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politique et qui n'était, en fin de compte, autre chose que la victoire d'une individualité peu scrupuleuse. Cette nécessité de se séparer des alliés dangereux dont il avait accepté le concours, avait apparu au maréchal, dès les premières tentatives qu'il avait' faites pour rentrer dans une situation régulière.

Après une courte session extraordinaire, commencée le 15 décembre 1851, et qui avait suffi pour montrer les éléments hétérogènes dont se composait le congrès, la session législative ordinaire s'était ouverte le 2 janvier 1852. La réforme de la charte n'avait pas éveillé les passions des partis. Tout ce que cette réforme changeait de la Constitution, c'était l'élection indirecte qu'elle remplaçait par le vote direct: elle exigeait encore, pour les traités internationaux, l'approbation des Chambres et abolissait la peine de mort en matière politique. Voici le résumé fidèle de cet acte additionnel à la Constitution portugaise :

- « Les cortès reconnaissent le régent ou nomment la régence; la nomination des députés a lieu par l'élection directe. Sont électeurs tous les citoyens portugais majeurs qui ont un revenu annuel de 100,000 reïs (500 fr.), excepté les domestiques, les affranchis, et ceux qui sont privés de l'administration de leurs biens. Dans chaque commune, il y aura un conseil municipal élu directement par le peuple et chargé de l'administration de la commune. Les impôts seront votés tous les ans ; les lois qui les établissent obligent seulement pour un an. Dans la première quinzaine qui suivra la réunion de la Chambre des députés, le gouvernement présentera les budgets des recettes et des dépenses de l'année suivante, et, dans le premier mois, à partir de la même date, les comptes de l'année précédente. La peine de mort pour crimes politiques demeure abolie. »

L'acte additionel fut voté sans opposition par tous les partis. Mais quand le maréchal provoqua un vote sur l'ensemble des décrets dictatoriaux pour lesquels il réclamait un bill d'indemnité, l'opposition septembriste se dessina vigoureusement dans la Chambre des députés. Plusieurs décrets furent approuvés. Mais le plus important de tous, celui du 3 décembre, relatif à la capitalisation des fonds publics, fut repoussé par 81 voix contre 57 (20 juillet).

L'opposition chartiste s'était également montrée, dans la Chambre des pairs, assez peu disposée à l'obéissance passive. Aussi, peu satisfait de ce premier essai de régime régulier, je duc de Saldañha s'empressa de prononcer la dissolution de la Chambre des députés (24 juillet), et d'indiquer pour les élections nouvelles un terme éloigné qui fut encore reculé plus tard, au 12 décembre: Les Chambres nouvelles ne pourraient donc se réunir de nouveau qu'au commencement de janvier 1853.

Les cinq derniers mois de l'année furent donc remplis par une dictature nouvelle, pendant laquelle le duc de Saldañha s'occupa de compléter l'organisation administrative et financière du pays par décrets, et de se préparer pour la nouvelle réunion parlementaire une majorité dévouée.

Déjà, on l'a vu, les décrets dictatoriaux portés en 1851 avaient touché à beaucoup d'intérêts généraux. Ceux de 1852 firent plus encore. Ce fut d'abord la promulgation d'une loi sur la prepriété littéraire, puis la création d'un ministère des travaux publics, du commerce et de l'industrie (30 août). Un autre décret promulguait un code pénal nouveau en 499 articles (10 décembre); un autre établissait le système français métrique des poids et mesures, qui devait être introduit graduellement (13 décembre); un autre avait pour objet de former des écoles agricoles; un autre enfin réduisait le droit d'expor tation sur l'orchella ou orseille, espèce d'algue marine, de 500 à 400 reïs, soit 2 fr. 25 par quintal sur les chargements en destination à l'extérieur. Toutes ces mesures étaient adoptées avec le plus parfait mépris des corps législatifs qui allaient s'assembler le 2 janvier.

Mais la partie la plus importante, la moins justifiable des mesures dictatoriales eut pour objet les finances. Sans doute, l'intention était très-bonne il s'agissait de combler le déficit, cette plaie toujours saignante d'un pays où le service de la dette publique enlève à peu près la moitié des recettes annuelles (4,000 contos de reïs, soit 24 millions de francs). Mais le gouvernement du duc de Saldanha procédait à la cure avec une har- diesse singulière. On va le voir.

Déjà un décret du 3 décembre 1851 avait capitalisé les inté

rêts en souffrance de la dette, ainsi que ceux d'un emprunt de 24 millions de franos fourni par la Banque et tous les traitements d'activité ou de retraite des employés. Le 30 août 1852, fut décrétée la prise de possession d'un fonds d'amortissement appartenant à la Banque. Enfin, le 22 décembre, une mesure encore plus radicale réduisit l'intérêt de la dette.

