été, dans chacune de ces périodes, les mesures exigées par le propre intérêt de l'absent, par celui de sa famille, et par l'intérêt public, qui veut aussi que les propriétés ne soient pas abandonnées ou trop long-temps incertaines.

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La première période est celle qui se trouve entre le moment du départ et l'époque où les héritiers présomptifs de l'absent peuvent être

envoyés, comme dépositaires, en possession de ses biens.

Les usages sur la durée de cette période étaient très-variés.

A Paris, et dans une partie assez considérable de la France, elle était de trois ans ; dans d'autres pays de cinq, dans d'autres de sept et de neuf ans.

Le cours, de trois années n'a point paru suffisant: on doit, en fixant la durée de cette première période, considérer la cause la plus ordinaire de l'absence; ce sont les voyages maritimes, pendant lesquels il est assez ordinaire que plusieurs années s'écoulent avant qu'on ait pu donner de ses nouvelles."

ART. 119. Mais si, pendant cinq années entières, il n'en a été reçu aucunes, on ne pourra plus se dissimuler qu'il y a incertitude sur la vie; et lorsque les tribunaux auront fait pour découvrir l'existence de l'absent, d'inutiles enquêtes, il y aura dans le langage de la loi, absence proprement dite.

ART. 112, 114.- Quant aux précautions à prendre pendant les cinq premières années, la loi ne peut, pour l'intérêt des personnes du ministère public et à la prudence des juges. absentes, que s'en rapporter à la surveillance

proprement dite aura lieu; mais lorsqu'elle L'éloignement fait présumer que l'absence n'est encore que présumée, il n'est point censé que la personne éloignée soit en souffrance pour ses affaires; il faut qu'il y en ait des preuves positives; et lors même que cette personne n'a pas laissé de procuration droit croire que c'est à dessein de ne pas confier le secret de sa fortune.

on

Avec quelle réserve les magistrats euxmêmes, malgré leur caractère respectable et la confiance qu'ils méritent, doivent - ils donc, se décider à pénétrer dans le domicile, qui fut toujours un asyle sacré ! .

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ART. 113. Cependant celui qui s'est éloigné sans avoir donné une procuration, peut avoir laissé, des affaires urgentes, telles que l'exécution des congés de loyer, leur paiement, celui d'autres dettes exigibles. Il peut se trouver intéressé dans des inventaires, dans des comptes, des liquidations, des partages.

Ce sont autant de circonstances, dans lesquelles les créanciers ou les autres intéressés ne doivent pas être privés de l'exercice de leurs droits. Ils ont celui de provoquer la justice; et tout ce que peuvent les tribunaux en

son mari relatifs à leur éducation et à l'administration de leurs biens.

faveur de la personne qui, par son éloigne- | des enfants, et qu'elle exerce tous les droits de ment, s'est exposée à ces poursuites, c'est de se borner aux actes qui sont absolument nécessaires pour que, sur ses biens, il soit satisfait à des demandes justes.

Ainsi, lorsqu'il s'agira du paiement d'une dette, ce sera le magistrat, dont le secret et la bonne foi ne peuvent être suspects à la 'personne éloignée, qui pénétrera un seul instant dans son domicile, pour en extraire la partie de l'actif absolument nécessaire, afin de remplir ses engagements.

ART. 113. Les successions, les comptes, les partages, les liquidations, dans lesquels les absents se trouvent intéressés, étaient, -avant les lois nouvelles, autant de motifs pour leur nommer des curateurs. Trop souvent ces curateurs ont été coupables de dilapidations; trop souvent même, avec de la bonne foi, ils ont, soit par ignorance, soit par négligence à défendre les intérêts de l'absent, soit même par le seul fait du discrédit que causent de pareilles gestions, opéré leur ruine. Une loi de l'assemblée constituante du 11 février 1791, avait réglé que, « S'il y avait << lieu de faire des inventaires, comptes, « partages et liquidations dans lesquels se << trouveraient intéressés des absents qui ne << seraient défendus par aucun fondé de procuration, la partie la plus diligente s'adres<< serait au tribunal compétent, qui com« mettrait d'office un notaire pour procéder « à la confection de ces actes. »>

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L'absent lui-même n'eût pu choisir personne qui, plus qu'un notaire; fût en état de connaître et de défendre ses intérêts dans ce genre d'affaires.

Une mesure aussi sage a été maintenue. Il n'en résulte pas que les nominations de curateurs soient interdites dans d'autres cas où les tribunaux le jugeront indispensable, mais ils ne le feront qu'en cherchant tous les moyens d'éviter les inconvénients auxquels cette mesure expose.

ART. 114.Il peut encore arriver que le père qui s'est éloigné ait laissé des enfants mineurs, il n'est pas de besoin plus urgent que celui des soins qui leur sont dus.

Rien à cet égard à'avait encore été prévu ni réglé.

Il est conforme aux principes qui vous seront exposés au titre des Tutèles, que si la femme de l'absent vit, elle ait la surveillance

C'est l'intérêt des enfants, qui sont, à cet égard, au nombre des tiers ayant droit d'invoquer la justice: c'est le droit naturel de la mère; c'est la volonté présumée et en quelque sorte certaine du père absent, lorsqu'il n'y a aucune preuve d'intention contraire.

ART. 142. Si la mère n'existe plus, on ne saurait croire que le père n'ait pris à son départ aucune précaution pour la garde et l'entretien de ses enfants; mais aussi on présume que ces précautions n'ont été que pour un temps peu long, et dans l'espoir d'un prochain retour: on présume qu'elles n'ont point été suffisantes pour établir toutes les fonctions et tous les devoirs d'une tutèle.

Ainsi, lorsqu'un temps, que l'on a fixé à six mois depuis la disparition du père, se sera écoulé, la surveillance des enfants sera déférée par le conseil de famille aux ascendants les plus proches, et, à leur défaut, à un tuteur provisoire.

ART. 143. Cette mesure sera également nécessaire dans le cas où la mère serait morte depuis le départ du père, avant que son absence ait été déclarée, et dans le cas où l'un des époux qui aurait disparu laisserait des enfants mineurs issus d'un mariage précédent.

ART. 115. Nous sommes parvenus à la seconde période, celle qui commence par la déclaration d'absence.

C'est cette formalité qui doit avoir les conséquences les plus importantes. D'un côté, les biens ne peuvent pas rester dans un plus long abandon; mais d'un autre côté un citoyen ne peut pas être dépossédé de sa fortune avant qu'on ait employé tous les moyens de découvrir son existence, et de lui faire connaître qu'on le met dans son pays au nombre de ceux dont la vie est incertaine.

Des précautions si raisonnables, et qui seront désormais regardées comme étant d'une absolue nécessité, avaient été jusqu'ici in

connues.

La déclaration d'absence ne consistait que dans le jugement qui envoyait les héritiers présomptifs de l'absent en possession des biens. Il n'y avait, pour faire prononcer cet envoi, d'autre formalité à remplir que celle de produire aux juges un acte de notoriété dans lequel l'absence, sans nouvelles, était attestée;

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