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port avec celui de la consommation. Aussi, tandis que la production augmente en Russie et qu'on voit l'importation du fer de Finlande et de Pologne s'élever, en douze ans, de 2,457,000 kil. en 1838, à 4,095,000 en 1850, l'exportation du fer russe à l'étranger diminue considérablement.

Une autre preuve de l'insuffisance de la production, c'est l'augmentation du prix des fers dans ces dernières années.

Ainsi, en 1838, le fer en barre coûtait en gros 1 rouble 57 copecks le poud (58 fr. 44 c. le quintal métrique), et en 1850, 1 rouble 59 copecks le poud (38 fr. 83 c. le quintal). Numériquement l'augmentation est peu considérable, mais elle le paraîtra en réalité si l'on considère que, sur les autres marchés d'Europe, le prix du fer a, de 1858 à 1850, notablement baissé.

En résumé, l'exploitation du fer en Russie, bien qu'elle soit importante et en progrès, est encore minime, eu égard à l'étendue et à la population d'un empire qui compte près de 70 millions d'habitants. Dans ces contrées, il n'est pas rare de parcourir des distances considérables sans trouver de chevaux ferrés, et les roues des voitures de transport et des charrettes ne le sont pas davantage.

Au reste, l'augmentation de la production sera presque impossible tant que les usines russes emploieront exclusivement le bois comme combustible. Le bois, dans plusieurs districts, est d'un prix fort élevé, attendu qu'il faut aller le chercher à 100 verstes (plus de 106 kilomètres) des usines.

Pour remédier à cet état de choses, le gouvernement russe a commencé à brûler dans les hauts fourneaux l'anthracite du pays du Don. Mais la distance qui sépare les mines de l'Oural de ces gisements d'anthracite sera toujours un obstacle grave à ce qu'on y emploie ce combustible. Ce n'en serait pas moins un progrès énorme si l'on pouvait en généraliser l'usage dans les gouvernements de la nouvelle-Russie.

Quant aux mines de l'Oural, le combustible végétal ne leur mauque pas encore, et les qualités spéciales de leurs produits leur assurent pour longtemps un facile débouché. Ce n'est même qu'à ces qualités particulières qu'est due l'exportation des fers russes tant en Angleterre qu'en France, exportation qui diminue

du reste progressivement, tandis que l'importation en Russie des fers et des aciers étrangers, ainsi que des machines, augmente d'année en année. Il en avait été importé pour les valeurs suivantes aux deux époques comparées ci-après.

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Le gouvernement russe, on le comprend, attache une importance extrême à la conquête des nouvelles voies de communication qui abrègent les distances et multiplient les éléments de puissance et de richesse. Au mois de novembre 1851, on se le rappelle, avait été ouverte la première grande ligne de fer de l'empire russe, celle de Moscou à Saint-Pétersbourg, comptant 750 kilomètres, et mettant les deux villes à vingt heures l'une de l'autre. Les travaux duraient depuis huit ans, sous l'habile direction du général Kleinmichel, directeur des travaux publics. Cette voie était la seconde par la date de son inauguration, mais la première par son importance. La première qui fut construite en Russie est celle de Saint-Pétersbourg à Tsarskoeselo, résidence impériale voisine de la capitale. Plusieurs autres lignes étaient en projet, par exemple, celle de Saint-Pétersbourg à Kronstadt, celle de Saint-Pétersbourg à Baltischport en Estonie, et surtout celle de Saint-Pétersbourg à Varsovie, qui doit relier définitivement l'empire à toute l'Europe occidentale. De Varsovie, cette ligne doit toucher Bialystock et vivifier le commerce de la Lithuanie et des provinces de la Baltique. Ce sera, sans doute, un puissant instrument d'assimilation ajouté à tous ceux que le gouvernement russe emploie déjà dans le royaume de Pologne.

CHAPITRE VI.

Situation de l'empire, questions menaçantes au dedans et au dehors. - Question des Lieux-Saints, historique, réclamations de la France, lutte d'influence, lettre particulière de l'empereur de Russie au sultan, concessions enfin obtenues, crise ministérielle, revirement de politique, tout est remis en question, hatti-chérif ordonnant le maintien du statu-quo; retour de M. de Lavalette sur le Charlemagne, concessions obtenues, leur valeur. - Agres sion du Montenegro, les Vladikas de cette province, révolution intérieure, la souveraineté de la Porte contestée, menées de la Russie; expédition tarque, imprudence du divan, inquiétudes des puissances, les interventions. -Quelques autres difficultés extérieures, assassinat du père Basile, châtiment; destitution du pacha de Tripoli. Vices de l'administration intérieure, deficit financier, la banque de Constantinople, répugnance pour le système d'emprunt, négociation d'un prèt sur garantie, échec, retour à l'idée d'un emprunt, désaveu des mandataires, crise ministérielle; firman qui accroit l'autorité des représentants du pouvoir central. Les provinces, application du tanzimat en Bosnie; Syrie, résistance armée des Druses, le brigandage en Asie minearę. Egypte. Question du tanzimat, résistances d'AbbasPacha, acceptation et soumission; le chemin de fer de Suez, l'autorisation préalable, fermeté du Divan, l'autorisation demandée et accordée; la diseite et le mécontentement des fellahs; modifications dans l'administration GRÈCE. Situation précaire du royaume, anarchie intérieure, pression des influences rivales, lord Palmerston et la Russie. — Constitution définitive de l'église nationale, le tomos et l'anti-tomos. Question de la succession au trône, convention de Londres, difficultés réservées par la maison de Bavière. Convention postale avec l'Autriche. Situation intérieure, le brigandage, un complot contre la sûreté de l'Etat, la disette, accroissement des charges, diminution des revenus; budgets de 1852 et de 1853; travaux judiciaires composition du cabinet.