- C'était là, en vérité, un plan d'une simplicité extrême : disposer d'un nombre considérable d'ayant-droits importuns, diminuer de 4 pour cent la dette consolidée, ne demander aucun capital pour exécuter l'opération, faire, en un mot, une banqueroute sans dividende. C'était là le résultat de l'ordonnance qui réduisait toute la dette extérieure consolidée du Portugal à un seul fonds de 3 pour cent, sans que l'option fût permise aux, créanciers entre recevoir tout, ou partie de leur argent en place de l'obligation nouvelle.

Le décret du 22 décembre portait conversion en obligations à intérêt de 3 pour cent, des rentes 5 pour cent, des inscriptions et des polices qui, primitivement, et en vertu d'un contrat solennel passé par le gouvernement et la Banque de Portugal, le 19 novembre 1846, confirmé par les Chambres législatives dans deux sessions différentes, puis converti en loi du pays par la sanction royale donnée aux ordonnances des 19 août 1848 et 16 avril 1850, avaient été affectées à la dotation de la caisse spéciale d'amortissement pour le rachat de certaines dettes stipulées, principal et intérêts, dues par le gouvernement à la Banque et autres créanciers généraux. Se voyant ainsi violemment dépossédée d'une valeur solide, sur laquelle reposaient et de laquelle découlaient ses engagements et ses charges, la Banque, par l'organe de son conseil dirigeant, dénonça au public anglais cette a odieuse déloyauté », cette a absence de toute honnêteté vulgaire. » Une protestation en règle fut signée le 27 décembre, par le président, M. Joaquim Pereira da Costa et par les directeurs, MM. José Lorenço da Luz, José Manuel Leitao, Auguste Xavier da Sylva, etc.

L'avenir montrerait si le gouvernement portugais aurait la sagesse de rendre quelque confiance au crédit ébranlé en faisant quelque concession à ces réclamations légitimes.

Toutefois, parmi ces mesures dictatoriales, il est juste de dis

tinguer celle qui, à la date du 31 décembre, établissait pour le royaume une contribution directe et unique, conformément à la loi de répartition autrefois proposée par M. le comte de Thomar. Cette mesure, si elle pouvait être sérieusement appliquée, simplifierait l'assiette des impôts aujourd'hui si étrangement multipliés et si arbitrairement perçus.

Promulgué par décret, le 26 juillet, le budget pour 1852-53 était évalué, pour les recettes à un peu plus de 10,000 contos de reïs (10,793,406,876 r.), soit environ 65 millions de francs; pour les dépenses, à près de 15,000 contos de reis (12,888, 813,941 r.), soit environ 77 millions de francs. Déficit approximatif 12 millions de francs. Les dépenses se décomposaient ainsi qu'il suit :

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Le 11 août, eut lieu, à Lisbonne, l'adjudication aux enchères de la construction du chemin de fer de Lisbonne à la frontière d'Espagne. Les ministres, le fiscal général des finances et la commission spéciale des chemins de fer s'étaient réunis à cet effet au secrétariat du royaume. Le maréchal présidait l'assemblée.

Trois propositions avaient été présentées au gouvernement: une seule avait rempli les conditions prescrites. Des deux autres, l'une proposait seulement la construction de la première section de la ligne l'autre contenait à peine les bases nécessaires pour former une compagnie. En conséquence, le gouvernement ne put qu'accepter la première. Celle-ci était faite par une société de capitalistes anglais qui s'était constituée à Londres sous la raison sociale Compagnie centrale péninsulaire des chemins de fer de Portugal.

CHAPITRE IX..

GRANDE-BRETAGNE. Les partis, impuissance ministérielle, lord Palmerston et l'Europe; le bill sur la milice, craintes exagérées d'une invasion française, vote hostile au cabinet, retraite de l'administration wigh, entrée aux affaires des tories; opposition formidable, nouveau bill sur la milice, adoption; le plan financier de M. Disraëli, libre échange et protection; clôture de la session, élections, mort du duc de Wellington; ouverture du nouveau Parlement, encore la liberté commerciale; plan financier de M. Disraëli, échec, retraite du cabinet tory, ministère de conciliation et de fusion. - L'armée, Colonies Indes la marine, les fortifications, le commerce, le budget. orientales; expédition contre Ava; Australie, l'or et la laine.

GRANDE-BRETAGNE,

L'ouverture du Parlement britannique semblait devoir être aussi l'ouverture de la succession du ministère. Pendant la ses sion précédente, il avait compté pour ainsi dire le nombre des défaites par le nombre des séances. Battu sur toutes les questions importantes, il ne s'était maintenu que par l'impuissance des protectionnistes, l'aumône quotidienne des radicaux et l'impossibilité reconnue de lancer l'Angleterre dans le bouleversement d'une élection générale à la veille d'une exposition universelle. Cette existence artificielle semblait devenue impossible. Le parti radical, irrité par la retraite de lord Palmerston, dominé par les préoccupations excitantes d'une campagne électorale, allait se montrer plus exigeant, plus intraitable. Les souvenirs de la dernière session étaient humiliants pour le cabinet. Les nouvelles de la plupart des possessions coloniales étaient mauvaises, on s'exagérait les difficultés et les échecs de la guerre du Cap. Les_ partis fractionnés manquaient de force pour composer un minis

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