TURQUIE.

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L'empire Ottoman montrait, au commencement de l'année, tous les symptômes d'une crise intérieure à laquelle de nombreuses complications extérieures allaient donner bientôt des pro

portions redoutables, Ses relations avec l'Autriche étaient compromises par la mise en liberté des réfugiés hongrois interrés à Kutaya; ses différends avec l'Égypte n'étaient pas encore aplanis; sa situation financière donnait de graves inquiétudes; la tranquillité de la Moldavie et de la Valachie était assez précaire. Encore quelques mois, et l'orage s'étendait de toutes parts: c'étaient à tous les points de l'horizon des difficultés menaçantes. Ici, la question de succession au trône de la Grèce, là, l'hérédité réclamée par la France au profit de la famille du Bey de Tunis, tandis que la Porte prétendait reprendre la régence comme pachalik ; l'emprunt ture non reconnu et la défense d'introduire les monnaies étrangères montraient à quel empirisme financier le gouvernement persistait à se condamner; l'interdiction de la navigation étrangère dans les eaux du Bosphore et sur le littoral ottoman allait montrer une fois de plus et l'esprit d'exclusion des musulmans, et la faiblesse du Divan en présence des influences souvent contradictoires des nations'étrangères; la guerre de Syrie dévoilait sa faiblesse intérieure, tandis que la persécution des chrétiens de Bosnie, exploitée et envenimée encore par les intrigues autrichiennes, faisait éclater cette intolérance qui s'accroît avec la distance qui sépare de Constantinople les représentants de l'autorité; enfin, l'affaire du règlement de la frontière turcopersane, la querelle du Montenegro, les discussions élevées entre la Porte et l'Autriche, au sujet de points contestés sur le littoral, et par dessus tout la question des Lieux-Saints semblaient autant de causes possibles de guerre prochaine.

La question des Lieux-Saints n'était au fond qu'une lutte d'influence entre le catholicisme, représenté par la France, et le schisme grec soutenu dans ses prétentions par la Russie. On sait que par les capitulations conclues avec la France, en 1675 et en 1740, la Porte s'est engagée à conserver aux catholiques les lieux de visitation de la Terre-Sainte. Les sanctuaires ou LieuxSaints, comme on les appelle, étaient dans les mains des catholiques depuis un temps presque immémorial; les titres de cette possession remontent jusqu'aux premiers soudans d'Egypte, c'est-à-dire à plusieurs siècles même avant la conquête de Jérusalem par les Ottomans. Le sultan Sélim, quand il se rendit maî

tre de la Palestine, confirma les religieux francs, par plusieurs firmans, dans tous leurs droits et leurs possessions. Mais lors même que ces droits ne dateraient que de l'époque des capitulations, ils seraient devenus inviolables dès que le gouvernement ottoman, non-seulement les avait reconnus, mais encore s'était engagé à les faire respecter.

Malgré cette possession établie et par les siècles et par les traités, il est arrivé que les Grecs et les Arméniens ont, par un système continu d'empiétements, et à la faveur de leur nombre et de la protection russe, usurpé une grande partie des principaux sanctuaires, et que le gouvernement ottoman a favorisé ces usurpations en les autorisant par des firmans ou simplement en les laissant s'accomplir sans obstacles. C'est surtout après l'incendie de 1808, qui dévora en partie l'église du Saint-Sépulcre, qu'eurent lieu ces usurpations; au reste, elles ne vont pas jusqu'à la possession exclusive, mais elles s'arrêtent à l'entretien qui constate le droit de possession.

En tout temps et en toute circonstance, le gouvernement français avait fait adresser, par ses ambassadeurs, des protestations contre ces usurpations, et jamais il n'avait laissé prescrire les droits reconnus aux catholiques par les traités. En 1850, des réclamations nouvelles furent présentées par le ministre de France à Constantinople. A cette revendication par M. le général Aupick des priviléges des Latins, le gouvenement ottoman répondit qu'il consentait bien à ce qu'on prît les capitulations pour base des négociations, qu'il reconnaissait la validité d'un document invoqué, le hatti-chérif d'Achmet ordonnant, en 1690, la restitution aux catholiques des sanctuaires usurpés par les Grecs; mais qu'il désirait en même temps que toutes les décisions judiciaires qui avaient eu lieu depuis fussent également prises en considération.

Accepter une telle condition, c'eût été sanctionner toutes les usurpations commises, c'eût été renoncer aux droits qui reposent précisément sur les traités. En demandant qu'une enquête fût faite pour déterminer quels étaient les sanctuaires qui appartenaient aux catholiques à l'époque des capitulations, le gouvernement français ne voulait que prouver le fait de la possession, mais il n'abandonnait aucunement le droit établi ou consacré

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